CJUE (1re ch.), 15 mars 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 4419
CJUE (1re ch.), 15 mars 2012 : Affaire C‑453/10
Publication : site Curia
Extraits (dispositif) : « 1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi ne saurait se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux pour l’une des parties, en l’occurrence le consommateur, de l’annulation du contrat concerné dans son ensemble. Ladite directive ne s’oppose pas, cependant, à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, qu’un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives est nul dans son ensemble lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur. »
2/ « 2) Une pratique commerciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant à indiquer dans un contrat de crédit un taux annuel effectif global inférieur à la réalité doit être qualifiée de « trompeuse », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »), pour autant qu’elle amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Il appartient au juge national de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal. La constatation du caractère déloyal d’une telle pratique commerciale constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, son appréciation du caractère abusif des clauses du contrat relatives au coût du prêt accordé au consommateur. Une telle constatation n’a cependant pas d’incidences directes sur l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat de crédit conclu. ».
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 15 MARS 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Dans l’affaire C‑453/10, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okresný súd Prešov (Slovaquie), par décision du 31 août 2010, parvenue à la Cour le 16 septembre 2010, dans la procédure
Jana Pereničová,
Vladislav Perenič
contre
SOS financ spol. s r. o.,
LA COUR (première chambre) : composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur), A. Borg Barthet, E. Levits et J.-J. Kasel, juges,
Avocat général : Mme V. Trstenjak,
Greffier : Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,
Vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2011,
Considérant les observations présentées :
- pour Mme Pereničová et M. Perenič, par Mes I. Šafranko et A. Motyka, advokáti,
- pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,
- pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,
- pour le gouvernement espagnol, par M. F. Díez Moreno, en qualité d’agent,
- pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,
- pour la Commission européenne, par MM. G. Rozet, A. Tokár et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,
Ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 novembre 2011,
rend le présent :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Arrêt :
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), et des dispositions de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO L 149, p. 22), ainsi que sur l’incidence que l’application de la directive 2005/29 pourrait avoir sur la directive 93/13.
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Pereničová et M. Perenič à SOS financ spol. s r. o. (ci-après « SOS »), établissement non bancaire accordant des crédits à la consommation, au sujet d’un contrat de crédit conclu entre les intéressés et cette société.
Le cadre juridique
La réglementation de l’Union
La directive 93/13
3. Les septième, seizième, vingtième ainsi que vingt et unième considérants de la directive 93/13 prévoient respectivement :
« considérant que les vendeurs de biens et les prestataires de services seront, de cette façon, aidés dans leur activité de vente de biens et des prestations de services, à la fois dans leur propre pays et dans le marché intérieur ; que la concurrence sera ainsi stimulée, contribuant de la sorte à accroître le choix des citoyens de la Communauté, en tant que consommateurs ;
[...]
considérant [...] que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ;
[...]
considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses [...] ;
considérant que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel ; que, si malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
4. Aux termes de l’article 3 de la directive 93/13 :
« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
[...]
3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »
5. L’article 4 de cette directive prévoit :
« 1. [...] [L]e caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
6. L’article 5 de ladite directive dispose :
« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. [...] »
7. Aux termes de l’article 6 de la même directive :
« 1. Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.
[...] »
8. L’article 8 de la directive 93/13 énonce :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »
9. L’annexe de la directive 93/13 énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de cette dernière :
« 1. Clauses ayant pour objet ou pour effet :
[...]
i) [de] constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ;
[...] »
La directive 2005/29
10. L’article 2 de la directive 2005/29 est rédigé dans les termes suivants :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
c) « produit » : tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations ;
d) « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs » (ci-après également dénommées « pratiques commerciales ») : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ;
e) « altération substantielle du comportement économique des consommateurs » : l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ;
[...]
k) « décision commerciale » : toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d’un produit ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s’abstenir d’agir ;
[...] »
11. L’article 3 de cette directive énonce :
« 1. La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.
2. La présente directive s’applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.
[...]
4. En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques.
5. Pendant une période de six ans à compter du 12 juin 2007, les États membres ont la faculté de continuer à appliquer des dispositions nationales dont la présente directive opère le rapprochement, plus restrictives ou plus rigoureuses que la présente directive et qui mettent en œuvre des directives incluant des clauses d’harmonisation minimale. Ces mesures doivent être essentielles pour garantir que les consommateurs soient protégés de manière adéquate contre les pratiques commerciales déloyales et doivent être proportionnées à cet objectif à atteindre. [...]
