CA POITIERS (2e ch. civ.), 17 avril 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3772
CA POITIERS (2e ch. civ.), 17 avril 2012 : RG n° 11/03981 ; arrêt n° 12-294
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La clause de déchéance du terme ne saurait être considérée comme une clause abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dès lors qu'elle n'aboutit pas à « réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée... », ni à « reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat sans reconnaître le même droit au non professionnel ou au consommateur » puisqu'elle joue, non pas à la discrétion du prêteur, mais dès lors que l'emprunteur ne respecte pas, lui-même, ses obligations contractuelles ; qu'au surplus il est quelque peu paradoxal de demander à la cour de juger « que le contrat est maintenu en toutes ses stipulations » (conclusions, page 4), tout en demandant d'écarter celles relatives à la déchéance du terme ».
2/ « Attendu, en ce qui concerne les intérêts, que, contrairement à ce que prétendent MM. X., l'offre préalable produite par l'intimée n'est pas dépourvue de force probante dès lors : - que MM. X. ont expressément reconnu être en possession d'un exemplaire des conditions particulières et générales de l'acte et en avoir pris connaissance, - que cette mention pré-imprimée, qui précède leur signature, constitue une présomption simple de remise de l'exemplaire destiné à chacun des emprunteurs, et, donc, de l'existence de trois exemplaires, - que cette présomption n'est en l'espèce combattue par aucune preuve contraire, MM. X. ne justifiant d'aucune réserve et/ou réclamation, alors que le contrat a été exécuté partiellement, - que la clause ne constitue pas une « clause de style » sans portée, mais une clause ayant la même valeur ou force probante que les autres clauses, - que la clause ne constitue pas une clause abusive au sens de l'article R. 132-1 (12°) du Code de la consommation dès lors qu'elle n'a pas pour effet une inversion de la charge d'une preuve incombant normalement à l'autre partie au contrat, mais constitue une présomption simple au profit du prêteur, que l'emprunteur peut refuser ou combattre si elle ne correspond pas à la réalité ; Attendu, dès lors, que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est pas encourue ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 AVRIL 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/03981. Arrêt n° 12-294. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 24 juin 2011 rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES.
APPELANTS :
Monsieur Jacques X.
né le [date] à [ville]
Monsieur Fabrice X.
né le [date] à [ville]
ayant pour avocat postulant la SCP MUSEREAU François MAZAUDON Bruno PROVOST-CUIF Stéphanie, avocats au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant la SELARL PAILLET-BABERT, avocats au barreau de LA ROCHELLE,
INTIMÉE :
SA CA CONSUMER FINANCE
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant pour avocat postulant la SCP GALLET - ALLERIT, avocats au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant la SCP PIELBERG - KOLENC, avocats au barreau de POITIERS,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 910 alinéa 1, 785 et 786 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2012, en audience publique, devant Monsieur Jean CHAPRON, Président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean CHAPRON, Président, Madame Nathalie PIGNON, Conseiller, Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Jean CHAPRON, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du 24 juin 2011 du tribunal d'instance de SAINTES ayant notamment, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné solidairement MM. Jacques et Fabrice X. à payer à la société CA CONSUMER FINANCE (aux droits de la société SOFINCO) la somme de 35.338,25 euros avec les intérêts au taux de 6,70 % sur la somme de 30.058,42 euros à compter du 26 juin 2010 et au taux légal sur celle de 5.188,93 euros à compter du 9 septembre 2010, reporté à un an le paiement et débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
Vu l'appel interjeté le 31 août 2011 par MM. X. ;
