CA AMIENS (1re ch. sect. 2), 2 avril 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4389
CA AMIENS (1re ch. sect. 2), 2 avril 2013 : RG n° 12/00838
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La cour rappelle qu'une offre préalable n'est pas nécessaire pour une augmentation du découvert utile initialement consenti, lorsqu'elle se situe dans la limite du découvert maximum autorisé par la convention initiale ou par un avenant dûment signé par l'emprunteur.
Au cas d'espèce, le contrat signé entre les parties fixe le découvert utile à la somme de 4.000 francs, soit 609,78 euros, et le découvert maximum autorisé de 50.000 francs, soit 7.622,45 euros. L'article II-4 des conditions générales du contrat prévoit que, sur la demande expresse de l'emprunteur, le découvert utile pourra être augmenté en une fois ou par fractions dans la limite du découvert maximum autorisé.
Une telle clause ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment du consommateur qui conserve la maîtrise le montant du découvert utile, de sorte que M. X. n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait abusive en ce qu'elle permettrait d'augmenter la fraction de découvert utile sans soumettre la société de crédit à présenter une nouvelle offre de crédit. »
2/ « En considération des clauses du contrat ci-dessus rappelées, le dépassement du découvert utile initialement consenti ne peut valablement s'analyser comme un incident de paiement non régularisé et constituer le point de départ du délai biennal de forclusion prévu à l’article L. 311-37 du code de la consommation, seul le dépassement du maximum autorisé constituant un tel incident. Au cas d'espèce, le montant du découvert maximum autorisé n'a jamais été atteint par l'emprunteur. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 2 AVRIL 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00838. APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL D'INSTANCE D’AMIENS du 16 janvier 2012.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Représenté par Maître Annick DARRAS, avocate au barreau d'AMIENS, constituée (bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d’AMIENS)
ET :
INTIMÉE :
SA FACET
Représentée par Maître Franck DELAHOUSSE, avocat au barreau D'AMIENS, constitué
DÉBATS : A l'audience publique du 22 janvier 2013 devant M. RINUY, Président et Mme LORPHELIN, Conseillère entendue en son rapport, magistrats siégeant sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile, qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 2 avril 2013.
GREFFIER : Mme ROUSSY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Le Président en a rendu compte à la Cour composée de : M. RINUY, Président, Mme LORPHELIN et Mme DUBAELE, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 2 avril 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; M.RINUY, Président, a signé la minute avec Mme ROUSSY, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Suivant une offre acceptée le 30 juillet 1996, la SA FACET a consenti à M. X. une ouverture de crédit d'un montant en capital de 50.000 francs, soit 7.622,45 euros, avec une première fraction utilisable de 4.000 francs, soit 609,78 euros, ouvrant droit pour la société de crédit à la perception d'intérêts au taux annuel de 15,96 % calculés sur les sommes réellement empruntées.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société FACET s'est prévalue de la déchéance du terme.
Par une ordonnance du 9 février 2011, le tribunal d'instance d'AMIENS a fait injonction à M. X. de payer à la SA FACET une somme de 6.233,16 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2012 et une somme de 431,81 euros au titre des intérêts échus impayés, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 février 2012.
M. X. a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer qui lui a été signifiée le 17 février 2012. Il a invoqué la forclusion de l'action.
Par un jugement du 16 janvier 2012, le tribunal d'instance d'AMIENS écartant la fin de non recevoir tirée de la forclusion prévue à l’article L. 311-37 du code de la consommation, en retenant que les impayés des 5 novembre et 5 décembre 2007 ont été régularisés dans un délai inférieur à dix jours de chacune de ces échéances et que le premier incident de paiement est intervenu le 9 novembre 2009, a :
- déclaré M. X. recevable en son opposition ;
- rejeté l'exception d'irrecevabilité ;
- condamné M. X. à payer à la SA FACET :
* 915 euros au titre des mensualités impayées outre les intérêts au taux de 15,96 % l'an à compter du 11 décembre 2010 ;
* 5.749,97 euros au titre du capital restant dû outre les intérêts au taux de 15,96 % l'an à compter du 11 décembre 2012 ;
* 431,81 euros au titre des intérêts échus impayés outre les intérêts au taux de 15,96 % l'an à compter du 11 décembre 2010 ;
* 1 euro au titre de l'indemnité légale de 8 % ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné M. X. à payer à la SA FACET la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. X. aux dépens.
