CA NÎMES (1re ch. civ. A), 11 décembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4081
CA NÎMES (1re ch. civ. A), 11 décembre 2012 : RG n° 12/01298
Publication : Jurica
Extrait : « Aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destinée à être conservé par le prêteur, la formalité du double prévue par l'article L. 311-8 remplacé depuis par l'article L. 311-11 de la consommation, s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation qui y est joint.
D'autre part, il appartient à monsieur X. qui a reconnu être en possession d'un exemplaire de cette offre dotée d'un formulaire de rétractation, formule certes pré-imprimée mais qui identique à la mention figurant dans le modèle type n°1 « offre de crédit accessoire à une vente » figurant à l'annexe à l’article R. 311-6 du code de la consommation et conforme aux dispositions légales entrées en vigueur le 1er octobre 2007, ne saurait être qualifiée de clause abusive, de justifier du caractère erroné ou mensonger de sa reconnaissance écrite en produisant l'exemplaire original de l'offre resté en sa possession.
Le premier juge ne mentionne aucunement avoir procédé à la vérification de l'exemplaire de l'offre de l'emprunteur dont il ne paraît pas qu'il ait été produit par monsieur X.
Rien ne permet donc d'affirmer que l'exemplaire de l'offre emprunteur remise à monsieur X. ne comportait pas un bordereau détachable de rétractation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01298. TRIBUNAL D'INSTANCE D'ALES, 1er mars 2012.
APPELANTE :
SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'ÉQUIPEMENTS
Rep/assistant : la SCP MASSAL & RAOULT, Plaidant/Postulant (avocats au barreau d'ALES)
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], assigné par procès verbal de recherches infructueuses, Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Dominique BRUZY, Président, M. Serge BERTHET, Conseiller, Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller
GREFFIER : Mme Catherine HELIES, Greffier, lors des débats, et Mme Jany MAESTRE, Greffier, lors du prononcé.
DÉBATS : à l'audience publique du 27 septembre 2012, où l'affaire a été mise en délibéré au 6 décembre 2012, prorogé à celle de ce jour.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT : Arrêt rendu par défaut, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 11 décembre 2012, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SA Compagnie Générale de Location d'Équipements a régulièrement relevé appel le 23 mars 2012 d'un jugement rendu le 1er mars 2012 par le tribunal d'instance d'ALES qui statuant sur sa demande en paiement formée au titre du crédit accessoire à une vente de véhicule consenti suivant offre préalable du 20 février 2008 à monsieur X., a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts, condamné monsieur X. à lui payer la somme de 12.254,49 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 octobre 2009, a jugé qu'elle avait manqué à son devoir de conseil et de mise en garde et l'a condamnée en conséquence à payer à monsieur X. la somme de 6.127,30 euros à titre de dommages et intérêts, a constaté la compensation légale, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et condamné monsieur X. aux dépens.
Par acte d'huissier du 11 juin 2012, la SA CGL a signifié cette déclaration d'appel ainsi que ses conclusions et bordereau de pièces à l'appui de son appel à monsieur X., l'assignant à comparaître devant la Cour.
Procès-verbal de recherches infructueuses ayant été dressé au visa de l’article 659 du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut.
Dans ses conclusions auxquelles il est expressément référé pour ample exposé de ses moyens et prétentions, la SA Compagnie Générale de Location d'Equipements appelante sollicite de la Cour, par réformation du jugement déféré, - après avoir jugé que l'exemplaire de l'offre de crédit réservé au seul prêteur n'a pas à contenir de formulaire détachable de rétractation, qu'en ne joignant ce formulaire qu'à l'offre destinée à l'emprunteur, elle n'a pas failli aux dispositions des articles L. 311-8 du code de la consommation et 1325 du code civil, et qu'il n'est pas démontré qu'elle ait failli à son obligation de conseil à l'égard de monsieur X. concernant le choix de celui-ci de souscrire ou de ne pas souscrire l'assurance adossée au contrat de crédit souscrit, - la condamnation de monsieur X. à lui payer la somme de 19.394,74 euros avec intérêts au taux conventionnel de 9,70 % à compter du 21 octobre 2009, date de la mise en demeure infructueuse adressée au débiteur, jusqu'à parfait paiement, ainsi que celle de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Monsieur X. supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS en considérant que cette société ne rapportait pas la preuve que l'exemplaire de l'offre préalable remise à l'emprunteur comportait un formulaire détachable de rétractation à partir du moment où l'exemplaire destiné au prêteur régulièrement versé au débat, ne comportait pas ledit formulaire de rétractation, et ce alors même d'une part, qu'il pèse sur le prêteur l'obligation légale d'établir deux exemplaires identiques de l'offre préalable en tous points conformes au modèle type impératifs et d'autre part, que le prêteur ne peut rapporter cette preuve de l'existence du bordereau par une formule pré-imprimée constituant une clause abusive destinée à contourner cette obligation.
Il est constant en l'espèce que l'offre préalable de crédit accessoire à une vente faite par la SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS à monsieur X. et acceptée par ce dernier ne le 20 février 2008 a été réalisée en trois exemplaires et que monsieur X. a, en signant cette offre, expressément « reconnu rester en possession d'un exemplaire de cette offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation » après avoir pris connaissance des conditions particulières et générales de l'offre.
L'article 2) des conditions spéciales applicables au crédit stipule au paragraphe 2a « Rétractation de l'acceptation » qu'« après avoir accepté, vous pouvez revenir sur votre engagement au moyen du formulaire détachable ci-joint, dans un délai de sept jours à compter de votre acceptation, en renvoyant ce formulaire après l'avoir signé ». L'article 2b suivant précise que si l'emprunteur a demandé à son vendeur de recevoir la livraison immédiatement, hypothèse dans laquelle se trouve monsieur X., alors, « ce délai de sept jours est ramené à la date de livraison du bien, sans pouvoir jamais excéder sept jours ni être inférieur à trois jours. »
Dans l'hypothèse où l'emprunteur souhaiterait revenir sur l'acceptation de l'offre, l'adresse à laquelle il devait adresser le bordereau de rétractation, l'adresse du prêteur figure clairement dans l'offre.
Aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destinée à être conservé par le prêteur, la formalité du double prévue par l'article L. 311-8 remplacé depuis par l'article L. 311-11 de la consommation, s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation qui y est joint.
D'autre part, il appartient à monsieur X. qui a reconnu être en possession d'un exemplaire de cette offre dotée d'un formulaire de rétractation, formule certes pré-imprimée mais qui identique à la mention figurant dans le modèle type n°1 « offre de crédit accessoire à une vente » figurant à l'annexe à l’article R. 311-6 du code de la consommation et conforme aux dispositions légales entrées en vigueur le 1er octobre 2007, ne saurait être qualifiée de clause abusive, de justifier du caractère erroné ou mensonger de sa reconnaissance écrite en produisant l'exemplaire original de l'offre resté en sa possession.
Le premier juge ne mentionne aucunement avoir procédé à la vérification de l'exemplaire de l'offre de l'emprunteur dont il ne paraît pas qu'il ait été produit par monsieur X.
Rien ne permet donc d'affirmer que l'exemplaire de l'offre emprunteur remise à monsieur X. ne comportait pas un bordereau détachable de rétractation.
Par voie de conséquence, l'offre de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS ne peut être dite irrégulière et il n'y a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts du prêteur en application de l’article L. 311-33 du code de la consommation.
Dès lors, au regard des conditions générales et spéciales du crédit de 18.300 euros aux taux d'intérêt Conventionnel de 9,70% et au Taux Effectif Global annuel de 11,585 % remboursable en 72 mensualités de 346,19 euros, du tableau d'amortissement, de la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 21 octobre 2009 portant ‘résiliation irrévocable ‘du contrat, et du décompte de la créance, monsieur X. sera condamné à payer à la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS la somme de :
- échéances impayées d'août, septembre et octobre 2009 : 1041,48 euros
- capital restant dû au 10 octobre 2009 : 14.917,29 euros
- indemnité de 8% sur les échéances impayées
et le capital échu : 1.276,70 euros
soit : 17.235,47 euros
avec intérêts au taux conventionnel de 9,70 % sur la somme de 15.958,77 euros à compter du 24 octobre 2009 jusqu'à complet paiement.
La cour ne peut que relever qu'en demandant paiement de la somme de 19.394,74 euros avec intérêts contractuels à compter du 21 octobre 2009, la COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS intègre dans son décompte 2055, 19 euros d'intérêts sur la période du 21 octobre 2009 au 10 janvier 2011, demandant ainsi deux fois les intérêts sur la période du 10 octobre 2009 au 10 janvier 2011.
Le Tribunal a jugé que la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS avait failli dans son obligation de mise en garde de son client non averti sur les risques encourus à raison d'un défaut d'assurance du crédit souscrit. L'appelante critique cette décision qui enlève selon elle tout sens à la liberté de contracter et à la responsabilisation qui doit l'accompagner.
Monsieur X. a accepté l'offre préalable sans assurance. Il n'a d'ailleurs accepté aucune des prestations facultatives qui lui ont été proposées par la banque.
Les mentions portées sur l'offre relatives à « l'emprunteur » font apparaître qu'au 20 février 2008, l'intimé a déclaré être célibataire, cadre supérieur employé par « Y. » à ALES. Il ne peut être qualifié de client averti.
La SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS était donc tenue lors de la conclusion du contrat en ce qui concerne l'assurance emprunteur qui couvre l'emprunteur en cas de survenance de certains risques, d'obligations d'information, de conseil et de mise en garde et ce bien qu'elle ne soit pas forcément l'unique débitrice de ces obligations. L'obligation d'information doit permettre à l'emprunteur d'avoir en main toutes les informations pertinentes concernant le contrat d'assurance qu'il est susceptible de souscrire pour couvrir son crédit. L'obligation de mise en garde vise à l'alerter sur les risques liés au contrat et l'obligation de conseil doit lui permettre d'être guidé dans le choix de son contrat au regard de sa situation.
La SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS, intermédiaire d'assurance, doit justifier du conseil fourni au regard des informations communiquées par le souscripteur potentiel. Il n'appartient pas à ce dernier de démontrer qu'elle a failli ainsi que le soutient l'appelante qui inverse la charge de la preuve.
Cette information se fait sur support papier ou sur tout autre support durable à la disposition du souscripteur. Elle est exécutée en fonction de garanties existantes sur le marché et non exclusivement par rapport aux garanties offertes par l'assurance du groupe du prêteur.
De plus même si l'emprunteur conserve la liberté de ne pas contracter l'assurance proposée par le prêteur ou de la contracter auprès d'un autre assureur au besoin par un autre intermédiaire, il doit bénéficier d'une information circonstanciée éclairant son choix quant à la souscription de l'assurance et lui permettant la comparabilité des offres.
Or force est de constater que la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS ne rapporte pas la preuve d’avoir dispensé une telle information ou mise en garde. Il n'est justifié de la remise d'aucune fiche d'information, d'aucune notice établissant la réalité de leur mise en œuvre.
Si l'appréciation des capacités financières de monsieur X. au 20 février 2008 - sous contrat à durée indéterminée depuis le 1er mai 2007 avec un salaire de 2.890 euros par mois et comme charges déclarées un loyer mensuel de 600 euros et la charge d'un premier crédit aux échéances mensuelles de 260 euros - fait apparaître la viabilité de l'opération, la proportion raisonnable entre ses engagements et ses capacités financières autorisant l'octroi d'un prêt aux échéances mensuelles de 347,16 euros par mois, le caractère récent de l'embauche et l'âge même de l'emprunteur ne le dispensaient pas de plein droit de toute assurance se substituant à lui en cas de sinistre dans le règlement des échéances d'un prêt lié à l'acquisition d'un véhicule souvent indispensable au maintien ou à la prise d'un emploi.
Dès lors c'est à juste titre que le premier juge a décidé que la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS avait manqué à son obligation de mise en garde et privé ainsi monsieur X. d'une chance de garantir le crédit souscrit par une assurance.
L’âge de monsieur X., 47 ans et son niveau intellectuel découlant de sa fonction déclarée de cadre commercial font qu'il a la faculté de comprendre la réalité de son endettement, la portée de la nouvelle charge souscrite liée à l'achat de son véhicule et surtout les conséquences d'une non assurance de ce dernier prêt, y compris en cas de défaut de paiement.
Par suite, cette perte de chance sera indemnisée par la somme de 2.000 euros au paiement de laquelle sera condamnée la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS.
Monsieur X. supportera les dépens d'une instance dans laquelle la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS a vu son appel partiellement accueilli sans que l'équité commande, au regard de l'indemnité contractuelle octroyée, sa participation aux frais irrépétibles exposés par la société appelante.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant après en avoir délibéré conformément à la loi,
En matière civile, publiquement, par arrêt de défaut et en dernier ressort,
Réforme la décision déférée sur la déchéance des intérêts et le quantum des sommes dont condamnation à paiement est prononcée,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne monsieur X. à payer à La SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS la somme de la somme de 15.958,77 euros à compter du 24 octobre 2009 jusqu'à complet paiement ;
Condamne la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS à payer à monsieur X. la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Confirme pour le surplus ;
Déboute la SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS de ses autres demandes ;
Condamne monsieur X. aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur BRUZY, Président et par Madame MAESTRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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