CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA NANCY (1re ch. civ.), 30 avril 2012

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (1re ch. civ.), 30 avril 2012
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 1re ch. civ.
Demande : 10/01953
Décision : 1185/2012
Date : 30/04/2012
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/07/2009
Numéro de la décision : 1185
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 3849

CA NANCY (1re ch. civ.), 30 avril 2012 : RG n° 10/01953 ; arrêt n° 1185/2012

Publication : Jurica

 

Extrait : « Dans sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, applicable aux faits de la cause, l'article L. 132-1 du Code de la consommation disposait en son premier alinéa que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Et le sixième alinéa du même article disposait que l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.

S'agissant du risque incapacité temporaire totale, la police institue un délai de carence de 90 jours. L'appelante n'indique pas en quoi cette clause serait à l'origine d'un déséquilibre significatif entre des droits et obligations des parties. Elle ne saurait dès lors, un tel déséquilibre n'étant pas caractérisé, être réputée non écrite. Par ailleurs, l'expert judiciaire est formel pour dire qu'en dehors des périodes telles que détaillées ci-dessous, pour lesquelles l'assureur a appliqué la garantie ITT, Mme X., si son état de santé ne lui permettait effectivement plus d'exercer son activité antérieure d'exploitante de bar-tabac, ne l'empêchait pas de se livrer à une autre activité professionnelle : […] ;

S'agissant de la garantie invalidité permanente absolue, l'appelante entend faire porter l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause qu'elle critique sur la définition même de la garantie en cause, ce qu'interdit le texte susvisé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 AVRIL 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/01953. Arrêt n° 1185/2012. Décision déférée à la Cour : Déclaration d'appel en date du 5 juillet 2010 d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de VERDUN, R.G.n° 07/00761, en date du 20 mai 2010,

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date], demeurant [adresse], Représentée par la SCP M.-L. ET F., avocats au barreau de NANCY, précédemment constitués en qualité d'avoués, plaidant par Maître Jean-Jacques L., avocat au barreau de MEUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

 

INTIMÉE :

SA CNP ASSURANCES

RCS PARIS sous le N° 341 XX, dont le siège est [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège, Représentée par la SCP L. W. M., avocats au barreau de NANCY, précédemment constitués en qualité d'avoués, plaidant par Maître L. (SCP D. & ASSOCIES), avocats au barreau de MEUSE,

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 mars 2012, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, entendu en son rapport, Madame Joëlle ROUBERTOU, Conseiller, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame DEANA ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au Greffe le 30 avril 2012, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 30 avril 2012, par Madame DEANA, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Madame DEANA, Greffier ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte introductif d'instance du 7 novembre 2007, Mme X. a fait assigner la société CNP Assurances devant le tribunal de grande instance de Verdun en exposant qu'à l'occasion de la souscription, le 1er juillet 1995, d'un prêt de 270.000 francs remboursable sur 15 années, elle a adhéré à l'assurance groupe souscrite auprès de cet assureur par le prêteur, le Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, les garanties souscrites couvrant notamment l'invalidité permanente et absolue ainsi que l'incapacité temporaire totale.

La demanderesse exposait avoir été victime, le 7 septembre 1998, d'un accident de la circulation ayant entraîné un traumatisme crânien et diverses fractures et lésions qui ont imposé une immobilisation pendant deux années. Elle ajoutait avoir subi une fracture de l'épaule gauche provoquée par une chute le 15 février 2001. Elle faisait encore état de l'ablation de la glande thyroïde le 4 janvier 2002, suite à la révélation d'une affection cancéreuse, de sorte qu'elle bénéficiait de la part de son organisme de sécurité sociale, du versement d'une pension d'invalidité totale.

Faisant valoir qu'en dépit de ces circonstances, la société CNP Assurances a refusé d'appliquer les garanties incapacité totale et invalidité permanente, au motif que son médecin conseil l'avait déclarée apte à reprendre une activité professionnelle autre que celle qui était la sienne au préalable, Mme X. concluait à la condamnation de la société CNP Assurances à la prise en charge des mensualités d'emprunt échues depuis le 30 mai 2003, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement avant dire droit du 19 février 2009 le tribunal a ordonné une expertise médicale qui a donné lieu au dépôt d'un rapport le 3 juin 2009.

Puis, par jugement du 20 mai 2010, le tribunal a débouté Mme X. de la totalité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société CNP Assurances une somme de 800 euros au titre des frais de défense non compris dans les dépens.

Pour se prononcer ainsi, le tribunal a constaté que Mme X. ne rapporte pas la preuve de l'existence du contrat dont elle réclame l'application, la police d'assurance et les documents bancaires qu'elle produit se rapportant à un prêt de 50.000 francs. A titre surabondant, le tribunal estimé, qu'en sollicitant la prise en charge par l'assureur de toutes les échéances postérieures au 30 mai 2003, la demanderesse prétend nécessairement à l'application de la garantie invalidité permanente absolue et définitive, que la police définit comme étant l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation ou à toute activité rémunérée ou procurant gain ou profit, mettant définitivement dans l'obligation de recourir de façon constante à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie, survenant avant l'âge limite de 65 ans. Puis, le tribunal a constaté que les pièces médicales produites et le rapport de l'expert sont concordants pour établir que les conditions de cette garantie ne sont pas remplies en considération de l'état de Mme X. Il a encore écarté la demande subsidiaire de cette dernière, tendant à l'application de la garantie incapacité temporaire entre le 15 avril et le 15 juillet 2004, constatant, qu'à l'exception de deux jours, la prétention se heurte au délai contractuel de carence de 90 jours.

Mme X. a interjeté appel par déclaration du 5 juillet 2010.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 novembre 2011, Mme X. demande à la cour, par voie de réformation du jugement déféré, de réputer non écrites les clauses restrictives s'agissant de la définition de l'incapacité temporaire et de l'invalidité permanente, et de dire que la société CNP Assurances devra prendre en charge le paiement des mensualités de prêt échues postérieurement au 30 mai 2003, ceci au titre de la garantie incapacité temporaire totale jusqu'au jour de la reconnaissance de l'état d'invalidité, et au titre de la garantie invalidité absolue et définitive pour la période postérieure. Elle réclame une somme de 2.500 euros au titre des frais de défense non compris dans les dépens. Subsidiairement, elle sollicite l'organisation d'une nouvelle expertise.

L'appelante fait valoir que sous le n° 23 de son bordereau des pièces, elle produit l'adhésion en date du 1er juillet 1995, au contrat de groupe pour le prêt de 270.000 euros. Elle conteste les conclusions de l'expert judiciaire en rappelant toutes les pathologies dont elle est atteinte, et se référant à l'article 246 du Code de procédure civile, aux termes duquel le juge n'est pas lié par l'avis de l'expert. Elle estime que le taux d'incapacité de 26 % que lui reconnaît l'expert, prouve bien qu'elle se trouve placée dans l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle quelconque. Mme X. soutient par ailleurs que doivent être déclarées abusives, par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, comme conférant à l'assureur un avantage excessif, la clause instituant, pour la garantie incapacité temporaire, un délai de carence de 90 jours, ainsi que celle qui, pour l'application de la garantie invalidité, exige que le bénéficiaire se trouve quasiment dans un état végétatif. Elle soutient encore que le caractère restrictif de la définition des garanties en fait une exclusion générale illicite.

Par ses écritures dernières, notifiées et déposées le 28 juillet 2011, la société CNP Assurances conclut à la confirmation du jugement et réclame une somme supplémentaire de 1.500 euros en remboursement des frais irrépétibles exposés pour sa défense en appel.

L'intimée, après avoir précisé que l'adhésion de Mme X. à l'assurance groupe remonte au 5 juillet 1995, réplique qu'à la lecture des clauses de la police relatives à la définition des garanties et à la détermination du délai de carence, il est certain que l'appelante ne saurait prétendre à l'application des garanties, dès lors que même en tenant compte du taux d'incapacité permanente retenue par l'expert, soit 26 %, il est avéré que Mme X. est en mesure de travailler, quand bien même ce ne serait pas dans le même emploi que précédemment. Elle rétorque que ces clauses claires et précises sont valables, dès lors que le paiement des primes a pour contrepartie des risques réels, ajoutant que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ne permettent pas de remettre en cause la garantie qui constitue l'objet principal de la police d'assurance.

L'instruction a été déclarée close le 1er mars 2012.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 221 [N.B. ou 22 1, compte tenu de la numérotation visée ci-dessous] des conditions générales de la police d'assurance définit comme suit le risque invalidité permanente absolu (IPA) garanti par le contrat :

« Un assuré est en état D'IPA lorsque les trois conditions suivantes sont remplies cumulativement 

1° l'invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,

2° elle le met définitivement dans l'obligation de recourir de façon constante à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer),

3° la date de survenance du risque reconnue par l'assureur se situe avant l'âge limite de couverture stipulée aux conditions particulières ».

L'article 24 1 des conditions générales définit quant à lui comme suit le risque incapacité temporaire totale :

« L'assuré est en état d'ITT lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité, appelée délai de carence, il se trouve dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle ou dans l'impossibilité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque, même à temps partiel, à la suite d'un accident ou d'une maladie ».

Dans sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, applicable aux faits de la cause, l'article L. 132-1 du Code de la consommation disposait en son premier alinéa que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Et le sixième alinéa du même article disposait que l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.

S'agissant du risque incapacité temporaire totale, la police institue un délai de carence de 90 jours. L'appelante n'indique pas en quoi cette clause serait à l'origine d'un déséquilibre significatif entre des droits et obligations des parties. Elle ne saurait dès lors, un tel déséquilibre n'étant pas caractérisé, être réputée non écrite. Par ailleurs, l'expert judiciaire est formel pour dire qu'en dehors des périodes telles que détaillées ci-dessous, pour lesquelles l'assureur a appliqué la garantie ITT, Mme X., si son état de santé ne lui permettait effectivement plus d'exercer son activité antérieure d'exploitante de bar-tabac, ne l'empêchait pas de se livrer à une autre activité professionnelle :

- du 7 septembre 1998 au 7 mars 1999 pour l'accident sur la voie publique,

- du 15 février 2001 eu 31 juillet 2002 pour la fracture de l'humérus,

- du 4 janvier 2002 au 4 juillet 2002 pour l'affection cancéreuse,

- du 15 avril 2004 au 15 juillet 2004 pour le syndrome dépressif.

S'agissant de la garantie invalidité permanente absolue, l'appelante entend faire porter l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause qu'elle critique sur la définition même de la garantie en cause, ce qu'interdit le texte susvisé.

Et dès lors qu'il a déjà été constaté que l'état de santé de Mme X. ne la place pas dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation ou activité rémunérée donnant gain ou profit, et que par ailleurs son état ne nécessite par l'assistance d'une tierce personne pour tous les actes de la vie courante, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de toutes ses demandes.

Succombant en son recours, comme telle tenue aux dépens, Mme X., par application de l'article 700 du Code de procédure civile, sera condamnée à indemniser la société CNP Assurances par une somme supplémentaire de 500 euros de ses frais irrépétibles de défense en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne Mme X. à payer à la société CNP Assurances une somme de CINQ CENTS EUROS (500 euros) au titre des frais de défense non compris dans les dépens d'appel ;

Condamne Mme X. aux dépens de l'instance d'appel et accorde à l'avocat postulant de l'intimée un droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par Monsieur DORY, Président de la première Chambre Civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame DEANA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. DEANA.-              Signé : G. DORY.-

Minute en six pages.