CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 25 mai 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3869
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 25 mai 2012 : RG n° 11/10313 ; arrêt n° 178
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Mais considérant que les règles protectrices édictées par le code de la consommation, en matière de démarchage ou de clauses abusives, ne sont pas applicables aux contrats ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale, selon son article L. 121-22 4° ;
Considérant qu'en l'espèce la convention conclue est un contrat de location financière ; qu'il traduit un choix de gestion de la part du preneur pour financer un bien qu'il estime nécessaire à son exploitation ; Que le droit de la consommation ne saurait donc utilement être invoqué par Mme Y. au soutien de sa demande d'annulation du contrat ».
2/ « Considérant que ces clauses avertissent clairement le locataire qu'après mise à disposition du matériel choisi par ses soins, il ne pourra se prévaloir d'éventuels manquements du prestataire à l'encontre du bailleur ; Et que cette absence de recours trouve sa contrepartie dans le mandat qui lui est donné d'agir en garantie contre le prestataire par l'article 6.3 aux termes duquel : « Pendant toute la durée de la location, le locataire exerce en vertu d'une stipulation pour autrui expresse, tous droits et actions en garantie du bien loué vis à vis du fournisseur » ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 25 MAI 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/10313. Arrêt n°178 (6 pages). Décision déférée à la Cour : jugement du 4 mai 2011 - Tribunal de commerce de PARIS (19e chambre) : RG n°2011/001905.
APPELANTE :
SAS PARFIP FRANCE,
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé, représentée par la SCP C. BOMMART-FORSTER - E. FROMANTIN (Maître Edmond FROMANTIN), avocat au barreau de PARIS, toque J 151, assistée de Maître Valérie YON plaidant pour la SCP GAZAGNE - YON, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉE :
Mme X. épouse Y., exerçant sous le nom commercial Le M.,
représentée par Maître Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque D 0675, assistée de Maître Charles FONTAINE plaidant pour la SCP FONTAINE - FLOUTIER ASSOCIES, avocat au barreau de NÎMES, toque C 103
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Renaud BOULY de LESDAIN, Président, en présence de Françoise CHANDELON, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Renaud BOULY de LESDAIN et Françoise CHANDELON ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Renaud BOULY de LESDAIN, Président, Bernard SCHNEIDER, Conseiller, Françoise CHANDELON, Conseiller
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président, et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 2 juillet 2008, Mme X. épouse Y., qui exploite un hôtel à [ville A.] à l'enseigne « Le M. » a commandé à la société Easydentic du matériel de télésurveillance, dont elle lui confiait la maintenance.
Le matériel, réceptionné sans réserve le 24 juillet était acquis par la société Parfip France (Parfip).
Après avoir vainement mis en demeure Mme Y. de régler les échéances contractuelles restées impayées depuis le 1er septembre 2008, la société Parfip France a engagé la présente procédure par exploit du 27 décembre 2010.
Par jugement du 4 mai 2011, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la nullité des contrats,
- débouté la société Parfip France,
- condamné la société Parfip France sous astreinte à récupérer le matériel litigieux et à remettre les lieux en l'état,
- condamné la société Parfip France au paiement d'une indemnité de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 30 mai 2011, la société Parfip France a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 23 août 2011, la société Parfip France demande à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- condamner Mme Y. à lui verser,
* au titre du contrat C08072XX, 13.156 euros au titre des loyers échus, 17.760,60 euros au titre des loyers à échoir, outre les majorations contractuellement prévues,
* au titre du contrat C08080XX, 4.664,40 euros au titre des loyers échus, 6.296,94 euros au titre des loyers à échoir, outre les majorations contractuellement prévues,
- ordonner la restitution du matériel sous astreinte,
- condamner Mme Y. à lui verser 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 20 septembre 2011, Mme Y. demande principalement à la Cour de :
- ordonner la radiation de l'affaire en l'absence d'exécution du jugement par la société Parfip France,
- confirmer le jugement,
- condamner la société Parfip France au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ETANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Sur la demande de radiation :
Considérant qu'aux termes de l'article 526 du code de procédure civile la demande de radiation doit être formée devant le premier président ou, lorsqu'il est saisi, devant le conseiller de la mise en état ;
Qu'il en résulte que la prétention formée devant la Cour est irrecevable ;
Sur le fond :
Considérant que le 4 juillet 2008, Mme Y. a signé avec la société Easydentic un premier contrat portant sur la location et la maintenance d'un radar, d'un matériel « Easycam » et d'un « TSM » pendant une durée de 48 mois moyennant un loyer mensuel de 233,22 euros ;
Que conformément aux stipulations de ses articles 13.2 et 13.4, ce contrat a été cédé à la société Parfip qui s'est portée acquéreur du matériel, d'une valeur de 9.171,06 euros, à réception du procès verbal de réception d'installation signé sans réserves par Mme Y. le 16 juillet 2008 ;
