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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 28 février 2013

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 28 février 2013
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 10/19949
Date : 28/02/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/10/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4315

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 28 février 2013 : RG n° 10/19949 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, […]. La recommandation n° 91-01 de la Commission des Clauses Abusives relative aux contrats proposés par les établissements d'enseignement considère que doivent être éliminées les clauses indiquant que le prix est forfaitaire pour une année entière et prévoyant qu'il est dû même si l'élève ne peut suivre l'enseignement pour quelque cause que ce soit.

Si la SARL SUP SANTÉ fait valoir qu'elle subit un préjudice lorsqu'un désistement survient après le début des cours car il lui est alors impossible de remplacer l'élève défaillant, que ce pourrait compromettre, outre son devenir au plan financier, son organisation quant aux effectifs d'élèves en préjudiciant à ceux qui n'auraient pu obtenir une inscription du fait du quota atteint, il n'en demeure pas moins que la clause contractuelle qui prévoit le non remboursement des frais de scolarité en cas de désistement intervenu après le début des cours, sans distinction de cause, ce qui inclus, de fait, le cas de force majeure, est abusive en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En effet, cette stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat ne réserve pas le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, et ne permet même pas une dispense partielle du règlement de la formation en cas de force majeure. La clause doit donc être réputée non écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/19949 (4 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2010 - Tribunal d'Instance de PARIS (16e arrdt) : R.G. n° 11-10-000147.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Représenté par Maître Guillaume CADIX (avocat au barreau de PARIS, toque : B0667) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

 

INTIMÉE :

SARL SUP SANTÉ

prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY en la personne de Maître Alain FISSELIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044), par dépôt de dossier

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 janvier 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Alain SADOT, Président, et Madame Patricia GRASSO, conseillère, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Alain SADOT, président, Madame Patricia LEFEVRE, conseillère, Madame Patricia GRASSO, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sabine BOFILL

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Alain SADOT, président et par Mme Sabine BOFILL, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. a inscrit son fils T. à l'école privée SUP SANTÉ pour la préparation annuelle 2008/2009 module M2 pour un coût total de 4.590 euros.

Il a payé cette somme en quatre versements.

Suite à des problèmes de santé, son fils s'est révélé dans l'incapacité de suivre les cours de l'année préparatoire aux écoles de kinésithérapie.

L'école lui ayant refusé le remboursement des frais de scolarité au motif que toute année commencée était intégralement due, il a saisi le Tribunal d'instance par assignation du 22 janvier 2010.

Par jugement du 15 juin 2010, le tribunal d'instance de Paris 16ème arrondissement, estimant contraire à la recommandation n° 91-01 de la Commission des Clauses Abusives la clause contractuelle qui prévoit qu'après la rentrée, le prix pour une année entière reste dû et qui exclut donc toute possibilité de remboursement pour quelque cause que ce soit, a condamné la SARL SUP SANTÉ à rembourser à Monsieur X. la somme de 2.047,61 euros correspondant, au prorata, aux dix semaines de cours non délivrés du fait de la maladie de l'élève et a débouté le demandeur de sa demande de dommages et intérêts.

Monsieur X. a interjeté appel de cette décision le 12 octobre 2010.

Dans ses conclusions du 19 janvier 2013, il estime d'une part que la clause contractuelle excluant tout remboursement est abusive, d'autre part que la maladie de son fils était imprévisible dans son ampleur et ses conséquences au jour de l'inscription, enfin, que le bulletin de notes de son fils en date du 26 novembre 2008 le fait apparaître comme systématiquement absent de sorte qu'il ne peut être considéré qu'il a suivi une partie de la scolarité.

En conséquence, il demande à la cour de condamner la SARL SUP SANTÉ à lui rembourser la somme de 4.590 euros représentant la totalité des frais de scolarité, avec intérêts légaux à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception du 24 décembre 2008, de la lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 2009 ou, au plus tard, de l'assignation du 22 janvier 2010 et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts, de condamner l'intimée à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive avec intérêts légaux à compter du 22 janvier 2010 et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts, et enfin de la condamner à lui payer une indemnité de 1.000 euros pour frais irrépétibles.

La SARL SUP SANTÉ a conclu le 14 janvier 2013 à la réformation du jugement et au débouté.

Subsidiairement, elle demande à la cour de constater que plus de la moitié de la prestation a été fournie et qu'elle ne saurait rembourser plus de 1.870 euros, de rejeter en tout état de cause la demande de dommages et intérêts et de condamner l'appelant à lui payer une indemnité de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le fond, elle fait valoir que la clause contractuelle incriminée est licite et qu'il appartient à l'appelant de rapporter la preuve d'un cas de force majeure pouvant seul l'exonérer de son obligation de paiement, ce qu'il ne fait pas.