M. X. a formé appel de ce jugement par une déclaration d'appel du 1er mars 2012.
Vu les conclusions du 1er juin 2012 aux termes desquelles l'appelant prie la Cour d'infirmer le jugement, à titre principal, de déclarer l'action de la SA FACET forclose, à titre subsidiaire, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts à l'encontre de la SA FACET à compter du 16 octobre 2007, de réduire la clause pénale à la somme de 1 euro, de lui accorder les plus larges délais de paiement sur le fondement de l’article 1244-1 du code civil et de condamner la SA FACET en tous les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
Vu les conclusions du 21 juin 2012, aux termes desquelles la SA FACET prie la Cour de dire tant irrecevable que mal fondé M. X. en son appel et le débouter en conséquence de ses demandes, fins et prétentions, de confirmer le jugement, de condamner M. X. à lui régler la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Franck DELAHOUSSE, avocat aux offres de droit.
L'affaire a été clôturée en cet état et a été fixée à l'audience du 22 janvier 2013 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 novembre 2012.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé de leurs moyens et de leurs prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CECI EXPOSÉ :
- Sur le caractère abusif de la clause de variation du montant du crédit :
M. X. soutient que la clause de variation prévue à l'article II-4 du contrat de crédit du 30 juillet 1996 selon laquelle le découvert utile pourra être augmenté en une fois ou par fractions successives jusqu'au montant du découvert autorisé, laquelle dispense la société de crédit de soumettre une nouvelle offre à l'emprunteur, a été jugée abusive et réputée non écrite en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation. (Avis n° 04-03 du 27 mai 2004 de la Commission des Clauses Abusives et avis de la Cour de cassation du 10 juillet 2006 n° 06-00006)
Il en déduit que le montant de l'ouverture de crédit correspond au découvert initialement convenu entre les parties lors de l'acceptation de l'offre préalable, soit en l'espèce, la somme de 4.000 francs (609,80 euros).
La SA FACET conteste cette argumentation en faisant valoir que par application de l’article L. 311-9 du code de la consommation :
- le contrat peut prévoir un montant global de crédit consenti (soit le découvert maximum autorisé) que l'emprunteur utilisera de façon fractionnée aux dates de son choix, la première fraction n'étant autre que le découvert utile, et ce sans obligation d'éditer une nouvelle offre préalable lors de chaque utilisation fractionnée ;
- le découvert utile ne correspond pas au crédit consenti, il n'en est que la première fraction ;
- l'augmentation du « crédit consenti » c'est-à-dire le découvert maximum autorisé (et non le découvert utile) nécessite l'émission d'une nouvelle offre préalable ;
- la clause du contrat de crédit qui distingue entre découvert utile et découvert maximum autorisé est conforme au modèle type n° 4 de l'article R. 311-6 ;
- tant que le cumul des fractions successivement empruntées ne dépasse pas le montant du crédit consenti, il n'y a pas lieu d'émettre une nouvelle offre préalable ;
- la Cour de cassation a réaffirmé ce principe (arrêt Chambre Civile 1ère 5 juillet 2006) ;
- la loi et le contrat autorisent formellement cette pratique qui ne peut être condamnée par la Cour.
L’article L. 132-1 du code de la consommation dans son état issu de la loi du 1er février 1995, applicable au présent litige concernant un contrat signé le 30 juillet 1996, prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.
La cour rappelle qu'une offre préalable n'est pas nécessaire pour une augmentation du découvert utile initialement consenti, lorsqu'elle se situe dans la limite du découvert maximum autorisé par la convention initiale ou par un avenant dûment signé par l'emprunteur.
Au cas d'espèce, le contrat signé entre les parties fixe le découvert utile à la somme de 4.000 francs, soit 609,78 euros, et le découvert maximum autorisé de 50.000 francs, soit 7.622,45 euros. L'article II-4 des conditions générales du contrat prévoit que, sur la demande expresse de l'emprunteur, le découvert utile pourra être augmenté en une fois ou par fractions dans la limite du découvert maximum autorisé.
Une telle clause ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment du consommateur qui conserve la maîtrise le montant du découvert utile, de sorte que M. X. n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait abusive en ce qu'elle permettrait d'augmenter la fraction de découvert utile sans soumettre la société de crédit à présenter une nouvelle offre de crédit.
- Sur la forclusion :
L'article L. 311-37 (devenu L. 311-52) du code de la consommation dispose que les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans le délai de deux ans de l'évènement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
L'appelant fait valoir qu'il résulte de l'historique du compte qu'à compter du 16 octobre 2007, le montant du découvert initialement attribué a été dépassé, que la situation n'a jamais été régularisée, que le montant du crédit initial est constamment dépassé, que le dépassement n'a cessé de s'aggraver en raison des achats effectués et de l'insuffisance des dépôts réalisés, et que le contrat s'est trouvé renouvelé, sans que la société de crédit lui propose une nouvelle offre dans les conditions de l'article L. 311-9 (devenu L. 311-16) du code de la consommation.
