CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 9 novembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4034
CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 9 novembre 2012 : RG n° 10/08871 ; arrêt n° 2012/534
Publication : Jurica
Extrait : « Si l’article L. 311-30 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige et l'article 10 des conditions générales du contrat de prêt prévoient qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû avec diverses majorations, cette sanction est facultative et ne se produit que si le prêteur décide de s'en prévaloir. Elle ne peut jouer que si au moment de la résiliation, la défaillance existe toujours, c'est-à-dire s'il existe encore des échéances impayées et le prêteur ne peut l'appliquer lorsque l'emprunteur a apuré le retard de paiement et que plus aucune échéance impayée n'existe. Ainsi lors de l'envoi de la lettre du 28 avril 2008, Madame X. n'était pas un débiteur défaillant et la Banque Populaire ne pouvait pas résilier le prêt.
La Banque Populaire fonde également sa décision de résiliation du prêt sur la violation par Madame X. de la clause du contrat de crédit l'obligeant à laisser ses revenus domiciliés à la banque pendant toute la durée du prêt. Selon l’article L. 132-1 du Code de la consommation « […] ». La clause de domiciliation interdit à l'emprunteur de contracter un prêt auprès d'un autre établissement bancaire qui aurait les mêmes exigences et en l'absence d'une contrepartie individualisée à son profit, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle s'avère abusive et doit être déclarée non écrite. Dès lors sa transgression par Madame X. ne peut justifier la résiliation du contrat de prêt. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
ONZIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/08871. Arrêt n° 2012/534. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 22 mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 11-08-001802.
APPELANTE :
Société BPCA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR,
prise en la personne du Président de son Conseil d'Administration, domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [adresse], représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, la SCP BLANC CHERFILS, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, Plaidant Maître Jean-Aimé DURAND, avocat au barreau de TOULON substitué par Maître Jean Baptiste DURAND, du barreau de TOULON
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, Avoués, Ayant pour avocat plaidant Maître Olivier FERRI du barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 octobre 2012 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Monsieur Daniel ISOUARD, Président, Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller, Madame Sylvie PEREZ, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2012
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2012, Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 13 octobre 2005, Madame X. a ouvert un compte de dépôt auprès de la banque populaire Côte d'Azur. Le même jour cet établissement lui a consenti un prêt de 24.000 euros remboursable en 84 mensualités de 365,01 euros chacune soit avec un taux d'intérêt nominal de 6 %.
Après avoir clôturé le compte de dépôt et résilié le contrat de prêt en raison de la défaillance de Madame X., la Banque Populaire a assigné celle-ci en paiement du solde du prêt. Par jugement du 22 mars 2010, le tribunal d'instance de Toulon a débouté la Banque Populaire de ses demandes, l'a condamnée à payer à Madame X. la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts et a dit que cette somme viendrait en compensation des sommes restant dues au titre du prêt, allouant à celle-ci la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le 10 mai 2010, la Banque Populaire a interjeté appel de cette décision. Elle sollicite sa réformation et la condamnation de Madame X. à lui payer la somme de 18.249,34 euros avec intérêts de retard à compter du 22 avril 2008 au taux de 6 % l'an sur la somme de 16.865,50 euros et anatocisme ainsi que celle de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que le contrat de prêt s'est trouvé résilié par la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement des échéances, peu important qu'à la date de la résiliation les mensualités non payées à leur date aient été réglées et par la domiciliation par Madame X. de ses salaires dans un autre établissement bancaire en infraction avec les clauses du contrat de prêt.
Elle prétend que Madame X. dépassant le découvert autorisé, avoir mis fin au compte bancaire avec un délai d'un mois suffisant en l'espèce et s'agissant d'un contrat à durée indéterminée qu'elle pouvait y mettre fin avec préavis.
Elle allègue que Madame X. connaissait les tarifs qui lui étaient appliqués en raison des frais bancaires et de tenue de compte et ne peut contester leur montant. Elle soutient que ce compte ouvert dans ses livres était un compte courant pouvant fonctionner à découvert sans offre de crédit.
Madame X. conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a débouté la Banque Populaire de ses demandes, à sa condamnation à lui payer la somme de 25.000 euros de dommages-intérêts ainsi que celle de 2.252,97 euros, montant des frais bancaires indus, à la compensation de ces sommes avec le solde du prêt et à la condamnation de la Banque Populaire à lui payer la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle reproche à la Banque Populaire la résiliation du prêt intervenue alors que plus aucune mensualité impayée n'existait et que la clause de domiciliation s'avère abusive et doit être déclarée non écrite.
Elle se plaint de prélèvements abusifs sur son compte bancaire, cause du découvert de celui-ci, d'un montant de 2.252,97 euros dont elle demande le remboursement ainsi que de la résiliation abusive de son compte de dépôt. Elle incrimine le comportement de la banque qui lui a fait souscrire divers placements aussi inutiles que dispendieux.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la résiliation du prêt :
Madame X. n'a pas réglé à leur date les mensualités du prêt des 1er février, mars et avril 2008. Ces échéances ont pu être payées le 5 avril 2008 par le versement sur le compte de dépôt de Madame X. de la somme de 2.000 euros.
Par lettre recommandée reçue le 25 avril 2008 puis par lettre recommandée du 28 avril 2008 présentée le 30 avril 2008 annulant la précédente, la Banque Populaire a prononcé la déchéance du terme du prêt en raison de la défaillance de Madame X. au niveau du remboursement des échéances.
Si l’article L. 311-30 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige et l'article 10 des conditions générales du contrat de prêt prévoient qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû avec diverses majorations, cette sanction est facultative et ne se produit que si le prêteur décide de s'en prévaloir.
Elle ne peut jouer que si au moment de la résiliation, la défaillance existe toujours, c'est-à-dire s'il existe encore des échéances impayées et le prêteur ne peut l'appliquer lorsque l'emprunteur a apuré le retard de paiement et que plus aucune échéance impayée n'existe.
Ainsi lors de l'envoi de la lettre du 28 avril 2008, Madame X. n'était pas un débiteur défaillant et la Banque Populaire ne pouvait pas résilier le prêt.
La Banque Populaire fonde également sa décision de résiliation du prêt sur la violation par Madame X. de la clause du contrat de crédit l'obligeant à laisser ses revenus domiciliés à la banque pendant toute la durée du prêt.
Selon l’article L. 132-1 du Code de la consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
La clause de domiciliation interdit à l'emprunteur de contracter un prêt auprès d'un autre établissement bancaire qui aurait les mêmes exigences et en l'absence d'une contrepartie individualisée à son profit, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle s'avère abusive et doit être déclarée non écrite. Dès lors sa transgression par Madame X. ne peut justifier la résiliation du contrat de prêt.
C'est en méconnaissance des droits de Madame X. que la Banque Populaire a résilié son contrat de prêt.
Cela dit, le prêt est arrivé actuellement à terme puisque la dernière échéance était prévue pour le 1er novembre 2012 et Madame X. n'a plus remboursé de mensualités depuis celle d'avril 2008.
Elle doit donc être condamnée à payer à la Banque Populaire :
- les intérêts de retard sur les échéances impayées lors de la résiliation par la banque soit la somme de 5,46 euros,
- le montant des échéances du prêt de mai 2008 inclus à novembre 2012 inclus avec intérêts au taux contractuel de 6 % à compter de chacune de ses échéances, capitalisés année par année.
Cette condamnation doit s'opérer dans la limite de la demande de la Banque Populaire contre Madame X. soit la condamnation au paiement de la somme de 18.249,34 euros au taux contractuel de 6 % sur la somme de 16.865,50 euros depuis le 22 avril 2008, outre capitalisation année par année.
Sur les frais du compte de dépôt :
Le compte bancaire ouvert le 13 octobre 2005 par Madame X. auprès de la Banque Populaire s'intitule « convention de compte de dépôt particulier » et prévoit un fonctionnement à découvert non autorisé.
En l'absence de tout autre élément, la Banque Populaire ne peut prétendre que ce compte serait un compte courant.
Il se déduit des termes de l’article L. 311-3 du Code de la consommation (ancienne rédaction) que lorsqu'une banque consent à son client des avances de fonds pendant plus de trois mois, ce découvert constitue une ouverture de crédit soumise aux dispositions des articles L. 311-1 à L. 311-37 du Code de la consommation. La poursuite dudit découvert doit s'accompagner d'une offre préalable de crédit.
L'article L. 311-33 du même code sanctionne la méconnaissance de cette obligation de la déchéance du droit aux intérêts et prévoit que l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital.
Le compte de dépôt de Madame X. a fonctionné à découvert depuis le 4 janvier 2006 et la Banque Populaire n'a jamais formé une offre de crédit concernant cette position débitrice. En effet ne peut être qualifiée d'une telle offre la demande de cet établissement du 7 août 2007 de couvrir le paiement fait à découvert, l'information du 10 août 2007 de porter jusqu'au 31 août 2007 le découvert autorisé à 1.500 euros et sa lettre du 17 août 2007 organisant la résorption de ce découvert pour le ramener à 800 euros au 1er février 2008.
Dès lors la Banque Populaire s'avère déchue des intérêts du 4 avril 2006 au 22 avril 2008 soit la somme de 2.252,97 euros.
Vainement, la Banque Populaire expose-t-elle de son droit à prélever des frais, de la connaissance par Madame X. de ses tarifs et de leur rappel dans les relevés bancaires. En effet, cela importe peu et n'empêche pas la déchéance des intérêts dès lors qu'un découvert bancaire a été maintenu plus de trois mois sans offre de crédit.
La Banque Populaire doit être condamnée à rembourser à Madame X. la somme de 2.252,97 euros.
Sur la rupture du compte de dépôt :
Comme tout contrat à durée indéterminé, la convention de compte de dépôt est résiliable à tout moment par chacune des parties sous réserve d'un préavis d'usage.
Le 9 février 2008, la Banque Populaire a informé Madame X. de sa décision de mettre fin au compte de dépôt sous un délai de 30 jours.
D'une part ce délai n'est pas celui prévu par les conditions générales de ce compte qui stipule un délai de 45 jours sauf comportement gravement répréhensible du client, inexistant à l'espèce, la cause invoquée étant le défaut de domiciliation des salaires. D'autre part la Banque Populaire a eu après cette résiliation une attitude manquant de clarté quant à sa décision de rompre ce contrat le 9 mars 2009 ; en effet le 13 février 2008 elle a établi en faveur de Madame X. une attestation indiquant que tous les incidents de paiement sur ce compte avaient été régularisés et d'autre part le 1er avril 2008 lui a écrit en lui demandant de régulariser sa situation qui semble être redevenue débitrice jusqu'au 30 avril 2008. Sa prétention que ce délai n'avait été accordé que pour ne pas déclarer l'incident de paiement à la Banque de France ne peut être retenue en l'absence de toute allusion à la résiliation du compte déjà intervenue.
Sur les autres manquements de la Banque Populaire :
Madame X. reproche à la Banque Populaire de lui avoir fait souscrire divers placements inutiles pour elle et qui ont généré des frais importants.
Mais elle développe très peu ce grief et ne caractère pas les manquements qu'elle formule envers la banque.
Cette prétention doit être rejetée.
Sur la condamnation de la Banque Populaire à des dommages-intérêts :
La Banque Populaire a rompu à tort le crédit qu'elle avait accordé à Madame X. Elle a débité des intérêts et frais sans respecter les obligations du crédit à la consommation et a résilié le compte de dépôt sans respecter le délai prévu et avec ambiguïté.
Ses fautes dans les rapports contractuels notamment par la perte du crédit accordé, la portée en compte de frais non dus et la rupture du compte de dépôt ont nécessairement rendu plus difficile la situation financière de Madame X. et justifient l'allocation de la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts.
La Banque Populaire ayant manqué à ses obligations et Madame X. restant débitrice, il convient de rejeté les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu le jugement du 22 mars 2010 du tribunal d'instance de Nice ;
Condamne Madame X. à payer à la Banque Populaire Côte d'Azur :
- les intérêts de retard sur les échéances impayées lors de la résiliation par la banque soit la somme de 5,46 euros,
- le montant des échéances du prêt de mai 2008 inclus à novembre 2012 inclus avec intérêts au taux contractuel de 6 % à compter de chacune de ses échéances outre capitalisation année par année ;
Dit que cette condamnation doit s'opérer dans la limite de la demande de la Banque Populaire contre Madame X. soit la condamnation au paiement de la somme de 18.249,34 euros au taux contractuel de 6 % sur la somme de 16.865,50 euros depuis le 22 avril 2008 outre capitalisation année par année ;
Condamne la Banque Populaire Côte d'Azur à payer à Madame X. la somme de 2.252,97 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Condamne la Banque Populaire Côte d'Azur à payer à Madame X. la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts ;
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Madame X. aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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