CA VERSAILLES (4e ch.), 2 juillet 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3920
CA VERSAILLES (4e ch.), 2 juillet 2012 : RG n° 11/03434
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant qu'il n'est plus contesté devant la cour que l'objet de l'obligation de M. X. était une mission complète dans le cadre d'un contrat d'architecte pour la réalisation d'une maison individuelle ;
Qu'il résulte des dispositions de l'article 12-1 du contrat d'architecte (contrat-type élaboré par l'ordre des architectes) signé entre les parties qu’« en cas de résiliation sur initiative du maître d'ouvrage que ne justifierait pas le comportement fautif de l'architecte, ce dernier a droit au paiement des honoraires et intérêts moratoires liquidés au jour de cette résiliation, conformément à l'article 8.1 du présent contrat et d'une indemnité de résiliation égale à 20% de la partie des honoraires qui lui aurait été versée si sa mission n'avait pas été prématurément interrompue. Lorsque la résiliation est motivée par le comportement fautif de l'architecte, l'indemnité de résiliation de 20 % n'est pas due » ;
Qu'une telle clause qui permet au non-professionnel de résilier unilatéralement un contrat moyennant une indemnité de résiliation n'est pas abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation qui dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; Que serait abusif le droit pour un non-professionnel ou un consommateur de résilier discrétionnairement un contrat sans contrepartie en cas d'absence de faute du professionnel ;
Que l'article R. 132-2 du code de la consommation précise qu’« imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné » constitue une clause présumée abusive ; qu'il en résulte qu'un non-professionnel qui annule sans raison un contrat peut être tenu à verser au professionnel une indemnité si celle-ci est raisonnable, ce qui est le cas de l'indemnité de 20 % prévue au contrat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
QUATRIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 2 JUILLET 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/03434. Code nac : 54F. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 mars 2011 par le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE : R.G. n° 11-10-000937.
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE DOUZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
Monsieur X.
représenté par la SCP Melina PEDROLETTI avocat postulant du barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020952, plaidant par Maître Pierre GIRARD avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉS :
Monsieur Y.
Madame Y.
représentés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES avocats postulants du barreau de VERSAILLES - N° du dossier 1148983, ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane BAROUGIER du barreau de PARIS - E 1602 -
Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 juin 2012 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur André DELANNE, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Josèphe JACOMET, président, Monsieur Jean-Loup CARRIERE, conseiller, Monsieur André DELANNE, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Christine COLLET,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Vu le jugement du tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye en date du 17 mars 2011 qui a :
- dit que l'obligation de l'architecte est une mission complète dans le cadre des contrats signés les 16 avril et 19 mai 2008,
- dit que la clause du contrat prévoyant une indemnité uniquement en faveur de l'architecte en cas de résiliation est abusive,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- fait masse des dépens et condamné les parties au paiement des dépens pour moitié chacune ;
Vu l'appel de M. X. en date du 2 mai 2011,
Vu ses dernières conclusions du 25 août 2011 aux termes desquelles il demande à la cour, en infirmant le jugement entrepris, de :
- condamner M. et Mme Y. à lui payer la somme de 9.257,41 euros au titre de ses honoraires d'architecte avec intérêt au taux légal à compter du 8 juillet 2010, date de son assignation introductive d'instance,
- condamner M. et Mme Y. à lui payer une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ainsi qu'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. et Mme Y. de leurs demandes et les condamner aux dépens ;
Vu les dernières conclusions de M. et Mme Y. du 18 juillet 2011 demandant à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- subsidiairement, modérer le montant de l'indemnité de résiliation à une somme symbolique,
- condamner M. X. à leur payer les sommes de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Il suffit de rappeler que M.et Mme Y. ont conclu le 16 avril 2008 un contrat d'architecte avec M. X. pour la construction d'une maison individuelle à [ville M.] ; que, par courriel du 22 janvier 2009, ils ont mis fin unilatéralement au contrat ; que M. X. les a assignés pour obtenir leur condamnation à lui payer ses honoraires d'architecte ;
Que c'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement entrepris ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ETANT EXPOSÉ, LA COUR :
Considérant qu'il n'est plus contesté devant la cour que l'objet de l'obligation de M. X. était une mission complète dans le cadre d'un contrat d'architecte pour la réalisation d'une maison individuelle ;
Qu'il résulte des dispositions de l'article 12-1 du contrat d'architecte (contrat-type élaboré par l'ordre des architectes) signé entre les parties qu’« en cas de résiliation sur initiative du maître d'ouvrage que ne justifierait pas le comportement fautif de l'architecte, ce dernier a droit au paiement des honoraires et intérêts moratoires liquidés au jour de cette résiliation, conformément à l'article 8.1 du présent contrat et d'une indemnité de résiliation égale à 20% de la partie des honoraires qui lui aurait été versée si sa mission n'avait pas été prématurément interrompue. Lorsque la résiliation est motivée par le comportement fautif de l'architecte, l'indemnité de résiliation de 20 % n'est pas due » ;
Qu'une telle clause qui permet au non-professionnel de résilier unilatéralement un contrat moyennant une indemnité de résiliation n'est pas abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation qui dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;
Que serait abusif le droit pour un non-professionnel ou un consommateur de résilier discrétionnairement un contrat sans contrepartie en cas d'absence de faute du professionnel ;
Que l'article R. 132-2 du code de la consommation précise qu’« imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné » constitue une clause présumée abusive ; qu'il en résulte qu'un non-professionnel qui annule sans raison un contrat peut être tenu à verser au professionnel une indemnité si celle-ci est raisonnable, ce qui est le cas de l'indemnité de 20 % prévue au contrat ;
Qu'en cas de faute de l'architecte, aucune indemnité ne lui est due (article 12-1 in-fine du contrat-type d'architecte) ; que l'article 12-2 précise que la résiliation du contrat ne peut intervenir sur initiative de l'architecte que pour des motifs justes et raisonnables (alors que de telles conditions ne sont pas exigées du non-professionnel qui peut résilier discrétionnairement le contrat sans aucune motivation et sans avoir de grief à faire valoir à l'encontre du professionnel) ; que le même article cite des exemples de motifs justes : choix imposé par le maître d'ouvrage d'une entreprise ne présentant pas les garanties indispensables à la bonne exécution de l'ouvrage, violation par le maître d'ouvrage d'une ou plusieurs clause du contrat, etc.
Que l’article 1794 du code civil prévoit que « le maître peut résilier, par sa simple volonté, le marché à forfait quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise » ; que le contrat litigieux est précisément forfaitaire (article 8-1) ;
Que M.et Mme Y. ne démontrent pas que M. X. n'aurait pas rempli sa mission à la date de la résiliation ; qu'il a déposé et obtenu le permis de construire ; qu'il a consulté différentes entreprises pour l'établissement de devis qu'il a obtenus et analysés ; qu'il a présenté à M. et Mme Y. une estimation détaillée du coût des travaux ; qu'il a dressé le dossier de consultation des entreprises (DCE) qu'il a transmis à M. et Mme Y. le 16 janvier 2009 ;
Que la rupture du contrat est donc due uniquement à l'initiative de M. et Mme Y. sans qu'il puisse être reproché la moindre faute à M. X., ainsi que l'a d'ailleurs énoncé le premier juge ; qu'il convient, par conséquent, la clause de l'article 12-1 n'étant nullement abusive, de condamner M. et Mme Y. à payer à M. X. la somme de 9.257,04 euros TTC correspondant à la facture d'acompte du DCE pour 4.126,20 euros TTC et à l'indemnité de 20 % de la somme restante soit 5.130,84 euros TTC, réformant de ce chef le jugement entrepris ; qu’il n'y a pas lieu de modérer cette indemnité mais d'appliquer les clauses du contrat qui lient les deux parties ; qu'il n'y a pas lieu, non plus, d'allouer à M. X. une somme supplémentaire à titre de dommages-intérêts ;
Qu'il convient, par contre, de l'indemniser des frais non taxables qu'il a dû engager tant devant le premier juge que devant la cour et ce à concurrence de la somme de 2.000 euros à la charge de M. et Mme Y. sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Que la solution donnée au litige emporte le rejet des demandes de dommages-intérêts et d'application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile formées par M. et Mme Y. ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que l'objet de l'obligation de l'architecte était une mission complète,
Statuant à nouveau,
Condamne M. et Mme Y. à payer à M. X. la somme de 9.257,41 euros au titre de ses honoraires d'architecte avec intérêt au taux légal à compter du 8 juillet 2010,
Déboute M. et Mme Y. de toutes leurs demandes,
Déboute M. X. de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne M. et Mme Y. aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Admet la SCP Mélina PEDROLETTI, avocat postulant, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, président et par Madame Marie-Christine COLLET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,
- 6121 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 132-2-3° C. consom.)
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6131 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Résolution ou résiliation sans manquement - Résiliation par le consommateur
- 6302 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Construction - Architecte et maître d’œuvre