CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 10 septembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3933
CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 10 septembre 2012 : RG n° 11/04507 ; arrêt n° 12/0647
Publication : Jurica
Extrait : « qu'en l'espèce, l'offre de crédit portait sur une fraction disponible du découvert choisie de 5.000 euros et non sur la somme de 15.000 euros, laquelle correspondait au « maximum du découvert pouvant être autorisé par le prêteur », sous certaines conditions, l'article II 4 précisant à cet égard : « Fraction disponible du découvert : la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au recto, sauf si, depuis l'ouverture de crédit ou la dernière augmentation de la fraction disponible du découvert, vous vous trouvez dans un de cas visés à l'article II 6 (suspension du droit à découvert) ». Attendu que la société Mediatis ne soutient pas que les époux X. aient formulé une « demande spécifique » d'augmentation du découvert, une telle demande ne pouvant résulter du seul fait pour les emprunteurs d'avoir fait fonctionner leur compte au-delà du montant du découvert initialement consenti.
Attendu que selon la jurisprudence constante de la cour de cassation, l'augmentation du découvert autorisé dans le cadre du contrat initial constitue une nouvelle ouverture de crédit qui doit être conclue dans les termes d'une offre préalable (Cass. civ. 1ère, 16 janvier 2007) ; […] ; Attendu que dès lors qu'en l'espèce l'historique du compte permanent montre que le découvert initial de 5.000 euros a été continuellement dépassé sans être restauré à compter de septembre 2005 et sans qu'une nouvelle offre n'ait été soumise aux emprunteurs, l'action de la société Mediatis devait être introduite avant le mois de septembre 2007 ; que l'assignation ayant été délivrée aux époux X. le 23 février 2010, l'action est irrecevable pour cause de forclusion.
Attendu sur la disproportion de la sanction alléguée par l'appelante au regard de l'atteinte à son droit de propriété protégé par le protocole additionnel n° 11 du 11 mai 1995 à la convention européenne des droits de l'Homme, que ce moyen ne saurait prospérer dès lors que d'une part la sanction de la forclusion est prévue par des dispositions légales d'ordre public, que d'autre part la société Mediatis ne peut se prévaloir d'un droit qu'elle a laissé dépérir en n'agissant pas dans le délai de deux ans à compter du dépassement du crédit consenti. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 3 A 11/04507. Arrêt n° 12/0647. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 5 juillet 2011 par le tribunal d'instance de SCHILTIGHEIM.
APPELANTE :
SA LASER COFINOGA venant aux droits de la SA MEDIATIS
ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP CALDEROLI - DECOT - FAURE (avocats au barreau de STRASBOURG)
INTIMÉS :
1) Monsieur X.
2) Madame X.
demeurant tous deux [adresse], Représentés par Maître Guillaume HARTER (avocat à la cour)
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 11 juin 2012, en audience publique, devant la cour composée de : Mme RASTEGAR, président de chambre, Mme MAZARIN-GEORGIN, conseiller, Mme SCHNEIDER, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme MAZARIN-GEORGIN, conseiller le plus ancien ayant participé aux débats et au délibéré en l'absence du président légalement empêché et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le rapport ;
Le 23 février 2010, la SA Mediatis a fait assigner M. et Mme X. devant le tribunal d'instance de Schiltigheim aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 9.673,87 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 18,75 % l'an sur la somme de 8.842,21 euros à partir du 16 décembre 2009 et des intérêts au taux légal pour le surplus à compter du 19 septembre 2009 ainsi qu'un montant de 400 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande, la SA Mediatis a exposé qu'elle réclame le paiement aux défendeurs du solde d'une ouverture de crédit accordé le 10 septembre 2004 et dont les mensualités n'ont pas été honorées de sorte que la déchéance du terme a été invoquée avec effet au 4 septembre 2009.
A l'audience du 23 mars 2010, le tribunal a soulevé d'office l'absence d'information annuelle sur les conditions du renouvellement du contrat impliquant la déchéance du droit aux intérêts ainsi que le dépassement du découvert autorisé dès le mois de septembre 2005 faisant encourir à la demanderesse la forclusion de sa demande.
La SA Mediatis estime que la commune intention des parties était de contracter un crédit par découvert en compte d'un montant maximum de 15 000 euros même si un montant disponible de 5000 euros a été fixé à l'ouverture ; que les conditions d'utilisation dans la limite de 15 000 euros étaient parfaitement fixées dès la conclusion du contrat puisque l'offre de crédit comporte le taux effectif global annuel ainsi que le montant des échéances mensuelles dues pour chaque tranche d'utilisation ; qu'ils disposaient ensuite de la faculté de rétractation dès la signature de l'offre préalable de crédit tout comme de la possibilité de refuser la reconduction tacite annuelle pour laquelle ils ont été destinataires de l'information trois mois avant la date anniversaire du contrat tout comme ils pouvaient demander à tout moment la réduction de la réserve de crédit, la suspension de leurs droits, ou la résiliation du contrat ; qu'ainsi le point de départ du délai de forclusion biennale ne se situe pas au moment du dépassement du montant disponible de 5000 euros mais a pour point de départ le premier impayé non régularisé.
Elle estime par ailleurs que pour établir le défaut de bordereaux de rétractation, les défendeurs se doivent de produire l'exemplaire qui leur a été remis ; qu'à défaut, il ne peuvent se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts.
M. et Mme X. ont conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au mal fondé de la SA Mediatis dans ses demandes. A titre subsidiaire à la déchéance de la SA Mediatis de ses demandes au titre des intérêts au taux conventionnel en raison de l'absence de bordereau de rétractation, de ses demandes au titre des intérêts au taux conventionnel en raison de ses manquements aux dispositions de l’article L. 311-9 alinéa 3 du code de la consommation, à la réduction du montant des intérêts pour toute la durée du prêt au taux légal, et à la réduction à la somme de un euros de l'indemnité légale de 8 %.
A titre infiniment subsidiaire, ils ont sollicité que leur soit accordé un délai de grâce de deux années.
Ils ont fait valoir que dès le mois de septembre 2005, le montant du découvert autorisé disponible était définitivement dépassé alors que le même mois était constaté le premier impayé ; que ce dépassement imposait à la société la conclusion d'une nouvelle offre préalable de crédit et ce d'autant plus en l'espèce que le montant maximum du découvert autorisé était plus du triple de celui initialement consenti et complètement disproportionné à leurs revenus ;
que par ailleurs, les deux exemplaires de l'offre détenue par le prêteur et l'emprunteur doivent être identiques et que force est de constater que l'exemplaire de la SA Mediatis ne comporte pas de bordereau de rétractation de sorte qu'elle n'apporte pas la preuve d'une offre préalable conforme entraînant à titre subsidiaire la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels ; que cette déchéance découle également de l'absence d'information annuelle pour les années 2005 et 2006 en violation aux obligations posées par l’article L. 311-9 alinéa 3 du code de la consommation.
Le 5 septembre 2011, la SA Mediatis a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions reçues le 4 juin 2012, la société Laser Cofinoga venant aux droits de la société Mediatis demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de déclarer la demande recevable ;
- de condamner M. et Mme X. au paiement de la somme de 9.673,87 euros avec les intérêts au taux de 18,75 % l'an sur la somme de 8.842,21 euros à compter du 16 décembre 2009 ;
A titre subsidiaire, en cas de déchéance du droit aux intérêts,
- de les condamner à payer la somme de 2.421,84 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2009 ;
- de les condamner aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- le premier juge a dénaturé les termes clairs de l'offre préalable de crédit qui mentionnent que le montant maximum du découvert autorisé par le prêteur est fixé à 15.000 euros et la fraction disponible du découvert choisi est de 5.000 euros.
Le premier juge ne pouvait considérer que le montant du crédit consenti correspondait uniquement au montant immédiatement disponible aux termes de l'offre préalable et a confondu les modalités de déblocage des fonds avec le crédit consenti.
La notion de fraction disponible renvoie à la possibilité d'une utilisation progressive du crédit et constitue uniquement une modalité de déblocage des fonds ;
- l'action en paiement devra être déclarée recevable au regard des dispositions de l’article L. 311-37 du code de la consommation ;
- les mensualités figurant en tant qu'impayés dans la colonne débit de la période de décembre 2005 à février 2008 ont fait l'objet de régularisation par les versements opérés par M. et Mme X. jusqu'au mois de septembre 2009. L'action a donc été introduite dans les délais requis ;
- A titre subsidiaire, la sanction est disproportionnée dès lors qu'elle consiste à priver la société Mediatis des fonds dont elle avait la propriété au seul motif qu'elle n'aurait pas remis un avenant en la forme d'une offre préalable de crédit à l'occasion des déblocages effectués dans la limite du crédit initialement consenti.
Cette privation du droit d'obtenir le paiement des sommes prêtées est contraire au protocole additionnel n° 11 du 11 mai 1994 à la convention européenne des droits de l'Homme selon lequel chacun a droit au respect de ses biens parmi lesquels il faut inclure les droits et les créances. La Cour européenne des droits de l'Homme a jugé que la déchéance d'un droit constitue une atteinte au droit de propriété et une telle atteinte est légitime à la condition qu'un juste équilibre ait été ménagé entre les exigences relatives à l'intérêt général de la société et les intérêts liés à la protection des droits fondamentaux de l'individu.
Par dernières conclusions reçues le 29 mai 2012, les époux X. demandent à la cour de :
- confirmer le jugement ;
A titre subsidiaire,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts et réduire les intérêts au montant des intérêts au taux légal ;
- leur accorder un délai de grâce de deux ans ;
- condamner l'appelante aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir pour leur part que :
- en matière de crédit par découvert en compte, le dépassement du montant convenu entre les parties constitue le point de départ du délai de forclusion. L'augmentation de la fraction disponible équivaut à une modification du crédit initialement accordé et doit donc être traduit par une nouvelle offre préalable de crédit.
La date à prendre en considération pour apprécier la forclusion est le mois de septembre 2005 date à laquelle le montant du découvert a dépassé 5.000 euros, montant du crédit accordé, et n'est plus repassé sous ce montant jusqu'en décembre 2009.
La société Mediatis aurait dû dès après le dépassement de la fraction disponible de 5.000 euros proposer une nouvelle offre de crédit à l'occasion de laquelle les époux X. auraient disposé de la faculté de rétractation.
La cour de cassation vient de rappeler ces principes par un arrêt du 22 mars 2012.
De même, dans un avis rendu le 10 juillet 2006, elle considère que l’article L. 132-1 du code de la consommation répute non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ;
- l'argument d'une soit disant disproportion entre la sanction et les manquements est sans effet, la société Mediatis est irrecevable car elle n'a pas agi dans les délais qui lui étaient impartis par la loi ;
- subsidiairement, la société Mediatis doit être déchue du droit aux intérêts conventionnels encourue en cas d'absence de bordereau de rétractation sur l'offre préalable et non respect de l'information annuelle sur les conditions de renouvellement du crédit prévue à l’article L. 311-9 du code de la consommation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu que selon offre préalable acceptée le 10 septembre 2004, la SA Mediatis a consenti à M. X. et Mme X. une ouverture de crédit renouvelable utilisable par fractions pour une « fraction disponible choisie de 5.000 euros » le montant maximum du découvert autorisé par le prêteur étant de 15.000 euros.
Attendu que le délai biennal de forclusion prévu par l’article L. 311-37 du code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter de la première échéance impayée non régularisée, que le dépassement du découvert maximum convenu doit être tenu pour une échéance impayée manifestant la défaillance de l'emprunteur ;
qu'en l'espèce, l'offre de crédit portait sur une fraction disponible du découvert choisie de 5.000 euros et non sur la somme de 15.000 euros, laquelle correspondait au « maximum du découvert pouvant être autorisé par le prêteur », sous certaines conditions, l'article II 4 précisant à cet égard : « Fraction disponible du découvert : la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au recto, sauf si, depuis l'ouverture de crédit ou la dernière augmentation de la fraction disponible du découvert, vous vous trouvez dans un de cas visés à l'article II 6 (suspension du droit à découvert) ».
Attendu que la société Mediatis ne soutient pas que les époux X. aient formulé une « demande spécifique » d'augmentation du découvert, une telle demande ne pouvant résulter du seul fait pour les emprunteurs d'avoir fait fonctionner leur compte au-delà du montant du découvert initialement consenti.
Attendu que selon la jurisprudence constante de la cour de cassation, l'augmentation du découvert autorisé dans le cadre du contrat initial constitue une nouvelle ouverture de crédit qui doit être conclue dans les termes d'une offre préalable (Cass. civ. 1ère, 16 janvier 2007) ;
qu'en l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert initialement autorisé, le dépassement de ce découvert, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion (Cass. civ. 1ère, 22 novembre 2007).
Attendu que par un arrêt du 22 mars 2012, la Cour de cassation, 1ère chambre civile, rappelle qu’en application des dispositions de l’article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 1er juillet 2010, le dépassement du crédit initialement accordé constitue le point de départ du délai biennal de forclusion, faute de restauration ultérieure du crédit ou d'augmentation de son montant par la souscription d'une offre régulière dans ce délai, dans le cas d'une fraction initialement disponible avec un montant maximum autorisé de 10.000 euros.
Attendu que dès lors qu'en l'espèce l'historique du compte permanent montre que le découvert initial de 5.000 euros a été continuellement dépassé sans être restauré à compter de septembre 2005 et sans qu'une nouvelle offre n'ait été soumise aux emprunteurs, l'action de la société Mediatis devait être introduite avant le mois de septembre 2007 ; que l'assignation ayant été délivrée aux époux X. le 23 février 2010, l'action est irrecevable pour cause de forclusion.
Attendu sur la disproportion de la sanction alléguée par l'appelante au regard de l'atteinte à son droit de propriété protégé par le protocole additionnel n° 11 du 11 mai 1995 à la convention européenne des droits de l'Homme, que ce moyen ne saurait prospérer dès lors que d'une part la sanction de la forclusion est prévue par des dispositions légales d'ordre public, que d'autre part la société Mediatis ne peut se prévaloir d'un droit qu'elle a laissé dépérir en n'agissant pas dans le délai de deux ans à compter du dépassement du crédit consenti.
Attendu en conséquence qu'il convient de rejeter l'appel et de confirmer le jugement entrepris.
Attendu que l'appelante qui succombe est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1000 euros aux époux X. au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement entrepris ;
CONDAMNE la SA Laser Cofinoga venant aux droits de la SA Mediatis aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros (mille euros) aux époux X. au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
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- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit