CA POITIERS (2e ch. civ.), 9 avril 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4425
CA POITIERS (2e ch. civ.), 9 avril 2013 : RG n° 12/02956 ; arrêt n° 156
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il en résulte que seule est attentatoire à la protection des droits de l'emprunteur l'absence de bordereau de rétractation sur l'exemplaire de l'offre préalable remis audit emprunteur, et ayant vocation à être utilisé exclusivement par lui. Dès lors, au regard du caractère protecteur de la législation sur le crédit à la consommation, l'absence d'un tel bordereau sur le seul exemplaire destiné au prêteur n'est en elle-même aucunement attentatoire aux droits de l'emprunteur, et elle ne saurait générer une sanction à l'encontre du prêteur. Il appartient à l'emprunteur de démontrer l'irrégularité propre à générer l'application de la sanction de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels en produisant l'exemplaire original de l'offre resté en sa possession. »
2/ « Le contrat initial (en son article 8) et les avenants (en leur article 9) comprennent une clause en vertu de laquelle le contrat est suspendu notamment en cas d'inscription au fichier des incidents de paiements, de perte d'emploi, de saisine de la commission de surendettement, de modification de la situation familiale. […]
Les cas de suspension évoqués ci-dessus s'analysent en réalité comme des facultés supplémentaires, pour le prêteur, de résilier le contrat puisqu'aucune limite dans le temps n'est fixée à cette suspension, ce qui revient à supprimer l'ouverture de crédit. Par voie de conséquence, ils aggravent la situation de l'emprunteur dès lors qu'ils permettent en réalité, au prêteur, de résilier le contrat pour des causes autres que la défaillance du débiteur. Une telle clause crée un déséquilibre entre les parties contractantes au détriment du consommateur par une décision unilatérale de l'organisme prêteur en dehors du mécanisme de la clause résolutoire. Comme l'a retenu à juste titre le premier juge, la sanction de cette non conformité au modèle type, au regard de la législation et de la jurisprudence applicables à l'espèce est, par application des articles L. 311-13 et L. 311-33 du code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts contractuels, celle-ci devant être appliquée depuis la conclusion du contrat. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 AVRIL 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/02956. Arrêt n°156. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 4 juillet 2012 rendu par le Tribunal d'Instance de NIORT.
APPELANTE :
SA COFIDIS
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Ayant pour avocat plaidant, la SCP MONTAIGNE AVOCATS, avocats au barreau des DEUX-SÈVRES
INTIMÉS :
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville]
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 910 alinéa 1, 785 et 786 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2013, en audience publique, devant : Mme Elisabeth JOUVENET, Président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Elisabeth JOUVENET, Président, Monsieur Guillaume DU ROSTU, Conseiller, Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Mme Elisabeth JOUVENET, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du 4 juillet 2012 du tribunal d'instance de Niort qui a :
- ordonné la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
- débouté La SA COFIDIS de sa demande en paiement du crédit utilisable par fraction objet de l'instance, modifié par avenants successifs,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- débouté La SA COFIDIS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné La SA COFIDIS aux dépens.
Vu l'appel de La SA COFIDIS reçu au greffe le 10 août 2012
Vu les conclusions de La SA COFIDIS en date du 15 novembre 2012 demandant à la cour de :
- INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2012 par le tribunal d'instance de NIORT, et, statuant à nouveau,
- CONDAMNER solidairement Monsieur X. et son épouse Madame X. née Y. à verser à la société COFIDIS, pour les causes sus-énoncées, la somme de SEIZE MILLE CINQUANTE SEPT EUROS ET CINQ CENTIMES (16.057,05 euros) au 28 décembre 2011, outre intérêts au taux contractuel de 16,60 % sur la somme de QUATORZE MILLE HUIT CENT SOIXANTE DIX-NEUF EUROS ET QUATRE-VINGT QUINZE CENTIMES (14.879,95 euros) à compter du 29 décembre 2011 jusqu'à parfait règlement.
