T. COM. NANTERRE (8e ch.), 13 janvier 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 4304
T. COM. NANTERRE (8e ch.), 13 janvier 2010 : RG n° 2008F05068
Publication : Lexbase
Extraits : 1/ « Attendu que les conditions générales de location ont été portées à la connaissance de RMC lors de la signature de l'acte tripartite de location en date du 10 mai 2001, Que de plus RMC, dont l'une des activités est la location de matériels, ne pouvait ignorer que les contrats de location financière comprenaient une clause de renouvellement par tacite reconduction (article 11),
Qu'une telle clause est valable et permet au locataire de conserver l'utilisation des matériels loués au-delà de la période initialement prévue, Attendu en effet que la clause de prolongation de la location et renouvellement par tacite reconduction ne crée pas un déséquilibre dans les droits et obligations des parties puisqu'elle leur laisse la possibilité de résilier moyennant l'observation d'un délai de préavis, Qu'en l'occurrence ce délai de préavis de 3 mois est conforme aux usages, et aux besoins de l'utilisateur »
2/ « Attendu que le fait de prévoir la tacite reconduction du contrat pour un an à défaut de dénonciation avec un préavis de 3 mois ne constitue pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE
HUITIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 13 JANVIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2008F05068.
DEMANDEUR :
SARL RÉEMPLOI MANUTENTION CONTINUE (RMC)
[adresse], comparant par Maître Pierre ORTOLLAND [adresse] et par Maître Philippe LEPEK du Cabinet LEPEK-TRICOT-RODRIGUE-THONONSEDALLIAN-AYACHE HERCOT LALOU-HONORAT [adresse]
DÉFENDEUR :
SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE
[adresse], comparant par Maître Danielle LEFEVRE [adresse] et par Maître François LIREUX [adresse]
LE TRIBUNAL AYANT LE 25 novembre 2009 ORDONNÉ LA CLÔTURE DES DÉBATS POUR LE JUGEMENT ÊTRE PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE LE 13 janvier 2010, APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé des faits :
Selon acte en date du 30 mars 2001 la société REEMPLOI MANUTENTION CONTINUE ci après RMC a acheté un fonds de commerce de vente et location de matériels de manutention et s'est engagée à reprendre plusieurs contrats passés par son cédant, dont un contrat de location financière ; ce contrat d'une durée de 24 mois avait été signé avec la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE ci-après GE le 26 février 1999 ; son objet était la location de 3 ordinateurs, d'un serveur et de divers équipements informatiques.
La régularisation de cette cession a été formalisée par la signature d'un acte sous seings privés entre GE et RMC le 28 mai 2001 avec une clause de prolongation de la durée du contrat au 27 février 2002.
RMC, à deux reprises les 16 mai et 20 août 2006 a réclamé en vain à GE la copie du contrat d'origine.
Les échéances de location ont continué à être payées jusqu'au 2 janvier 2007 ; RMC a par lettre [recommandée avec accusé de réception] du 7 mars 2007 fait connaître son intention de ne plus payer et a demandé à GE de lui restituer la somme de 27.066,60 € qu'elle prétendait avoir payée à tort.
Le 19 mars 2007 GE écrit à RMC qu'elle prend bonne note de la résiliation au 27 février 2007 ; le matériel n'est pas restitué.
Procédure
C'est dans ces circonstances que par acte du 21 novembre 2008 délivré à personne, RMC fait assigner GE devant le tribunal de céans et lui demande de :
[minute page 2] Juger que les contrats de location conclus par tacite reconduction à partir du 28 février 2002 entre GE (sic) sont dépourvus de cause et conséquemment prononcer leur nullité,
Ordonner le remboursement par GE à RMC des loyers ttc échus à compter du 28 novembre 2003,
Juger que les articles 11 et 12 des conditions générales du contrat de location financière en date du 28 février 1999 créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de chaque partie,
En conséquence,
Condamner GE à payer à RMC une somme de 15.337,74 €,
Condamner GE à payer à RMC une somme de 20.000 € à titre de dommages intérêts,
Condamner GE à payer à RMC une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel ou garantie,
Condamner GE aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 24 février 2009, réitérées le 12 mai 2009, GE demande au tribunal de :
Débouter RMC de ses demandes à son encontre,
Condamner RMC à lui payer 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC, et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 7 avril 2009 RMC réitère les demandes de son exploit introductif d'instance.
Par conclusions récapitulatives régularisées le 20 octobre 2009 RMC ajoute :
Ordonner le remboursement par GE des loyers échus à compter du 28 novembre 2003,
Juger non écrit voir nul, l'article 6 des conditions générales du contrat du 26 février 1999.
Les parties se sont présentées à l'audience du juge rapporteur du 20 octobre 2009, les débats ont été clos.
Par décision en date du 2 novembre 2009 le juge rapporteur a ordonné la réouverture des débats et la production des factures correspondant aux loyers des 28 avril 2001 au 27 février 2002 et du 27 mars 2002 au 27 janvier 2007, d'en préciser l'imputation dans leurs comptabilités respectives, d'en justifier.
Les parties se sont présentées à l'audience du juge rapporteur du 25 novembre 2009.
[minute page 3] RMC a remis un extrait du grand livre pour les exercices 2001 à 2004, et un extrait du compte général pour les exercices 2005 à 2007 dans lesquels figure la comptabilisation des loyers GE CAPITAL,
GE a remis un échéancier daté du 17 novembre 2009 sur lequel figurent les loyers prélevés du 28 avril 2001 au 28 janvier 2007,
Les débats ont été clos et l'affaire mise en délibéré pour un jugement qui sera mis à disposition le 13 janvier 2010.
Moyens des parties.
RMC expose :
Qu'elle a repris, dans le cadre de l'acquisition du fonds de commerce de la société OMC, un contrat de location financière conclu le 26 février 1999 entre OMC et GE pour 24 mois et ayant pour objet 3 micro ordinateurs et des accessoires,
Qu'un échéancier nouveau a été conclu avec GE qui avait pour fin le 27 février 2002,
Que GE a continué à prélever des loyers après cette date et ce jusqu'au 2 janvier 2007, soit une somme de 27.066,60 €.
Qu'elle a renouvelé son matériel informatique en mars 2004 et n'avait plus besoin des matériels objets du contrat ci-dessus évoqué, qu'elle s'est inquiété de cette situation auprès de GE par lettre du 29 août 2006,
Que GE le 19 mars 2007 lui a répondu que le contrat avait été reconduit tacitement d'années en années en l'absence de manifestation contraire de RMC,
RMC considérant que le contrat était nul pour défaut de cause à compter du 27 février 2002, le matériel étant obsolète, demande le remboursement de loyers payés depuis le 28 novembre 2003 soit la somme de 15.337,74 €,
RMC soutient que la clause du contrat prévoyant la prolongation de location est abusive, qu'elle est contraire aux dispositions de l'article 442-6 du code de commerce qui oblige tout commerçant qui crée « un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » à réparer le préjudice ainsi causé.
RMC, estimant avoir subi un préjudice de 29.340,09 € pour la location de biens devenus obsolètes, demande 20.000 € de dommages intérêts.
GE oppose :
Que le contrat d'origine passé avec OMC a fait l'objet d'une reprise par RMC,
Qu'un acte a été signé par les trois parties qui prévoit une date de fin au 27 février 2002,
[minute page 4] Qu'il a été tacitement prolongé conformément aux conditions générales de location, ce en l'absence de toute manifestation de volonté de la part de RMC,
Que GE a donc légitimement continué à prélever les loyers,
Que la clause visant la tacite reconduction sauf dénonciation 3 mois avant l'échéance « ne peut être considérée comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de chaque partie »,
Que le contrat doit être appliqué et la demande de restitution des loyers rejetée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, le tribunal,
Sur la demande en nullité du contrat,
Attendu que RMC dit que les contrats qui la lie à GE sont dépourvus de cause à compter du 27 février 2002,
Attendu cependant que s'il n'a pas été conclu un nouveau contrat ou un avenant à cette date, les matériels objets du contrat initial sont restés à la disposition de RMC qui en a eu la jouissance,
Attendu que RMC qui a utilisé le matériel et l'a conservé n'est pas en droit de prétendre que son obligation était dépourvue d'objet,
Attendu que les conditions générales de location ont été portées à la connaissance de RMC lors de la signature de l'acte tripartite de location en date du 10 mai 2001,
Que de plus RMC, dont l'une des activités est la location de matériels, ne pouvait ignorer que les contrats de location financière comprenaient une clause de renouvellement par tacite reconduction (article 11),
Qu'une telle clause est valable et permet au locataire de conserver l'utilisation des matériels loués au-delà de la période initialement prévue,
Attendu en effet que la clause de prolongation de la location et renouvellement par tacite reconduction ne crée pas un déséquilibre dans les droits et obligations des parties puisqu'elle leur laisse la possibilité de résilier moyennant l'observation d'un délai de préavis,
Qu'en l'occurrence ce délai de préavis de 3 mois est conforme aux usages, et aux besoins de l'utilisateur,
Attendu que RMC soutient que la clause de fin de location (article 12) qui stipule qu'en fin de location le matériel doit être restitué en bon état n'est pas applicable et obligerait le locataire à conserver le matériel indéfiniment,
Attendu que cette clause n'est pas critiquable dans la mesure où elle est la conséquence de l'obligation d'entretien qui pèse sur le locataire utilisateur du matériel,
Attendu qu'en conséquence, le tribunal dira qu'il n'y a pas lieu à prononcer la nullité des contrats de location passés entre RMC et GE.
[minute page 5]
Sur l'exécution du contrat et ses conséquences financières,
Attendu que RMC reproche à GE d'avoir manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat et demande le remboursement de loyers payés indûment à hauteur de 15.337,74 €,
Attendu qu'il convient de rappeler que RMC a repris le contrat de location passé à l'origine entre la société OMC et GE ceci en toute connaissance de cause puisqu'un acte de cession tripartite a été signé le 28 mai 2001 par OMC, GE et RMC,
Attendu que RMC a continué à honorer les échéances de loyers présentées par GE sans à aucun moment lui faire connaître son intention de mettre fin à la location,
Attendu que RMC reconnaît dans ses écritures avoir conclu un contrat de location pour un photocopieur avec GE et avoir en mars 2004 « procédé au renouvellement de ses matériels informatiques »,
Attendu qu'à cette occasion RMC ne s'est pas interrogé sur le sort des matériels loués à GE et a continué à lui payer les loyers de matériels dont elle dit aujourd'hui qu'ils étaient obsolètes,
Attendu que les documents comptables remis par RMC à la suite de la décision du juge de rouvrir les débats apportent la preuve de ce que les loyers facturés par GE étaient comptabilisés en charges,
Attendu que, dans ces conditions, RMC a payé des loyers à GE en toute connaissance et qu'il ne peut être reproché à GE d'avoir continué à prélever des loyers correspondant à la location de matériels restés à la disposition de RMC,
Attendu que RMC sera donc déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 15.337,74 €.
Sur la demande de dommages intérêts :
Attendu que RMC reproche à GE d'avoir manqué à ses obligations en « gardant le silence » sur le sort des matériels alors que le prélèvement des loyers perdurait et ne donnait lieu à incident,
Attendu que si RMC estime que le contrat de location s'est poursuivi trop longtemps eu égard à l'utilisation qu'elle avait des matériels loués, RMC ne peut s'en prendre qu'à elle-même, le sort du contrat étant entre ses mains dès lors ou elle avait la libre utilisation des matériels et le choix de leur remplacement,
Attendu que le fait de prévoir la tacite reconduction du contrat pour un an à défaut de dénonciation avec un préavis de 3 mois ne constitue pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
Qu'en l'espèce RMC ne peut démontrer le moindre manquement de GE à ses obligations, qu'aucune clause du contrat ne l'obligeait à interroger tous les ans RMC sur sa politique de location ou plus généralement d'investissements, que GE n'a pas commis de faute en s'abstenant d'intervenir à l'occasion d'un contrat qui se déroulait sans encombre,
Attendu qu'en conséquence le tribunal déboutera RMC de sa demande de dommages-intérêts.
[minute page 6]
Sur la demande au titre de l'article 700 du CPC,
Attendu que pour faire reconnaître ses droits GE a du exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, le tribunal condamnera RMC à lui payer la somme de 500 € et déboutera pour le surplus.
Sur les dépens,
Attendu que les dépens seront à la charge de RMC.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant publiquement par un jugement contradictoire en premier ressort,
Déboute la société REEMPLOI MANUTENTION CONTINUE (RMC) de toutes ses demandes,
Condamne la société REEMPLOI MANUTENTION CONTINUE (RMC) à payer à la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 500 € au titre de l'article 700 du CPC, déboute pour le surplus,
Condamne la société REEMPLOI MANUTENTION CONTINUE (RMC) aux dépens.
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 100,85 €uros, dont TVA 16,53 €uros.
Délibéré par Messieurs ADAMOFF, QUEDEVILLE et CHOUILLOU.
Dit que le présent jugement est mis à disposition au greffe de ce Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du CPC.
La minute du jugement est signée par Monsieur ADAMOFF, Président du délibéré et Mlle Monique FARJOUNEL, Greffier
M. ADAMOFF,
Juge Rapporteur
- 6212 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Locations financières sans option d’achat
- 6234 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Durée du contrat