Vu les dernières conclusions du 16 février 2012 de MM. X. faisant valoir « la disproportion de la déchéance du terme », celle-ci n'étant qu'une « variété de rupture unilatérale du contrat » et une « variété de résolution du contrat pour inexécution fautive », l'application de la clause de déchéance du terme devant être qualifiée « de rupture unilatérale du contrat à durée déterminée, par application de la jurisprudence développée à la lumière du droit commun des contrats » et considérée comme « illégitime » en l'absence de « comportement fautif » des emprunteurs et de respect d'un préavis de nature à leur permettre de saisir le juge d'une demande de délai de grâce, ce qui devait conduire la cour à dire que « le contrat est maintenu en toutes ses stipulations », que l'offre préalable de crédit versée aux débats par la société CA CONSUMER FINANCE était « dépourvue de force probante » pour n'avoir pas été rédigée en autant d'originaux que de parties, que « l'intérêt convenu » n'est pas « démontré juridiquement » et que, donc, seul le remboursement du capital pouvait être réclamé, à l'exclusion des « intérêts rémunératoires », la clause du contrat relative à la remise d'un exemplaire de celui-ci aux emprunteurs n'étant qu'une clause de style, présumée abusive de manière irréfragable dès lors qu'elle avait pour effet d'inverser la charge de la preuve, que les intérêts de retard ne pouvaient courir à compter de la mise en demeure et que l'indemnité devait être écartée ou réduite à un euros et demandant à la cour, à titre principal, de dire que la déchéance du terme n'était pas acquise, que la société CA CONSUMER FINANCE ne pouvait se prétendre créancière d'une somme supérieure à 28.512,46 euros, de dire que les intérêts payés produiront eux-mêmes intérêts et seront capitalisés, de leur accorder un moratoire jusqu'au 10 juin 2012, date à partir de laquelle sera repris le « remboursement du crédit conformément au tableau d'amortissement convenu entre les parties », le remboursement étant limité au capital et les intérêts payés devant être déduits, et, subsidiairement, de réduire l'indemnité à 1 euro, de leur accorder un délai de deux ans pour payer, la société CA CONSUMER FINANCE devant être condamnée à leur payer la somme de 2.000 euros le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions du 10 janvier 2012 de la société CA CONSUMER FINANCE soutenant que la déchéance du terme avait été régulièrement prononcée conformément au contrat, que la déchéance du droits aux intérêts contractuels n'était pas encourue, que les mises en demeure avaient été reçues, que « l'indemnité légale » n'était pas manifestement excessive et que MM. X. ne justifiaient pas de leur situation et demandant la confirmation du jugement, sauf quant au délai accordé, et la condamnation de MM. X. à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 février 2012 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu que, selon acte sous seing privé avec acceptation en date du 17 janvier 2007, la société SOFINCO, aux droits de laquelle se trouve la société CA CONSUMER FINANCE, a consenti à MM. X. un crédit d'un montant de 76.140 euros destiné à financer l'achat d'un camping-car, au taux de 6,70 % (TEG de 7,108 %), remboursable en 144 mensualités de 842,68 euros ; que les échéances convenues n'ayant pas été respectées, le prêteur a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure les emprunteurs de payer le solde restant dû ; que le véhicule a été restitué et revendu moyennant le prix de 35.500 euros, qui a été déduit de la créance ; que, sur assignation en paiement, le tribunal a rendu le jugement attaqué ;
Attendu que, contrairement à ce que prétendent MM. X., il n'existe aucune « disproportion de la déchéance du terme », ni une faute à avoir prononcé celle-ci dès lors :
- que le contrat, relevant en l'espèce de la liberté contractuelle, pouvait prévoir une clause de déchéance du terme, les parties n'étant pas tenues de ne rien stipuler à cet égard et de s'en remettre aux dispositions du Code civil sur la résiliation unilatérale du contrat pour faute de l'autre cocontractant,
- que la société SOFINCO n'a pas commis de faute en appliquant une stipulation contractuelle librement consentie,
- que le fait de prévoir la possibilité de prononcer la déchéance du terme en cas de non paiement d'une seule des échéances convenue (article IV du Contrat) ne saurait constituer un acte « illégitime » dès lors qu'une telle faculté est à libre disposition des parties,
- que la déchéance du terme ne prive pas le débiteur de la possibilité de demander des délais de paiement ou un report de l'exigibilité de la dette dans les conditions de droit commun du Code civil, ce qui est d'ailleurs le cas en l'espèce,
- qu'en l'espèce le délai a été de deux mois,
- qu'il ne s'agit pas, pour le juge, de rechercher si le non paiement de deux échéances constitue ou non un « faible impayé » non susceptible de constituer « un comportement fautif d'une suffisante gravité pour procéder unilatéralement à la déchéance du terme », mais d'appliquer les stipulations contractuelles, de sorte que la clause ne saurait être « paralysée » (conclusions, page 5, al. 2),
- que la clause de déchéance du terme ne saurait être considérée comme une clause abusive au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dès lors qu'elle n'aboutit pas à « réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée... », ni à « reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat sans reconnaître le même droit au non professionnel ou au consommateur » puisqu'elle joue, non pas à la discrétion du prêteur, mais dès lors que l'emprunteur ne respecte pas, lui-même, ses obligations contractuelles,
- qu'au surplus il est quelque peu paradoxal de demander à la cour de juger « que le contrat est maintenu en toutes ses stipulations » (conclusions, page 4), tout en demandant d'écarter celles relatives à la déchéance du terme ;
Attendu, dans ces conditions, que la demande tendant à écarter la déchéance du terme et à la « reprise » du remboursement du crédit doit être rejetée ;
Attendu, en ce qui concerne les intérêts, que, contrairement à ce que prétendent MM. X., l'offre préalable produite par l'intimée n'est pas dépourvue de force probante dès lors :
- que MM. X. ont expressément reconnu être en possession d'un exemplaire des conditions particulières et générales de l'acte et en avoir pris connaissance,
- que cette mention pré-imprimée, qui précède leur signature, constitue une présomption simple de remise de l'exemplaire destiné à chacun des emprunteurs, et, donc, de l'existence de trois exemplaires,
- que cette présomption n'est en l'espèce combattue par aucune preuve contraire, MM. X. ne justifiant d'aucune réserve et/ou réclamation, alors que le contrat a été exécuté partiellement,
- que la clause ne constitue pas une « clause de style » sans portée, mais une clause ayant la même valeur ou force probante que les autres clauses,
- que la clause ne constitue pas une clause abusive au sens de l'article R. 132-1 (12°) du Code de la consommation dès lors qu'elle n'a pas pour effet une inversion de la charge d'une preuve incombant normalement à l'autre partie au contrat, mais constitue une présomption simple au profit du prêteur, que l'emprunteur peut refuser ou combattre si elle ne correspond pas à la réalité ;
Attendu, dès lors, que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est pas encourue ;
Attendu qu'en l'absence de déchéance du droit aux intérêts contractuels, la demande du chef d'éventuels intérêts au taux légal est sans objet ;
Attendu, sur l'indemnité de résiliation, que celle réclamée de 8.188,93 euros apparaît, compte tenu du taux des intérêts, des sommes versées en exécution du contrat et des sommes à percevoir du fait de la déchéance du terme, manifestement excessive par rapport au préjudice causé à la société CA CONSUMER FINANCE par la résiliation du contrat ; qu'en application des dispositions de l'article 1152 du Code civil, elle sera réduite à la somme de 2.000 euros ;
Attendu, pour le surplus, que les sommes retenues par le premier juge ne sont pas contestées ;
Attendu, sur les délais de paiement, que MM. X. ne formulent pas d'offre de paiement échelonné, mais proposent de reprendre les paiements à compter de juin 2012 ; que la dette est ancienne puisque remontant à près de deux ans ; que, dans ces conditions, le jugement sera confirmé quant au report de l'exigibilité de la dette à un an ;
Attendu que MM. X., qui succombent pour l'essentiel, seront condamnés à payer à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel et aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité, ramené à 2.000 euros (au lieu de 5.188,93 euros), la somme totale mise à la charge de MM. X. solidairement étant de 32.149,32 euros, (outre intérêts dans les conditions du jugement) ;
Y ajoutant,
Rejette le surplus des demandes des parties ;
Condamne solidairement MM. Jacques et Fabrice X. à payer à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 600 euros en application, en appel, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne solidairement MM. Jacques et Fabrice X. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6141 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Renversement de la charge de la preuve
- 6142 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Encadrement des modes de preuve
- 6621 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Présentation générale