[...] »
12. L’article 5 de ladite directive prévoit :
« 1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
2. Une pratique commerciale est déloyale si :
a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,
et
b) elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.
3. Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un groupe clairement identifiable de consommateurs parce que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu’elle concerne en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, alors que l’on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu’il prévoie cette conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe. [...]
4. En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont :
a) trompeuses au sens des articles 6 et 7,
ou
b) agressives au sens des articles 8 et 9.
[...] »
13. Aux termes de l’article 6 de la même directive :
« 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement :
[...]
d) le prix ou le mode de calcul du prix, ou l’existence d’un avantage spécifique quant au prix ;
[...] »
14. L’article 7 de la directive 2005/29 énonce :
« 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu’un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l’un ou l’autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
[...] »
15. L’article 11 de cette directive dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive dans l’intérêt des consommateurs.
[...] »
16. Aux termes de l’article 13 de ladite directive :
« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en œuvre pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »
La réglementation nationale
17. L’article 52 du code civil slovaque énonce :
« 1) Il convient d’entendre par « contrat conclu avec un consommateur » tout contrat, quelle qu’en soit la forme juridique, conclu entre un fournisseur et un consommateur.
2) Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur ainsi que toute autre disposition régissant une relation juridique dans laquelle un consommateur s’est engagé s’appliquent toujours dans un sens favorable au consommateur partie au contrat. Les conventions ou accords contractuels distincts dont le contenu ou la finalité visent à tourner ces dispositions sont dénuées de validité.
[...]
4) Il convient d’entendre par « consommateur » toute personne physique qui, pour la conclusion et l’exécution d’un contrat de consommation, n’agit pas dans le cadre de son activité commerciale ou d’une autre activité économique. »
18. L’article 53 de ce code prévoit :
« 1) Un contrat conclu avec un consommateur ne doit pas contenir de dispositions créant, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties contractantes (clause abusive). N’est pas considérée comme abusive une clause contractuelle relative à l’objet principal de l’exécution et à l’adéquation du prix, si cette clause est formulée de façon précise, claire et compréhensible, ou si la clause abusive a fait l’objet d’une négociation individuelle.
[...]
4) Sont considérées comme des clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur notamment les dispositions qui :
[...]
k) imposent, à titre de pénalité, au consommateur qui n’a pas satisfait à ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé,
[...]
5) Les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur sont dénuées de validité. »
19. L’article 4 de la loi n° 258/2001 relative aux crédits à la consommation dispose :
« 1) Le contrat de crédit à la consommation doit être établi par écrit, sous peine d’invalidité, et le consommateur en reçoit un exemplaire.
2) Le contrat de crédit à la consommation doit contenir, outre des éléments généraux,
[...]
j) le taux annuel effectif global [ci-après le « TAEG »] et le total des frais associés au crédit à la charge du consommateur, calculés sur la base de données valables au moment de la conclusion du contrat,
[...]
Si le contrat de crédit à la consommation ne contient pas les éléments indiqués au paragraphe 2, [sous] j), le crédit consenti est réputé exempt d’intérêts et de frais. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
20. Par leur recours, les requérants au principal demandent à la juridiction de renvoi de constater la nullité du contrat de crédit qu’ils ont conclu avec SOS, établissement non bancaire accordant des crédits de consommation sur la base de contrats standardisés. Il ressort de la décision de renvoi que le crédit en cause au principal a été accordé aux requérants au principal le 12 mars 2008.
21. En vertu de ce contrat, SOS a accordé aux requérants au principal un crédit de 150.000 SKK (4.979 euros) devant être remboursé en 32 versements mensuels de 6.000 SKK (199 euros) auxquels s’ajoute un trente-troisième versement égal au montant du crédit octroyé. Les requérants au principal sont ainsi tenus de rembourser un montant de 342.000 SKK (11.352 euros).
22. Le TAEG a été fixé dans ledit contrat à 48,63 %, alors que, conformément au calcul effectué par la juridiction de renvoi, il est, en réalité, de 58,76 %, SOS n’ayant pas inclus dans son calcul des frais afférents au crédit accordé.
23. En outre, il ressort de la décision de renvoi que le contrat en cause au principal contient plusieurs clauses défavorables aux requérants au principal.
24. La juridiction de renvoi relève qu’une déclaration de nullité de ce contrat de crédit à court terme dans son ensemble, prononcée en raison du caractère abusif de certaines de ses clauses, serait plus avantageuse pour les requérants au principal que le maintien de la validité des clauses non abusives dudit contrat. En effet, dans le premier cas, les consommateurs concernés seraient contraints de payer uniquement les intérêts de retard, au taux de 9 %, et non pas l’ensemble des frais afférents au crédit accordé, qui seraient beaucoup plus élevés que ces intérêts.
25. Estimant que la solution du litige dépend de l’interprétation des dispositions pertinentes du droit de l’Union, l’Okresný súd Prešov (tribunal d’arrondissement de Prešov) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le cadre de protection des consommateurs instauré à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 [...] autorise-t-il à décider, dans le cas où il existe des clauses abusives dans un contrat conclu avec un consommateur, que le contrat dans son ensemble ne lie pas le consommateur lorsque cela est plus avantageux pour celui-ci ?
2) Les éléments qui caractérisent la pratique commerciale déloyale selon la directive 2005/29 [...] permettent-ils de décider que, lorsque l’entrepreneur indique dans le contrat un [TAEG] inférieur à la réalité, ce procédé de l’entrepreneur vis-à-vis du consommateur peut être considéré comme une pratique commerciale déloyale ? La directive 2005/29 [...] admet-elle, en présence d’une pratique commerciale déloyale constatée, une quelconque incidence sur la validité du contrat de crédit et sur la réalisation de l’objectif des articles 4, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, si l’invalidité du contrat est plus avantageuse pour le consommateur ? »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur les questions préjudicielles :
Sur la première question :
26. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il permet aux juridictions nationales de décider, dans le cas où elles constatent l’existence de clauses abusives dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, que ledit contrat dans son ensemble ne lie pas le consommateur au motif que cela est plus avantageux pour ce dernier.
27. Afin de répondre à cette question, il importe à titre liminaire de rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 25 ; du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, Rec. p. I‑4713, point 22, et du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, Rec. p. I‑9579, point 29).
28. Eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir que les clauses abusives « ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux ». Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (voir arrêts Mostaza Claro, précité, point 36 ; Asturcom Telecomunicaciones, précité, point 30, et du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, non encore publié au Recueil, point 47).
29. En ce qui concerne l’incidence d’une constatation du caractère abusif des clauses contractuelles sur la validité du contrat concerné, il importe de souligner que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, in fine, de la directive 93/13, ledit « contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
30. Dans ce contexte, les juridictions nationales qui constatent le caractère abusif des clauses contractuelles sont tenues, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, d’une part, de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national, afin que le consommateur ne soit pas lié par lesdites clauses (voir arrêt Asturcom Telecomunicaciones, précité, points 58 et 59, ainsi que ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, non encore publiée au Recueil, point 62), et, d’autre part, d’apprécier si le contrat concerné peut subsister sans ces clauses abusives (voir ordonnance Pohotovosť, précitée, point 61).
31. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 28 du présent arrêt et que l’a relevé Mme l’avocat général au point 63 de ses conclusions, l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 93/13 consiste à rétablir l’équilibre entre les parties, tout en maintenant, en principe, la validité de l’ensemble d’un contrat, et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives.
32. S’agissant des critères qui permettent d’apprécier si un contrat peut effectivement subsister sans les clauses abusives, il y a lieu de relever que tant le libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 que les exigences relatives à la sécurité juridique des activités économiques militent en faveur d’une approche objective lors de l’interprétation de cette disposition de sorte que, comme l’a relevé Mme l’avocat général au points 66 à 68 de ses conclusions, la situation de l’une des parties au contrat, en l’occurrence le consommateur, ne saurait être considérée comme le critère déterminant réglant le sort futur du contrat.
33. Par conséquent, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne saurait être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi puisse se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux, pour le consommateur, de l’annulation dudit contrat dans son ensemble.
34. Cela étant établi, il importe néanmoins de relever que la directive 93/13 n’a procédé qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives, tout en reconnaissant aux États membres la possibilité d’assurer au consommateur un niveau de protection plus élevé que celui qu’elle prévoit. Ainsi, l’article 8 de ladite directive prévoit expressément la possibilité pour les États membres d’« adopter ou [de] maintenir, dans le domaine régi par la [...] directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur » (voir arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, Rec. p. I‑4785, points 28 et 29).
35. Par conséquent, la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, une réglementation nationale permettant de déclarer nul dans son ensemble un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur et contenant une ou plusieurs clauses abusives lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur.
36. Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi ne saurait se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux pour l’une des parties, en l’occurrence le consommateur, de l’annulation du contrat concerné dans son ensemble. Ladite directive ne s’oppose pas, cependant, à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, qu’un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives est nul dans son ensemble lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur.
