CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 25 octobre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4571
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 25 octobre 2013 : RG n° 11/18200 ; arrêt n° 262
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-024636
Extrait : « Mais considérant que la location du photocopieur était destinée aux besoins de l'activité professionnelle de la sas Manufacture Française de Pianos ; que l’article L. 132-1 du code de la consommation ne s'applique pas au contrat de fourniture de biens ou de services conclu entre deux sociétés commerciales ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/18200. Arrêt n° 262 (5 pages). Décision déférée à la Cour : jugement du 20 septembre 2011 - Tribunal de commerce de PARIS - 15ème chambre - R.G. n° 2010/001622.
APPELANTE :
SAS MANUFACTURE FRANCAISE DE PIANOS,
agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé [adresse], Représentée par Maître Charles-Hubert OLIVIER de la SCP J.-L. LAGOURGUE - Ch.- H. OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque L 0029, Assistée de Maître Isabelle GOMME plaidant pour la SCP G & B ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque J 112
INTIMÉE :
SASU EURINFI,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [adresse], Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque B 515, Assistée de Me Sébastien LOOTGIETER plaidant pour la SCP VILLEMEAU - ROMART - SIMON & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 septembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice JACOMET, Conseiller Hors Hiérarchie, Faisant Fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport
M. Fabrice JACOMET a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Fabrice JACOMET, Conseiller Hors Hiérarchie, Faisant Fonction de Président, Mme Marie-Annick PRIGENT, Conseiller, Mme Irène LUC, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour
Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRÊT : Contradictoire, Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, Signé par M. Fabrice JACOMET, Conseiller Hors Hiérarchie, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 20 septembre 2011 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- condamné la société Manufacture Française de Pianos, ayant pour nom commercial Ateliers Pleyel, à payer à la société Eurinfi la somme de 34.424,90 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil,
- dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné la société Manufacture Française de Pianos aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société Manufacture Française de Pianos et ses dernières conclusions signifiées le 10 septembre 2013 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- prononcer la nullité du contrat de location conclu avec la société Eurinfi le 27 septembre 2008 et rejeter toutes les demandes de cette société,
- subsidiairement, dire qu'elle a été victime d'un cas de force majeure du fait de l'incendie qu'elle a subi, juger qu'elle n'est redevable d'aucune indemnité envers la société Eurinfi en application de l’article 1148 du code civil et rejeter toutes les demandes de cette société,
- plus subsidiairement, juger qu'elle est bien fondée à se prévaloir de l'article L. 132.1 du code de la consommation et déclarer les clauses indemnitaires prévues aux articles 7 et 12 du contrat de location abusives et non écrites,
- encore plus subsidiairement, juger qu'il ne peut être fait application cumulative des articles 7 et 12 du contrat de location, seul l'article 7 pouvant s'appliquer, et limiter le montant de la condamnation à la somme de 15.393 euros,
- encore plus subsidiairement, s'il y a lieu à application cumulative des deux articles, fixerle montant de la condamnation à 16.624,44 euros,
- condamner la société Eurinfi à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 septembre 2013 par la société Eurinfi qui demande à la cour, au visa de l’article 1134 du code civil et des conditions générales du contrat de location, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- rejeter tous les arguments des Ateliers Pleyel,
- condamner les Ateliers Pleyel à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens de première instance et d'appel ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que suivant contrat du 27 octobre 2008, la société Eurinfi a donné en location un photocopieur et ses accessoires à la société Manufacture Française de Pianos pour une durée de 60 mois, moyennant un premier loyer trimestriel de 3.588 euros et 19 autres de 1.047,70 euros chacun ; que le matériel livré le 14 novembre 2008 est devenu inutilisable en raison d'un incendie des locaux de la société Manufacture Française de Pianos ; que cette dernière ayant cessé de régler les loyers, la société Eurinfi a résilié le contrat par lettre recommandée du 12 octobre 2009 avec mise en demeure de payer les sommes de 19.232,70 euros représentant le solde des loyers augmenté d'une pénalité de 8 % et de la TVA par application de l'article 12 du contrat et la somme de 12.700 euros correspondant à la valeur vénale du matériel ne pouvant plus être restitué par application de l'article 7 du contrat ; que le tribunal, par le jugement déféré, a condamné la locataire à payer les sommes de 17.810,83 euros au titre des loyers à échoir et de 15.189,20 euros représentant la valeur du matériel, outre une indemnité de 8 % de la totalité des sommes dues ;
Considérant que la société Manufactures française de pianos, appelante, soutient en premier lieu que le contrat de location est nul en raison de la réticence dolosive de la société Eurinfi ; qu'elle expose en ce sens que lors de la signature du contrat, elle n'a eu aucune information sur la valeur réelle du prix du matériel et sur le fait que les accessoires triplaient son prix ; qu'elle souligne que le coût total de la location s'élève à 24.432,28 euros alors que la valeur du matériel et des cartouches n'est que de 18.777,20 euros TTC, information qui n'a pas été portée à sa connaissance ; qu'elle allègue que si elle avait eu ces informations, elle n'aurait sans doute pas conclu dans de telles conditions ; qu'elle ajoute que le contrat ne mentionne que les références du matériel sans aucune description ni aucun détail ;
Mais considérant que le contrat de location précise la nature du matériel, à savoir un photocopieur Canon 9R3180 C + accessoires, avec le nom du fournisseur Fac similé, la durée de l'engagement et le montant total des loyers ; que la locataire était donc parfaitement à même d'apprécier le coût de la location par rapport au prix d'acquisition d'un matériel identique ou semblable, étant rappelé que c'est elle qui l'avait choisi ; qu'aucune réticence dolosive de la société Eurinfi n'étant démontrée, le moyen tiré de la nullité du contrat doit être rejeté ;
Considérant que l'appelante prétend en deuxième lieu avoir été victime d'un cas de force majeure l'empêchant de faire face à ses obligations, ce qui a pour conséquence qu'elle n'est redevable d'aucune indemnité par application de l’article 1148 du code civil ; qu'elle fait valoir que l'incendie dans ses locaux n'est pas dû à une défaillance de ses installations, mais à un acte de malveillance et qu'elle avait pris toutes les précautions nécessaires en matière de sécurité incendie et de sécurité anti-intrusion ; qu'elle reproche à la société Eurinfi de ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité de souscrire une assurance particulière pour le photocopieur et relève que la bailleresse ne lui a jamais demandé de justifier d'une attestation d'assurance ;
Mais considérant que seul un événement présentant à la fois un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution est constitutif d'un cas de force majeure ; que tel n'est pas le cas de l'incendie survenu dans les locaux de la société Manufacture Française de Pianos ; que de plus, le contrat stipule expressément qu'à partir de la livraison et tant que le matériel reste sous sa garde, la locataire assume tous les risques de détérioration et de perte, même par cas fortuit et qu'elle s'engage à souscrire une assurance garantissant notamment le matériel et sa responsabilité civile ; que c'est à la société Manufacture Française de Pianos qu'il incombait de vérifier si l'assurance qu'elle avait souscrite auparavant garantissait ou non le matériel ; qu'elle est mal fondée à reprocher à la société Eurinfi de ne pas avoir attiré son attention sur ce point ou réclamé l'attestation justificative ;
Considérant que l'appelante fait valoir en troisième lieu que les articles 7 et 12 du contrat de location sont abusifs et doivent être réputés non écrits par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation parce que ayant pour objet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que subsidiairement, elle les qualifie de clauses pénales manifestement excessives et demandent leur réduction par application de l’article 1152 du code civil à la somme de 14.892 euros, montant des loyers dus, sans application de la TVA ; qu'elle soutient encore subsidiairement que les deux articles ne peuvent recevoir application cumulative, l'article 12 ne pouvant trouver application « dans la mesure où il ne s'agit pas d'un impayé de loyer à son terme, mais du non-paiement d'une indemnité de résiliation pour destruction de bien » et qu'il doit être fait application du plafond prévu à l'article 7 selon lequel, en cas de destruction, l'indemnité est limitée à la valeur catalogue du bien au jour du contrat, soit 15.393 euros HT ; que plus généralement, elle conteste devoir la TVA, la société Eurinfi ne justifiant pas devoir la reverser sur les indemnités réclamées ;
Mais considérant que la location du photocopieur était destinée aux besoins de l'activité professionnelle de la sas Manufacture Française de Pianos ; que l’article L. 132-1 du code de la consommation ne s'applique pas au contrat de fourniture de biens ou de services conclu entre deux sociétés commerciales ;
Considérant que l'article 12.2 des conditions générales du contrat stipule, en cas de non paiement à la date d'exigibilité de toute somme due au titre du contrat, que le locataire devra restituer le matériel et verser au bailleur, outre les loyers impayés, une indemnité égale à la totalité des loyers HT restant à échoir avec intérêts au taux de l'intérêt moratoire prévu à l'article 5 ainsi qu’une pénalité égale à 8 % des sommes dues, le tout majoré des taxes en vigueur, tandis que l'article 7 des conditions générales est libellé comme suit : 'En cas de destruction totale, le, locataire devra verser au bailleur une indemnité égale aux loyers restant à échoir sur toute la durée du bail majorée de la valeur vénale du bien au jour du sinistre, cette indemnité ne pourra excéder le prix catalogue du matériel au jour du sinistre.’; que la locataire ne pouvant restituer le matériel détruit et le contrat de location étant résilié pour non paiement des loyers, ces deux articles sont applicables ;
Que la société Eurinfi a payé le prix de 18.77,20 euros TTC à Fac similé, que le matériel a été livré le 14 novembre 2008 et qu'il a été détruit le 5 février 2009 ; qu'eu égard à ces éléments la valeur du bien au jour du sinistre sera fixée à 12.700 euros HT, soit 15.189 euros TTC, comme demandé au titre de l'article 7 du contrat par la société Eurinfi qui a payé la TVA lors de l'acquisition du bien ; que cependant l'article 12.2 constitue une pénalité manifestement excessive par rapport au préjudice effectivement subi par la société Eurinfi ; qu'il y a lieu de réduire son montant à la somme de 10.000 euros TTC ; qu'en définitive, l'appelante devra payer la somme totale de 25.189 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009, le jugement étant confirmé pour le surplus ;
Considérant que la société Manufacture Française de Pianos qui reste débitrice doit supporter les dépens d'appel ; qu'il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'une ou l'autre des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Manufacture Française de Pianos à payer à la société Eurinfi la somme de 34.424,90 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009,
Statuant à nouveau, condamne la société Manufacture Française de Pianos à payer à la société Eurinfi la somme de 25.189 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2009,
Confirme le jugement pour le surplus,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société Manufacture Française de Pianos aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité