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6126 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Exception d’inexécution du consommateur

Nature : Synthèse
Titre : 6126 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Exception d’inexécution du consommateur
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6126 (24 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

INEXÉCUTION DU CONTRAT - SUSPENSION DU CONTRAT

EXCEPTION D’INEXÉCUTION INVOQUÉE PAR LE CONSOMMATEUR

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. Contrairement aux clauses concernant le professionnel, où l’objectif est plutôt de faciliter le jeu de l’exception d’inexécution (V. Cerclab n° 6125), les clauses concernant le consommateur ont pour objet d’interdire ou de restreindre l’utilisation de l’exception d’inexécution par ce dernier.

Ces stipulations, qui privent le consommateur d’un moyen de défense de droit commun, peuvent être source d’un déséquilibre significatif à différents titres : la perte d’une garantie d’exécution, alors que les clauses similaires sont, en tout cas dans leur principe, admises pour le professionnel (Cerclab n° 6054 et n° 6055) ; l’absence de réciprocité des prérogatives, puisque le professionnel peut suspendre l’exécution de ses obligations, par exemple dans le cas où le consommateur ne paierait pas le prix (Cerclab n° 6023) ; l’absence de réciprocité des contreparties, puisque le consommateur est tenu de continuer à exécuter ses obligations alors qu’il ne reçoit aucune contrepartie (Cerclab n° 6020).

Ces clauses ont été signalées par l’annexe à la Directive du 5 avril 1993, reprise par l’ancien art. L. 132-1 C. consom. jusqu’au 1er janvier 2009, mais leur élimination supposait une action du consommateur et la preuve de l’existence d’un déséquilibre significatif (B). Depuis le décret du 18 mars 2009, en revanche, les clauses privant le consommateur de l’exception d’inexécution sont interdites (A).

A. DROIT POSTÉRIEUR AU DÉCRET DU 18 MARS 2009 (ART. R. 212-1-5° C. CONSOM. - ANCIEN ART. R. 132-1-5° C. CONSOM.)

Clauses privant le consommateur de l’exception d’inexécution : clauses irréfragablement abusives. La question a été explicitement tranchée par l’ancien art. R. 132-1-5° C. consom. (D. n° 2009-302 du 18 mars 2009) qui a fait de ces stipulations une clause « noire », interdite : est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service ». Le texte a été transféré à l’art. R. 212-1-5° C. consom., sous réserve de l’extension aux non-professionnels qui figure désormais à l’art. R. 212-5 C. consom.

Domaine du texte : crédit-bail et locations financières. Dans les contrats de crédit-bail ou de location financières, l’impossibilité de cesser le paiement des loyers pour des causes tenant au contrat financé relève de la nature même de l’opération. L’absence de toute réserve dans l’art. R. 212-1-5° C. consom. soulève les mêmes problèmes que pour les clauses exonératoires de responsabilité de l’art. R. 212-1-6° C. consom. (V. les arguments exposés à l’occasion de ce texte Cerclab n° 6114). La logique voudrait qu’au-delà de la lettre de l’art. R. 212-1-5° C. consom., ces contrats soient exclus de son domaine, en tout cas lorsque les clauses se limitent strictement au montant financé, sans variation possible (V. ci-dessous pour le droit antérieur), et qu’elles sont contrebalancées par l’octroi d’une faculté d’agir contre le vendeur ou le prestataire.