Sur la seconde question :
37. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’indication dans un contrat de crédit à la consommation d’un TAEG inférieur à la réalité est susceptible d’être considérée comme une pratique commerciale déloyale, au sens de la directive 2005/29. En cas de réponse positive à cette question, la Cour est interrogée sur les conséquences qu’il convient de tirer d’une telle constatation aux fins d’apprécier le caractère abusif des clauses de ce contrat, au regard de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, ainsi que la validité dudit contrat dans son ensemble, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de cette dernière directive.
38. Afin de répondre à cette question, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’article 2, sous d), de la directive 2005/29 définit, en utilisant une formulation particulièrement large, la notion de « pratique commerciale » comme « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » (arrêts du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft, C-304/08, Rec. p. I-217, point 36, et du 9 novembre 2010, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, C‑540/08, non encore publié au Recueil, point 17).
39. Ensuite, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29, lu en combinaison avec l’article 2, sous c), de celle-ci, cette directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs avant, pendant ou après une transaction commerciale portant sur tout bien ou service. Conformément à l’article 5, paragraphe 4, de ladite directive, sont déloyales, en particulier, les pratiques trompeuses.
40. Enfin, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects énumérés à cet article 6, point 1, et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Parmi les aspects qui sont visés par cette disposition figure, notamment, le prix ou le mode de calcul du prix.
41. Or, une pratique commerciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant à indiquer dans un contrat de crédit un TAEG inférieur à la réalité constitue une information fausse quant au coût total du crédit et, partant, au prix visé à l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive 2005/29. Dès lors que l’indication d’un tel TAEG amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, ce qu’il appartient au juge national de vérifier, cette information fausse doit être qualifiée de pratique commerciale « trompeuse », au titre de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.
42. S’agissant de l’incidence de cette constatation sur l’appréciation du caractère abusif des clauses dudit contrat, au regard de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, il y a lieu de relever que cette disposition définit de façon particulièrement large les critères permettant d’effectuer une telle appréciation, en englobant expressément « toutes les circonstances » qui entourent la conclusion du contrat concerné.
43. Dans ces conditions, ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocat général au point 125 de ses conclusions, la constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif des clauses d’un contrat en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13.
44. Cet élément n’est cependant pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif des clauses litigieuses. En effet, il appartient à la juridiction de renvoi de se prononcer sur l’application des critères généraux énoncés aux articles 3 et 4 de la directive 93/13 à une clause particulière qui doit être examinée en fonction de toutes les circonstances propres au cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten, C-237/02, Rec. p. I-3403, points 19 à 22 ; Pannon GSM, précité, points 37 à 43 ; VB Pénzügyi Lízing, précité, points 42 et 43, ainsi que ordonnance Pohotovosť, précitée, points 56 à 60).
45. En ce qui concerne les conséquences à tirer de la constatation selon laquelle l’indication erronée du TAEG constitue une pratique commerciale déloyale aux fins de l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat concerné dans son ensemble, il suffit de relever que la directive 2005/29 s’applique sans préjudice, conformément à son article 3, paragraphe 2, du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.
46. Par conséquent, la constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale n’a pas d’incidences directes sur la question de savoir si le contrat est valide au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13.
47. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question qu’une pratique commerciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant à indiquer dans un contrat de crédit un TAEG inférieur à la réalité doit être qualifiée de « trompeuse », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, pour autant qu’elle amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Il appartient au juge national de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal. La constatation du caractère déloyal d’une telle pratique commerciale constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, son appréciation du caractère abusif des clauses du contrat relatives au coût du prêt accordé au consommateur. Une telle constatation n’a cependant pas d’incidences directes sur l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat de crédit conclu.
Sur les dépens :
48. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs,
la Cour (première chambre)
dit pour droit :
1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi ne saurait se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux pour l’une des parties, en l’occurrence le consommateur, de l’annulation du contrat concerné dans son ensemble. Ladite directive ne s’oppose pas, cependant, à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, qu’un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives est nul dans son ensemble lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur.
2) Une pratique commerciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant à indiquer dans un contrat de crédit un taux annuel effectif global inférieur à la réalité doit être qualifiée de « trompeuse », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »), pour autant qu’elle amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Il appartient au juge national de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal. La constatation du caractère déloyal d’une telle pratique commerciale constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, son appréciation du caractère abusif des clauses du contrat relatives au coût du prêt accordé au consommateur. Une telle constatation n’a cependant pas d’incidences directes sur l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat de crédit conclu.
- 5748 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Impossibilité de maintenir le contrat
- 5804 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (3) - Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993
- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais