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CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 10 septembre 2012

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 10 septembre 2012
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 11/04153
Décision : 478/12
Date : 10/09/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/06/2011
Numéro de la décision : 478
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3934

CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 10 septembre 2012 : RG n° 11/04153 ; arrêt n° 478/12 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il sera ajouté que la clause selon laquelle le locataire est obligé de payer la valeur du véhicule au loueur à défaut de restitution de documents et des clefs, alors même que la non restitution ne lui est pas imputable, a été considérée comme abusive par la commission des clauses abusives, dans sa recommandation du 14 juin 1996. En effet, elle crée un déséquilibre manifeste au profit de la société propriétaire du véhicule en obligeant le locataire, qui justifie qu'il n'est pas responsable du vol de ces éléments accessoires ni même du véhicule, à régler la totalité de la valeur vénale de la voiture. En conséquence, la clause du contrat qui prévoit que la garantie pour le vol n'est pas applicable en cas de restitution des clés et des papiers sera écartée. En tout état de cause, M. X. rapporte la preuve qu'il n'a commis aucune faute en lien avec le défaut de restitution des clés du bien loué de sorte qu'il n'est pas tenu, en application de l’article 1732 du code civil, d'indemniser le bailleur. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 11/04153. Arrêt n° 478/12. Jugement (R.G. n° 10/01347), rendu le 10 mai 2011, par le Tribunal de Grande Instance de LILLE.

 

APPELANT :

Monsieur X.

demeurant [adresse], Représenté par Maître Stéphane BULTEAU, avocat au barreau de LILLE constitué aux lieu et place de la SCP THERY LAURENT, anciennement avoués

 

INTIMÉE :

SAS FRANCE CARS

ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Virginie LEVASSEUR de la SCP LEVASSEUR LEVASSEUR, avocats au barreau de DOUAI constituée aux lieu et place de la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, anciennement avoués, Assistée de Maître Laurent CALONNE, avocat au barreau de LILLE,

 

DÉBATS à l'audience publique du 7 juin 2012 tenue par Pascale METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Evelyne MERFELD, Président de chambre, Pascale METTEAU, Conseiller, Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 septembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2012

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par jugement rendu le 10 mai 2011, le tribunal de grande instance de Lille a :

- condamné M. X. à payer à la SAS FRANCE CARS la somme de 23.453 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2009,

- condamné M. X. à payer à la SAS FRANCE CARS la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. X. de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.

M. X. a interjeté appel de cette décision le 14 juin 2011.

 

RAPPEL DES DONNÉES UTILES DU LITIGE :

Selon contrat du 8 avril 2009, M. X. a loué auprès de la société FRANCE CARS un véhicule Audi A3 immatriculé XX.

Ce contrat prévoyait une durée de location initiale de 30 jours avec un retour du véhicule devant être effectué le 7 mai 2009. Il a été renouvelé en mai 2009.

Le véhicule a été volé le 12 mai 2009.

Indiquant que l'article 12 des conditions générales du contrat intitulé « assurances » prévoyait que les véhicules volés en home jacking ou car jacking n'étaient pas assurés, qu'il était également prévu que la non restitution des clefs ou des papiers du véhicule excluait la garantie pour vol, la société France CARS a facturé à M. X. la valeur du vénale du véhicule, sous déduction du dépôt de garantie qui avait été encaissé, soit une somme de 23.453 euros. Elle lui a adressé une mise en demeure le 18 septembre 2009.

Faute de règlement, elle l'a fait assigner, par acte d'huissier du 2 décembre 2009, devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 23.453 euros augmentée des intérêts à compter du 18 septembre 2009, date de la mise en demeure et celle de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions.

 

Dans ses dernières écritures, M. X. demande à la cour de :

Vu les articles 1732 et suivants du code civil, vu l’article 2 de la loi du 4 août 1994 relatif à l'emploi de la langue française, vu les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation :

- infirmer le jugement,

- dire et juger qu'il ne peut lui être reproché une quelconque imprudence ou négligence,

- à titre subsidiaire, dire que la SAS France CARS a manqué à son devoir général d'information à son égard et qu'elle sollicite l'application de clause abusive,

- en conséquence, constater que les prétendues conditions générales de location lui sont inopposables,

- débouter la SAS France CARS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

en tout état de cause, la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement - de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Il explique que le 12 mai 2009, son ami, M. Y., a été victime d'un vol par effraction dans son commerce situé à Commines (Belgique), que le volet roulant du magasin et la baie vitrée ont été forcés à l'aide d'un pied de biche, que les voleurs se sont emparés du tiroir-caisse, des clefs du véhicule loué et de ce véhicule. Il précise qu'il a immédiatement informé la société France CARS de ce vol. Il estime qu'il ne peut lui être reproché une quelconque imprudence ou négligence constitutive d'une faute au sens de l’article 1732 du code civil de sorte que sa responsabilité ne peut être retenue pour le défaut de restitution du véhicule.

A titre subsidiaire, il soulève que les conditions générales de location lui sont inopposables dans la mesure où il n'en a pas eu connaissance. Il relève que la mention selon laquelle il reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de location n'a pas été faite de manière manuscrite. Il estime, en tout état de cause, que ces conditions sont abusives. Il prétend que la clause selon laquelle la garantie vol est exclue en cas de non restitution des papiers et des clefs du véhicule procure un avantage excessif à la société de location puisqu'elle concerne un locataire dont la faute ou la négligence ne serait pas établie, et qu'elle l'oblige au versement d'une indemnité égale à la valeur vénale du véhicule dérobé.

Il invoque également le défaut d'information de la société France CARS qui utilise dans son contrat des termes anglais, ne figurant pas dans le dictionnaire, dont il ne connaît pas le sens, et ce, en contradiction avec l’article 2 de la loi du 4 août 1994. Il ajoute que contrairement aux dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation, l'emploi d'une langue étrangère dans les conditions générales du contrat ne lui a pas permis d'être en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service et notamment du fait qu'il n'était pas couvert pour le vol dans certains cas. Il en conclut que la société France CARS ne peut solliciter l'application de l'article 12 de son contrat de location.

 

Dans ses dernières conclusions, la SAS France CARS sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. X. à lui payer la somme de 23.453 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2009 et la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de le condamner, en outre, au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, de le déclarer mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions, de l'en débouter et de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle souligne que, selon les dispositions de l’article 1732 du code civil, M. X. est présumé responsable de la perte du véhicule loué et qu'il doit l'indemniser de ce fait. Elle rappelle les conditions générales du contrat de location notamment l'article 12 « assurances » et le paragraphe « exclusions ». Elle affirme que cet acte est clair et précis, que M. X. a pris connaissance des conditions générales, apposant sa signature sous l'indication selon laquelle il en avait pris connaissance et accepter de s'y conformer.

Elle précise que les termes home jacking et car jacking sont couramment employés dans la langue française, sont référencés dans le dictionnaire et que l'emploi de ces termes ne confère pas à la clause un caractère abusif.

Elle demande donc qu'en sa qualité de gardien du véhicule loué mais non restitué, M. X. soit condamné à lui payer la valeur argus de ce véhicule, diminué du montant du dépôt de garantie, soit 23.453 euros avec intérêts à compter de la mise en demeure.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’article 1134 du code civil prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Selon contrat du 8 avril 2009, la SAS France CARS a loué à M. X. un véhicule Audi A3 immatriculé XX pour une durée d'un mois. Il était précisé que ce contrat mensuel était renouvelable. Il a été reconduit en mai 2009.

Sur le recto du contrat, à côté de la signature du locataire figure l'indication suivante « Je reconnais avoir pris connaissance des conditions générales de location au verso du présent contrat et accepte de m'y conformer. Je déclare bien connaître les tarifs en vigueur. » M. X. a apposé sa signature à côté de cette mention. Il ne peut donc prétendre qu'il ignorait les conditions générales de location figurant au verso du contrat alors même qu'il avait indiqué en avoir pris connaissance.

L'article 12 de ces conditions générales prévoit que « ASSURANCES. Le loueur a souscrit une assurance garantissant la responsabilité civile obligatoire des dommages corporels et matériels causés aux tiers, conformément aux dispositions légales en vigueur. Vol, incendie ou dommages au véhicule du loueur : conditions de mise en oeuvre de la franchise : en cas de vol, incendie ou dommages au véhicule et aux tiers, ses équipements ou accessoires, bris de glace et pare-brise, la responsabilité du locataire est limitée :

- à la franchise dommages indiquée sur le contrat ; pour le vol, la franchise est doublée,

- ou, au montant de la franchise non rachetable indiqué sur le contrat, si le locataire a souscrit le rachat de franchise. Dans le cas où le loueur serait indemnisé du coût des dommages par un tiers responsable, celui-ci remboursera au locataire le montant de la franchise ou sa part non rachetable, sous déduction des frais éventuels de réparations restant à la charge du loueur.

- une franchise est applicable par point de choc.

- les véhicules volés en home jacking ou car jacking ne sont pas assurés.

EXCLUSIONS

le locataire sera redevable du montant total des réparations, ou de la valeur vénale du véhicule dans les cas suivants :

- conduite du véhicule par une personne dont le nom ne figure pas sur le présent contrat en qualité de conducteur autorisé,

- dommage causé en l'absence de tiers identifié, ou à la suite d'une faute inexcusable, ou à la suite d'une négligence caractérisée : exemple : plaque de verglas, dérapage, franchissement de ligne blanche, non respect de la vitesse.

- tous les dommages résultant de la mauvaise appréciation du gabarit du véhicule loué (exemple : haut de toit, ornières, frottement latéral de la carrosserie).

- conduite avec un taux d'alcoolémie supérieure à la norme légale ou sous l'effet des éléments absorbés qui modifient les réflexes indispensables à la conduite,

- assouplissement ou endormissement du locataire,

- dégradations à l'intérieur du véhicule, aux pneus et jantes, sauf à prouver qu'ils ne sont pas la conséquence de sa faute ou de sa négligence, erreur sur le type de carburant,

- la non restitution des clefs des papiers du véhicule exclut la garantie vol. (') ».

Il découle de ces éléments que les parties au contrat de location, qui n'ont pas entendu déroger aux dispositions générales du code civil applicables à ce type de convention, ont précisé que la société propriétaire avait souscrit un contrat d'assurance pour le bien loué et qu'elle a mentionné les cas d'exclusion de la garantie d'assurance.

Cependant, le contrat conclu entre M. X. et la SAS France CARS reste soumis aux dispositions de l’article 1732 du code civil selon lesquelles le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute. Les garanties offertes par l'assurance n'intéressent donc le locataire que dans le cas où sa responsabilité dans les dégradations ou la perte du bien loué serait engagée et, en particulier, s'il ne prouve pas que celles-ci ont eu lieu sans sa faute.

En l'espèce, M. X. explique que le véhicule lui a été volé de même que les clés. Il verse aux débats le procès-verbal de dépôt de plainte de M. Y. ; ce dernier a déclaré, le 12 mai 2009, un vol par effraction au cours duquel les auteurs ont dérobé les clés du véhicule Audi A3 trouvées dans le local puis le véhicule. Il verse également le compte rendu de l'enquête effectuée en Belgique au sujet de ce vol. Les policiers ont pu voir, sur des caméras de surveillance, deux personnes pénétrer dans le débit de boissons à l'enseigne « chez Henri » situé à Commines en Belgique, appartenant à M. Y., alors que le gérant de l'établissement et sa serveuse dormaient à l'étage. Les policiers précisent que le tiroir-caisse de l'établissement et les clés du véhicule litigieux ont été volés (le tiroir-caisse et un tournevis ayant été retrouvés par la suite en France) et que les deux individus, auteurs de ce vol, ont été filmés et sont identifiables sur les vidéos des caméras de surveillance.

Il découle de ces éléments qu'alors que M. X. avait laissé les clefs de l'Audi louée dans un lieu fermé au public, celles-ci ont été dérobées lors d'un vol avec effraction, ledit véhicule ayant été emmené par la suite par les voleurs, sans pouvoir être retrouvé.

Il établit donc qu'il n'a commis aucune faute ou négligence dans le cadre de la jouissance du véhicule qui lui était loué. En conséquence, le défaut de restitution de ce bien (que ce soit la voiture ou les clés) ne lui est pas imputable.

Il sera ajouté que la clause selon laquelle le locataire est obligé de payer la valeur du véhicule au loueur à défaut de restitution de documents et des clefs, alors même que la non restitution ne lui est pas imputable, a été considérée comme abusive par la commission des clauses abusives, dans sa recommandation du 14 juin 1996. En effet, elle crée un déséquilibre manifeste au profit de la société propriétaire du véhicule en obligeant le locataire, qui justifie qu'il n'est pas responsable du vol de ces éléments accessoires ni même du véhicule, à régler la totalité de la valeur vénale de la voiture. En conséquence, la clause du contrat qui prévoit que la garantie pour le vol n'est pas applicable en cas de restitution des clés et des papiers sera écartée. En tout état de cause, M. X. rapporte la preuve qu'il n'a commis aucune faute en lien avec le défaut de restitution des clés du bien loué de sorte qu'il n'est pas tenu, en application de l’article 1732 du code civil, d'indemniser le bailleur.

En conséquence, le jugement sera réformé et la SAS France CARS sera déboutée de ses demandes en paiement à l'encontre de M. X..

La SAS France CARS succombant, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à M. X. la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. La SA SFRANCE CARS sera condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau :

DEBOUTE la SAS France CARS de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la SAS France CARS aux dépens de première instance et d'appel ;

AUTORISE, si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision, la SCP TEHRY LAURENT, avoué, pour les actes accomplis avant le 1er janvier 2012, à recouvrer les dépens d'appel selon les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS France CARS à payer à M. X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,                           Le Président,

Delphine VERHAEGHE.     Evelyne MERFELD.