Considérant que le 22 juillet 2008, Mme Y. a signé un second contrat de même nature avec ce fournisseur, moyennant un loyer mensuel de 657,80 euros, portant sur un radar et des équipements dénommés « Easystation » et « Easydome », également réceptionnés sans réserve le 24 juillet 2008 et acquis par la société Parfip le 31 suivant pour une somme de 25.407,49 euros ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites d'une part que la société Easydentic pratiquait dans la région de résidence de Mme Y. un démarchage commercial « agressif », d'autre part que le matériel livré ne fonctionnait pas en septembre 2008, ce qui a conduit l'hôtelière à cesser de régler les mensualités dues à la société Parfip ;
Considérant que pour débouter la société Parfip, le tribunal de commerce a considéré :
- qu'il y avait démarchage et que les dispositions du code de la consommation sur la faculté de rétractation devaient s'appliquer en l'absence de lien direct entre l'activité de Mme Y. et le matériel commandé,
- que le contrat signé, décrit comme un dépliant incompréhensible de 8 feuillets, dont l'original diffère des copies, ne permettait pas à Mme Y. de prendre conscience de ses engagements et de retenir la divisibilité des contrats de location et de maintenance ;
Mais considérant que les règles protectrices édictées par le code de la consommation, en matière de démarchage ou de clauses abusives, ne sont pas applicables aux contrats ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale, selon son article L. 121-22 4° ;
Considérant qu'en l'espèce la convention conclue est un contrat de location financière ; qu'il traduit un choix de gestion de la part du preneur pour financer un bien qu'il estime nécessaire à son exploitation ;
Que le droit de la consommation ne saurait donc utilement être invoqué par Mme Y. au soutien de sa demande d'annulation du contrat ;
Considérant que la circonstance que la société Easydentic ait ajouté sur son exemplaire du contrat communiqué à la société Parfip dans le cadre de la cession du matériel son cachet commercial ne saurait affecter sa validité ;
Considérant que si les contrats de location et de maintenance sont rédigés sur le même support composé de quatre feuillets recto-verso, une page réservée aux conditions particulières aux deux conventions, deux aux conditions générales du contrat de location et trois aux conditions générales du contrat de maintenance, cette présentation n'affecte pas sa lisibilité ;
Que l'article 6.2 des conditions générales du contrat de location intitulé « INDEPENDANCE JURIDIQUE DES CONTRATS » souligné dans le texte) précise :
« Le locataire a été rendu attentif de l'indépendance juridique du présent Contrat de location et du Contrat de prestation de service ou de tout autre contrat conclu entre Contrat conclu entre le Locataire et le Prestataire.
Le Locataire accepte cette indépendance et reconnaît qu'il peut s'adresser à tout autre prestataire de son choix en cas de défaillance de la société Easydentic.
En conséquence le Loueur n'assume aucune responsabilité quant à l'exécution desdites prestations et le Locataire s'interdit de refuser le paiement des loyers suite à un contentieux l'opposant au Prestataire » ;
Que l'article 6.2 traitant de la livraison et des garanties dispose :
« Par la signature du procès-verbal de réception, le Locataire entérine sa conformité avec les stipulations particulières du présent contrat et renonce expressément à se prévaloir par la suite, à l'encontre du Loueur, d'une quelconque exception relative au bien. Après la signature du procès-verbal de réception, le Locataire ne pourra ni interrompre le paiement des loyers ni en réduire le montant, en cas d'indisponibilité du matériel pour quelque cause que ce soit » ;
Considérant que ces clauses avertissent clairement le locataire qu'après mise à disposition du matériel choisi par ses soins, il ne pourra se prévaloir d'éventuels manquements du prestataire à l'encontre du bailleur ;
Et que cette absence de recours trouve sa contrepartie dans le mandat qui lui est donné d'agir en garantie contre le prestataire par l'article 6.3 aux termes duquel : « Pendant toute la durée de la location, le locataire exerce en vertu d'une stipulation pour autrui expresse, tous droits et actions en garantie du bien loué vis à vis du fournisseur » ;
Considérant ainsi que si Mme Y. pouvait se prévaloir du vice de matériel ou de la carence du prestataire dans le cadre de la mission de maintenance qu'elle lui avait confiée, les pièces produites ne permettant pas de déterminer les causes du dysfonctionnement constaté par huissier, elle ne pouvait, au regard des obligations contractuelles qu'elle a librement souscrites, prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat la liant à la société Parfip en cessant de régler les mensualités dues ;
Considérant que les loyers restant impayés à compter de l'échéance du 1er eptembre 2008, c'est à bon droit que la société Parfip s'est prévalue de la clause résolutoire contractuelle par courriers recommandés des 14 avril 2010 ;
Considérant sur le quantum que la société Parfip ne peut solliciter le montant des arriérés restant dues et l'indemnité de résiliation, qui correspond aux loyers à échoir en ajoutant « outre les majorations contractuellement prévues » sans préciser la somme réclamée ;
Que la condamnation sera en conséquence limitée au principal dont le montant est précisé, justifié par les pièces produites, majoré des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;
Considérant que la restitution du matériel sera ordonnée dans les termes du dispositif de cette décision ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement entrepris ;
Condamne Mme Y. à payer à la société Parfip France les sommes de 4.664,40 euros et 6.296,94 euros au titre du contrat C08080XX, de 13.156 euros et 17.760,60 euros au titre du contrat C08072XX portant intérêts de droit à compter du 14 avril 2010 ;
Dit que Mme Y. devra restituer le matériel pris à bail à la société Parfip France dans les deux mois de la signification du présent arrêt ;
Dit qu'à défaut, elle y sera contrainte sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Y. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte