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CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 28 mars 2013

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 28 mars 2013
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 11/03681
Date : 28/03/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/11/2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4390

CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 28 mars 2013 : RG n° 11/03681

Publication : Jurica

 

Extrait : « La société Le C. soutient que les clauses de variation de prix et de rachat du linge seraient abusives en ce qu'elles auraient eu pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, lequel devrait en conséquence être annulé dans sa totalité en application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

Les premiers juges ont cependant pertinemment relevé que le contrat avait été conclu entre deux sociétés commerciales et était en rapport avec l'activité de la société Le C., de sorte que cette dernière n'était pas fondée à revendiquer l'application de ce texte. Il est en effet certain que la location et l'entretien du linge employé dans le cadre du fonctionnement du restaurant exploité par la société Le C. est en rapport direct avec l'activité professionnelle de cette dernière. Les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation sur lesquelles l'appelante fonde exclusivement sa demande d'annulation du contrat sont donc inapplicables au présent litige. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 28 MARS 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/03681. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Commerce de LISIEUX en date du 10 novembre 2011 - R.G. n°10/2240.

 

APPELANTE :

La SARL LE C.

N° SIRET : 414 XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP PARROT-LECHEVALLIER-ROUSSEAU, avocats au barreau de CAEN, assistée de la SCP PIRO VINAS ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de LISIEUX

 

INTIMÉE :

La SAS RLD 2

N° SIRET : 739 XX, prise en la personne de son représentant légal, non comparante, bien que régulièrement assignée

 

DÉBATS : A l'audience publique du 11 février 2013, sans opposition du ou des avocats, Monsieur CHRISTIEN, Président, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame BEUVE, Conseiller, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mars 2013 et signé par Monsieur CHRISTIEN, Président, et Mme LE GALL, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat du 17 septembre 2002 conclu pour une durée de trois ans et renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d'égales durées, la société RLD Normandie, aux droits de laquelle se trouve la société RLD 2, a loué à la société Le C. un stock de linge qu'elle s'est par ailleurs engagée à entretenir.

Prétendant que la société Le C. avait unilatéralement rompu le contrat le 5 mai 2009, la société RLD 2 l'a, par acte du 6 mai 2010, fait assigner devant le tribunal de commerce de Lisieux en paiement d'une indemnité de résiliation correspondant au montant des loyers restant à échoir majoré de 15 %.

Par jugement du 10 novembre 2011, le tribunal de commerce a statué en ces termes :

« - Déboute la société Le C. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamne la société Le C. à payer à la société RLD 2 la somme principale de 11.454,10 euros avec intérêts de droit à compter du 30 mars 2010 ;

- Condamne la société Le C. au paiement des intérêts échus depuis la mise en demeure en vertu des dispositions de l'article 7 du contrat à compter du 8 janvier 2010 date de la mise en demeure ;

- Condamne la société Le C. à payer à la société RLD 2 la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ».

La société Le C. a relevé appel de cette décision le 23 novembre 2011 en demandant à la cour de :

« À titre principal, vu les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, annuler le contrat conclu entre les parties le 17 septembre 2002 ;

En conséquence, débouter la société RLD 2 de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement, vu l’article 1184 du Code civil, dire et juger que la société RLD 2 est à l'origine de la résiliation du contrat intervenu ;

En conséquence, débouter la société RLD 2 de toutes ses demandes et conclusions ;

Subsidiairement, vu l’article 1184 du Code civil, dire et juger que la société RLD 2 n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles ;

En conséquence et en tout état de cause, prononcer la résiliation du contrat dont s'agit aux torts exclusifs de la société RLD 2 ;

En conséquence, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

À titre plus subsidiaire encore, vu l’article 1152 du Code civil, dire et juger que les demandes de la société RLD 2 sont fondées sur des clauses qui s'analysent en clauses pénales, lesquelles sont manifestement excessives ;

En conséquence, réduire les demandes de la société RLD 2 à l'euro symbolique ;

Y ajoutant, en tout état de cause, a titre reconventionnel, condamner la société RLD 2 à payer à la société Le C. la somme de 22.701,37 euros en application du contrat ;

Y ajoutant, en tout état de cause, condamner la société RLD 2 à payer à la société Le C. une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société RLD 2 aux entiers dépens ».

Bien qu'assignée le 16 février 2012 à personne s'étant dite habilitée à recevoir l'acte, la société RLD 2 n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Le C. le 14 février 2012.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

La société Le C. soutient que les clauses de variation de prix et de rachat du linge seraient abusives en ce qu'elles auraient eu pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, lequel devrait en conséquence être annulé dans sa totalité en application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

Les premiers juges ont cependant pertinemment relevé que le contrat avait été conclu entre deux sociétés commerciales et était en rapport avec l'activité de la société Le C., de sorte que cette dernière n'était pas fondée à revendiquer l'application de ce texte.

Il est en effet certain que la location et l'entretien du linge employé dans le cadre du fonctionnement du restaurant exploité par la société Le C. est en rapport direct avec l'activité professionnelle de cette dernière.

Les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation sur lesquelles l'appelante fonde exclusivement sa demande d'annulation du contrat sont donc inapplicables au présent litige.

Par ailleurs, la société Le C. prétend que c'est la société RLD qui aurait pris l'initiative de la rupture.

Pourtant, il ressort des termes des courriers échangés entre les parties en avril et mai 2009 que l'initiative de la rupture avant le terme du contrat incombe bien à la société Le C. qui a, le 10 avril 2009, notifié à son cocontractant qu'elle entendait « annuler le contrat de location de linge » puis a, en dépit du désaccord de la société RLD 2 exprimé dans les courriers des 16 et 22 avril 2009 réclamant le paiement d'une indemnité de résiliation, maintenu sa décision par un nouveau courrier du 5 mai 2009.

D'autre part, la société Le C. soutient que la société RLD 2 aurait manqué à ses obligations contractuelles, et qu'elle était donc fondée à rompre unilatéralement le contrat.

Cependant, si une partie peut provoquer, à ses risques et périls, la rupture unilatérale d'un contrat à durée déterminée avant son terme en cas de manquement de son cocontractant à ses obligations contractuelles, c'est à la condition que ce manquement présente un degré de gravité tel qu'il affecte l'exigence d'exécution de bonne foi de la convention ou qu'il porte sur une obligation essentielle du contrat.

Or, les quelques attestations produites n'évoquent que des défauts ponctuels de réapprovisionnement en produits d'hygiène qui, de surcroît en l'absence de toute mise en demeure préalable, n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une rupture unilatérale.

La société RLD 2 réclame le paiement d'une indemnité de résiliation de 22.701,37 euros correspondant au montant toutes taxes comprises des loyers restant à courir entre le 5 mai 2009, date de la rupture, et le 9 octobre 2011 constituant le terme normal du contrat (654,52 euros x 29 mois x 19,6 %), augmentée d'une pénalité de 3.409,21 euros égale à 15 % du montant de l'indemnité impayée.

Pour condamner au paiement d'une somme totale de 11.454,10 euros, les premiers juges ont réduit l'indemnité de résiliation, jugée excessive, à 7.526,98 euros et estimé que la pénalité de 15 % faisait double emploi avec cette indemnité de résiliation, mais ils ont d'office ajouté une somme de 3.927,12 euros correspondant à la perte du chiffre d'affaires que la société RLD aurait dû réaliser au cours du préavis de 6 mois que la société Le C. était tenu de respecter en cas de non renouvellement du contrat.

Le tribunal de commerce ne pouvait pourtant pas, sans méconnaître l'objet du litige tel qu'il avait été déterminé par les parties, accorder à la société RLD 2, au titre du non respect du préavis de dénonciation du contrat, la réparation d'un préjudice qui n'était ni invoqué, ni réclamé.

Le jugement attaqué sera donc, de ce chef, réformé.

Par ailleurs, l'intimée, qui est défaillante devant la cour, ne critique pas la disposition du jugement attaqué ayant relevé que la pénalité de 15 % n'était pas cumulable avec l'indemnité de résiliation anticipée.

Défaillante, elle ne conteste pas davantage la décision attaquée en ce qu'elle a constaté que l'indemnité de résiliation était due en vertu d'une clause pénale et qu'elle était manifestement excessive.

La société Le C. reproche quant à elle à tort aux premiers juges de ne pas avoir réduit cette indemnité à l'euros symbolique, alors que la disproportion manifeste doit s'apprécier en comparant le montant de la peine conventionnellement fixée et celui du préjudice réellement subi, que ce préjudice procède en l'occurrence de la perte de marge que la société RLD 2 aurait dû réaliser si le contrat avait pu être exécuté jusqu'à son terme, et qu'au regard des éléments de la cause l'indemnité a été exactement réduite à 7.526,98 euros.

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 mars 2010.

Faisant grief à la société RLD 2 d'être, par sa décision unilatérale ou en raison de ses manquements, à l'origine de la rupture contractuelle, la société Le C. réclame reconventionnellement paiement d'une somme de 22.701,37 euros en vertu des clauses pénales du contrat.

Il a cependant été précédemment relevé que l'appelante avait bien pris l'initiative de rompre le contrat et qu'elle ne démontrait pas l'existence de manquements de l'intimée d'une gravité légitimant une rupture unilatérale.

Les premiers juges ont équitablement condamné la société Le C. au paiement d'une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

En revanche, il n'y a pas matière à application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société RLD 2, qui succombe pour partie en ses prétentions et moyens d'appel après avoir pris l'initiative de ce recours, supportera les dépens de second degré.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme partiellement le jugement rendu le 10 novembre 2011 par le tribunal de commerce de Lisieux ;

Statuant à nouveau sur l'entier litige,

Rejette les demandes d'annulation et de résiliation du contrat aux torts de la société RLD 2 ;

Condamne la société Le C. à payer à la société RLD 2 la somme de 7.526,98 euros au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2010 ;

Déboute la société RLD 2 du surplus de sa demande ;

Déboute la société Le C. de sa demande reconventionnelle ;

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Le C. à payer à la société RLD 2 une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;

Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Le C. aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

N. LE GALL              J. CHRISTIEN