TGI MONTLUCON, 1er février 1991
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 383
TGI MONTLUCON, 1er février 1991 : RG n° 190/90 ; jugement n° 37
(sur appel CA Riom (3e ch.), 18 mars 1992 : RG n° 940/91)
Extrait : « Attendu que le régime institué par la loi du 22 décembre 1972 tend à la protection du contractant sollicité à domicile notamment dans le cas de vente de prestation de service, en tant que consommateur présumé inexpérimenté ; Attendu que M. X. a été sollicité en l’espèce à son domicile en vue de la signature d’un contrat de fourniture de prestations de services ; que celles-ci consistaient en l’assistance d’un cabinet d’expertise spécialisé dans le cadre de l’expertise amiable préalable à l’indemnisation de sinistre par sa compagnie d’assurances ; Attendu que ce contrat relatif à l’expertise du sinistre échappait au domaine de compétence professionnelle habituelle de M. X. qui exerce l’activité d’agriculteur ; que ledit contrat doit donc être soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTLUÇON
JUGEMENT DU 1er FÉVRIER 1991
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 190/90. Arrêt n° 37.
DEMANDEUR :
Société Anonyme EXPERTISE GALTIER
Siège social [adresse], Représentée par Maître SOUTHON Bernard, Avocat au Barreau de MONTLUCON, postulant, Maître CLERC, Avocat au Barreau de LIMOGES, plaidant
DÉFENDEUR :
M. X.
Demeurant [adresse], Représenté par Maître DALLANT, Avocat au Barreau de MONTLUCON, postulant, Maître PAILLONCY, Avocat au Barreau de CLERMONT-FERRAND, plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE UNIQUE Président : Mademoiselle LAFON siégeant en qualité de Juge Unique conformément aux articles 801 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile.
GREFFIER : Madame BRUNET.
MINISTÈRE PUBLIC : Représenté aux débats par Monsieur CRUZ.
DÉBATS : L’affaire, appelée à l’audience publique du 11 janvier 1991, le Tribunal, OUÏ les représentants des parties en leurs conclusions, explications et plaidoiries ainsi que le ministère public en ses réquisitions, a été mise en délibéré ;
Et à l’audience publique du PREMIER FÉVRIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT ONZE à laquelle Mademoiselle LAFON a lu le dispositif a été rendue la décision dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Le 17 septembre 1986 divers bâtiments de l’exploitation agricole de M. X. ont été détruits par un incendie ;
Ce dernier a réalisé une déclaration de sinistre auprès de sa Compagnie d’Assurances les Mutuelles de l’Allier ;
Aux termes d’un contrat en date du 18 septembre 1986 M. X. a sollicité le concours de la Société Anonyme Expertise GALTIER afin de le représenter à l’occasion de l’expertise amiable et contradictoire diligentée en exécution des clauses de la police d’assurances ;
L’expertise s’est déroulée le 19 novembre 1986 en présence de M. X. assisté du cabinet GALTIER ;
Par courrier du 1er décembre 1986 le Cabinet GALTIER a adressé le détail du règlement des indemnités d’assurances à M. X. ;
M. X. par courrier en date du 9 décembre 1986 remettait en cause l’exécution du contrat le liant au Cabinet GALTIER en invoquant sa nullité par suite du non respect des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ;
Il refusait de régler le montant des honoraires dont le paiement lui était réclamé par l’envoi de multiples courriers, puis par deux mises en demeure du 7 janvier 1988 et du 29 mars 1988 ;
Par acte en date du 15 février 1990, la Société Anonyme Expertise GALTIER a assigné M. X. devant le Tribunal de Grande Instance de MONTLUÇON afin de l’entendre condamner au paiement de la somme de 70.078,37 Francs au titre d’honoraires, de 15.000 Francs à titre de dommages et intérêts et de 6.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La Société Cabinet GALTIER soutient que M. X. ne démontre pas que l’acte sous-seing privé du 18 septembre 1986 ne corresponde pas aux prescriptions d’ordre public de la loi du 22 décembre 1972. Elle estime qu’en toute hypothèse les dispositions de la loi du 10 janvier 1972 ne sont sanctionnées que par des nullités relatives qui peuvent être confirmées dès lors que M. X. a confirmé de manière non équivoque sa commande en régularisant le 19 novembre 1986 deux ordres de mission aux fins de désignation d’expert pour l’estimation de ses dommages. Il soutient que ces deux documents établis plus de deux mois après la signature du contrat initial témoignent bien des relations continues qu’il a entretenu à cette époque avec elle. Il considère que M. X. fait preuve de mauvaise foi en prétendant qu’il a effectué une confusion entre le représentant de la Mutuelle de l’Allier et celui de la Société Cabine GALTIER ;
[minute page 3] Il indique en outre que sa créance est incontestable dès lors qu’il a accompli l’intégralité de la mission qui lui a été confiée ;
M. X. indique préalablement que lors de la signature de l’acte sous-seing privé du 18 septembre 1986 il a pensé que le représentant du Cabinet GALTIER qui accompagnait son assureur était mandaté par ce dernier. Il souligne que le nom de M. Y. Agent d’assurances apparaît d’ailleurs en tant qu’intermédiaire sur ledit contrat ;
Il invoque le fait que le contrat du 18 septembre 1986 est soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile. Il prétend néanmoins qu’il ne porte pas les mentions obligatoires prévues par l’article 2 de la loi et notamment la faculté de renonciation. Il précise en outre qu’il est curieux de constater que l’exemplaire du contrat détenu par le Cabinet GALTIER est plus complet que le sien. Il sollicite donc que soit prononcée la nullité du contrat.
Il considère enfin que le Cabinet GALTIER n’a rempli que partiellement la mission qui lui été confiée au titre du conseil et de l’assistance et qu’en tout état de cause, aux termes de la rémunération arrêtée suivant le barème contractuel, le Cabinet GALTIER ne peut réclamer une somme supérieure à 46.900 Francs. Il sollicite donc le rejet pur et simple des prétentions de la Société Cabinet GALTIER et reconventionnellement l’allocation d’une somme de 20.000 Francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
La procédure a été clôturée par une ordonnance du Juge de la Mise en état en date du 10 janvier 1991.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Attendu que le régime institué par la loi du 22 décembre 1972 tend à la protection du contractant sollicité à domicile notamment dans le cas de vente de prestation de service, en tant que consommateur présumé inexpérimenté ;
Attendu que M. X. a été sollicité en l’espèce à son domicile en vue de la signature d’un contrat de fourniture de prestations de services ; que celles-ci consistaient en l’assistance d’un cabinet d’expertise spécialisé dans le cadre de l’expertise amiable préalable à l’indemnisation de sinistre par sa compagnie d’assurances ;
Attendu que ce contrat relatif à l’expertise du sinistre échappait au domaine de compétence professionnelle habituelle de M. X. qui exerce l’activité d’agriculteur ; que ledit contrat doit donc être soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ;
[minute page 4] Attendu en conséquence que ce contrat devait obéir aux exigences de forme prévues à peine de nullité par les dispositions de l’article 2 de la loi du 22 décret 1972 ; qu’il devait notamment comporter un formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l’article 3 du même texte ainsi que la mention même de cette faculté de renonciation et de ses conditions d’exercice ;
Attendu qu’en l’espèce l’examen des exemplaires du contrat produits par chacune des parties révèle qu’il n’est aucunement fait mention de la faculté de renonciation et de ses modalités ; qu’au surplus ces derniers sont dépourvus de formulaire détachable destiné favoriser l’exercice de la faculté de renonciation ;
Attendu que l’absence de respect du formalisme prévu par l’article 2 de la loi du 22 décembre a privé M. X. de toute information sur la faculté de renonciation qui lui était ouverte ;
Attendu que la signature par M. X. des deux ordres de mission en date du 19 octobre 1986 établis aux fins de désignation d’expert ne peut être assimilée à un comportement non équivoque de réitération de la commande susceptible de couvrir l’irrégularité de formalisme précitée dès lors qu’il n’est pas établi qu’à l’époque il avait été informé de la faculté de renonciation qui lui était initialement ouverte ;
Attendu en conséquence que la violation des prescriptions de l’article 2 de la loi du 22 décembre 1972 affectant le contrat du 18 septembre 1986 entraîne sa nullité sans que le souscripteur ait d’ailleurs à rapporter la preuve d’un grief ;
Attendu que la nullité du contrat prive ce dernier de tout effet juridique ; qu’il convient donc de rejeter purement et simplement la demande présentée par la Société Anonyme expertise GALTIER.
Attendu en revanche qu’il apparaît inéquitable de laisser à la charge du défendeur l’intégralité des frais non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 4.000 Francs
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi en premier ressort ;
Prononce la nullité de l’acte sous-seing privé du 18 septembre 1986 ;
Rejette les demandes présentées par la Société Anonyme Expertise GALTIER ;
Condamne la Société Anonyme Expertise GALTIER à porter et payer à M. X. la somme de 4.000 Francs ;
[minute page 5] Condamne la Société Anonyme Expertise GALTIER aux dépens et en accorde distraction à Maître DALLANT avocat, sur son affirmation qu’il en a fait l’avance ;
Ainsi fait et jugé les jour mois et an susdits. La présente décision a été signée par Mademoiselle LAFON Président et Madame BRUNET Greffier.
L. BRUNET. M.P. LAFON.
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