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CA PAU (1re ch.), 14 mars 2013

Nature : Décision
Titre : CA PAU (1re ch.), 14 mars 2013
Pays : France
Juridiction : Pau (CA), 1re ch.
Demande : 11/04229
Décision : 13/1092
Date : 14/03/2013
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/11/2011
Numéro de la décision : 1092
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2013-004758
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4342

CA PAU (1re ch.), 14 mars 2013 : RG n° 11/04229 ; arrêt n° 13/1092 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En l'espèce, le contrat prévoit le versement d'une rente invalidité avec une franchise de 15 %, et les conditions générales comportent les définitions suivantes : - invalidité : état physiologique dans lequel l'assuré se trouve lorsque, après stabilisation de son état de santé et consolidation de ses blessures, sa capacité fonctionnelle, physique ou mentale, est réduite, - barème du concours médical (édition 2001) : barème de référence utilisé pour établir le taux d'invalidité fonctionnelle dont l'assuré est atteint, en dehors de toute considération professionnelle. Il est publié par la revue « Le Concours Médical » sous l'intitulé « Barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun ».

Ces clauses sont claires, précises et dénuées de toute ambiguïté quant à la détermination du mode d'évaluation du taux d'incapacité ouvrant droit au service de la rente proposée par l'assureur sur la base d'un barème officiel, d'application courante, régulièrement publié et dont le contrat donne les références de la revue le publiant.

Par ailleurs, aucun élément concret n'établit que la clause litigieuse a pour effet ou pour objet de créer un déséquilibre significatif au préjudice du bénéficiaire de la garantie alors même que celui-ci peut prétendre au service de la rente-invalidité dans des conditions qui étaient précisément définies et déterminées à la date de conclusion du contrat et que n'est caractérisée aucune disproportion entre le montant des cotisations d'assurance et la prestation promise par l'assureur.

La circonstance que le barème conventionnellement adopté est plus restrictif que la notion de déficit fonctionnel permanent appliquée en matière d'évaluation judiciaire des préjudices corporels est à elle seule insuffisante à caractériser un manquement de l'assureur à son devoir de conseil précontractuel dès lors qu'il n'est pas établi que les parties auraient eu la commune intention de se référer, pour la définition du risque contractuellement garanti, à cette dernière notion. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PAU

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 14 MARS 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/04229. Arrêt n° 13/1092. Nature affaire : Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes.

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 13 novembre 2012, devant : Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président, chargé du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Monsieur AUGEY, Conseiller, Madame BENEIX, Conseiller, assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi, dans l'affaire opposant :

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date], de nationalité française, représentée par la SCP D. - L., avocats à la Cour, assistée de Maître L., avocat au barreau de PAU

 

INTIMÉE :

COMPAGNIE D'ASSURANCES GROUPAMA D'OC

représentée par son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social, représentée par l'AARPI P. - L.-C., avocats à la Cour, assistée de Maître D., avocat au barreau de PAU

 

sur appel de la décision en date du 9 NOVEMBRE 2011 rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

L'EARL X. a souscrit auprès de Groupama d'Oc un contrat Capital Santé Prévoyance au bénéfice de Mme X., prévoyant notamment le versement d'une rente d'invalidité à partir d'un taux de 15 % d'incapacité, dans la limite d'une rente journalière de 30,47 euros.

Mme X. qui a été placée en arrêt de travail à compter du 10 novembre 2006 en raison d'une affection de nature psychiatrique, a perçu l'indemnisation prévue à ce titre par le contrat précité jusqu'au 28 octobre 2008, date à laquelle les prestations ne lui ont plus été servies, son état étant consolidé et l'IPP subsistante étant évaluée à un taux de 5 %.

Contestant cette évaluation, Mme X. a obtenu en référé l'institution d'une expertise judiciaire au terme de laquelle le docteur A. a déposé son rapport le 5 octobre 2009.

Par acte d'huissier du 20 janvier 2011, Groupama d'Oc a fait assigner Mme X. aux fins de voir dire qu'elle a droit à une rente d'invalidité au taux de 15 % à compter du 29 octobre 2008 et de voir déclarer satisfactoire son offre d'indemnisation sur cette base.

Par jugement du 9 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Pau a :

- dit que Mme X. a droit à une rente d'invalidité au taux de 15 % à compter du 29 octobre 2008,

- donné acte à Groupama d'Oc de son offre de régler à ce titre les sommes de 288,28 euros pour l'année 2008, 1.668,23 euros pour l'année 2009, 1.668,23 euros pour l'année 2010 et 4,67 euros d'indemnité journalière versée trimestriellement à terme échu pour 2011,

- déclaré cette offre satisfactoire,

- débouté Mme X. de ses demandes,

- condamné Mme X. aux dépens à l'exception des frais d'expertise judiciaire, devant être supportés par Groupama d'Oc.

Mme X. a interjeté appel de cette décision selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 25 novembre 2011.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 8 octobre 2012.