- ORDONNER la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code civil.
- CONDAMNER solidairement Monsieur X. et son épouse Madame X. née Y. à la somme de 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER solidairement Monsieur X. et son épouse Madame X. née Y. aux entiers dépens.
M. et Mme X. à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été régulièrement signifiées le 21 septembre 2012 n'ont pas constitué avocat.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 février 2013
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Par acte sous-seing privé signé le 4 mars 2002, La SA COFIDIS a consenti à M. et Mme X. une ouverture de crédit utilisable par fractions et renouvelable annuellement, laquelle a fait l'objet d'avenants successifs augmentant le montant de la réserve.
A la suite d'impayés, elle a adressé au débiteur une mise en demeure et prononcé la déchéance du terme par LRAR du 25 août 2011.
La SA COFIDIS reproche en premier lieu au premier juge de l'avoir déchue du droit aux intérêts contractuels pour le motif d'absence du bordereau détachable de rétractation exigé par l’article L. 311-15 du code de la consommation et qui ne figure pas sur l'exemplaire produit, de sorte qu'il est impossible de vérifier sa conformité aux exigences réglementaires.
Les dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation, régissant le crédit à la consommation, puisent leur origine dans la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit.
Ces dispositions ont donc un caractère expressément protecteur de l'emprunteur.
En vertu de l'article L. 311-15 du même Code, la faculté de rétractation n'est ouverte qu'au seul emprunteur, et non au prêteur. Ce texte dispose : « pour permettre l'exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable ».
Il en résulte que seule est attentatoire à la protection des droits de l'emprunteur l'absence de bordereau de rétractation sur l'exemplaire de l'offre préalable remis audit emprunteur, et ayant vocation à être utilisé exclusivement par lui.
Dès lors, au regard du caractère protecteur de la législation sur le crédit à la consommation, l'absence d'un tel bordereau sur le seul exemplaire destiné au prêteur n'est en elle-même aucunement attentatoire aux droits de l'emprunteur, et elle ne saurait générer une sanction à l'encontre du prêteur.
Il appartient à l'emprunteur de démontrer l'irrégularité propre à générer l'application de la sanction de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels en produisant l'exemplaire original de l'offre resté en sa possession.
La SA COFIDIS fait donc valoir à juste titre que le formulaire détachable est réservé à l'emprunteur pour lui permettre d'exercer sa faculté de rétractation et n'a pas nécessairement à figurer sur l'exemplaire conservé par le prêteur, la formalité du double s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même.
M. et Mme X. sont défaillants à apporter la preuve que le bordereau détachable de rétractation manquait sur l'exemplaire de l'offre qui leur a été remis.
* * *
La SA COFIDIS critique en second lieu le jugement dont appel d'avoir considéré qu'elle ne démontrait pas la réception par les débiteurs de l'offre de renouvellement annuelle depuis la première année du contrat en violation de l’article L. 311-9 du code de la consommation et de l'avoir par voie de conséquence déchue du droit aux intérêts contractuels.
Il sera rappelé qu'en l'espèce, le contrat initial a été signé le 4 mars 2002 et a été suivi de 9 avenants en date respective des 28 juillet 2003, 27 avril 2004, 25 juin 2005, 29 novembre 2005, 30 mai 2006, 5 juin 2007, 10 février 2008, 30 juillet 2008 et 19 janvier 2009 portant sur une augmentation de la réserve de crédit.
Il résulte de l’article L. 311-9 du Code de la Consommation, qu'en matière d'ouverture de crédit à la consommation, la durée du contrat est limitée à un an renouvelable, le prêteur ayant l'obligation d'indiquer, trois mois avant l'échéance, les conditions de reconduction du contrat, et de fournir à l'emprunteur un bordereau-réponse permettant à ce dernier de s'opposer à cette reconduction.
La SA COFIDIS fait justement valoir que la loi n'impose pas un formalisme spécifique pour l'information annuelle légalement requise en vertu de cette disposition, ni d'envoi de lettre recommandée avec accusé de réception, la jurisprudence admettant que des relevés de compte contenant l'information exigée y satisfont.
Le créancier n'est donc pas tenu de rapporter la preuve que le débiteur l'a effectivement reçue.
L'appelante produit aux débats copie de lettres d'information répondant aux exigences de l’article L. 311-9 du code de la consommation adressées à M. X. en 2002, 2003, 2004, 2007, 2009 et 2010 et incluant le bordereau-réponse de refus détachable.
Concernant Mme X. co-empruntrice et l'année 2005 manquante pour M. X., il est acquis que chaque année et deux fois pour les années 2005 et 2008, les intimés ont signé un avenant mentionnant toutes les caractéristiques de l'offre de crédit puisqu'en reproduisant l'intégralité des conditions.
Il ne peut qu'en être déduit qu'il a été satisfait à l'information annuelle requise par l’article L.311-9 du code de la consommation
* * *
Le contrat initial (en son article 8) et les avenants (en leur article 9) comprennent une clause en vertu de laquelle le contrat est suspendu notamment en cas d'inscription au fichier des incidents de paiements, de perte d'emploi, de saisine de la commission de surendettement, de modification de la situation familiale.
Le premier juge a considéré qu'une telle clause doit s'analyser comme une faculté supplémentaire pour le prêteur de résilier le contrat, aucune limite dans le temps n'étant prévu à cette « suspension » et qu'en conséquence une telle clause aggrave la situation de l'emprunteur qui encourt cette résiliation pour d'autres causes que sa défaillance.
La SA COFIDIS conteste qu'une telle clause aggrave la situation du débiteur, puisqu'elle a au contraire pour effet de l'empêcher d'obérer davantage sa situation déjà fragilisée par les événements générant la suspension.
Elle observe également que la sanction d'une clause abusive est qu'elle est réputée non écrite, mais que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue.
Les cas de suspension évoqués ci-dessus s'analysent en réalité comme des facultés supplémentaires, pour le prêteur, de résilier le contrat puisqu'aucune limite dans le temps n'est fixée à cette suspension, ce qui revient à supprimer l'ouverture de crédit.
Par voie de conséquence, ils aggravent la situation de l'emprunteur dès lors qu'ils permettent en réalité, au prêteur, de résilier le contrat pour des causes autres que la défaillance du débiteur.
Une telle clause crée un déséquilibre entre les parties contractantes au détriment du consommateur par une décision unilatérale de l'organisme prêteur en dehors du mécanisme de la clause résolutoire.
Comme l'a retenu à juste titre le premier juge, la sanction de cette non conformité au modèle type, au regard de la législation et de la jurisprudence applicables à l'espèce est, par application des articles L. 311-13 et L. 311-33 du code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts contractuels, celle-ci devant être appliquée depuis la conclusion du contrat.
C'est également à juste titre que le premier juge a estimé que le prêteur ne pouvait prétendre qu'au remboursement du seul capital restant dû après déduction des intérêts réglés à tort, le seul capital restant dû s'entendant de l'exclusion de toute autre somme, notamment de l'indemnité de résiliation de l’article L. 311-30 du code de la consommation.
Il ressort de l'historique du compte produit aux débats que le montant des financements depuis l'origine s'est élevé à 47.685.04 euros et celui des règlements à 48.469.72 euros et qu'en conséquence La SA COFIDIS n'est créancière d'aucune somme à l'égard de M. et Mme X.
Le jugement entrepris sera confirmée en toutes ses dispositions et La SA COFIDIS déboutée de ses demandes au titre des frais non taxés et des dépens en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement du 4 juillet 2012 en toutes ses dispositions
Déboute La SA COFIDIS de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne La SA COFIDIS aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
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