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CA RIOM (ch. com.), 16 mai 2012

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (ch. com.), 16 mai 2012
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), ch. com.
Demande : 11/01399
Décision : 13/255
Date : 16/05/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 255
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4504

CA RIOM (ch. com.), 16 mai 2012 : RG n° 11/01399 ; arrêt n° 255 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu cependant que tout passager conserve la responsabilité de ses bagages à main, non confiés au transporteur par une convention particulière dite bagages enregistrés ; que l’article 4.2 du tarif général des voyageurs, énumère de façon non exhaustive les bagages à main acceptés ; que l'article 4.9.1 énonce que la SNCF n assume aucune responsabilité en ce qui concerne les bagages à main qui demeurent sous la garde exclusive du voyageur, même lorsqu'ils sont placés dans les emplacements prévus à cet effet, en bout ou en milieu de voiture, sauf à rapporter la preuve d'une faute de celle ci ; [...]

Attendu en second lieu qu'il convient d'écarter également l'argumentation tendant à faire dire que cet article 9.4.1 serait une clause exonératoire illicite si elle procurait aux parties un avantage excessif ou si elle était abusive ; que l'intimé soutient qu'elle est abusive ; que la SNCF répond à juste titre qu'il n'est pas possible de se prévaloir en l'espèce de la réglementation sur les clauses abusives, car les dispositions sur les tarifs voyageurs SNCF constituent un acte administratif réglementaire, à caractère général et impersonnel, qui vise à aménager, dans le cadre d'une situation d'ensemble, les droits et obligations d'un nombre indéterminé de personnes ; que par ailleurs, l'appréciation de la légalité des actes administratifs réglementaires est attribué exclusivement à la juridiction administrative ; que la juridiction judiciaire ne peut se prononcer sur la légalité des actes administratifs que dans les litiges nés dans le cadre de liens de droit privé entre un usager et le service fournisseur des prestations fonctionnant dans les mêmes conditions qu'une entreprise privée ; qu'en l'espèce rien ne vient justifier que les tarifs voyageur ne puissent trouver application ; qu'enfin le caractère abusif de la clause susvisée n'est pas établie ».

 

COUR D’APPEL DE RIOM

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 MAI 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/01399. Arrêt n° 255.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré de :  Mme Claudine BRESSOULALY, Présidente, M. J. DESPIERRES, Conseiller, Mme Chantal JAVION, Conseillère

lors des débats et du prononcé : Mme C. GOZARD, Greffière

Sur APPEL d'une décision du 20 avril 2011 du Tribunal d'instance de CLERMONT FERRAND

 

ENTRE :

APPELANT :

SNCF

[adresse] AGENCE JURIDIQUE CENTRE - [adresse], Représentant : la SCP MARTIN LAISNE DETHOOR MARTIN SOULIER PORTAL (avocat plaidant au barreau de CLERMONT FERRAND) - Représentant : la SCP ARNAUD Pascal (avoué/avocat au barreau de CLERMONT FERRAND)

 

ET :

INTIMÉ :

M. X.

Représentant : la SCP HERMAN Paul - D. Virginie - HERMAN Xavier (avocat plaidant au barreau de CLERMONT FERRAND) - Représentant : Maître Sébastien RAHON (avoué/avocat au barreau de CLERMONT FERRAND)

 

DÉBATS : Après avoir entendu en application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, à l'audience publique du 15 mars 2012, sans opposition de leur part, les avocats des parties, M. Despierres, Magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l'audience publique de ce jour, indiquée par le magistrat rapporteur, l'arrêt suivant a été prononcé publiquement conformément aux dispositions de l'article 452 du Code de Procédure Civile :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 6 avril 2009, Mme Y. circulait à bord d'un train de la SNCF. Un sac appartenant à M. X. tombait sur elle depuis le compartiment à bagages et la blessait.

Par jugement du 20 avril 2011 le tribunal d'instance de CLERMONT FERRAND déclarait la SNCF responsable du préjudice causé à Mme Y. Il déboutait la SNCF de ses demandes formulées à l'encontre de M. X. et mettait celui ci hors de cause. Il rejetait les demandes d'expertise médicale et condamnait la SNCF à payer à Mme Y. la somme de 4.000 € au titre des souffrances endurées, rejetant la demande de celle ci au titre d'un préjudice moral.

La SNCF était appelante de la décision au seul titre de la mise hors de cause de M. X. L'appel est dirigé contre lui. Les conclusions sont du 26 décembre 2011. Elle réclame le paiement par M. X. d'une somme de 4.600 €.

Intimé, M. X. a conclu le 10 octobre 2011, sollicitant confirmation du jugement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que le sac de sport litigieux, qui a chuté sur Mme Y., contenait un objet lourd, en l'espèce une unité centrale d'ordinateur.

Attendu que la responsabilité de la SNCF vis à vis de la victime, n'est en cause d'appel, nullement remise en cause ; qu'il s'agit présentement de la seule action récursoire de la SNCF contre le propriétaire du sac qui a provoqué le dommage ;

Attendu que la SNCF fonde sa demande sur les articles 1147 et suivants du code civil, mentionnés au dispositif, et invoque l'article 1384 du code civil dans les motifs de ses écritures ; qu'elle invoque également l'article 4.9.1 du tarif général des voyageurs de la SNCF, article intitulé bagages à main et qui indique que les bagages à main demeurent sous la garde exclusive du voyageur ;

Attendu que sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la SNCF estime qu'elle est exonérée de sa responsabilité lorsqu'elle justifie que l'inexécution de son obligation provient d'une cause étrangère ; qu'elle doit donc établir que le fait du tiers présente les caractères de la force majeure ; qu'ainsi pourrait elle, sinon s'exonérer de son obligation de sécurité vis à vis de la victime, Mme Y. en l'espèce - problème qui n'est pas invoqué en cause d'appel-, du moins, agir de façon récursoire à l'encontre du tiers en cause, en l'espèce M. X. ;

Attendu que le fait du tiers doit donc être établi comme imprévisible et irrésistible ;

Attendu que le fait du tiers consiste en l'espèce, soit en une faute de M. X. qui a entreposé un objet lourd dans l'emplacement prévu à cet effet sans s'assurer qu'il pouvait le faire sans danger pour tout passager, soit en une obligation de garde de la chose induisant la responsabilité de tout dommage causé par celle ci ;

Attendu que cette dernière définition du fait du tiers, qui repose sur l'article 1384 du code civil est inapplicable en l'espèce, la Cour de cassation ayant jugé, selon arrêt cité par l'intimé, que dans une action en garantie contre le passager, la SNCF est dans un rapport de droit contractuel et ne peut invoquer la présomption de responsabilité de l'article 1384 du code civil en raison de la garde du sac par son propriétaire ;

Attendu par conséquent que, dans le cadre d'un rapport contractuel, il convient que la SNCF établisse que M. X. a commis une faute, et une faute qui, pour permettre de fonder son action récursoire, présente les caractères de la force majeure ;

Attendu que la faute est dite non prouvée par le jugement, qui énonce que les raisons pour lesquelles le sac a chuté ne sont pas connues et peuvent être très diverses : secousses du train, mauvais positionnement du sac, déplacement du sac par un autre voyageur...' outre l'absence d'interdiction et l'absence d'emplacement autre ;

Attendu cependant que tout passager conserve la responsabilité de ses bagages à main, non confiés au transporteur par une convention particulière dite bagages enregistrés ; que l’article 4.2 du tarif général des voyageurs, énumère de façon non exhaustive les bagages à main acceptés ; que l'article 4.9.1 énonce que la SNCF n assume aucune responsabilité en ce qui concerne les bagages à main qui demeurent sous la garde exclusive du voyageur, même lorsqu'ils sont placés dans les emplacements prévus à cet effet, en bout ou en milieu de voiture, sauf à rapporter la preuve d'une faute de celle ci ;

Attendu en premier lieu qu'il convient d'écarter l'argumentation tendant à faire dire que l'article 9.4.1 serait irrecevable comme se référant à la notion de garde, laquelle est indifférente en matière d'obligation de sécurité ; que cependant, cette notion est inapplicable dans le seul rapport existant entre la SNCF et la victime, entre qui s'applique l'obligation de sécurité ; que tel n'est pas le cas dans l'action récursoire en garantie ; qu'en second lieu la notion de garde ici mentionnée n'est pas à entendre au sens de l'article 1384, mais n'exclut pas celle de faute et renvoie à la seule question : la garde a t elle ou non été assumée fautivement

Attendu en second lieu qu'il convient d'écarter également l'argumentation tendant à faire dire que cet article 9.4.1 serait une clause exonératoire illicite si elle procurait aux parties un avantage excessif ou si elle était abusive ; que l'intimé soutient qu'elle est abusive ; que la SNCF répond à juste titre qu'il n'est pas possible de se prévaloir en l'espèce de la réglementation sur les clauses abusives, car les dispositions sur les tarifs voyageurs SNCF constituent un acte administratif réglementaire, à caractère général et impersonnel, qui vise à aménager, dans le cadre d'une situation d'ensemble, les droits et obligations d'un nombre indéterminé de personnes ; que par ailleurs, l'appréciation de la légalité des actes administratifs réglementaires est attribué exclusivement à la juridiction administrative ; que la juridiction judiciaire ne peut se prononcer sur la légalité des actes administratifs que dans les litiges nés dans le cadre de liens de droit privé entre un usager et le service fournisseur des prestations fonctionnant dans les mêmes conditions qu'une entreprise privée ; qu'en l'espèce rien ne vient justifier que les tarifs voyageur ne puissent trouver application ; qu'enfin le caractère abusif de la clause susvisée n'est pas établie ;

Attendu qu'ainsi en revient on à la question d'une faute imputable à M. X. dans la garde de son bagage ;

Attendu que l'entreposage d'un bagage lourd, de forme rigide tel l'objet en cause contenu dans un sac dit de sport ou sac à dos , n est pas interdit ; qu il est par suite effectué sans faute dans les emplacements prévus à cet effet par la SNCF, pourvu néanmoins que sa forme, son volume, voire son poids, ou tout autre caractéristique qu'il présente, soient compatibles avec la configuration de cet emplacement et avec la circonstance que cet emplacement est situé dans un véhicule roulant, susceptible de connaître des secousses , que dès lors l'obligation du passager doit être adaptée et comporter une surveillance non seulement initiale, lors de l'entreposage de la chose, mais durable ; que cette obligation comporte même une surveillance relative à l'action éventuelle d'un tiers, qui déplacerait le bagage ; qu'en l'espèce, M. X. entreposait un bagage lourd, rigide, relativement volumineux quoique compatible avec le volume de l'emplacement ; que la faute résulte nécessairement de la constatation que la surveillance qu'il a assurée de son bagage n'a pas été vigilante et que ce bagage a chuté, sans qu'une circonstance exceptionnelle tel un choc particulier, ou une intervention intempestive d'un tiers, soit prouvée ni même alléguée ;

Attendu qu'il reste à déterminer si cette faute de vigilance et de surveillance était imprévisible et irrésistible pour le transporteur ;

Attendu qu'il convient de ne pas s'arrêter à l'affirmation que la SNCF doit tout contrôler, prévoir des emplacements spécifiques à tous objets transportés selon sa nature, disposer de contrôleurs en tous lieux et constamment ; que les bagages à main sont exclus de tout contrôle systématique ; que par suite, le suivi d'un bagage demeuré entre les mains d'un voyageur n'appartient pas, dans le rapport existant entre le transporteur et le client gardien de son bagage, à la SNCF ; que le fait fautif du voyageur est ainsi irrésistible pour la SNCF ;

Attendu que l'imprévisibilité de la survenance d'un tel dommage - en l'espèce la chute dommageable du bagage - ne résulte pas, certes, de l'ignorance que de tels événements puisent se produire ; que l'imprévisibilité est à apprécier au regard du cas d'espèce in concreto ; qu'en l'espèce la SNCF a prévu une réglementation relative au transport des bagages, avec la distinction bagages enregistrés - bagages à main ; qu il en résulte que les voyageurs ont l obligation de faire transporter leurs bagages selon le régime adapté ; qu'il appartenait à M. X. de juger si son bagage pouvait être transporté en bagage à main, auquel cas il en conservait la responsabilité ; que la SNCF ne peut substituer son jugement, hormis pour des bagages exceptionnels ou visés par sa réglementation, quant au choix du régime de transport ; qu'il est donc imprévisible que le passager ait choisi un régime de transport qui s'est avéré impropre ; qu'il est imprévisible également que la surveillance par le passager, compte tenu de ce que la SNCF offre des aménagements spéciaux pour le transport des bagages, ne soit pas assurée en bon père de famille , c est à dire avec la vigilance voulue, par des passagers libres de circuler et de disposer des moyens qui leur sont offerts par le transporteur ; qu'en l'espèce M. X. était régulièrement détenteur d'un titre de transport, et présentait les caractéristiques d'un voyageur ordinaire ; que son bagage présentait les apparences d'un bagage dont il n'y avait pas lieu de craindre a priori qu'il provoque un quelconque dommage ; que son contenu n'était pas apparent ; qu'il était au total imprévisible pour le transporteur que ce bagage puisse être la cause d'un dommage ;

Attendu au total que la faute commise par M. X. présente les caractères spécifiques de la force majeure et justifie la demande de la SNCF à être garantie de la réparation du préjudice qu'elle a assumée ; que le jugement sera infirmé et M. X. condamné à payer la somme de 4.600 €, laquelle n'est pas autrement discutée dans son montant ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré ,

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau :

Condamne M. X. à payer à la SNCF la somme de 4.600 € .

Déboute la SNCF de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne M. X. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La greffière    La présidente

C. Gozard       C. Bressoulaly