Pour une validation de la clause, pour des raisons contestables : n'est pas irréfragablement abusive au sens de l'anc. art. R. 132-1-5° [R. 212-1-5°] C. consom., la clause qui stipule que « le locataire reste tenu du paiement de l'intégralité des loyers au bailleur, même en cas de dysfonctionnement, quelle qu'en soit la nature ou la cause, lié à la maintenance ou au fonctionnement des produits », puisqu'elle vise précisément à garantir au bailleur, qui a délivré le matériel au locataire, le paiement des loyers, nonobstant les dysfonctionnements liés à la maintenance mettant en cause le fournisseur, tiers au contrat de location. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 9 octobre 2020 : RG n° 19/21185 ; Cerclab n° 8607 (locations financières d’un photocopieur et d’un matériel informatique par une association sportive), sur renvoi de Cass. civ. 1re, 10 octobre 2019 : pourvoi n° 18-15851 ; arrêt n° 819 ; Cerclab n° 8142. § N.B. Si la validité de cette clause est conforme à la nature financière de ces locations, les justifications avancées par cet arrêt ne sont pas convaincantes. Tout d’abord, un contrat de location n’oblige pas seulement le bailleur à délivrer la chose, mais aussi à l’entretenir, la réparer et à garantir le locataire contre les vices pouvant l’affecter. Contrairement à ce qu’affirme l’arrêt, un « dysfonctionnement » n’est pas forcément imputable à un défaut de maintenance du matériel. Ensuite, la plupart des locations sans option d’achat sont conclues sous la forme d’une cession (l’arrêt est imprécis sur ce point), ce qui, d’une part, ne permet pas d’assimiler le fournisseur-mainteneur à un véritable tiers, et, d’autre part, se discute sur le plan de la qualification dès lors que le bailleur n’a jamais accepté d’assumer la charge de la maintenance, son paiement ne pouvant donc s’assimiler au paiement du matériel mais au versement anticipé d’une prestation qui ne sera peut-être jamais exécutée. La seule justification, non évoquée par la décision, et qui est admise depuis longtemps en matière de crédit-bail, est que l’allègement des obligations du bailleur est compensé par la possibilité d’une action directe contre le fournisseur, soit au titre de la garantie des vices cachés, soit au titre de la maintenance.

V. cependant : doit être à l’évidence annulé un contrat de licence de site internet, dès lors que le contrat litigieux comporte, en cas de cession comme c’est le cas en l’espèce, un nombre important de clauses consistant à décharger le cessionnaire de tout rôle et responsabilité dans la fourniture des prestations due au consommateur, notamment au titre du fonctionnement du site internet, alors que le particulier souscripteur est contraint d’exécuter son obligation contractuelle de paiement, même en cas de dysfonctionnements de ce site, et ce en étant dans l’impossibilité d’invoquer l’exception d’inexécution qui doit régir tout contrat, de sorte que les dispositions de l’ancien art. R. 132-1-5° [R. 212-1-5°] C. consom. sont à l’évidence violées par les termes de cette convention, et que cette violation a pour effet de justifier la nullité du contrat, nullité que le client est en droit d’opposer à l’établissement financier pour faire légitimement échec à ses demandes en paiement. CA Toulouse (3e ch. sect. 1), 16 septembre 2014 : RG n° 13/06268 ; arrêt n° 660/14 ; Cerclab n° Cerclab n° 4872 ; Juris-Data n° 2014-028567 (licence de site internet), confirmant par adoption de motifs TI Toulouse, 22 octobre 2013 : RG n° 11-12-003681 ; Dnd (jugement justifiant la nullité par le fait que le contrat, du fait du transfert intervenu, se trouve dépourvu de cause et doit être déclaré nul et de nul effet). § V. aussi : jugeant qu’est illicite en application de l’ancien art. R. 132-1-2° et 6° C. consom., la clause par laquelle le loueur facture en qualité de mandataire du prestataire les prestations accomplies, à charge de les reverser à ces derniers, mais en excluant toute contestation de celles-ci pour refuser le paiement. TI Thionville, 6 mars 2012 : RG n° 11-10-001471 ; site CCA ; Cerclab n° 6997 (télé-assistance de personnes âgées). N.B. Le visa de l’ancien art. R. 132-1-2° C. consom. est en l’espèce erroné. Celui de l’ancien art. R. 132-1-2° C. consom. peut éventuellement se comprendre, même si la clause n’interdit pas de contester l’existence ou la qualité de la prestation directement à l’encontre du prestataire, mais après paiement. Il aurait sans doute été plus pertinent de viser l’ancien art. R. 132-1-5° C. consom. puisque cette clause prive le consommateur du droit d’invoquer l’exception d’inexécution alors que le prestataire n’intervient qu’en qualité de mandataire d’une prestation qu’il n’a pas pris en charge.

Domaine du texte : erreur de relevé par le gestionnaire du réseau de gaz et d’électricité. Sur les problèmes posés par la dissociation des contrats de fourniture et d’acheminement de gaz et d’électricité, un relevé erroné entraînant une surfacturation étant imputable au gestionnaire et non au fournisseur, V. Cerclab n° 6316 pour l’électricité et Cerclab n° 6681 pour le gaz et par exemple : CA Paris (pôle 2 ch. 2), 9 novembre 2017 : RG n° 15/11004 ; Cerclab n° 7135 (arrêt ne déclarant pas abusive la clause interdisant au consommateur de suspendre ses paiements même en cas de contestation de factures), confirmant TGI Paris, 17 février 2015 : RG n° 13/03390 ; Dnd.

Domaine du texte : notion d’inexécution. Dans les contrats d’offre prépayée de téléphonie mobile, il ne peut être soutenu qu’en l’absence d’utilisation du crédit acquis, laquelle reste à l’initiative du consommateur, contrairement à l’ancien art. R. 132-1-5° [R. 212-1-5°] C. consom., l’opérateur n’a pas exécuté son obligation consistant dans la mise à disposition des services promis, dès lors que la souscription d’une telle offre permet au client de bénéficier, en l’espèce, d’une ligne d’accès au réseau pendant huit mois, de l’usage d’un numéro d’appel lui permettant indépendamment de sa propre consommation d’être contacté, ainsi que des « services inclus » de messagerie vocale, d’envoi de SMS préenregistrés, de la possibilité de passer des appels d’urgence et du prêt d’un appareil en cas de panne, perte ou vol. TGI Paris (1/4 social), 15 mai 2012 : RG n° 10/03472 ; jugement n° 11 ; site CCA ; Cerclab n° 4025 (la perte des crédits du fait de leur absence d’utilisation dans les délais prévus par le contrat n’est pas une inexécution du professionnel ; N.B. en l’espèce, c’est la très courte durée prévue qui était principalement contestée ; jugement confirmé sans examen de cet argument). § Dans le même sens : TGI Paris (1/4 social), 15 mai 2012 : RG n° 10/03470 ; jugement n° 12 ; site CCA ; Cerclab n° 4026 (idem).

Illustrations : clauses abusives. Pour la Commission des clauses abusives : Recom. n° 13-01 : Boccrf 13 sept. 2013 ; Cerclab n° 4999 (location en meublé non saisonnière ; 18° : caractère abusif des clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir que le bailleur pourra effectuer tous travaux dans les lieux loués, en toutes circonstances, sans limitation de durée et sans aucune indemnité ; sont irréfragablement présumées abusives, contraires à l’art. R. 132-1-5° [212-1-5°] C. consom., les clauses qui autorisent le bailleur à modifier la forme de la chose louée et à exécuter des travaux même non urgents et d’une durée non limitée, sans diminution de loyer et en imposant divers frais au locataire ; 19° : clauses indiquant que le constat d'entrée dans les lieux prévoit des travaux à effectuer et que, quelle que soit leur importance, le preneur s’engage à laisser pénétrer dans le logement, pendant les premiers mois d’occupation, les entreprises mandatées par le bailleur pour les effectuer ; ces clauses, qui autorisent une délivrance seulement partielle du local loué, pour une durée indéterminée et sans diminution de loyer, sont irréfragablement présumées abusives en application de l’art. R. 132-1-5° [212-1-5°] C. consom.) - Recomm. n° 17-02 : Cerclab n° 7456 (plate-forme de téléchargement, notamment de VOD ; caractère abusif de plusieurs clauses, par application de l’art. R. 212-1-5° C. consom. : 9°, clauses limitant le nombre d’essai pour le téléchargement, permettant au professionnel ne pas exécuter sa prestation hors des cas de force majeure ou de défaillance du non-professionnel ou du consommateur, sans indication de la restitution ou de la conservation des sommes versées ; 11°, clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel d’utiliser des mesures techniques de protection pouvant avoir pour effet d’entraver le visionnage ou de réduire la qualité de la prestation qu’il s’est engagé à fournir, sans dispenser le non-professionnel ou le consommateur de l’exécution de ses propres obligations ; 46°, clauses ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de s’opposer de façon discrétionnaire à ce que le non-professionnel ou le consommateur puisse visionner ou télécharger de nouveau une vidéo qui n’a pu être visionnée).

Est abusive, contraire à l’art. R. 132-1-5° [R. 212-1-5°] C. consom., la clause autorisant la SNCF à refuser la délivrance d’un billet acheté sur internet, dès lors que l’acheteur ne règle pas le billet avec la carte bancaire utilisée lors de sa réservation sur internet. Jur. prox. Grenoble, 6 décembre 2011 : RG n° 91-10-000642 ; Cerclab n° 4106 (consommateur, ayant égaré sa carte depuis la réservation et ayant dû faire opposition, obligé d’acheter un autre billet beaucoup plus onéreux à la veille du départ ; N.B. le professionnel peut sans doute ici invoquer une contrainte technique liée au programme informatique faisant le lien entre la réservation et la borne de retrait ; en revanche, le client devrait pouvoir utiliser un autre moyen de paiement en passant au guichet). § Serait abusive la clause d’un contrat de soutien scolaire, se présentant comme un contrat de travail conclu par l’intermédiaire de la société entre un consommateur employeur et un enseignant salarié, si elle prévoyait que les coupons d’une heure acquis par le consommateur ne sont pas remboursables dans le cas où les cours n’ont pas été dispensés, aucun salaire n’étant dû dans ce cas. CA Paris (pôle 4 ch. 9), 17 juin 2010 : RG n° 08/15550 ; Cerclab n° 3440 (enseignant ayant donné trois cours sur les quatre-vingt-seize et n’ayant pas été remplacé ; interprétation a contrario de l’arrêt, la cour estimant, après examen des conditions générales, qu’aucune clause ne prévoit l’absence de remboursement), sur appel de TI Paris (16e arrdt), 8 juillet 2008 : RG n° 11-08-000184 ; Dnd.

Est abusive la clause stipulant que « la présente commande est réputée due dans son intégralité à la fin du chantier d'installation de la station photovoltaïque et en aucun cas à la date du raccordement au réseau national d'électricité », alors que les obligations « administratives » du vendeur ne sont pas achevées avant le raccordement au réseau électrique. CA Lyon (6e ch.), 27 mai 2021 : RG n° 19/07724 ; Cerclab n° 8971 (installation photovoltaïque), sur appel de TI Belley, 16 septembre 2019 : RG n° 11-19-0032 ; Dnd.

Illustrations : clauses non abusives. N’est pas abusive la clause d’un contrat d’auto-école qui prévoit un plan de paiement échelonné (inscription, 5e, 10e et 15e leçons), dès lors qu’elle est conforme à l’art. R. 213-3-10° C. route et qu’elle n’est pas contraire à l’art. R. 132-1-5° [R. 212-1-5°] C. consom., en ce sens que s’agissant d’un contrat à exécution échelonnée, les modalités convenues de règlement à l’avance des prestations par l’élève, respectent la progressivité de l’exécution par le professionnel de ses obligations. CA Grenoble (1re ch. civ.), 19 mars 2013 : RG n° 11/01733 ; Cerclab n° 4353, confirmant TGI Grenoble, 21 février 2011 : RG n° 09/03741 ; Dnd.

Clauses restreignant l’usage par le consommateur de l’exception d’inexécution. L’art. R. 212-1-5° C. consom. n’interdit que les clauses qui privent le consommateur de façon générale de la possibilité d’invoquer l’exception d’inexécution. Le texte n’aborde pas, en revanche, les clauses qui, tout en maintenant son principe, durcissent les conditions ou aménagent les conséquences du jeu de l’exception. Sauf à ce que ces exigences aboutissent en fait à priver le consommateur de tout exercice réel de celle-ci (auquel cas le texte pourrait être applicable), ces stipulations peuvent être déclarées abusives, mais après la démonstration du déséquilibre significatif qu’elles provoquent sur le fondement direct de l’art. L. 212-1 C. consom., les décisions rendues sous l’empire du droit antérieur pouvant ici conserver son utilité.

Clauses concernant les suites de l’exception d’inexécution. L’exception d’inexécution est un moyen de défense temporaire. S’il s’avère que les prestations inexécutées ne le seront jamais, le professionnel ne peut conserver leur contrepartie si celle-ci a été versée d’avance (V. aussi pour les suites de la résiliation Cerclab n° 6128).

Pour les juges du fond : est abusive la clause exonérant le professionnel de toute responsabilité en cas de fournitures d’informations erronées, alors même qu’il se trouve débiteur d’une obligation de renseignement fondée sur l’ancien art. 1147 C. civ. qui est d’autant plus étendue qu’elle constitue l’essence du contrat de vente de listes en matière immobilière. TGI Bourges, 19 mars 2009 : RG n° 07/01892 ; jugt n° 09/139 ; site CCA ; Cerclab n° 4083 (vente de listes ; clause contraire à l’ancien art. R. 132-1 C. consom. et privant au surplus le consommateur de l’exception d’inexécution compte tenu du paiement intégral à la conclusion prévu par le contrat).

V. déjà pour le rappel du principe par la Commission des clauses abusives, sous l’empire du droit antérieur : la Commission recommande l’élimination des clauses qui ont pour objet ou pour effet de prévoir que le professionnel ne serait pas tenu de rembourser les sommes payées à l’avance par le consommateur en cas de non-fourniture des prestations par le professionnel pour quelque cause que ce soit. Recomm. n° 91-01/B-4° : Cerclab n° 2159 (établissements d’enseignement ; considérant n° 5 : carences du professionnel, grèves ; considérant n° 6 : suspension de cours, fermeture de l’établissement).

B. DROIT ANTÉRIEUR AU DÉCRET DU 18 MARS 2009

Rappel des textes. Même avant le décret du 18 mars 2009, le point 1.o) de l’annexe à l’ancien art. L. 132-1 C. consom. (abrogée par la loi du 4 août 2008 à compter du 1er janvier 2009, mais toujours présente dans la directive 93/13/CEE) évoquait déjà le caractère abusif de ces clauses : peuvent être regardées comme abusives, si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. et à condition, en cas de litige, que le demandeur apporte la preuve de ce caractère abusif, les clauses ayant pour objet ou pour effet d’obliger le consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n’exécuterait pas les siennes (texte conforme à la Directive 93/13/CEE). Cette disposition ne dispensait donc pas le consommateur de prouver in concreto l’existence d’un déséquilibre significatif.

1. CLAUSES SUPPRIMANT LE DROIT DU CONSOMMATEUR D’INVOQUER L’EXCEPTION D’INEXÉCUTION

Commission des clauses abusives.* Principe. Pour l’expression générale de la position de la Commission des clauses abusives dans la recommandation de synthèse : la Commission recommande l’élimination des clauses ou combinaisons de clauses qui ont pour objet ou pour effet d’obliger le non-professionnel ou consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n’aurait pas exécuté les siennes, par dérogation aux règles régissant l’exception d’inexécution et, spécialement, à la nécessité d’un équilibre raisonnable des inexécutions réciproques. Recomm. n° 91-02/13° : Cerclab n° 2160 (recommandation de synthèse). § V. dans le même sens pour des recommandations particulières : - Recomm. n° 85-01/B-10° : Cerclab n° 2176 (caractère abusif des clauses d’un abonnement au service des eaux ayant pour objet ou pour effet de paralyser le jeu de l’exception d’inexécution en obligeant l’abonné à payer alors que le service des eaux n’a pas rempli ses obligations) - Recomm. n° 96-02/25° : Cerclab n° 2165 (location de voiture ; considérant n° 28 ; clause permettant au bailleur, en cas d’immobilisation du véhicule, quelle qu’en soit la cause, d’exiger un paiement sans contrepartie et l’exonérant de l’exception d’inexécution) - Recomm. n° 04-01 : Cerclab n° 2167 (traitement contre les insectes xylophages ; 6° : clause imposant un paiement par lettre de change avant la preuve d’une exécution conforme de la prestation ; 11° : clauses interdisant au consommateur de se prévaloir de l’exception d’inexécution pour refuser le paiement d’une prestation ; 14° : clauses autorisant le professionnel à réclamer, en cas de non-paiement d’une facture, le paiement d’autres factures non échues). § La Commission a par la suite décliné ce principe dans différents cas de figure.

V. pour la Cour de cassation : est abusive la clause qui a pour objet et pour effet d’exonérer le professionnel de son obligation de présenter à son client une liste de biens correspondant à celui recherché et, partant, d’exclure la possibilité pour ce client, tenu par ailleurs d’exécuter immédiatement sa propre obligation de payer la rémunération convenue, de faire valoir son droit à l’encontre du marchand de listes en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse de son engagement contractuel. Cass. civ. 1re, 30 octobre 2007 : pourvoi n° 06-11032 ; arrêt n° 1165 ; Cerclab n° 2809 (marchand de listes d’appartements en location ; visa des points 1.b) et 1.o) de l’annexe).

V. pour les juges du fond : est abusive une clause d’un contrat de vente et d’installation de cuisine privant le consommateur de l’exception d’inexécution en cas de vices. CA Grenoble (1re ch. civ.), 2 novembre 1998 : RG n° 96/4398 ; arrêt n° 772 ; Cerclab n° 3107 ; Juris-Data n° 1998-047699, confirmant TI Grenoble, 5 septembre 1996 : RG n° 11-94-02409 ; Cerclab n° 3188.

* Paiement à la conclusion d’une fraction excessive du prix. La Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées les clauses prévoyant le règlement à l’avance d’une fraction excessive du prix. Recomm.n° 87-02/6° : Cerclab n° 2157 (agence matrimoniale ; considérant n° 7 : le paiement intégral du prix convenu au moment même de la signature et avant que l’agence ait fourni la moindre prestation n’est pas suffisamment justifié par les risques d’impayés, le professionnel pouvant néanmoins tenir compte de ce risque en prévoyant un versement initial, le solde du prix n’étant réglé qu’à mesure de l’exécution de ses obligations par l’agence, échelonnement seul à même de garantir au consommateur l’exécution réelle des prestations qui lui sont dues par l’agence). § Sur la date de paiement, V. aussi de façon plus générale, Cerclab n° 6101.

* Paiement du solde du prix. V. par exemple pour le paiement de solde empêchant de faire constater les inexécutions du professionnel : Recomm. n° 81-02 : Cerclab n° 2173 (contrat de construction de maison individuelle ; 13°, 14° et considérant n° 12 ; clauses abusives supprimant ou de réduisant la faculté pour le consommateur d’émettre des réserves lors de la réception des travaux, et notamment en subordonnant la remise des clefs à une réception sans réserves ou au paiement intégral du prix) - Recomm. n° 82-02/B-4° et 5° : Cerclab n° 2151 (déménagement ; recommandation de l’élimination des clauses exigeant que le prix soit payé avant que le client ait pu vérifier l’état des objets déménagés et mis en place (4°) et des clauses empêchant le client de retenir une partie du prix alors qu’il constate une perte, une avarie ou un retard (5°) ; considérant n° 14 ; si le déménageur peut refuser d’exécuter le déménagement faute de versement de l’acompte prévu à la commande, le client doit pouvoir refuser de verser le solde s’il constate que le déménagement a été mal exécuté) - Recomm. n° 82-03/C-4° et 6° : Cerclab n° 2152 (installation de cuisine ; considérants n° 14 et n° 16 ; caractère abusif des clauses prévoyant un échelonnement des paiements excédant la valeur des prestations successivement exécutées ou réservant un solde insuffisant pour garantir au client l’achèvement des travaux ou la levée des réserves).

* Limites : proportionnalité. La Commission a toutefois reconnu que, conformément au droit commun de l’exception d’inexécution, la suspension du consommateur devait être proportionnée à l’inexécution. V. par exemple : Recomm. n° 82-02/B-4° et 5° : Cerclab n° 2151 (déménagement ; le client ne peut retenir qu’une partie du prix dans la mesure où il constate effectivement une perte, une avarie ou un retard, et il s’expose à des sanctions s’il refuse sans raison valable de payer).