Subsidiairement, elle allègue que le désistement de l'élève est intervenu le 24 décembre 2008 après treize semaines de scolarité sur les vingt-trois prévues, ce qui, au prorata, représente un coût de 2.430 euros, et que le jeune homme a bénéficié de polycopiés et documents de travail à l'origine de frais annexes pour un montant de 290 euros.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les conditions générales du contrat souscrit le 20 mai 2008 indiquent que tout désistement annoncé avant l'entrée du module choisi entraîne le remboursement de 50 % des sommes versées et que le désistement annoncé après l'entrée du module n'entraîne aucun remboursement, toute scolarité commencée étant intégralement due.

La clause ne distingue aucune cause particulière de désistement et ne fait notamment pas référence à la force majeure.

La rentrée était prévue le 29 septembre 2008 et il est constant et non contesté que Monsieur X. a notifié le désistement de son fils à l'école par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 décembre 2008, suivie d'une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure de rembourser le prix en date du 8 janvier 2009.

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnel et non professionnel ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La recommandation n° 91-01 de la Commission des Clauses Abusives relative aux contrats proposés par les établissements d'enseignement considère que doivent être éliminées les clauses indiquant que le prix est forfaitaire pour une année entière et prévoyant qu'il est dû même si l'élève ne peut suivre l'enseignement pour quelque cause que ce soit.

Si la SARL SUP SANTÉ fait valoir qu'elle subit un préjudice lorsqu'un désistement survient après le début des cours car il lui est alors impossible de remplacer l'élève défaillant, que ce pourrait compromettre, outre son devenir au plan financier, son organisation quant aux effectifs d'élèves en préjudiciant à ceux qui n'auraient pu obtenir une inscription du fait du quota atteint, il n'en demeure pas moins que la clause contractuelle qui prévoit le non remboursement des frais de scolarité en cas de désistement intervenu après le début des cours, sans distinction de cause, ce qui inclus, de fait, le cas de force majeure, est abusive en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En effet, cette stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat ne réserve pas le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, et ne permet même pas une dispense partielle du règlement de la formation en cas de force majeure.

La clause doit donc être réputée non écrite.

En application de l’article 1148 du code civil, le débiteur est libéré de ses obligations contractuelles et exonéré de toute responsabilité lorsque l'inexécution ne lui est pas imputable mais résulte d'un cas de force majeure ou d'un cas fortuit.

En l'espèce, les certificats médicaux produits avec les conclusions de l'appelant, en date des 7 octobre, 24 décembre et notamment celui établi le 2 février 2010 par le Docteur A., attestent que l'élève T. X. était depuis le début du mois d'octobre dans l'incapacité sur le plan médical de suivre les cours de l'année préparatoire aux écoles de kinésithérapie (scolarité 2008-2009).

Le bulletin de notes édité par l'école le 28 novembre 2008 indique d'ailleurs l’élève comme absent pour tous les contrôles de connaissances par devoir sur table ou questionnaire à choix multiples.

Si le médecin évoque dans son certificat du 7 octobre 2008 que le jeune homme qu'il connaît depuis l'enfance présentait des troubles du sommeil dans la journée, il constate clairement l'incapacité sur le plan médical de suivre les cours de l'année préparatoire aux écoles de kinésithérapie.

Cet empêchement, bien que non extérieur à l'intéressé, présentait lors de la conclusion du contrat en mai 2008 un caractère imprévisible dans son étendue et ses conséquences et irrésistible dans son exécution.

La force majeure est donc suffisamment caractérisée.

Alors que l'incapacité est attestée par le médecin comme datant du début octobre 2008, pour des cours commençant le 29 septembre, la lettre recommandée avec accusé de réception régularisant le désistement est en date du 24 décembre 2008.

Par suite, il incombe de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant du remboursement et de condamner l'école à rembourser sur le prix contractuel de 4.300 euros pour les vingt trois semaines de scolarité de l'année 2008/2009, les dix semaines de cours non suivies par l'élève soit la somme de 1.869,56 euros, les frais annexes constitués de polycopiés et documents de travail devant demeurer à la charge de Monsieur X., en contrepartie d'une documentation qui lui est acquise en tout état de cause.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 janvier 2009,

Il incombe de faire application des dispositions de l’article 1154 du code civil et d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Monsieur X. ne justifie pas que l'intimée ait agi dans l'intention de nuire ou avec une légèreté blâmable non plus que du préjudice qu'il aurait subi du fait de sa résistance qu'il prétend abusive.

Par suite, la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Au vu des circonstances de la cause, il apparaît équitable d'allouer à l'appelant une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL SUP SANTÉ qui succombe devra supporter les dépens d'appel

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal d'instance de PARIS 16ème arrondissement le 15 juin 2010 sauf en ce qui concerne le montant du remboursement et CONDAMNE la SARL SUP SANTÉ à rembourser à Monsieur X. la somme de 1.869,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2009.

Y ajoutant

ORDONNE la capitalisation des intérêts pour une année entière.

CONDAMNE la SARL SUP SANTÉ à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SARL SUP SANTÉ aux dépens de l'appel qui seront recouvrés selon les modalités légales et réglementaires relatives à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT