CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 16 mai 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4452
CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 16 mai 2013 : RG n° 11/07577
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 6 des conditions générales de vente du bon de commande signé le 1er mars 2006 par les consorts X. Y. et la SARL Ami Bois stipule : « En cas de litige, les parties s'obligent à recourir à une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge. »
Une telle clause n'a pas pour objet ni pour effet de créer, au détriment des non professionnels que sont les consorts X. Y., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et elle ne relève pas des clauses présumées abusives énumérées par l’article R. 132-1 du code de la consommation, et plus précisément de l'alinéa 10 de cet article, invoqué par les appelants, lequel vise le fait de soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le non professionnel ou le consommateur que pour le professionnel. Elle est donc licite et constitue une fin de non recevoir qui s'impose au juge.
Cette procédure de conciliation préalable obligatoire n'ayant pas été respectée, il convient de déclarer les demandes des consorts X. Y. à l'encontre de la SARL Ami Bois irrecevables. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION B
ARRÊT DU 16 MAI 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/07577. Rédacteur : Madame Catherine FOURNIEL, Président. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 5 octobre 2011 (R.G. 10/00322 - 7ème chambre civile) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 16 décembre 2011.
APPELANTS :
1°/ Monsieur X.,
né le [date] à [ville], de nationalité française, photograveur, demeurant [adresse], (Aide juridictionnelle partielle 40 % numéro 2012/XX du [date])
2°/ Mademoiselle Y.,
née le [date] à [ville], de nationalité française, aide-soignante, demeurant [adresse], Représentés par la SCP Michel PUYBARAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Marie RAYSSAC, Avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉES :
1°/ LA SAS AMI BOIS
(inscrite au RCS Toulouse N°B 482 XXX), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SELARL Patricia MATET-COMBEAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Laurence LAFFORGUE, substituant la SCP Jérôme NORAY-ESPEIG - Cécile GUILLARD, Avocats Associés au barreau de TOULOUSE,
2°/ LA SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE SUD-OUEST,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Valérie SEMPE, Avocat au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mars 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, et Madame Catherine FOURNIEL, Président, chargés du rapport,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Madame Catherine FOURNIEL, Président, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur X. et madame Y. ont commandé à la SARL Ami Bois, suivant bon de commande du 1er mars 2006, une maison d'habitation en bois massif 112 x 155 selon plan annexé avec terrasse et pergola de 17, 5 m2 pour le prix de 74.215 euros.
Les consorts X. Y. ont par la suite conclu avec la SARL Ami Constructions un marché à forfait en date du 12 septembre 2006 concernant des travaux de maçonnerie, pose charpente-couverture, accès et montage pour le prix global et forfaitaire de 38.510,73 euros.
Par avenants du même jour ils ont commandé à la SARL Ami Constructions divers autres travaux.
Ils ont souscrit un emprunt auprès de la société Crédit Immobilier de France Sud Ouest (CIF SO)
Les consorts X.-Y., soutenant que la SARL Ami Bois et la SARL Ami Constructions avaient agi comme constructeurs au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation, et n'avaient pas respecté les obligations imposées par les dispositions d'ordre public de la loi du 19 décembre 1990 codifiées au titre III du code de la construction et de l'habitation, ont sollicité en justice la requalification du contrat conclu le 1er mars 2006 et des documents contractuels y afférents en contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, l'annulation de ce contrat, celle du prêt conclu avec le Crédit Immobilier, et du contrat de vente du terrain en date du 24 août 2006 entre eux et la société Papver, ainsi que l'allocation de diverses sommes.
Suivant jugement en date du 5 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- prononcé la mise hors de cause de la SARL Papver ;
- condamné les consorts X.-Y. à régler à la SARL Papver une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- débouté monsieur X. et madame Y. de leurs demandes ;
- condamné monsieur X. et madame Y. à régler à la SARL Ami Bois une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- débouté la SA CIF SO de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
- condamné monsieur X. et madame Y. aux dépens.
Monsieur X. et madame Y. ont interjeté appel de ce jugement contre la SARL Ami Bois et la SA Crédit Immobilier de France Sud Ouest par déclaration en date du 16 décembre 2011 dont la régularité et la recevabilité n'ont pas été discutées.
Aux termes de conclusions récapitulatives du 5 février 2013, ils demandent à la cour de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- à titre principal, de requalifier le contrat conclu le 1er mars 2006 et les documents contractuels afférents passés entre eux et la société Ami Bois en contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, et en conséquence de :
* annuler le contrat de construction conclu entre les parties,
* annuler le contrat de prêt conclu entre eux et le Crédit Immobilier de France numéro 000010XX5/1 lié au contrat de construction,
* condamner la société Ami Bois à leur verser les sommes suivantes :
- 70.109 euros au titre des factures réglées à la société Ami Bois,
- 37.910 euros au titre des factures réglées à la société Ami Construction,
- 2.079 euros au titre des taxes locales,
- 1.554,80 euros au titre de l'étude du terrain,
- 7.500 euros au titre des équipements intérieurs ;
*condamner le Crédit Immobilier de France et la société Ami Bois conjointement et solidairement à leur rembourser les sommes de :
- 284 euros à parfaire pour les frais d'assurance liés au prêt à taux zéro,
- 9.330 euros à parfaire pour les frais d'assurance et les intérêts liés au prêt principal,
*1060 euros pour les frais de dossier liés à ces prêts ;
- subsidiairement, de qualifier le contrat passé avec la société Ami Construction de contrat de construction sans fourniture de plan, annuler ce contrat et en conséquence condamner la société Ami Bois à leur rembourser la somme de 37.910 euros au titre des factures réglées à la société Ami Construction ;
- en tout état de cause, de :
* condamner la société Ami Bois à leur verser 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance et du tracas qu'ils doivent subir depuis de longues années ;
* condamner conjointement et solidairement la société Ami Bois et le Crédit Immobilier de France à leur verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux afférents à l'instance d'appel au profit de la SCP Michel Puybaraud.
Les appelants font valoir que la clause contenue dans l'article 6 des conditions générales du contrat, imposant une conciliation préalable, doit être considérée comme abusive au visa de l’article R. 132-1-10° du code de la consommation, que la question posée à la cour est celle de la validité de la convention dans son ensemble, et donc de ladite clause, qui ne peut s'opposer à un débat devant le juge, et que s'agissant de dispositions d'ordre public, une clause qui aurait pour objet ou pour effet d'entraîner une renonciation à un droit ne peut être que réputée non écrite.
Sur le fond ils prétendent en substance que la société Ami Bois est l'auteur des plans principaux au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation, que la société Ami Bois et la société Ami Construction, entre lesquelles une fusion juridique interviendra quelques temps après, ont toutes deux participé à l'action de construire, et se devaient de proposer un contrat de construction avec fourniture de plan, que l'absence de garantie de remboursement et de livraison, de notice descriptive et de délai de rétractation constitue une violation de dispositions d'ordre public entraînant la nullité des conventions passées avec les sociétés Ami Bois et Ami Construction, que le Crédit Immobilier n'a pas respecté son devoir de conseil, que le prêt lié au contrat de construction est désormais sans cause, et qu'il en est de même des frais engagés dans cette construction.
La SARL Ami Bois conclut le 11 juin 2012 à l'irrecevabilité de la demande, le contrat signé le 1er mars 2006 contenant à l'article 6 des conditions générales une clause prévoyant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge.
Subsidiairement sur le fond, elle conclut à la confirmation du jugement dont appel, en soutenant que ses rapports contractuels avec les consorts X. Y. sont exclusivement régis par le bon de commande du 1er mars 2006, lequel ne saurait être requalifié en contrat de construction, que la succession des contrats Ami Bois et Ami Constructions n'est révélatrice d'aucune situation de fraude puisque ce n'est qu'à la suite d'événements fortuits que les maîtres d'ouvrage ont changé d'avis et ont demandé à la société Ami Constructions de procéder au montage des éléments en kit en sus des travaux envisagés dans les trois devis du 27 février 2006, et que les contrats en cause ne peuvent engendrer une quelconque obligation au regard des dispositions de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation.