Juges du fond. La plupart des décisions recensées estiment, sous l’empire du droit antérieur au décret du 18 mars 2009, que les clauses privant le consommateur du bénéfice de l’exception d’inexécution sont abusives, pour des raisons diverses (date de paiement du prix, modalités de paiement rendant l’exception difficile en fait). V. en ce sens : Dans le même sens, pour d’autres illustrations : TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (courtage matrimonial ; le paiement intégral du prix fait perdre au consommateur les garanties d’exécution réelle des prestations) - TGI Grenoble (4e ch. civ.), 17 novembre 2003 : RG n° 02/04936 ; jugt n° 242 ; Site CCA ; Cerclab n° 3174 (location saisonnière ; suppression de la clause imposant le règlement intégral du solde du prix du séjour à la remise des clés à l’accueil de l’agence, comme contraire aux dispositions des art. 1709, 1719 et 1728 C. civ., aussi bien qu’à l’art. 13 de la recommandation de synthèse n° 91-02 du 23 mars 1990 ; l’économie des dispositions susvisées du Code civil implique que le payement du prix de la location s’opère en contrepartie de la délivrance effective au preneur de la chose louée avec tous ses accessoires susceptibles de lui en assurer une jouissance normale, dans les conditions de confort nécessaires et suffisantes procurées par un logement équipé dans la perspective d’un séjour de vacances, dont l’exécution n’est pas suffisamment établie par la remise des clés, sans aucune visite préalable des lieux) - TI Paris (11e arrond.), 24 février 2004 : RG n° 11-03-000440 ; Cerclab n° 1370 (téléphonie mobile ; est manifestement abusive la clause permettant à l’opérateur de continuer à percevoir les redevances, en dépit de l’interruption du service pour des raisons indépendantes de la volonté du client et de surcroît totalement imputables à l’opérateur - vice caché du portable -, en ce qu’elle lui confère un avantage pécuniaire dépourvu de toute contrepartie, élément caractéristique d’un déséquilibre significatif entre les parties) - TGI Paris (1re ch. soc.), 5 avril 2005 : RG n° 04/02911 ; Cerclab n° 3182 ; Juris-Data n° 2005-266903 (accès internet ; clause imposant le maintien du paiement en cas de contestation d’une facture) - TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436 (courtage matrimonial ; est abusive la clause imposant un paiement comptant des honoraires, puisqu’elle prive le consommateur de la possibilité de suspendre le paiement du prix en cas de défaillance du prestataire de services, qui est une garantie de l’exécution réelle des prestations qui lui sont dues ; clause visée par la recommandation n° 87-02 ; N.B. ce jugement, lors de l’examen d’une autre clause, semble au contraire de façon plus discutable refuser le bénéfice de l’exception d’inexécution au professionnel), sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (appel limité ne concernant plus cette clause) - CA Aix-en-Provence (11e ch. A), 25 juin 2008 : RG n° 05/21733 ; arrêt n° 375/2008 ; Legifrance ; Cerclab n° 1247 ; Juris-Data n° 2008-367742 (télésurveillance ; clause imposant au client le prélèvement automatique pendant 48 mois sans qu’il puisse interrompre le paiement du mois concerné en cas de manquement de la société à ses obligations), confirmant TI Toulon, 6 octobre 2005 : RG n° 11-03-001759 ; Cerclab n° 4108 (mode de paiement réduisant fortement ses possibilités de recours contre le « télésurveilleur » en cas de contestation sur le prix) - TGI Bourges, 19 mars 2009 : RG n° 07/01892 ; jugt n° 09/139 ; site CCA ; Cerclab n° 4083 (vente de listes ; paiement intégral à la conclusion prévu par le contrat alors que le contrat exonère le professionnel de toute responsabilité en cas de fournitures d’informations erronées).

Crédit-bail et locations financières. Sous l’empire du droit antérieur, les clauses interdisant au consommateur de faire jouer l’exception d’inexécution contre le crédit-bailleur ou le bailleur financier, pour le paiement des loyers, étaient en général admises dès lors qu’elles étaient conformes au rôle purement financier de ces contractants et qu’elles étaient compensées par une faculté d’agir contre le vendeur ou le prestataire défaillants.

* Certaines décisions en sens contraire semblaient méconnaître la nature profonde de ces montages contractuels. V. par exemple : CA Basse- Terre (2e ch.), 22 avril 1996 : Dnd (location financière d’un matériel médical ; caractère abusif, en raison d’un avantage excessif, de la clause du contrat entraînant renonciation à l’exception d’inexécution), cassé par Cass. com., 1er juin 1999 : pourvois n° 96-20962 et n° 96-21138 ; arrêt n° 1137 ; Cerclab n° 1929 (contrat professionnel ne bénéficiant pas de la protection contre les clauses abusives). § V. aussi ci-dessus, pour le droit postérieur au décret.

* Cependant, cette validité n’était pas sans limite. Outre les conditions de la connaissance et de l’acceptation de cette clause, il convient notamment de rappeler que, lorsque le contrat associe prestation de services et location financière du matériel utilisé, seul le coût de la location peut échapper à une suspension : le coût de la prestation elle-même, que le bailleur n’a pas reprise, peut être suspendu en cas de défaillance, quand bien même il serait encaissé par l’établissement financier. La ventilation entre les deux sommes ne peut par ailleurs être unilatéralement modifiée et la clause autorisant une modification afin d’accroître la part de la location est incontestablement abusive (même après le décret du 18 mars 2009).

V. en ce sens : CA Chambéry (ch. com.), 24 septembre 2002 : RG n° 00-00756 ; arrêt n° 1848 ; Jurinet ; Cerclab n° 586 ; Juris-Data n° 2002-199537 (télésurveillance ; caractère abusif de la clause permettant au bailleur et au prestataire de réduire s’ils le souhaitent le montant de la prestation de service à une somme symbolique, et d’obliger ainsi le consommateur à payer le montant intégral ou quasi intégral des mensualités à titre de loyer, et non à titre de prestation, en le privant de la possibilité d’opposer au prestataire l’inexécution de ses obligations), confirmant TGI Annecy (ch. com.), 1er février 2000 : RG n° 99/337 ; Cerclab n° 322.

2. CLAUSES RESTREIGNANT LE DROIT DU CONSOMMATEUR D’INVOQUER L’EXCEPTION D’INEXÉCUTION

Clause rendant difficile l’utilisation en fait de l’exception. Dans certains cas, le contrat n’interdit pas explicitement le jeu de l’exception d’inexécution, mais il la rend plus difficile, notamment en raison de l’imposition de certains modes de paiement (l’argument est parfois utilisé pour justement justifier la condamnation des clauses imposant un mode particulier).

Pour des décisions illustrant la prise en compte des contraintes de fait : TGI Paris (1re ch. soc.), 5 avril 2005 : RG n° 04/02911 ; Cerclab n° 3182 ; Juris-Data n° 2005-266903 (accès internet ; clause imposant le prélèvement automatique privant de fait le consommateur de l’exception) - TI Toulon, 6 octobre 2005 : RG n° 11-03-001759 ; Cerclab n° 4108 ; précité (mode de paiement réduisant fortement ses possibilités de recours contre le « télésurveilleur » en cas de contestation sur le prix) - CA Paris (25e ch. B), 13 février 2009 : RG n° 06/06059 ; site CCA ; Cerclab n° 3145 ; Lexbase (accès internet ; caractère abusif de la clause imposant le prélèvement automatique qui place de fait le consommateur en cas de litige dans une situation lui permettant difficilement d’opposer immédiatement au professionnel une exception d’inexécution).

Comp. : n’est pas abusive la clause d’un contrat de diffusion de télévision par satellite stipulant que l’abonné qui utilise comme mode de paiement la carte bancaire ou le prélèvement automatique, autorise le professionnel à débiter son compte des montants correspondant aux programmes produits ou services commandés, dès lors qu’elle n’interdit pas au consommateur de faire usage de l’exception d’inexécution. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 10 octobre 2000 : RG n° 99/11184 ; Site CCA ; Cerclab n° 3873 ; BRDA 2000, n° 20, p. 11 ; RJDA 2001/1, n° 94.