La société FACET fait valoir, à titre principal, qu'au cas d'espèce, l'offre de prêt prévoit un montant de découvert maximum autorisé de 7.622,45 euros, ce montant maximum n'a jamais été dépassé et elle n'est pas forclose à agir, à titre subsidiaire, que s'il était jugé qu'elle était dans l'obligation de soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable de crédit, il conviendrait, en tout état de cause, de dire n'y avoir lieu qu'à déchéance du droit aux intérêts.
En considération des clauses du contrat ci-dessus rappelées, le dépassement du découvert utile initialement consenti ne peut valablement s'analyser comme un incident de paiement non régularisé et constituer le point de départ du délai biennal de forclusion prévu à l’article L. 311-37 du code de la consommation, seul le dépassement du maximum autorisé constituant un tel incident.
Au cas d'espèce, le montant du découvert maximum autorisé n'a jamais été atteint par l'emprunteur.
Par ailleurs, c'est par de justes motifs, adoptés par la Cour, que le premier juge a relevé que, si l'emprunteur était tenu de régler sa dette par des échéances mensuelles régulières, les prélèvements mensuels revenus impayés les 5 novembre et 5 décembre 2007 ont été régularisés dans un délai inférieur à dix jours, et la société FACET a signifié l'ordonnance d'injonction de payer du 17 février 2011 dans le délai de deux ans du premier incident de paiement caractérisé par le rejet du prélèvement de l'échéance du 9 novembre 2009.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion.
- Sur la déchéance du droit aux intérêts :
M. X. soutient que la banque n'a pas satisfait aux obligations d'information prévues aux nouveaux articles L. 311-48 et L. 311-16 du code de la consommation et qu'elle doit être déchue de son droit aux intérêts conventionnels à compter du 16 octobre 2007.
La Cour relève que M. X. n'est pas fondé à solliciter l'application de dispositions issues de la loi du 1er juillet 2010, alors que le crédit lui a été consenti par un contrat du 30 juillet 1996 et qu'à la date d'application des nouvelles dispositions visées, le 2 mai 2011, le contrat se trouvait déjà dans sa phase contentieuse.
La société FACET n'étant pas légalement tenue d'une telle information, M. X. n'est pas fondé à solliciter la déchéance du droit aux intérêts pour le non respect de ces dispositions.
En ce qui concerne la présentation d'une nouvelle offre de crédit au 16 octobre 2007, date du dépassement du découvert utile, il a déjà été répondu sur ce point, étant rappelé que la banque n'était pas tenue de présenter une nouvelle offre de crédit.
- Sur la demande en paiement formée par la SA FACET :
Le jugement a fait une juste appréciation du montant de la créance de la société FACET en considération de l'historique du compte et des pièces justificatives versées aux débats.
Il convient donc de confirmer le jugement du chef des condamnations prononcées contre M. X.
- Sur la demande de termes et délais et la réduction de la clause pénale :
La Cour relève que la société FACET ne forme pas d'appel incident du chef des condamnations prononcées par le premier juge, de sorte qu'elle accepte implicitement la réduction à un euros du montant de l'indemnité conventionnelle de 8 % prévue au contrat. Cette disposition du jugement, non discutée en appel, sera confirmée.
Il ne peut être dénié à M. X. la qualité de débiteur de bonne foi, dès lors qu'il a honoré ses engagements à l'égard de la société FACET pendant treize années sans incident de paiement, qu'il établit se trouver sans emploi et qu'il assume la charge de cinq enfants âgés de dix neufs à cinq ans.
Cependant, il ne présente aucune offre d'échelonnement de la dette, ni ne précise pas en quoi sa situation personnelle pourrait s'améliorer dans un délai de deux ans.
Le montant des revenus déclarés en 2011, soit la somme de 5.521 euros, rend illusoire toute proposition de règlement échelonné.
En conséquence, il convient de le débouter de sa demande de délais.
- Sur les dépens :
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il condamne M. X. aux dépens à supporter les dépens de première instance et à verser une somme de 300 euros à la société FACET par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Eu égard au sens du présent arrêt, il convient de condamner M. X. aux dépens d'appel.
L'équité commande de faire application à hauteur de 500 euros à la demande d'indemnité formée par la société FACET en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Confirme le jugement rendu le 16 janvier 2012 par le Tribunal d'Instance d'AMIENS en toutes ses dispositions ;
- Déboute M. X. de ses demandes ;
- Condamne M. X. à payer à la SA FACET une indemnité de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. X. aux dépens d'appel ;
- Accorde au profit de Maître Franck DELAHOUSSE, avocat, le droit de recouvrer au près de M. X. les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5744 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Présentation
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit