CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

JUR. PROXIM. GRENOBLE, 6 décembre 2011

Nature : Décision
Titre : JUR. PROXIM. GRENOBLE, 6 décembre 2011
Pays : France
Juridiction : Grenoble (JProx)
Demande : 91-10-000642
Date : 6/12/2011
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 22/07/2010
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 4106

JUR. PROXIM. GRENOBLE, 6 décembre 2011 : RG n° 91-10-000642

Publication : Site CCA

 

Extrait : « En achetant ses billets de train sur le site Internet de la [SNCF], Monsieur X. était soumis aux conditions générales de vente de celle-ci lesquelles stipulaient que la carte bancaire ayant servi au paiement en ligne devait être présentée pour retirer les titres de transport au guichet. Étant dans l'impossibilité matérielle de la présenter, il n'a pas pu obtenir la délivrance des billets dont il justifiait avoir été l'acheteur par la production des codes de réservation et du dossier de commande ainsi que de pièces d'identité.

La vente est devenue définitive lors de la confirmation de la commande par la [SNCF] le 16 juin 2009. La contrepartie du paiement du prix par Monsieur X. consistait en la délivrance des billets dont il ne pouvait être contesté, au vu des justificatifs qu'il a produit lorsqu'il a souhaité les récupérer au guichet, qu'il en était l'acheteur.

Le refus de la [SNCF] de remplir l'obligation de délivrance à laquelle elle était tenue à l'égard de son acheteur est fondé en l'espèce sur l'existence d'une clause abusive au sens des dispositions du code de la consommation. En application de l'article R. 132-1 dudit Code, doit en effet être qualifiée d'abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ». La clause invoquée en l'espèce par la [SNCF] ayant pour effet de lui permettre de refuser de délivrer le billet alors que l'acheteur a rempli son obligation d'en payer le prix doit par conséquent être déclarée abusive et être annulée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE GRENOBLE

ARRÊT DU 6 DÉCEMBRE 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 91-10-000642.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X.

[adresse], comparant en personne

 

DÉFENDEURS :

[SNCF]

[adresse], représente(e) par Maître FAYOL François-Xavier, avocat au barreau de VALENCE

 

COMPOSITION DE LA JURIDICTION :

Juge : Madame J. RENARD

Greffier : Madame N. FACCHINETTI

DÉBATS : Audience publique du 17 octobre 2011

JUGEMENT : réputé contradictoire, en dernier ressort, prononcé publiquement le 21 novembre 2007.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par déclaration enregistrée au greffe de la juridiction de proximité le 22 juillet 2010, Monsieur X. a demandé la condamnation de la [SNCF] à lui payer la somme de 487 € en remboursement de deux billets de train outre 487 € en réparation du préjudice subi et des frais engagés.

Il expose qu'il a acheté le 15 juin 2009 sur le site internet de la [SNCF] deux billets aller-retour Bourges-Londres et une assurance annulation pour un montant total de 292,80 euros réglé par carte bancaire.

Qu'il a été contraint de faire opposition sur ladite carte l'ayant égarée.

Qu'il s'est présenté à la gare [SNCF] de Bourges le 10 août pour y retirer ses billets.

Que nonobstant la présentation de sa nouvelle carte bancaire et de plusieurs pièces d'identité, il s'est vu refusé la délivrance de ses titres de transport au motif qu'il ne pouvait lui être remis les billets que sur présentation de la carte bancaire avec laquelle il les avait commandés.

Qu'il a été contraint de procéder à l'achat de nouveaux billets le jour même pour un montant total de 487 € dans la mesure où il avait déjà réservé et payé le séjour à Londres programmé le lendemain.

Qu'il a adressé un courrier de réclamation à la [SNCF] le jour même auquel il ne lui a été répondu que le 18 septembre pour lui proposer le remboursement de la somme de 292,80 €.

Qu'il n'a pas considéré cette offre de dédommagement satisfactoire puisqu'il a été contraint de racheter des billets plus cher que ceux commandés par internet.

À titre principal, Monsieur B. considère que la clause qui lui a été opposée par la [SNCF] selon laquelle la délivrance du titre de transport ne peut se faire que sur présentation de la carte bancaire avec laquelle le paiement a été effectué sur internet est abusive en application des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation.

Il considère qu'une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

À titre subsidiaire il invoque les dispositions de l'article 1371 du Code civil portant sur l'enrichissement sans cause.

Il considère que la [SNCF] s'est enrichie en le contraignant à acheter un deuxième billet et en refusant de lui délivrer le premier.

A l'audience du 17 octobre 2011, il demande la réparation de son préjudice pour une somme totale de 1.450 € qu'il décompose comme suit :

- [minute page 3] 500 € au titre du préjudice financier qu'il justifie par le fait que contraint de racheter des billets pour un montant de 487 €, ce montant fait défaut sur son compte bancaire depuis plus de deux années ;

- 450 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour le temps perdu à l'audience ;

- 500 € au titre du préjudice moral compte-tenu de la façon dont il a été humilié avec son épouse lorsqu'il a tenté de retirer ses billets à la gare de Bourges le 10 août 2009.