A titre encore plus subsidiaire, la SARL Ami Bois demande de dire que faute de possibilité de restitution, elle conservera le montant des versements reçus, et de rejeter toute autre demande de restitution.
Très subsidiairement encore, elle demande d'ordonner une mesure d'instruction pour rechercher le juste prix des travaux et fournitures, qui se compensera avec les restitutions éventuelles qui pourraient être ordonnées.
Elle sollicite enfin la condamnation de tout succombant aux entiers dépens qui seront recouvrés par maître Patricia Combeaud.
La SA Crédit Immobilier de France Sud Ouest (CIF SO) demande de dire et juger les consorts X. Y. mal fondés en leur appel, et de les en débouter.
Très subsidiairement, si la cour prononçait l'annulation du contrat de prêt, elle demande que la SARL Ami Bois soit condamnée à la garantir en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais, article 700 et dépens, de toutes condamnations prononcées du chef de cette annulation au profit des appelants.
Elle conclut en tout état de cause à la condamnation de la partie qui succombe au paiement d'une indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Taillard Janouex.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les dispositions du jugement concernant la SARL Papver à l'encontre de laquelle il n'a pas été relevé appel sont définitives.
Sur la recevabilité des demandes formées contre la SARL Ami Bois :
Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 124 du même code précise que les fins de non recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.
Il résulte de ces dispositions que les fins de non recevoir ne sont pas limitativement énumérées par l'article 122 susvisé.
L'article 6 des conditions générales de vente du bon de commande signé le 1er mars 2006 par les consorts X. Y. et la SARL Ami Bois stipule :
« En cas de litige, les parties s'obligent à recourir à une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge. »
Une telle clause n'a pas pour objet ni pour effet de créer, au détriment des non professionnels que sont les consorts X. Y., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et elle ne relève pas des clauses présumées abusives énumérées par l’article R. 132-1 du code de la consommation, et plus précisément de l'alinéa 10 de cet article, invoqué par les appelants, lequel vise le fait de soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le non professionnel ou le consommateur que pour le professionnel.
Elle est donc licite et constitue une fin de non recevoir qui s'impose au juge.
Cette procédure de conciliation préalable obligatoire n'ayant pas été respectée, il convient de déclarer les demandes des consorts X. Y. à l'encontre de la SARL Ami Bois irrecevables.
Sur les demandes formées à l'encontre de la SA Crédit Immobilier de France Sud Ouest :
Le bien fondé des demandes tendant à l'annulation d'un contrat de prêt qui serait la conséquence de l'annulation du contrat conclu avec la SARL Ami Bois, et au reversement subséquent par le prêteur de certaines sommes, ne peut être examiné en l'état de l'irrecevabilité des demandes concernant les relations contractuelles des demandeurs avec la SARL Ami Bois.
Sur les demandes annexes :
L'indemnité allouée à la SARL Ami Bois sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera maintenue, et le rejet de la demande formée par la SA Crédit Immobilier de France Sud Ouest à ce titre sera confirmé.
L'équité commande d'accorder à la SARL Ami Bois une somme complémentaire de 1.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'instance d'appel, et une indemnité de 1.000 euros à la SA Crédit Immobilier de France Sud Ouest sur le même fondement.
Sur les dépens :
Le jugement doit être confirmé de ce chef.
Les consorts X. Y. qui succombent devant la cour supporteront les dépens de la présente instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme partiellement le jugement
Déclare irrecevables les demandes formées par monsieur X. et madame Y. à l'encontre de la SARL Ami Bois.
Dit n'y avoir lieu en conséquence d'examiner le bien fondé des demandes présentées par monsieur X. et madame Y. à l'encontre de la SA Crédit Immobilier de France Sud Ouest.
Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires aux présentes.
Condamne monsieur X. et madame Y. à payer au titre des frais non compris dans les dépens de la présente instance :
- à la SARL Ami Bois la somme de 1.500 euros
- à la SA Crédit Immobilier de France Sud Ouest la somme de 1.000 euros.
Condamne monsieur X. et madame Y. aux dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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