TGI BOBIGNY (6e ch. sect. 4), 6 décembre 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 3670
TGI BOBIGNY (6e ch. sect. 4), 6 décembre 2004 : RG n° 03/11821
(sur appel CA Paris (25e ch. A), 26 janvier 2007 : RG n° 05/01223)
Extrait : « Le 12 juin 2003, M. Z. et Melle W. ont signé un document intitulé « bon de recherche et de visite » dans lequel ils reconnaissaient que le bien leur avait été présenté par la société A2J IMMOBILIER et s'obligeaient, pendant une durée de 18 mois, à traiter l'affaire par son intermédiaire, à défaut de quoi ils seraient tenus à l'entière réparation du préjudice causé à l'agence immobilière fixé à 7 % de la valeur du bien acquis.
Il résulte des articles 1 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 que l'agent immobilier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat. En l'espèce, le mandat de vente prévoit que les honoraires seront à la charge du vendeur, excepté le cas où l'acquéreur accepterait de les prendre à sa charge. En tout état de cause, M. Z. et Melle W. sont étrangers au mandat dont s'agit. Il est constant que la souscription du bon de visite comporte un engagement unilatéral dépourvu de cause car contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970 et au décret du 20 juillet 1972. En effet, ce document prévoit pour le mandataire un moyen de rémunération non autorisé et un droit d'exclusivité sur une période abusive. Il s'ensuit que la clause contenue dans le document signé par M. Z. et Melle W. les obligeant à payer à l'agence immobilière une somme à titre de réparation du préjudice causé ne seraient recevoir application en l'espèce. En conséquence, A2.1 IMMOBILIER sera déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur le l'article 1134 du Code Civil, ses prétentions reposant sur ce seul fondement. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY
SIXIÈME CHAMBRE SECTION 4
JUGEMENT DU 6 DÉCEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 03/11821.
DEMANDEUR :
SARL A2J IMMOBILIER
[adresse], représentée par la SCP MIGEON-CABRIT-FONTAS, avocat au barreau de SEINE ST DENIS, vestiaire : BB213
C/
DÉFENDEURS :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître Denis WERQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1073
Madame Y. épouse X
[adresse], représentée par Maître Denis WERQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1073
Monsieur Z.
[adresse], représenté par Maître Agnès PACCIONI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1910
[minute page 2]
Mademoiselle W. [N.B. la minute mentionne par erreur Monsieur]
[adresse], représenté par Maître Agnès PACCIONI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1910
COMPOSITION DU TRIBUNAL : M. GUIGUESSON, Vice-Président, statuant en qualité de Juge Unique, conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté aux débats de Mademoiselle Laetitia AUTEL, Auditrice de Justice, et de Mme COPAIN, Greffier.
DÉBATS : Audience publique du 25 octobre 2004.
JUGEMENT : Prononcé publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par M. GUIGUESSON, Vice-Président, assisté de Mme COPIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Le 15 octobre 2002, M. et Mme X. ont donné mandat non exclusif à la SARL A2J IMMOBILIER de vendre leur pavillon sis [adresse G.] moyennant le prix de 388.745 euros dont 22.560 euros d'honoraires.
M. Z. et Melle W. ont visité ce bien par l'intermédiaire de l'agence A2J IMMOBILIER le 12 juin 2003 et ont transmis à cette agence début juillet une offre d'achat du pavillon au prix de 326.250 euros dont 311.000 euros net vendeur, proposition qui a été acceptée le 3 juillet 2003 par M. et Mme X.
Le 12 juillet 2003, ils ont signé un compromis de vente pour ce même bien par l'intermédiaire d'une autre agence immobilière également mandatée par le vendeur, l'agence B. FILS. La vente a été conclue le 14 octobre 2003.
Par acte d'huissier de justice en date du 30 octobre 2003, la SARL A2J IMMOBILIER a assigné M. et Mme X. ainsi que M. Z. et Melle W. afin d'obtenir leur condamnation solidaire, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 15.250 euros en réparation du préjudice causé du fait de son éviction de la réalisation de la vente immobilière. Elle demande au surplus leur condamnation au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 4 juin 2004, la SARL A2J IMMOBILIER fait tout d'abord valoir la régularité du mandat signé le 15 octobre 2002 avec M. et Mme X. A leur encontre elle invoque les dispositions de l'article 1998 du code civil pour en déduire que les époux X. n'ont pas rempli l'obligation qui leur incombait en tant que mandant d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir donné alors que l'agence leur avait présenté les clients et avait par la suite accompli toute diligence en vue de la réalisation de la vente. Elle fait ensuite valoir à l'encontre de M. Z. et Melle W. qu'en signant le bon de recherche et de visite le 12 juin 2003, ils s'obligeaient à négocier et à conclure la vente du bien visité avec le concours de l'agence A2J IMMOBILIER, qu'en achetant ce même bien par l'intermédiaire d'une autre agence immobilière ils engagent leur responsabilité envers A2J IMMOBILIER sur le fondement de l'article 1134 du code civil.
En réponse, dans leurs derrières écritures en date du 5 février 2004, les époux X. demandent tout d'abord le rejet des pièces 7 et 13 du demandeur comme étant non conformes à l'article 202 du NCPC, et susceptible, pour la pièce 13, d'abuser le Tribunal Ils soulèvent, à titre principal, la nullité du mandat de vente pour irrégularité de forme. Ils soutiennent ensuite que l'absence de stipulation d'exclusivité dans le mandat leur permettait de conclure la vente avec une autre agence que celle qui leur avait précédemment présenté les acquéreurs, toute clause contraire, revenant à octroyer à l'agent immobilier un droit d'exclusivité qu'il n'a pas, étant abusive au sens de l'article 1174 du Code Civil. M. et Mme X. soutiennent également que la liberté du choix du cocontractant ne peut davantage être limitée par le bon de recherche et de visite du 12 juin 2003, d'autant qu'ils ne peuvent se voir imposer les termes d'une convention à laquelle ils n'étaient pas parties. Ils rappellent ensuite que la commission n'est due qu'à celui par l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue et ce, par les acquéreurs et non les vendeurs. Ils considèrent enfin que l'agence A2J IMMOBILIER ne rapporte pas la preuve qu'ils ont commis une fraude à ses droits à commission.
Au principal, ils concluent au débouté des demandes de la SARL A2J IMMOBILIER et sollicitent, à titre reconventionnel, 1.000 euros chacun sur le fondement de l'article 1382 du [minute page 4] Code civil pour procédure abusive, ainsi que la somme de 3.934,84 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 31 mars 2004, M. Z. et Melle W., invoquent au soutien de leur défense, la nullité du fait de son caractère abusif de la clause insérée dans le bon de visite par laquelle ils s'obligeaient à négocier et à conclure avec le concours d'A2J IMMOBILIER, pendant une durée de 18 mois à compter de la date de prise d'effet. Selon eux, les dispositions de ce document contractuel sont en contrariété avec la loi du 2 janvier 1970. Ils contestent ensuite avoir commis une faute de nature à engager leur responsabilité en achetant le bien par l'intermédiaire d'une autre agence immobilière, cela même s'ils avaient fait une offre d'achat par l'intermédiaire d'A2J IMMOBILIER dans la mesure où cette agence n'a donné aucune suite à leur offre. A titre subsidiaire, ils considèrent que la clause litigieuse est une clause pénale et qu'elle doit être réduite en raison de la négligence de l'agence A2J IMMOBILIER dans le traitement de la vente.
