CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 30 octobre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4021
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 30 octobre 2012 : RG n° 10/05010
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'il apparaît ainsi à la lecture de ces stipulations, que ce mandat de vente ne permet pas au consommateur qui le signe de savoir à quoi il s'engage, de connaître la nature du mandat qu'il a signé et qu'elles sont les obligations de son mandataire relatives à ce mandat, étant souligné cependant, qu'un mandat semi exclusif de vente n'est pas prohibé ; Que ce contrat tout d'abord ne précise pas clairement qu'il existe un mandat semi exclusif que Mme Z. a expressément choisi en exposant en quoi il consiste et comment il est rémunéré ; Qu'au lieu d'énoncer les obligations respectives des parties clairement définies, ce contrat procède en effet par déduction en énonçant la définition du mandat simple puis du mandat exclusif ;
Que Mme Z. n'a coché ni la mention « option mandat simple » ni la mention « option mandat exclusif », ni d'ailleurs une mention « option mandat semi exclusif » qui n'existe pas ; Qu'en revanche il apparaît que dés lors que le mandant coche une des prestations figurant au paragraphe B) formulées de façon ambigüe sous forme « d'autorisation » et « si le mandant le demande », le mandataire perçoit une commission de 8.500 euros et ce alors que ces prestations apparemment facultatives ne sont pas très différentes pour certaines de celles figurant dans le paragraphe A) qui sont exécutées dans tous les mandats semble-t-il à savoir la diffusion de l'offre sur le site www.immobilierendirect.net qui est le site de Idimmo ;
Que l'ambiguïté avérée de ce contrat ne permet pas de retenir que Mme Z. a adhéré à une quelconque exclusivité même partielle du mandat au profit de la SARL X. DÉVELOPPEMENT ; Qu'en vertu de l’article 1162 du Code civil appliqué à bon droit par le premier juge, il y a lieu de considérer que Mme Z. a signé un mandat simple de vente et qu'elle n'est redevable d'aucune rémunération à l'égard de la SARL X. DÉVELOPPEMENT ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/05010. Appel d'un Jugement (R.G. n° 11-09-042) rendu par le Tribunal d'Instance de VIENNE en date du 5 novembre 2010, suivant déclaration d'appel du 25 novembre 2010.
APPELANTE :
SARL X. DEVELOPPEMENT - EMD
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP GRIMAUD, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître CARNEL, avocat au barreau de Paris.
INTIMÉE :
Madame Y. épouse Z.
née le [date] à [ville], représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, postulants, et par Maître Evelyne CHOULET ROCHER, avocat au barreau de VIENNE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Annick ISOLA, Vice-Président placé,
Assistés lors des débats de Mme Françoise DESLANDE, greffier,
DÉBATS : A l'audience publique du 2 octobre 2012, Madame KLAJNBERG a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 4 juin 2008 Mme Z. a signé avec la société X. DÉVELOPPEMENTS (EMD) un document intitulé « accord de partenariat » qui prévoyait la mise en vente de sa maison sise à [ville R.] le prix de vente étant fixé à 433.000 euros nets vendeur et la commission de l'agence à la somme de 17.000 euros en cas de réalisation de la vente par l'intermédiaire de la société EMD.
Mme Z. a vendu sa maison directement et en a informé la société, tout en refusant de lui verser la rémunération forfaitaire de 8.500 euros qui était stipulée au contrat.
Le 7 janvier 2009 la SARL X. DÉVELOPPEMENT l'a donc assignée devant le tribunal d'instance de Vienne en paiement de sa rémunération.
Par jugement du 5 novembre 2010 le tribunal a :
« débouté la SARL X. DÉVELOPPEMENT de toutes ses demandes,
condamné la SARL X. DÉVELOPPEMENT aux dépens et à payer à Mme Y. épouse Z. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
débouté Mme Y. épouse Z. du surplus de ses demandes ».
La SARL X. DÉVELOPPEMENT a relevé appel de cette décision et demande à la cour par voie d'infirmation et au visa des articles 1134, 1178 et 1998 du Code civil et de l'article 6 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, de condamner Mme Z. à lui payer une indemnité forfaitaire de 8.500 euros correspondant au montant de sa rémunération, ainsi qu'une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de son recours elle fait valoir en substance que :
- Mme Z. a bénéficié d'un délai de réflexion de 9 jours et le mandat semi exclusif de vente qu'elle a signé le 4 juin 2009 comportait la mention des articles L. 121-21 et L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation relatifs au démarchage à domicile et au délai de rétractation de sept jours,
- Mme Z. était tout à fait capable de conclure l'accord de partenariat avec la société et en était satisfaite,
- la rémunération de la société EMD avait une contrepartie réelle et indiscutable et cette société a parfaitement rempli ses obligations,
- le 1er juillet 2008 Mme Z. a informé la société qu'elle avait trouvé un acquéreur lequel a effectivement acheté l'immeuble de Mme Z.,
- en dépit de la clause stipulée dans le compromis de vente Mme Z. n'a pas réglé le montant de sa rémunération à la société EMD, correspondant à la moitié de la rémunération normale,
- l'étendue des obligations de la société EMD était plus importante que dans le cadre d'un mandat simple,
- le contrat signé entre les parties ne souffre d'aucune interprétation et correspondait bien à un mandat de vente,
- il s'agit d'un mandat semi exclusif et seul le caractère exclusif du mandat doit faire l'objet d'une précision expresse dans le contrat,
- si la société ne conclut pas elle-même la vente elle reste dans l'obligation d'assister à moindre coût le vendeur dans cette démarche de vente,
- aucun vice n'a entaché le consentement de Mme Z.,
- la société a publié dès juin 2008 à 70 reprises, l'annonce relative au bien de Mme Z..
Mme Y. épouse Z. sollicite au visa des articles 1101, 1109, 1131, 1134, 1162 du Code civil et L. 132-1 du Code de la consommation la confirmation du jugement et fait appel incident pour demander à la cour de condamner la société X. DÉVELOPPEMENT à lui payer 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 2.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle conclut pour l'essentiel que :
- les obligations de la société X. DÉVELOPPEMENT figurant au contrat sont inexistantes,
- elle n'a pas disposé d'un délai lui permettant de faire une lecture attentive de toutes les clauses qui étaient mentionnées sur le contrat,
- le jour de la signature elle venait d'être hospitalisée et connaissait des problèmes de santé liés à son âge (78 ans) qui la mettaient dans un état de faiblesse,
- elle a été démarchée à domicile par cette société, qui par la suite ne lui a présenté aucun acquéreur,
- outre l'annulation du contrat du 4 juin 2008 la cour condamnera la société X. DÉVELOPPEMENT à lui payer 9.000 euros sur le fondement de l’article L. 122-8 du code de la consommation,
- le contrat doit être annulé également car le formulaire détachable de rétractation n'est pas conforme aux dispositions de l’article L. 121-5 du Code de la consommation,
- il n'est pas établi que la société ait rempli les diligences prévues au contrat,
- ce contrat n'est pas causé, faute de contrepartie à la charge de la société,
- la clause selon laquelle la société a droit à une rémunération de 8.500 euros même si la vente est réalisée sans son entremise, doit être jugée abusive,
- ce contrat se heurte à des difficultés d'interprétation et aucune stipulation expresse du mandat ne prévoit l'exclusivité,
- en l'espèce c'est un mandat simple qui a été signé et non pas un mandat semi exclusif comme le prétend l'appelante,
- par application de l’article 1162 du Code civil ce contrat doit être interprété en faveur de Mme Z. comme l'a jugé le tribunal.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Sur la demande d'annulation du mandat de vente pour vice du consentement :
Attendu que tout en sollicitant la confirmation du jugement Mme Z. conclut à l'annulation du mandat de vente ;
Que pas plus en appel qu'en première instance, Mme Z. ne produit de document médical, de sorte que par des motifs auxquels la cour se réfère, le premier juge a à juste titre débouté celle-ci de cette demande ;
Sur la validité du contrat de mandat :
Attendu que le contrat signé entre les parties qui s'intitule « Accord de Partenariat » ne mentionne à aucun moment que Mme Z. a donné un mandat semi exclusif à la société X. ;
Qu'à l'article 4 « Obligations des parties » il est stipulé que :
« A) l'Agence est autorisée à :
- Assurer la diffusion du bien sur son site Internet professionnel www.idimmo.net et les autres sites partenaires ainsi que le fichier commun immobilier du groupe X.
- Diffuser le bien sur divers journaux professionnels, catalogues, prospectus et tous autres supports publicitaires de son choix.
- Rendre compte de ses visites de ses démarches par courrier ou téléphone.
- Déléguer à tout professionnel de son choix un mandat aux mêmes conditions.
- Faire établir à la demande, l'offre d'achat ou le compromis de vente et à renseigner les parties sur les formalités obligatoires à la rédaction des actes tels que : loi Carrez, diagnostic amiante, saturnisme, termites, risques technologiques, qui devront être réalisés avant tout compromis.
B) L'agence est autorisée d'autre part, si le vendeur le demande, à aider le mandant dans sa recherche d'un acquéreur au même prix de vente, et à lui fournir les prestations suivantes : cochez les options choisies :
1) un ou deux panneaux « à vendre » avec indication du numéro du vendeur et de l'agence.
2) 500 prospectus publicitaires à distribuer avec coordonnées du vendeur.
3) un carnet de bord pour le suivi des acheteurs reçus directement par lui qu'il communiquera à l'agence pour information et relance des prospects.
4) organiser des journées portes ouvertes en présence du mandant.
5) utiliser l'offre sur le site www.immobilierendirect.net avec indication des coordonnées du vendeur et l'assister pour la diffusion sur d'autres sites de transactions réservés aux particuliers.
Le vendeur s'engage à accepter toute offre d'achat au prix demandé et à faire connaître au mandataire les noms des personnes ayant visité directement le bien. À compter de ce jour, en contrepartie des services rendus le mandant s'interdit de confier la vente de biens à d'autres agences, les mandats antérieurement donnés par le vendeur conserveront leur validité avec les agences ci-après désignées ».
En cas de mandat simple le mandataire n'est pas tenu aux obligations figurant au B) ;
Attendu qu'il est également prévu en cas de réalisation de la vente avec un acquéreur ayant pris contact avec le mandataire, une commission forfaitaire fixée à 17.000 euros à la charge du mandant et que dans le cas où la vente serait réalisée en direct sans entremise du mandataire, dans le cadre de l'Accord de Partenariat, la rémunération sera ramenée à la somme forfaitaire de 8.500 euros à la charge du mandant ;
Que pendant la durée du mandat, le mandant devra avertir par lettre recommandée avec demande d'avis de réception immédiatement le mandataire de tout accord passé avec l'acquéreur, pour pouvoir mettre fin à toute négociation ;
Attendu qu'en l'espèce, l'agence était « autorisée » à exécuter les prestations figurant en A) et les prestations n° 3-4-5 du paragraphe B) qui sont cochées sur le contrat,
Qu'il apparaît ainsi à la lecture de ces stipulations, que ce mandat de vente ne permet pas au consommateur qui le signe de savoir à quoi il s'engage, de connaître la nature du mandat qu'il a signé et qu'elles sont les obligations de son mandataire relatives à ce mandat, étant souligné cependant, qu'un mandat semi exclusif de vente n'est pas prohibé ;
Que ce contrat tout d'abord ne précise pas clairement qu'il existe un mandat semi exclusif que Mme Z. a expressément choisi en exposant en quoi il consiste et comment il est rémunéré ;
Qu'au lieu d'énoncer les obligations respectives des parties clairement définies, ce contrat procède en effet par déduction en énonçant la définition du mandat simple puis du mandat exclusif ;
Que Mme Z. n'a coché ni la mention « option mandat simple » ni la mention « option mandat exclusif », ni d'ailleurs une mention « option mandat semi exclusif » qui n'existe pas ;
Qu'en revanche il apparaît que dés lors que le mandant coche une des prestations figurant au paragraphe B) formulées de façon ambigüe sous forme « d'autorisation » et « si le mandant le demande », le mandataire perçoit une commission de 8.500 euros et ce alors que ces prestations apparemment facultatives ne sont pas très différentes pour certaines de celles figurant dans le paragraphe A) qui sont exécutées dans tous les mandats semble-t-il à savoir la diffusion de l'offre sur le site www.immobilierendirect.net qui est le site de Idimmo ;
Que l'ambiguïté avérée de ce contrat ne permet pas de retenir que Mme Z. a adhéré à une quelconque exclusivité même partielle du mandat au profit de la SARL X. DÉVELOPPEMENT ;
Qu'en vertu de l’article 1162 du Code civil appliqué à bon droit par le premier juge, il y a lieu de considérer que Mme Z. a signé un mandat simple de vente et qu'elle n'est redevable d'aucune rémunération à l'égard de la SARL X. DÉVELOPPEMENT ;
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :
Attendu que le simple fait pour la partie appelante de succomber en ses prétentions ne caractérise nullement la preuve suffisante du caractère abusif et vexatoire de la procédure qu'elle a engagée ;
Qu'en outre l'état de faiblesse invoqué par Mme Z. n'est pas établi, de même qu'elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui qui est réparé par la présente décision ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré
Condamne en cause d'appel la SARL X. DÉVELOPPEMENT à payer à Mme Z. une indemnité de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la SARL X. DEVELOPPEMENT aux dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 au profit de la SARL DAUPHIN MIHAJLOVIC qui en a demandé le bénéfice.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame KLAJNBERG, Conseiller, en remplacement du Président empêché, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Conseiller
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