CASS. COM., 12 septembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3935
CASS. COM., 11 septembre 2012 : pourvoi n° 11-14620
Publication : Legifrance
Extrait : « Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir constaté […] ; qu’ils en déduisent qu’est établie une disproportion manifeste entre la rémunération et la valeur des services commerciaux rendus ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, déduites de son appréciation souveraine des éléments de la cause, et d’où ressort l’absence de lien entre la valeur effective des services rendus et leur rémunération forfaitaire, manifestement excessive, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que, dès lors qu’est démontrée une disproportion manifeste entre la valeur du service rendu et la rémunération perçue, le partenaire qui a payé est fondé à obtenir la réparation de son préjudice, constitué par la totalité des sommes versées en trop ; que la cour d’appel, qui a ordonné le remboursement des sommes excédant la valeur réelle des services, dont elle a souverainement apprécié le montant, a légalement justifié sa décision ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 11-14620.
DEMANDEUR à la cassation : Société Interdis
DÉFENDEUR à la cassation : Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l’Est
M. Espel (président), président. Maître Haas, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à la société Carrefour du désistement de son pourvoi ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2011), que la société Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l’Est (la société Salins du Midi) était en relation commerciale depuis une trentaine d’années avec le groupe Promodès d’abord, puis, après la fusion en 1999 de ce dernier avec le groupe Carrefour, avec la centrale d’achat du nouveau groupe, la société Interdis ; qu’elle concluait chaque année avec cette dernière des accords commerciaux de référencement de ses produits destinés soit aux grandes et moyennes surfaces, soit à la restauration hors foyer, ainsi que des accords de coopération commerciale, contrats-cadres de prestations et de services de promotion que le groupe Carrefour devait fournir pour ses produits ; qu’au cours de l’année 2002, le groupe Carrefour a fermé deux entrepôts situés en Ile-de-France, rendant impossible la livraison des produits de la société Salins du Midi dans vingt-et-un hypermarchés de cette région, de sorte que, le 8 novembre 2002, la société Salins du Midi a dénoncé une rupture partielle de la relation commerciale ; que le 29 août 2003, la société Interdis a notifié à la société Salins du Midi la cessation de leur relation pour les produits destinés aux grandes et moyennes surfaces au 31 décembre 2003 ; qu’en 2004, la société Salins du Midi ayant refusé d’acquitter une facture au titre de la coopération commerciale pour 2003, la société Interdis a retenu à son tour le paiement d’une facture de produits ; que la société Salins du Midi a cessé de fournir les produits pour la restauration hors foyer ; qu’elle a ensuite assigné la société Interdis en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale, d’abord partielle, puis totale de leur relation commerciale, réclamant en outre le paiement de sa facture de produits et, en application de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, le remboursement des sommes versées au titre de la coopération commerciale ; que la société Interdis a demandé paiement de sa facture de coopération commerciale ;
Sur le premier moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Interdis fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société Salins du Midi la somme de 180.000 euros en réparation du préjudice dû à la rupture partielle des relations commerciales, alors, selon le moyen, que si la rupture partielle d’une relation commerciale peut donner lieu à dommages-intérêts, la simple diminution des commandes, même localisée sur certain entrepôts approvisionnés par le producteur, ne caractérise pas une rupture brutale dès lors que les autres entrepôts compris dans la même relation commerciale continuent, voire augmentent leurs approvisionnements à des conditions normales et que l’absence de commande de certain entrepôts n’a pas d’impact significatif sur le chiffre d’affaires global réalisé dans le cadre de cette relation ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui a constaté que l’impact du défaut d’approvisionnement des hypermarchés Ile-de-France sur le chiffre d’affaires global réalisé par la société Salins du Midi avec le groupe Carrefour a été faible, se ramenant à une diminution de 2,73 % ou 5,4 %, ne devait pas se limiter à réduire la durée du préavis, mais encore rechercher si, dans ces conditions, la cessation des commandes des entrepôts approvisionnant les hypermarchés d’Ile-de-France pouvait caractériser une rupture brutale de la relation commerciale existante entre le groupe Carrefour et la société Salins du Midi ; qu’en s’abstenant de procéder à cette recherche, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-5°du code de commerce ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que, selon l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, toute rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur ; que la cour d’appel, qui a constaté que la société Interdis avait, vers le milieu de l’année 2002, interrompu la livraison des magasins en Ile-de-France au prétexte de la fermeture de ses entrepôts, cependant que les supermarchés de cette région étaient encore approvisionnés en produits concurrents de ceux de la société Salins du Midi, a justifié sa décision sans être tenue de procéder aux recherches inopérantes visées par le moyen ; que celui-ci n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Interdis reproche à l’arrêt de la condamner à payer à la société Salins du Midi la somme de 1.200.000 euros pour la rupture totale des relations commerciales, alors, selon le moyen, que si le respect d’un délai de préavis s’impose en cas de rupture d’une relation commerciale établie, même en l’absence de dépendance économique d’une partie envers l’autre, il appartient au juge de fixer la durée du préavis en fonction de toutes les circonstances de nature à influer sur l’appréciation d’un délai raisonnable, notamment l’absence de dépendance économique des parties entre elles, le caractère plus au moins stable de leur relation, et leurs responsabilités respectives dans l’échec des négociations qui ont précédé la rupture ; qu’en statuant par les motifs précités, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces constatations ne caractérisaient pas d’absence de dépendance économique des Salins du Midi par rapport à Carrefour et l’instabilité des relations entre les parties depuis plus de deux avant la rupture, et sans rechercher non plus, comme elle y était invitée, si Salins du Midi n’avait pas fait obstacle à l’aboutissement des négociations ayant précédé la rupture, et sans enfin expliquer pourquoi un préavis d’un an était nécessaire à Salins du Midi pour trouver des solutions alternatives, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant constaté non seulement que la relation commerciale avait été ininterrompue pendant plus de trente ans, mais aussi que les parties n’étaient parvenues que difficilement à des accords pour les trois dernières années et que la part de chiffre d’affaires de la société Salins du Midi avec la société Interdis était toujours demeurée modeste, l’arrêt en déduit que le préavis aurait dû être de l’ordre d’une année ; que la cour d’appel, qui a ainsi pris en compte la durée de la relation et l’ensemble des circonstances de l’espèce, a justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Interdis fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société Salins du Midi la somme 1.900.000 euros au titre du solde en matière de coopération commerciale, alors, selon le moyen :
1°/ que si le fait d’obtenir un avantage disproportionné au regard de la valeur du service rendu engage la responsabilité de son auteur, la disproportion n’est pas caractérisée par le seul fait que le prix du service rendu, dont la réalité est établie, est fixée forfaitairement par un pourcentage sur le chiffre d’affaires réalisé, c’est-à-dire sur le montant des ventes dont ces services ont assuré la promotion ; que pour justifier l’existence d’une disproportion manifeste entre la rémunération d’Interdis et la valeur du service commercial effectivement rendu par elle, la cour d’appel relève que « le poste « classification, sélection, assortiment » des produits ne saurait valoir 25 à 26 % du chiffre d’affaires selon les années, soit toujours de l’ordre du quart, ni la « mise en avant en magasins » 14.30 %, la différence entre les deux types de prestations étant d’ailleurs peu claire ; qu’en réalité les facturations n’étaient pas faites en considération des prestations effectuées avec paiement à la prestation, mais qu’un taux était défini globalement avant les prestations, même si leur valeur effective n’y correspondait pas ... que ce taux était « mis » en fonction d’une politique tarifaire globale et indépendamment de la réalité, en tous cas de la valeur effective, des prestations de coopération commerciale... que le référencement était conditionné par des taux de coopération commerciale élevés » ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à établir le caractère disproportionné des prestations commerciales qui avaient été facturées et dont elle avait admis la réalité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-1° et 2° du code de commerce ;
2°/ que pour établir la valeur réelle des prestations litigieuses, le juge ne peut statuer par une motivation générale et abstraite et doit se prononcer concrètement, par une décision motivée, sur la nature et l’importance des prestations réellement fournies et sur les éléments qui lui permettent d’en déterminer la valeur ; qu’en se bornant, pour condamner Interdis au remboursement de la somme de 2.900.000 euros, à déclarer qu’« eu égard à l’ensemble des éléments du litige et des documents fournis, la cour estime que la valeur réelle des prestations commerciales ne peut être supérieure à la moitié environ des sommes facturées », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-II du code de commerce ;
3°/ que l’article L. 442-6-I du code de commerce dispose, en sa rédaction applicable à la cause comme en sa rédaction actuelle, que « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel » de se livrer à certaines pratiques définies par le texte en ses paragraphes suivants, parmi lesquelles figure notamment le fait d’obtenir du partenaire un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; que cette différence de valeur a ainsi la nature d’un fait générateur de responsabilité ; qu’elle caractérise la faute et se distingue du préjudice causé par cette faute ; qu’en confondant le préjudice réparable et la faute et en s’abstenant de rechercher la consistance du préjudice que cette différence de valeur a causé à Salins du Midi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I du code de commerce ;
4°/ que, la responsabilité n’est engagée en vertu du texte précité que dans la mesure où l’avantage litigieux est manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; que tout dépassement de cette valeur ne caractérise pas une disproportion manifeste ; que dès lors, l’indemnité mise à la charge d’Interdis ne pouvait équivaloir aux sommes facturées au-delà de la valeur réelle, mais devait être limitée aux sommes perçues et manifestement disproportionnées ; qu’en s’abstenant de rechercher dans quelle mesure le prix facturé des prestations commerciales était manifestement disproportionné, la cour d’appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir constaté que les contrats de coopération commerciale se donnaient pour objectif de « définir ensemble une politique globale de coopération commerciale dans un but commun de création de valeur et plus particulièrement afin d’avoir une offre adaptée au marché et au besoin des clients », l’arrêt relève qu’au-delà de cette déclaration d’intention elle-même assez floue, les services concernés n’étaient pas clairement définis, s’agissant en particulier des prestations de « clarification et positionnement spécifique de l’assortiment des produits, aides au lancement de produits nouveaux, communication ou mise en avant, optimisation des coûts », et que leur évaluation, telle qu’elle résulte des annexes, révèle une disproportion manifeste, seule « l’utilisation d’un centre de règlement des fournisseurs », qui n’était d’ailleurs facturée que 1,20 % du chiffre d’affaires, paraissant correspondre au service rendu ; que les juges soulignent à cet égard le coût élevé de la prestation « classification, sélection, assortiment » des produits, facturée 25 à 26 % du chiffre d’affaires selon les années, et qui, selon eux, ne devait pas excéder la moitié de ce taux, et de la « mise en avant en magasins », facturée à 14,30 %, sans d’ailleurs que la différence entre les deux types de prestations apparaisse nettement ; qu’ils relèvent encore que les facturations n’étaient pas établies en considération de la consistance des services rendus, mais en fonction d’un taux global arrêté préalablement, ainsi qu’il résulte d’un document dans lequel la société Interdis compare les tarifs de la société Salins du Midi à ceux de l’un de ses concurrents, puis conclut que, pour être compétitif, « il est nécessaire de mettre 50 % de coopération commerciale » ; qu’ils constatent qu’effectivement, un taux global, de 46 % en moyenne du chiffre d’affaires, dénué de rapport avec la valeur réelle des prestations fournies, était imposé à la société Salins du Midi, laquelle avait intérêt à ce que ses marques soient représentées dans la grande distribution où le groupe Carrefour détient une importante part de marché, ce qu’elle a accepté de plus en plus difficilement les trois dernières années, provoquant finalement la rupture des relations ; qu’ils en déduisent qu’est établie une disproportion manifeste entre la rémunération et la valeur des services commerciaux rendus ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, déduites de son appréciation souveraine des éléments de la cause, et d’où ressort l’absence de lien entre la valeur effective des services rendus et leur rémunération forfaitaire, manifestement excessive, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que, dès lors qu’est démontrée une disproportion manifeste entre la valeur du service rendu et la rémunération perçue, le partenaire qui a payé est fondé à obtenir la réparation de son préjudice, constitué par la totalité des sommes versées en trop ; que la cour d’appel, qui a ordonné le remboursement des sommes excédant la valeur réelle des services, dont elle a souverainement apprécié le montant, a légalement justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Interdis aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l’Est une somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille douze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Interdis
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la SNC INTERDIS à payer à la SA COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST la somme de 180.000,00 € en réparation du préjudice dû à la rupture partielle des relations commerciales,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que « sur la rupture partielle des relations, celle-ci n’est pas due à un déréférencement de produits mais à la fermeture d’entrepôts à la suite de laquelle les livraisons des produits des SALINS DU MIDI à plusieurs magasins de grande surface situés en ILE DE FRANCE a été interrompue sans préavis ; que la raison pour laquelle l’acheminement des produits n’aurait pu être effectué à partir d’autres entrepôts demeure inconnue ; qu’INTERDIS se borne à dire que la livraison était « en pratique, impossible », sans dire pourquoi ; que le Tribunal remarque justement que les hypermarchés d’ILE DE FRANCE ont continué à être approvisionnés en sel de table auprès des concurrents de CSME et que les parties avaient conclu pour l’année 2002 un accord de référencement national ; que la Cour ne peut, comme l’a fait le Tribunal, que constater le manquement; - que toutefois quant au préjudice les conséquences de ce manquement apparaissent limitées ; que la fermeture des entrepôts a eu lieu en juillet et septembre, et donc le non approvisionnement des magasins hypermarchés d’ILE DE FRANCE à partir de la mi-année 2002 en moyenne ; que, selon le tableau non sérieusement contesté versé aux débats, le chiffre d’affaires réalisé par LES SALINS DU MIDI avec CARREFOUR a diminué de 2,73 en 2002, soit 5,4 % environ sur l’année ; que l’impact du défaut d’approvisionnement des hypermarchés d’ILE DE FRANCE a été faible qu’il en serait sic de ce fait excessif de calculer le préjudice à partir d’un préavis de 18 mois, comme le fait l’appelant ; que 6 mois auraient suffi ; que le manquement a d’ailleurs porté environ sur cette période ; que la Cour limitera à 180 000 € le montant des dommages et intérêts pour la rupture partielle sans préavis des relations commerciales ; (arrêt, p.3 alinéas 4 et 5)
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors que si la rupture partielle d’une relation commerciale peut donner lieu à dommages et intérêts, la simple diminution des commandes, même localisée sur certain entrepôts approvisionnés par le producteur, ne caractérise pas une rupture brutale dès lors que les autres entrepôts compris dans la même relation commerciale continuent, voire augmentent leurs approvisionnements à des conditions normales et que l’absence de commande de certain entrepôts n’a pas d’impact significatif sur le chiffre d’affaires global réalisé dans le cadre de cette relation ; qu’en l’espèce la Cour d’appel, qui a constaté que l’impact du défaut d’approvisionnement des hypermarchés Ile de France sur le chiffre d’affaires global réalisé par CSME avec le groupe CARREFOUR a été faible, se ramenant à une diminution de 2,73 % ou 5,4 %, ne devait pas se limiter à réduire la durée du préavis, mais encore rechercher si, dans ces conditions, la cessation des commandes des entrepôts approvisionnant les hypermarchés d’Ile de France pouvait caractériser une rupture brutale de la relation commerciale existante entre le groupe CARREFOUR et la société CSME ; qu’en s’abstenant de procéder à cette recherche, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-5°du Code de Commerce.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la SNC INTERDIS à payer à la SA COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST la somme de 1.200.000,00 € pour la rupture totale des relations commerciales,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que, sur la rupture totale, le préavis a été de 4 mois, notifié le 29 août 2003 pour le 31 décembre de la même année ; que le Tribunal a retenu que le préavis contractuel était de 3 mois ; mais que ce court préavis ne tenait pas compte des spécificités de la relation entre les parties ; que la Cour doit rechercher s’il était suffisant eu égard aux circonstances particulières de l’espèce ;
- que le Tribunal a constaté que la société LES SALINS DU MIDI avait été en relation continue pendant plusieurs décennies, en fait 1974, selon les déclarations non contestées de l’appelante, avec PROMODES avant la fusion avec CARREFOUR puis à partir de ladite fusion en 2000, avec les sociétés du GROUPE CARREFOUR par l’intermédiaire d’INTERDIS ; que les relations n’ont pas été ininterrompues avant les événements litigieux dans le cadre du présent litige ; que la fusion a entrainé le transfert universel du patrimoine actif et passif de PROMODES à CARREFOUR ; que dès lors il y a lieu d’admettre que les relations ont été continues pendant près de 30 ans
- Que néanmoins que les relations ont connu des difficultés que le Tribunal a constaté en relatant notamment un courrier du 17 mais 2001 ; que les parties ne sont parvenues que difficilement à des accords au cours des trois dernières années ; qu’il y a eu en outre, selon le tableau précité une diminution progressive du chiffre d’affaires réalisé entre le GROUPE CARREFOUR et LES SALINS DU MIDI, de 4,39 % en 2001, de 2,79 en 2002, de 9,37 % en 2003, le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé avec CARREFOUR par rapport au chiffre d’affaires total des SALINS DU MIDI, toujours modeste, passant de 4,17 % en 2001 à 3,68 % en 2002 à 3,22 % en 2003 ;
- Qu’en combinant les divers éléments du litige en sa possession, la Cour estime que le préavis aurait du être de l’ordre d’une année ; que l’appelante a calculé de manière excessive son préjudice sur 3 ans, sans même déduire les 4 mois de préavis effectivement accordés ; que la Cour calculera le préjudice sur 12-4 soit 8 mois environ, en réduisant, bien que le rapport « Bruguier » auquel se réfère INTERDIS soit fort obscur, la base de calcul adoptée par LES SALINS DU MIDI pour tenir compte de la diminution régulière au cours des dernières années et fixera en définitive à 1,2 millions d’euros le montant du préjudice de la société SALINS DU MIDI résultant de l’insuffisance de préavis, pour rupture totale des relations commerciales ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors que si le respect d’un délai de préavis s’impose en cas de rupture d’une relation commerciale établie, même en l’absence de dépendance économique d’une partie envers l’autre, il appartient au juge de fixer la durée du préavis en fonction de toutes les circonstances de nature à influer sur l’appréciation d’un délai raisonnable, notamment l’absence de dépendance économique des parties entre elles, le caractère plus au moins stable de leur relation, et leurs responsabilités respectives dans l’échec des négociations qui ont précédé la rupture ; qu’en statuant par les motifs précités, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces constatations ne caractérisaient pas d’absence de dépendance économique des SALINS DU MIDI par rapport à CARREFOUR et l’instabilité des relations entre les parties depuis plus de deux avant la rupture, et sans rechercher non plus, comme elle y était invitée, si CSME n’avait pas fait obstacle à l’aboutissement des négociations ayant précédé la rupture, et sans enfin expliquer pourquoi un préavis d’un an était nécessaire à CSME pour trouver des solutions alternatives, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-5°du Code de commerce.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la SNC INTERDIS à payer à la SA COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L’EST la somme 1.900.000,00 € au titre du solde en matière de coopération commerciale,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que, sur la coopération commerciale la facture litigieuse de 2.082.573,30 € du 19 février 2004 non payée et que le Tribunal a écartée indique clairement sa cause, le contrat cadre de prestation de services spécifiques, le taux, 31,70 %, le montant du chiffre d’affaires sur lequel le taux a été calculé ; qu’elle n’indique pas le détail des prestations mais qu’il en était de même des diverses factures de coopération commerciales qui ont été payées ; que la présentation de toutes les factures est la même ; que la société LES SALLNS DU MIDI savait parfaitement de quoi il s’agissait ; qu’elle a en réalité refusé de payer en raison de ses réticences, ainsi que démontré ci-dessous, quant à la coopération commerciale ; que cette facture pour « solde de l’exercice 2003 » n’a pas un régime juridique différent et ne doit pas être traitée différemment des autres factures de coopération commerciale ;
- que les factures et paiements effectués et paiements demandés ne sont pas totalement dépourvus de cause puisque fondés sur des contrats de coopération commerciale ; que la fausse cause ne se présume pas ; que les contrats avaient notamment pour objet de « définir ensemble une politique globale de coopération commerciale dans un but commun de création de valeur et plus particulièrement afin d’avoir une offre adaptée au marché et aux besoins des clients » ; mais que les prestations afférentes à cet objectif, lui-même très imprécis, sont peu clairement définies : clarification et positionnement spécifique de l’assortiment des produits, aides au lancement de produits nouveaux, communication ou mise en avant, optimisation des coûts; que si certains postes paraissent correspondre à un service réel, tel que l’utilisation d’un centre de règlement des fournisseurs, évalué seulement à 1,20 % du chiffre d’affaires, l’évaluation des services, telle qu’elle résulte des annexes, déterminant les taux de coopération selon les années, révèle une disproportion manifeste entre la rémunération d’INTERDIS et la valeur du service commercial effectivement rendu par elle, et des déséquilibres significatifs entre les droits et obligations des parties ; qu’ainsi le poste « classification, sélection, assortiment » des produits ne saurait valoir 25 à 26 % du chiffre d’affaires selon les années, soit toujours de l’ordre du quart, ni la « mise en avant en magasins » 14.30 %, la différence entre les deux types de prestations étant d’ailleurs peu claire; qu’en réalité les facturations n’étaient pas faites en considération des prestations effectuées avec paiement à la prestation, mais qu’un taux était défini globalement avant les prestations, même si leur valeur effective n’y correspondait pas; que ces taux étaient certes négociés, mais que des taux très élevés étaient imposés par INTERDIS dont un document comparatif de tarifs SALINS et ESCU, son concurrent, mentionne « pour obtenir des prix relativement compétitifs par rapport à son concurrent il est nécessaire de mettre 50 % d’accord de coopération commerciale » ; que ce taux était « mis » en fonction d’une politique tarifaire globale et indépendamment de la réalité, en tous cas de la valeur effective, des prestations de coopération commerciale ;
- que SALINS DU MIDI n’était certes pas en situation de stricte dépendance économique avec un taux de l’ordre de 4 % de son chiffre d’affaires réalisé avec les sociétés du GROUPE CARREFOUR, mais qu’eu égard à l’importante part de marché desdites sociétés dans la grande distribution, elle avait un grand intérêt à ce que ses marques y soient présentes ; que le référencement était conditionné par des taux de coopération commerciale élevés ; qu’ils ont été de l’ordre de 46 % en moyenne avec INTERDIS ; que dans le courrier précité du 17 mai 2001 reproduit par le Tribunal, le GROUPE CARREFOUR reprochait aux SALINS DU MIDI le décalage de sa « rentabilité arrière » par rapport à son concurrent ; que les négociations sur ce point ont été apparemment difficiles et que c’est sur cette question que les désaccords ont finalement abouti à l’arrêt des relations commerciales ; que le refus par LES SALINS DU MIDI du paiement de la facture précitée au titre du solde 2003 est un élément de preuve supplémentaire de ses réticences et de la conscience qu’elle avait du déséquilibre entre la réalité des prestations commerciales et leur évaluation forfaitaire ;
Qu’eu égard à l’ensemble des éléments du litige et des documents fournis, la Cour estime que la valeur réelle des prestations commerciales ne peut être supérieure à la moitié environ des sommes facturées ;
Qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’annuler les contrats de coopération commerciale mais de condamner INTERDIS au remboursement de 2.900.000 € en application de l’article L 442-6-I-1)° et 2°) du Code de commerce, condamner INTERDIS sic, lire: les SALINS DU MIDI à lui payer 1 million d’euros au titre de la facture impayée, le solde au titre de la coopération commerciale étant de 1.900.000E en faveur des SALINS DU MIDI ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors d’une part que si le fait d’obtenir un avantage disproportionné au regard de la valeur du service rendu engage la responsabilité de son auteur, la disproportion n’est pas caractérisée par le seul fait que le prix du service rendu, dont la réalité est établie, est fixée forfaitairement par un pourcentage sur le chiffre d’affaires réalisé, c’est-à-dire sur le montant des ventes dont ces services ont assuré la promotion ; que pour justifier l’existence d’une disproportion manifeste entre la rémunération d’INTERDIS et la valeur du service commercial effectivement rendu par elle, la Cour d’appel relève que « le poste « classification, sélection, assortiment » des produits ne saurait valoir 25 à 26 % du chiffre d’affaires selon les années, soit toujours de l’ordre du quart, ni la « mise en avant en magasins » 14.30 %, la différence entre les deux types de prestations étant d’ailleurs peu claire ; qu’en réalité les facturations n’étaient pas faites en considération des prestations effectuées avec paiement à la prestation, mais qu’un taux était défini globalement avant les prestations, même si leur valeur effective n’y correspondait pas ... que ce taux était « mis » en fonction d’une politique tarifaire globale et indépendamment de la réalité, en tous cas de la valeur effective, des prestations de coopération commerciale...que le référencement était conditionné par des taux de coopération commerciale élevés » (arrêt, p.4 dernier alinéa, et p. 5, alinéas 1 et 2) ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à établir le caractère disproportionné des prestations commerciales qui avaient été facturées et dont elle avait admis la réalité, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-1° et 2° du Code de commerce ;
Alors d’autre part que, pour établir la valeur réelle des prestations litigieuses, le juge ne peut statuer par une motivation générale et abstraite et doit se prononcer concrètement, par une décision motivée, sur la nature et l’importance des prestations réellement fournies et sur les éléments qui lui permettent d’en déterminer la valeur ; qu’en se bornant, pour condamner INTERDIS au remboursement de la somme de 2.900.000,00 €, à déclarer qu’« eu égard à l’ensemble des éléments du litige et des documents fournis, la Cour estime que la valeur réelle des prestations commerciales ne peut être supérieure à la moitié environ des sommes facturées », la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-II du Code de commerce ;
Alors de troisième part que l’article L. 442-6 I du Code de commerce dispose, en sa rédaction applicable à la cause comme en sa rédaction actuelle, que « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel » de se livrer à certaines pratiques définies par le texte en ses paragraphes suivants, parmi lesquelles figure notamment le fait d’obtenir du partenaire un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu; que cette différence de valeur a ainsi la nature d’un fait générateur de responsabilité ; qu’elle caractérise la faute et se distingue du préjudice causé par cette faute ; qu’en confondant le préjudice réparable et la faute et en s’abstenant de rechercher la consistance du préjudice que cette différence de valeur a causé à CSME, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I du Code de commerce.
Alors de quatrième part et subsidiairement que, la responsabilité n’est engagée en vertu du texte précité que dans la mesure où l’avantage litigieux est manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; que tout dépassement de cette valeur ne caractérise pas une disproportion manifeste ; que dès lors, l’indemnité mise à la charge d’INTERDIS ne pouvait équivaloir aux sommes facturées au-delà de la valeur réelle, mais devait être limitée aux sommes perçues et manifestement disproportionnées ; qu’en s’abstenant de rechercher dans quelle mesure le prix facturé des prestations commerciales était manifestement disproportionné, la Cour d’appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6-I-2°du Code de commerce.