Ils concluent en conséquence au débouté du demandeur. A titre subsidiaire, ils sollicitent la réduction de l'indemnité forfaitaire prévue dans le bon de visite en cas de non-respect des obligations édictées. A titre reconventionnel, ils demandent la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2004.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
A titre liminaire, sur l'irrecevabilité des pièces 7 et 13 du demandeur :
Il résulte de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile qu'une attestation doit indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. En l'espèce l'attestation de M. A. (pièce 7) est dépourvue d'une telle mention. En outre aucun document officiel, en original ou en photocopie, n'y est annexé. L'inobservation de ses formalités fait grief en ce que l'attestation émane d'un collaborateur travaillant au service de l'agence A2J IMMOBILIER, demandeur à l'instance. En conséquence, la pièce 7 est déclarée irrecevable du fait de l'inobservation des formalités substantielles prescrites par l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En revanche, s'agissant de la pièce 13, il appartient au tribunal d'en apprécier souverainement la portée et la valeur.
1. Sur la demande formée à l'encontre de M. et Mme X. :
M. et Mme X. contestent tout d'abord la validité du mandat de vente, au motif qu'il aurait été signé à leur domicile, et ce, sans tenir compte des prescriptions applicables dans ce cas. Aux termes du mandat de vente, il est expressément énoncé « fait à l'agence le 15/10/2002 ». Ce mandat est revêtu de la signature des parties, précédée de la mention « lu et approuvé ». Dès lors, la mention du lieu de signature ne souffre aucune interprétation à défaut de preuve contraire. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du mandat est inopérant en l'espèce.
[minute page 5] Il résulte de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 que lorsqu'une personne a donné à plusieurs agents immobiliers un mandat non exclusif de vendre le même bien, elle n'est tenue de payer une rémunération ou une commission qu'a celui par l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue, et cela même si l'acquéreur lui avait été précédemment présenté par un autre agent immobilier, sauf à ce dernier à prétendre à l'attribution de dommages et intérêts en prouvant une faute du vendeur qui l'aurait privé de la réalisation de la vente.
Il est par ailleurs nécessaire que trois conditions soient remplies pour mettre en œuvre la responsabilité des vendeurs : une faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage.
En l'espèce, il résulte des pièces versées au débat qu'A2J IMMOBILIER a fait visiter le pavillon en cause à M. Z. et Melle W. le 12 juin 2003 et que M. et Mme X. l'ont vendu, à ces derniers, le 14 octobre 2003 par l'intermédiaire d'une autre agence.
Le demandeur produit des documents non contestés attestant qu'une offre d'achat au prix de 311.000 euros hors honoraires d'agence a été faite par M. Z. et Melle W. le 2 juillet 2003 après une première offre en date du 28 juin 2003. Cette offre a été transmise aux vendeurs par les soins de l'agence comme en atteste le courrier de M. B. invitant M. et Mme X. à confirmer par écrit leur accord sur le prix, ce qu'ils ont tous deux fait par télécopie en date du 3 juillet 2003. Sur ce même document figure également une mention manuscrite de M. X., datée du 9 juillet 2003, énonçant « suite à notre entretien téléphonique de ce jour, veuillez noter que mon accord concernant la signature du compromis avec monsieur Z. et madame W. prendra fui le samedi 12 juillet 2003 à 19 heures ».
Par ailleurs, M. et Mme X. ne contestent pas avoir signé ce même jour, le 12 juillet 2003, un compromis de vente sous l'égide d'une autre agence que la SARL A2J IMMOBILIER.
Il s'en déduit que M. et Mme X. ont conclu la vente par l'intermédiaire d'une autre agence alors même que la signature d'un compromis par l'entremise de la SARL A2J IMMOBILIER avait été envisagée par eux et que leur accord, qu'ils avaient expressément donné en l'espèce le 3 juillet 2003, ne prenait fin que le 12 juillet 2003.
Il s'ensuit que l'agence 2AJ IMMOBILIER, qui a obtenu un accord de toutes les parties sur le prix de vente du pavillon, a parfaitement accompli ses diligences de mandataire, et qu'elle n'a été privée de la réalisation de la vente que par l'attitude fautive des vendeurs et mandants M. et Mme X.
A titre de dommages et intérêts, l'agence peut prétendre à l'allocation d'une somme pouvant atteindre le montant de la commission contractuellement prévue entre les parties.
Aux termes du mandat de vente, les honoraires d'agence ont été fixés à la somme de 22.560 euros. La SARL A2J IMMOBILIER sollicite, quant à elle, le paiement de la somme de 15.250 euros en réparation de son préjudice. Ce montant tient compte de la baisse de rémunération consentie par l'agence au moment de la négociation sur le prix de vente avec les époux X. et les futurs acquéreurs.
[minute page 6] Il convient en conséquence de condamner M. et Mme X. au paiement de la somme de 15.250 euros de dommages et intérêts à la SARL A2J IMMOBILIER.
2. Sur la demande formée à l'encontre de M. Z. et de Melle W. :
Le 12 juin 2003, M. Z. et Melle W. ont signé un document intitulé « bon de recherche et de visite » dans lequel ils reconnaissaient que le bien leur avait été présenté par la société A2J IMMOBILIER et s'obligeaient, pendant une durée de 18 mois, à traiter l'affaire par son intermédiaire, à défaut de quoi ils seraient tenus à l'entière réparation du préjudice causé à l'agence immobilière fixé à 7 % de la valeur du bien acquis.
Il résulte des articles 1 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 que l'agent immobilier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat. En l'espèce, le mandat de vente prévoit que les honoraires seront à la charge du vendeur, excepté le cas où l'acquéreur accepterait de les prendre à sa charge. En tout état de cause, M. Z. et Melle W. sont étrangers au mandat dont s'agit. Il est constant que la souscription du bon de visite comporte un engagement unilatéral dépourvu de cause car contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970 et au décret du 20 juillet 1972. En effet, ce document prévoit pour le mandataire un moyen de rémunération non autorisé et un droit d'exclusivité sur une période abusive. Il s'ensuit que la clause contenue dans le document signé par M. Z. et Melle W. les obligeant à payer à l'agence immobilière une somme à titre de réparation du préjudice causé ne seraient recevoir application en l'espèce. En conséquence, A2.1 IMMOBILIER sera déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur le l'article 1134 du Code Civil, ses prétentions reposant sur ce seul fondement.
3. Sur la demande de dommages et intérêts de M. et Mme X. pour procédure abusive :
L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus ouvrant droit au versement de dommages et intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, la SARL A2J IMMOBILIER est fondée dans son action à l'encontre de M. et Mme X.. Ces derniers seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
4. Sur les autres demandes :
Sur l'exécution provisoire :
En application de l'article 515 du NCPC, et au regard de l'ancienneté du litige, il convient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du NCPC :
En application de l'article 696 du NCPC, M. et Mme X. succombant à l'instance en supporteront les dépens.
[minute page 7] La partie condamnée aux dépens est condamnée, en application de l'article 700 du NCPC, à payer à l'autre une indemnité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens si l'équité le commande.
En l'espèce l'équité commande de condamner M. et Mme X. à payer à la SARL A2J IMMOBILIER une indemnité de 1.000 euros à ce titre.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à M. Z. et à Melle W. la charge de leurs frais irrépétibles. Leur demande en application de l'article 700 du NCPC sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la SARL A2J IMMOBILIER en réparation de son préjudice la somme de quinze mille deux cent cinquante euros (15.250 euros) de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. au paiement de la somme de mille euros (1.000 euros) au titre de l'article 700 du NCPC ;
Déboute la SARL A2J IMMOBILIER de sa demande en paiement à l'encontre de M. Z. et de Melle W. ;
Rejette toutes les demandes plus amples ou contraires
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement
Condamne M. et Mme X. au paiement des entiers dépens.
La minute a été signée par M. GUIGUESSON, Vice-Président, et par Mme COLIN, Greffier.
Le Greffier Le Président