Dans ses dernières conclusions déposées le 24 février 2012, Mme X. demande à la Cour, réformant le jugement entrepris :

- de déclarer non écrite la clause instituant le barème du concours médical (édition 2001) comme barème de référence,

- de dire en conséquence que le taux d'invalidité fonctionnelle dont elle est atteinte doit être apprécié au regard des critères de droit commun et des constatations et évaluations de l'expert judiciaire, évaluant à 40 % le déficit fonctionnel temporaire pour la période de 1994 à 2006, à 60 % de 2006 à la date de consolidation et à 60 % le déficit fonctionnel permanent,

- sur la base du rapport d'expertise judiciaire, de condamner Groupama d'Oc à lui payer une somme globale de 17.976,86 euros selon décompte arrêté au 30 juin 2011 et, pour la période postérieure, une rente trimestrielle à calculer sur la base d'un taux d'invalidité de 60 %,

- de condamner Groupama d'Oc à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l’article 1147 du code civil et une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP de G. - D. - L.

Elle soutient en substance :

- que la clause instituant le barème (restrictif) du concours médical comme critère d'évaluation de l'incapacité de l'assuré doit être qualifiée d'abusive et réputée non écrite au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, qu'elle n'est pas rédigée de façon claire et compréhensible,

- que spécialement, rien dans les conditions générales ou particulières n'explicite le mode de calcul du taux d'invalidité proposé et ne révèle son caractère restrictif par rapport aux méthodes d'évaluation de droit commun, s'agissant en particulier de l'absence de prise en compte des préjudices subjectifs (douleur, préjudice d'agrément...),

- qu'en toute hypothèse, l'assureur a manqué à son devoir de conseil en n'attirant pas l'attention du souscripteur de l'assurance sur ce point, la simple référence à la revue dans laquelle ce barème est publié étant à cet égard totalement insuffisante,

- que son indemnisation devra donc être arrêtée en fonction de l'évaluation proposée par l'expert judiciaire selon les bases d'évaluation de droit commun (dont elle propose une application en fin de ses écritures).

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 avril 2012, la compagnie Groupama d'Oc conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et sollicite la condamnation de Mme X. aux entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP P. - L.-C., en soutenant pour l'essentiel :

- que la preuve du caractère abusif de la clause litigieuse n'est pas rapportée dans la mesure où l'assurée a été informée dès la souscription des conditions de la garantie, le barème applicable étant défini très précisément,

- que l'expertise judiciaire a clairement établi que sur la base du barème du concours médical auquel seul il convient de se référer, les seules atteintes aux fonctions physiologiques peuvent être évaluées à 15 % s'agissant d'un état dépressif résistant caractérisé.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation (dont l'applicabilité n'est pas contestée en l'espèce), dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, le contrat prévoit le versement d'une rente invalidité avec une franchise de 15 %, et les conditions générales comportent les définitions suivantes :

- invalidité : état physiologique dans lequel l'assuré se trouve lorsque, après stabilisation de son état de santé et consolidation de ses blessures, sa capacité fonctionnelle, physique ou mentale, est réduite,

- barème du concours médical (édition 2001) : barème de référence utilisé pour établir le taux d'invalidité fonctionnelle dont l'assuré est atteint, en dehors de toute considération professionnelle. Il est publié par la revue « Le Concours Médical » sous l'intitulé « Barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun ».

Ces clauses sont claires, précises et dénuées de toute ambiguïté quant à la détermination du mode d'évaluation du taux d'incapacité ouvrant droit au service de la rente proposée par l'assureur sur la base d'un barème officiel, d'application courante, régulièrement publié et dont le contrat donne les références de la revue le publiant.

Par ailleurs, aucun élément concret n'établit que la clause litigieuse a pour effet ou pour objet de créer un déséquilibre significatif au préjudice du bénéficiaire de la garantie alors même que celui-ci peut prétendre au service de la rente-invalidité dans des conditions qui étaient précisément définies et déterminées à la date de conclusion du contrat et que n'est caractérisée aucune disproportion entre le montant des cotisations d'assurance et la prestation promise par l'assureur.

La circonstance que le barème conventionnellement adopté est plus restrictif que la notion de déficit fonctionnel permanent appliquée en matière d'évaluation judiciaire des préjudices corporels est à elle seule insuffisante à caractériser un manquement de l'assureur à son devoir de conseil pré-contractuel dès lors qu'il n'est pas établi que les parties auraient eu la commune intention de se référer, pour la définition du risque contractuellement garanti, à cette dernière notion.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande tendant à voir déclarer non écrite la clause litigieuse du contrat d'assurance et de sa demande en dommages-intérêts pour manquement allégué de l'assureur à son devoir de conseil.

Constatant que l'évaluation expertale à 15 % du taux d'incapacité par application du barème conventionnellement adopté ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'après avoir vérifié qu'elle correspondait aux stipulations contractuelles, il a déclaré satisfactoire l'offre de Groupama d'Oc de verser à Mme X. les sommes de 288,28 euros pour l'année 2008, 1.668,23 euros pour l'année 2009, 1.668,23 euros pour l'année 2010 et 4,67 euros à titre d'indemnité journalière versée trimestriellement à terme échu à compter de l'année 2011.

L'équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme X. qui succombe dans la totalité de ses prétentions.

Le jugement déféré sera enfin confirmé en ce qu'il a condamné Mme X. aux dépens de première instance, à l'exception des frais d'expertise judiciaire mis à la charge de Groupama d'Oc.

Mme X. sera condamnée aux entiers dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de la SCP P. - L.-C.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 9 novembre 2011,

En la forme, déclare l'appel de Mme X. recevable,

Au fond :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute Mme X. de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X. aux entiers dépens d'appel avec autorisation pour la SCP P. - L.-C. de procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,

Mireille PEYRON                Patrick CASTAGNE