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CA RENNES (2e ch. com.), 10 juin 2008

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch. com.), 10 juin 2008
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 07/03922
Date : 10/06/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 12 juin 2007
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N°4329

CA RENNES (2e ch. com.), 10 juin 2008 : RG n° 07/03922 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Estimant que l'engagement pris vis à vis de Milkon aurait dû soit être déclaré lors de la cession d'actions, soit être provisionné, soit encore faire l'objet d'un accord symétrique avec les distributeurs mettant à leur charge le coût des emballages non utilisés en cas de déréférencement, la CIPF a mis en œuvre la garantie de passif souscrite par M. X. sur ce fondement.

Il est définitivement jugé, le moyen fondé sur ce point ayant été rejeté, qu'est habituelle l'indemnisation du producteur en pareil cas. Selon l'arrêt de renvoi, reste à rechercher si le fait pour le fournisseur intermédiaire de prendre l'engagement de supporter le coût des emballages restant entre les mains du producteur, bien qu'habituel, n'était pas de nature à constituer un avantage anormal ou excessif. […]

Dès lors la CIPF n'établit pas l'existence d'un avantage anormal ou excessif accordé aux clients Penny Market et Scafrais, ou au fournisseur Milkon dans le cadre de la garantie de passif intéressant les comptes relatés au bilan de l'exercice 2000. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 JUIN 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G : 07/03922

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président, Madame Véronique BOISSELET, Conseiller, entendu en son rapport, Monsieur François PATTE, Conseiller,

GREFFIER : Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 30 avril 2008, devant Madame Véronique BOISSELET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président, à l'audience publique du 10 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats.

 

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

SAS COMPAGNIE ITALIENNE DE PRODUITS FRAIS CODIPAL - CIPF-CODIPAL

représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués, assistée de Maître Lionel HEBERT, avocat

 

DÉFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur X.

représenté par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués, assisté de la SCP LEVESQUE & LEROY CHEVALLIER TREGUIER PERRIGAULT, avocats

BANQUE POPULAIRE DE L'OUEST - BPO

représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués, assistée de Maître GABOREL, avocat

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par convention du 13 septembre 2001, M. X. a cédé à la société Compagnie Italienne de Produits Frais (ci-après CIPF) des actions qu'il détenait dans le capital de la société CODIPAL, ayant pour activité le négoce de produits laitiers et alimentaires.

Le même jour, il a conclu avec CIPF une convention selon laquelle il s'engageait à régler de ses deniers le montant de toute diminution de l'actif ou de toute augmentation du passif tel qu'il résultait du bilan au 31 décembre 2000, si cette variation résultait d'un acte en contradiction avec les déclarations stipulées. Ces dernières mentionnaient, sous la rubrique « avantages particuliers » qu'aucun avantage anormal ou excessif n'a été consenti à qui que ce soit par la société, et notamment aux dirigeants sociaux, aux salariés de la société et plus généralement à tout tiers.

La Banque Populaire de l'Ouest (BPO) s'est engagée en qualité de caution solidaire à garantir les obligations souscrites par M. X.

Estimant que plusieurs litiges justifiaient la mise en œuvre de la garantie de passif, la CIPF a assigné M. X. et la BPO devant le tribunal de commerce de Rennes en paiement de la somme de 58.429,77 euros.

Par jugement du 2 septembre 2004, le tribunal l'a déboutée de toutes ses demandes.

Par arrêt du 29 novembre 2005, la cour d'appel de Rennes a condamné M. X. à payer à la CIPF les sommes de 11.238,81 euros et 4.685,15 euros, dit que la BPO a, en cas de paiement de ces sommes à la CIPF un recours contre M. X. dans les termes de l’article 2028 du Code civil, et débouté les parties de leurs autres demandes, et notamment de celle relative à un litige avec une société Milkon

Sur pourvoi de la CIPF, cet arrêt a été cassé mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société CIPF en paiement de la somme de 10.789, 06 euros au titre du litige avec la société Milkon, et l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Par conclusions du 31 mars 2008, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, la CIPF demande que :

- M. X. et la BPO soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 12.946,87 euros au titre de la convention de garantie, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 26 novembre 2002,

- M. X. soit condamné à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 21 mars 2008, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, M. X. sollicite la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 2 septembre 2004, et réclame à la CIPF une indemnité de procédure de 3.000 euros.

Par conclusions du 4 janvier 2008, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, la BPO sollicite également la confirmation du jugement, et, subsidiairement, demande qu'il soit jugé qu'elle a un recours contre M. X. dans les termes prévus par l’article 2028 du Code civil, ce dernier étant condamné en tant que de besoin à lui rembourser les sommes qu'elle serait conduite à payer à la CIPF. Elle réclame une indemnité de procédure de 2.000 euros à la CIPF ou à toute autre partie succombante.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Le litige Milkon était le suivant :

La CODIPAL, alors dirigée par M. X., a conclu le 12 mars 1999 un accord de fourniture avec la société Milkon, intéressant des produits lactés, en vue de leur distribution sous leurs propres marques par les sociétés Penny Market (ED) et Scafrais (Intermarché). Etait prévu qu'en cas de cessation des relations contractuelles avant la livraison des quantités minimales convenues, CODIPAL devrait indemniser Milkon du stock d'emballage non utilisé. A la suite de déréférencements intervenus en 2002, à l'initiative des distributeurs, CODIPAL a mis fin à cet approvisionnement, et a réglé, en application de cet accord, la somme de 12.946,87 euros TTC à Milkon.

Estimant que l'engagement pris vis à vis de Milkon aurait dû soit être déclaré lors de la cession d'actions, soit être provisionné, soit encore faire l'objet d'un accord symétrique avec les distributeurs mettant à leur charge le coût des emballages non utilisés en cas de déréférencement, la CIPF a mis en œuvre la garantie de passif souscrite par M. X. sur ce fondement.

Il est définitivement jugé, le moyen fondé sur ce point ayant été rejeté, qu'est habituelle l'indemnisation du producteur en pareil cas.

Selon l'arrêt de renvoi, reste à rechercher si le fait pour le fournisseur intermédiaire de prendre l'engagement de supporter le coût des emballages restant entre les mains du producteur, bien qu'habituel, n'était pas de nature à constituer un avantage anormal ou excessif.

M. X. conteste qu'il s'agisse d'un engagement anormal ou excessif au motif que les distributeurs de grands groupes, tels que ceux auxquels étaient destinés les produits, n'acceptent jamais de telles clauses. La CIPF soutient au contraire qu'il est de règle que le distributeur qui met fin à un référencement assume le coût des emballages non utilisés.

Vis à vis de Milkon, CODIPAL se trouvait dans la même situation que celle visée par les attestations des producteurs Babynov, Campina et Orlait, produites par CIPF, puisqu'elle agissait bien dans le cadre d'un accord de fourniture de produits à marques de distributeurs nécessitant un emballage spécifique. Il n'est dès lors pas démontré que l'engagement pris vis à vis de Milkon avait un caractère anormal ou excessif, et aurait dès lors dû faire l'objet d'une déclaration spécifique.

Vis à vis de Penny Market et Scafrais, s'il est constant qu'aucun accord ne garantissait les conséquences de déréférencements du point de vue des emballages non utilisés, la CIPF ne produit aucun élément allant à l'encontre de l'affirmation d'M. X., selon laquelle le rapport de force économique existant avec de tels groupes exclut que leurs exigences d'emballages spécifiques soient compensées par une indemnisation sur ce point en cas de déréférencement, alors que la charge de la preuve du caractère anormal ou excessif de cet engagement lui incombe. Étant ou ayant été le fournisseur des groupes Carrefour, Leclerc, Casino et Cora, il lui était aisé de justifier du contenu des accords de référencement sur ce point avec ces entreprises, afin de démontrer l'anormalité ou l'excès de celui qu'elle reproche à M. X.

Il n'est pas démontré non plus, ni d'ailleurs soutenu, que le déréférencement des produits était prévisible lors de la souscription par M. X. de la garantie de passif, tel qu'apparaissant dans le bilan arrêté au 31 décembre 2 000. Le provisionnement de ce risque au bilan n'était dès lors ni justifié ni même admissible sur le plan des règles comptables, alors que le risque n'était que virtuel et que le fait générateur de la dette, soit la décision de déréférencement, et la rupture subséquente du contrat avec Milkon étaient postérieurs au bilan garanti. En outre, la CIPF, en sa qualité de professionnel du secteur, ne pouvait ignorer la vulnérabilité particulière de CODIPAL sur ce point en raison de son activité même, et l'audit réalisé avant la cession des actions par un représentant de CIPF lui donnait toute latitude de prendre connaissance des accords de référencement existants, et des contrats d'approvisionnement symétriques.

Dès lors la CIPF n'établit pas l'existence d'un avantage anormal ou excessif accordé aux clients Penny Market et Scafrais, ou au fournisseur Milkon dans le cadre de la garantie de passif intéressant les comptes relatés au bilan de l'exercice 2000.

La CIPF, qui succombe supportera les dépens, et les frais de procédure exposés par M. X. et la BPO à hauteur de 2.000 euros pour chacun.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Vu l'arrêt de renvoi après cassation du 12 juin 2007,

Confirme le jugement en ce que les demandes fondées sur le litige avec la société Milkon ont été rejetées,

Condamne la Compagnie Italienne de Produits Frais-CODIPAL aux dépens, avec recouvrement direct au profit de Maîtres Castres, Colleu, Perot, Le Couls-Bouvet, et Maîtres d'Aboville, de Moncuit-Saint Hilaire et Le Callonec, avoués,

La condamne également à payer la somme de 2.000 euros à M. X., et celle de 2.000 euros à la Banque Populaire de l'Ouest,

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT