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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 12 avril 2013

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 12 avril 2013
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 11/06095
Décision : 13/107
Date : 12/04/2013
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/03/2011
Numéro de la décision : 107
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2013-007619
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4429

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 12 avril 2013 : RG n° 11/06095 ; arrêt n° 107 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant encore que le droit de la consommation, qui vise à préserver les intérêts des consommateurs, ne s'applique pas aux contrats conclus entre professionnels ayant pour objet la fourniture de biens et services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; qu'il importe donc peu que l'objet du contrat et des services souscrits ne relèvent pas de la sphère habituelle d'activité et de spécialité du professionnel ; qu'en l'espèce, la SARL X. ne pouvant se prévaloir des dispositions du droit de la consommation, le moyen relatif au caractère abusif de la clause pénale sera rejeté ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 12 AVRIL 2013

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06095 (n°107, 6 pages). Décision déférée à la Cour : jugement du 1er  mars 2011 - Tribunal de commerce de BOBIGNY (2e ch.) - RG n° 2010F00714.

 

APPELANTE :

SARL X.,

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé, Représentée par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque K 0065, Assistée de Maître Mustapha ADOUANE, avocat au barreau de PARIS, toque D 702

 

INTIMÉE :

SAS GROUPE NETCOM SA TELECOM,

prise en la personne de son président en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé, Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Maître Benoît HENRY), avocat au barreau de PARIS, toque K 148, Assistée de Maître Olivier BUSCA, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque PC 334

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia LION, Vice-Président Placé, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Sonia LION a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller, Mme Sonia LION, Vice-Président Placé

Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRÊT : Contradictoire, Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, Signé par Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SARL X., qui exploite un fonds de commerce d'entretien et de réparation de véhicules automobiles, a conclu le 1er septembre 2006 avec la SAS Groupe Netcom SA Telecom (Netcom) un contrat de téléphonie avec préselection pour une durée de 24 mois, tacitement reconduit pour 12 mois.

Le 10 avril 2009, la SARL X. a résilié le contrat, avant de souscrire un nouveau contrat avec préselection et dégroupage le 25 mai 2009 pour une durée de 24 mois qu'elle a à nouveau résilié par lettre du 28 mai 2009, reçue le 2 juin 2009 par la société Netcom.

Après vaine mise en demeure du 9 septembre 2009, la société Netcom a, par acte du 19 avril 2010, assigné la société X. devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins d'obtenir principalement sa condamnation à lui payer la somme de 2.910,82 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée et celle de 968 euros au titre des consommations non réglées.

Par jugement du 1er mars 2011, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Bobigny a condamné la société X. à payer à la société Netcom la somme de 4.177,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2009, a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 13 janvier 2011, a débouté la société Netcom de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et a condamné la société X. à lui payer la somme de 1.300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 30 mars 2011, la société X. a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions au sens de l’article 954 du code de procédure civile, déposées le 17 mai 2011, la société X. demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter la société Netcom de ses demandes, subsidiairement de réduire le montant de la clause pénale à des proportions en rapport avec la durée du service, l'absence de préjudice et les agissements du groupe Netcom, en tout état de cause de condamner Netcom à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures au sens de l’article 954 du code de procédure civile, déposées le 7 juillet 2011, la société Netcom conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et sollicite la condamnation de la société X. à lui payer la somme de 5.000 euros de ce chef avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, celle de 5.000 euros pour appel abusif avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt, la capitalisation des intérêts et la condamnation de la société X. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur le principe de l'indemnité de résiliation :

Considérant que la société X. soutient que compte tenu de la durée d'utilisation du service, du 25 mai au 2 juin 2009, aucune indemnité de résiliation n'était contractuellement prévue au profit de Netcom dans la mesure où le service n'a pas été fourni pendant une durée suffisante pour donner lieu à trois mois de facturation et que c'est donc de mauvaise foi que le groupe Netcom en a sollicité le paiement ;

Qu'invoquant l'application du code de la consommation au contrat litigieux au motif qu'elle est profane en matière de téléphonie, elle conclut au caractère abusif de la clause pénale, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits du groupe Netcom et ses propres obligations, soutenant que la facturation de 20 mois pour un service qu'elle n'a pas utilisé constitue un droit disproportionné de l'opérateur ;

Considérant que la société Netcom fait valoir que la rupture du contrat par la société X. s'est faite aux torts exclusifs de sa cliente, qu'il convient donc de constater la résiliation du contrat au 30 septembre 2009, date à laquelle elle n'a plus enregistré de trafic sur son réseau et que l'indemnité de résiliation anticipée, constituée de la moyenne des mois de juillet, août et septembre multipliée par le nombre de mois restant à échoir lui est bien due ;

Qu'elle soutient que les stipulations contractuelles ne prévoyaient pas de durée minimale d'application du contrat pour générer des frais de résiliation mais précisent les modalités de calcul de cette indemnité et que l'interprétation effectuée par la société X. reviendrait à fixer une sorte de période d'essai qui n'a pourtant pas été stipulée ;

Que s'agissant du caractère abusif de la clause pénale, elle réplique que le code de la consommation n'est pas applicable aux contrats conclus entre professionnels ayant pour objet la fourniture de biens et services liés à l'activité du co-contractant et qu'en tout état de cause, il n'existe aucun déséquilibre significatif entre les parties ;

 

Considérant, cela exposé, que le 1er paragraphe de l'article 12-2 des conditions particulières des services de présélection et reprise d'abonnement du contrat stipulent que « toute résiliation du fait du client pendant la durée d'engagement et pour un motif non imputable à Netcom rendra exigible de plein droit, à titre de clause pénale, le versement par le client à Netcom d'une indemnité égale, par ligne résiliée, à la moyenne des trois derniers mois de facturation multipliée par le nombre de mois restant à échoir jusqu'à la fin de la durée initiale d'engagement. Le client dispose alors d'un délai d'un mois pour consommer son abonnement de communication. Passé ce délai, le client perd le bénéficie de son ou ses numéros d'appel. Ce délai commencera à courir à compter de la réception par Netcom de la lettre de résiliation » ;

Considérant que le délai d'un mois de continuité du service a commencé à courir le 2 juin 2009, date de réception par la société Netcom du courrier de résiliation ; que celle-ci a donc pris effet le 2 juillet 2009 ;

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la circonstance que le service ait été utilisé pendant moins de 3 mois ne peut mettre en échec l'application de la clause de résiliation, celle-ci ayant pour objet de convenir préalablement de l'indemnisation due en cas de non-respect du contrat et pour but de sanctionner ce non-respect ; que les stipulations relatives à la moyenne des trois derniers mois de facturation n'avaient pour seul objectif que de fixer des modalités de calcul de l'indemnité de résiliation et ne peuvent être interprétées, sauf à dénaturer le contrat, comme instaurant un délai durant lequel la résiliation serait possible à tout moment sans qu'aucune indemnité ne soit encourue ;

Considérant encore que le droit de la consommation, qui vise à préserver les intérêts des consommateurs, ne s'applique pas aux contrats conclus entre professionnels ayant pour objet la fourniture de biens et services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; qu'il importe donc peu que l'objet du contrat et des services souscrits ne relèvent pas de la sphère habituelle d'activité et de spécialité du professionnel ; qu'en l'espèce, la SARL X. ne pouvant se prévaloir des dispositions du droit de la consommation, le moyen relatif au caractère abusif de la clause pénale sera rejeté ; que la SARL X. doit donc être jugée redevable d'une indemnité de résiliation telle que prévue contractuellement ;

 

Sur le montant de l'indemnité de résiliation :

Considérant que la SARL X. soutient à titre subsidiaire que le montant de la clause pénale réclamé n'est pas justifié compte tenu de la durée du service, ladite clause ayant été imposée par Netcom sans qu'elle ait été en mesure de discuter les stipulations contractuelles et que le groupe Netcom n'établit pas l'existence d'un préjudice justifiant ce montant ;

Considérant que la société Netcom objecte que le juge ne dispose que d'une prérogative exceptionnelle pour modérer le montant des clauses pénales, qu'en l'espèce elle ne revêt pas de caractère manifestement excessif par rapport au préjudice subi, caractérisé par la perte financière liée à des charges incompressibles exposées en tout état de cause par Netcom pour l'acquisition du client et la mise en œuvre du contrat ; que le préjudice subi est d'autant plus important que la durée du contrat est faible et qu'elle était engagée pendant 12 mois vis à vis de son propre fournisseur, la société Neuf telecom, en vertu d'un contrat-cadre aux termes duquel elle devait s'acquitter de la somme de 250 euros HT par mois pendant toute la durée restante de son engagement qui s'élevait à 8 mois, soit la somme totale de 2.000 euros HT ; qu'elle soutient que l'indemnité prévue à l'article 12-2 des conditions particulières du contrat n'a pas pour but d'assurer son exécution mais sanctionne la rupture du contrat et non son inexécution, de sorte qu'elle ne peut être qualifiée de clause pénale et échappe ainsi au pouvoir modérateur du juge ;

 

Considérant, cela exposé, qu'aux termes de l’article 1226 du code civil, « la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution » ;

Considérant qu'aux termes de l’article 1152 du code civil, « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire » ;

Considérant que l'indemnité prévue à l'article 12-2 des conditions particulières des services de présélection et reprise d'abonnement du contrat, dont la finalité est bien de sanctionner l'inexécution par une des parties de son obligation d'exécuter le contrat pendant une durée de 24 mois, doit s'analyser en une clause pénale susceptible de révision judiciaire ;

Considérant que pour apprécier le caractère manifestement excessif de la clause pénale, le juge doit apprécier le montant du préjudice réellement subi ;

Considérant que la société Netcom soutient que son préjudice résulte d'une perte financière liée aux charges commerciales incompressibles qu'elle est contrainte d'exposer préalablement à la signature d'un contrat (coût d'acquisition d'un client) et aux investissements qu'elle réalise pour la mise en œuvre de ce contrat, chiffrant ce coût moyen d'acquisition d'un client à la somme de 2.855 euros comprenant les coûts de prospection téléphonique, de démarche commerciale et de négociation ; qu'elle indique par ailleurs que son activité de courtier en télécommunication la conduit à acheter d'importants volumes de temps de télécommunications aux différents opérateurs, dont elle utilise les réseaux pour l'acheminement des communications téléphoniques du client, et produit un contrat-cadre formalisé avec la société Neuf telecom dont il résulte qu'elle reste tenue auprès de cette société de la somme de 2.392 euros TTC jusqu'au terme de son engagement de 12 mois ; qu'elle fait valoir que son préjudice résulte enfin du manque à gagner lié au non-paiement par le client des encours de consommation téléphonique ;

Considérant que le montant réclamé par la société Netcom au titre de la clause pénale, de 2.910,82 euros TTC, est manifestement excessif par rapport au préjudice effectivement subi par elle, la société X. étant déjà cliente du groupe Netcom depuis près de 3 années dans le cadre de la signature d'un précédent contrat ce qui diminue significativement le montant des charges commerciales incompressibles alléguées, la résiliation anticipée n'impliquant pas non plus pour la société Netcom la perte pure et simple du temps de télécommunications acheté auprès de la société Neuf telecom, qu'elle pouvait réattribuer à un autre client ; qu'il y a lieu de réduire ce montant à la somme de 1.000 euros qui produira intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2009, date de la mise en demeure ;

 

Sur les frais de déconnexion :

Considérant que la société Netcom ne produit aucun élément justifiant sa créance au titre des frais de déconnexion ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a accueilli sa demande à ce titre ; qu'elle en sera déboutée ;

 

Sur les encours de consommation :

Considérant que la SARL X. soutient qu'ayant perdu le bénéfice du service fourni le 2 juillet 2009, elle ne doit aucune communication depuis cette date et que Netcom ne justifie pas de l'existence d'appels émis par elle depuis cette date ;

Considérant que Netcom produit des factures émises de mars à septembre 2009 sur lesquelles figurent la mention 'rejet de prélèvement’ ;

Qu'eu égard à la date de résiliation du 2 juillet 2009 telle qu'arrêtée précédemment, il convient de ne retenir que les factures de mars, avril et mai dues au titre du premier contrat signé le 1er septembre 2006 et celle de juin 2009 due au titre du second contrat et de condamner la société X. à payer à la société Netcom la somme de 723,01 euros au titre des encours de consommation, portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;

 

Sur les demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive et appel abusif :

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que Netcom n'apportait pas la preuve d'un préjudice dû à la mauvaise foi de la société X., distinct de celui dû à un retard de paiement compensé par l'allocation d'intérêts ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Considérant que le sens du présent arrêt conduit à débouter également la société Netcom de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Et considérant qu'il n'y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a dit la société Netcom fondée en sa demande principale, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et en ce qu'il a condamné la SARL X. à lui payer la somme de 1.300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, condamne la société X. à payer à la société Netcom la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité de résiliation, et celle de 723,01 euros au titre des encours de consommation, avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2009 et capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

Déboute la société Netcom de sa demande de paiement des frais de déconnexion,

Déboute la société Netcom de sa demande de dommages-intérêts pour résistance et appel abusifs,

Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier                Le Conseiller, Faisant Fonction de Président