La [SNCF] soutient que Monsieur X. a accepté les conditions générales de vente qui figuraient sur internet aux termes desquelles il était exigé qu'il présente la même carte de paiement lors de l'achat des billets en ligne et lors du retrait de ceux-ci au guichet.

Que cette condition lui avait été clairement rappelée dans le mail de confirmation de sa commande.

Elle considère que cette clause n'est pas abusive et qu'elle est parfaitement justifiée au regard de la lutte contre les fraudes sur internet au bénéfice des consommateurs.

Elle conteste le principe d'un enrichissement sans cause qui doit trouver son origine en dehors de toute relation contractuelle entre les parties ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Elle propose à titre commercial le remboursement de la somme de 292 €.

Elle conteste les sommes réclamées en réparation des préjudices invoqués par le requérant.

S'agissant du préjudice matériel, elle précise que Monsieur X. a attendu la veille de son départ pour venir retirer ses billets alors qu'il pouvait légitimement prévoir les difficultés engendrées par la perte de sa carte bleue et que les tarifs des billets augmentent à proximité de la date de départ.

Qu'elle n'a donc pas à supporter le surcoût engendré par le rachat des billets. S'agissant du préjudice moral, elle considère qu'il n'est pas établi par le requérant.

S'agissant de la somme réclamée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la [SNCF] soutient que Monsieur X. a choisi d'initier une procédure judiciaire après un seul échange de courrier et alors même que son service commercial n'avait pas rejeté sa demande.

Elle s'oppose à la demande considérant que le requérant doit supporter seul les conséquences de son choix.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur la qualification de clause abusive :

En achetant ses billets de train sur le site Internet de la [SNCF], Monsieur X. était soumis aux conditions générales de vente de celle-ci lesquelles stipulaient que la carte bancaire ayant servi au paiement en ligne devait être présentée pour retirer les titres de transport au guichet.

Étant dans l'impossibilité matérielle de la présenter, il n'a pas pu obtenir la délivrance des billets dont il justifiait avoir été l'acheteur par la production des codes de réservation et du dossier de commande ainsi que de pièces d'identité.

La vente est devenue définitive lors de la confirmation de la commande par la [SNCF] le 16 juin 2009.

La contrepartie du paiement du prix par Monsieur X. consistait en la délivrance des billets dont il ne pouvait être contesté, au vu des justificatifs qu'il a produit lorsqu'il a souhaité les récupérer au guichet, qu'il en était l'acheteur.

Le refus de la [SNCF] de remplir l'obligation de délivrance à laquelle elle était tenue à l'égard de son acheteur est fondé en l'espèce sur l'existence d'une clause abusive au sens des dispositions du code de la consommation.

En application de l'article R. 132-1 dudit Code, doit en effet être qualifiée d'abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ».

La clause invoquée en l'espèce par la [SNCF] ayant pour effet de lui permettre de refuser de délivrer le billet alors que l'acheteur a rempli son obligation d'en payer le prix doit par conséquent être déclarée abusive et être annulée.

 

Sur l'appréciation des préjudices invoqués :

Monsieur X. considère que l'application de la clause qualifiée d'abusive lui a causé différents préjudices dont il demande la réparation.

 

Sur le préjudice financier :

Il est établi que son séjour à Londres étant réservé, il a été contraint d'acheter en urgence et à des conditions tarifaires beaucoup moins avantageuses de nouveaux billets.

[minute page 5] Il a donc effectivement subi un préjudice financier correspondant au montant des titres de transport rachetés soit la somme de 487 €.

Mais il lui a été proposé, comme il ressort du courrier de la [SNCF] du 18 septembre 2009 en réponse à sa réclamation, le remboursement des billets achetés sur internet qu'il a refusé.

Son préjudice financier ne peut donc être retenu que pour le reliquat correspondant à la différence entre le montant des billets rachetés et ceux payés sur internet soit la somme de 195 €.

 

Sur le préjudice moral :

L'examen des pièces produites aux débats par Monsieur X. ne permet pas d'établir la preuve qu'il a subi une humiliation publique comme il le prétend laquelle justifierait selon ses prétentions l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

Il ne sera donc pas fait droit à cette demande.

 

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Monsieur X. a subi un préjudice résultant des faits imputables à la [SNCF] dont la réparation intégrale n'a pas pu être obtenue dans le cadre de démarches amiables.

La proposition commerciale faite par la [SNCF] n'était pas satisfactoire et l'a contraint à diligenter la présente procédure.

Il a engagé des frais dont il serait inéquitable qu'ils restent à sa charge.

Il lui sera alloué la somme de 300 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Juge de proximité, statuant par jugement rendu contradictoirement, en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile :

Vu les dispositions de l'article R. 132-1 du Code de la consommation,

DÉCLARE abusive la clause des conditions générales de vente en ligne de la [SNCF] imposant la présentation de la carte bleue ayant servi à payer le titre de transport sur internet pour la délivrance de celui-ci,

CONDAMNE la [SNCF] à payer à Monsieur B. la somme de 195 € tous préjudices confondus.

[minute page 6] CONDAMNE la [SNCF] à payer à Monsieur X. la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la [SNCF] entiers dépens.

Le Greffier                                                               Le Juge

Signé : Madame N. FACCHINETTI                      Signé : Madame J. RENARD