CA DIJON (1re ch. civ.), 19 novembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4597
CA DIJON (1re ch. civ.), 19 novembre 2013 : RG n° 11/01959
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que lors de l'entrée dans les lieux de la locataire le 16 juin 2004 et la conclusion du premier bail, Mme X. a signé le règlement intérieur, en y apposant la mention « lu et approuvé », règlement qui précise s'agissant des murs et des sols que « en cas de changement par le locataire des revêtements du sol ou des murs, celui-ci veillera à n'employer que des matériaux, des couleurs et des motifs communs (ex : bannir l'utilisation de peinture noire pour les murs, la pose de moquette murale, l'application de crépis mural...) » ; qu'il sera ajouté que le bail précise dans les conditions générales, au paragraphe VII-obligations du locataire, l'obligation de respecter le règlement intérieur de l'immeuble annexé au présent contrat ;
Que cette clause du règlement intérieur, critiquée par l'appelante qui considère qu'elle ne peut lui être opposée, ne relève pas d'une des clauses réputées non-écrites en vertu de l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989, et ne peut davantage être considérée comme une clause abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation faute de caractérisation d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs du bailleur et de Mme X. ;
Que cette clause interdit clairement la pose de crépis mural dans le logement donné en location ; Qu'or il ressort du procès-verbal de constat établi le 16 février 2010 de façon contradictoire par huissier à la sortie de la locataire que les murs du séjour de même que ceux du couloir sont recouverts de crépis de couleur orange sombre, que les murs de la chambre du fond sont revêtus de crépis blanc et que ceux de la salle d'eau sont revêtus de crépis jaune ; Que l'infraction au règlement intérieur est ainsi démontrée, de sorte que Mme X. doit remettre les lieux en état ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/01959. Décision déférée à la Cour : AU FOND du 1er SEPTEMBRE 2011, rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE MACON : R.G. 1ère instance n° 11-10-000681.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DIJON), représentée jusqu'au 31 décembre 2011 par la SCP FONTAINE TRANCHAND SOULARD, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, et ultérieurement par Maître Florent SOULARD, avocat au barreau de DIJON, assistée de Maître Florian LOUARD, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
INTIMÉE :
SCI GAEB
dont le siège social est [adresse], représentée jusqu'au 31 décembre 2011 par Maître Philippe GERBAY, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, et ultérieurement par Maître Lucilia LOISIER de la SCP ROUSSOT-LOISIER-RAYNAUD DE CHALONGE, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BOURY, Présidente de Chambre et Madame OTT, Présidente de Chambre, chargée du rapport sur désignation du Président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de : Madame BOURY, Présidente de Chambre, Madame OTT, Présidente de chambre, Monsieur MOLÉ, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame DETANG,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Madame BOURY, Présidente de Chambre, et par Madame DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Sci GAEB F.AUG a donné en location à Mme X. un appartement F4 situé à [ville M.] selon un premier bail régularisé le 16 juin 2004, date à laquelle la locataire est entrée dans les lieux. Un deuxième contrat a été régularisé entre les parties quand le logement a été conventionné, et ce au 1er octobre 2004.
Mme X. a le 13 novembre 2009 résilié le bail à effet au 16 janvier 2010 et un état des lieux de sortie a été dressé le 16 février 2010 par huissier.
Par acte en date du 30 novembre 2010, Mme X. a assigné la Sci GAEB F.AUG, sur le fondement des articles 22 et 23 de la loi du 6 juillet 1989 et l’article 1142 du Code Civil, aux fins de condamner le bailleur à lui payer la somme de 704,86 euros correspondant au dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2010 et de faire injonction au bailleur de lui produire les relevés de charges pour les 5 dernières années ainsi que les comptes faisant apparaître l'ensemble des versements par elle effectués et le décompte des charges réellement dues.
La Sci GAEB F.AUG s'est opposée à la demande en précisant qu'outre d'autres réparations, des travaux de remise en état étaient nécessaires suite à l'application par la locataire de crépi mural dans l'appartement en dépit du règlement intérieur applicable, de sorte que le dépôt de garantie n'a pas été restitué, et elle a réclamé à titre reconventionnel le paiement de la moitié des frais de constat ainsi qu'une somme de 3.799,64 euros au titre de la remise en état de l'appartement.
Mme X. a conclu au débouté de cette demande reconventionnelle en opposant l'usure normale des lieux au bout de six ans d'occupation et a contesté l'applicabilité du règlement intérieur.
Par jugement en date du 1er septembre 2011, le tribunal d'instance de MACON a :
- débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme X. à payer à la Sci GAEB F.AUG la somme de 1.760,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre la somme de 600 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- rejeté le surplus des prétentions,
- condamné Mme X. aux dépens, sous réserve des règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le montant du dépôt de garantie versé à l'entrée dans les lieux était de 650 euros. Il a procédé à la comparaison des états des lieux dressés contradictoirement à l'entrée et au départ de la locataire, en notant que les locaux avaient été remis en bon état par Mme X. à son entrée et qu'ils étaient dénués de tapisserie puisque la locataire avait accepté aux termes d'une clause expresse du bail de se charger de la pose des tapisseries moyennant deux mois de loyers gratuits. Le tribunal a relevé du constat de sortie des dégradations (traces de coup sur le linoléum, tapisserie déchirée et décollée) et en particulier l'application de crépi mural dans plusieurs pièces. Il a considéré que la locataire avait signé le 16 juin 2004 un règlement intérieur, annexé au bail, indiquant qu'est « banni » l'application de crépi mural, et que Mme X. avait donc contrevenu à ses obligations contractuelles en apposant ce type d'enduit malgré l'interdiction formelle qui en était faite.
Le tribunal en a déduit que Mme X. est tenue d'une dette de remise en état sans que pour autant cela signifie une remise à neuf du logement, en ajoutant qu'il faut tenir compte de l'usure normale des lieux après plusieurs années d'occupation, en conséquence de quoi le tribunal a fixé à 2.300 euros cette indemnité de remise en état. Il a fait le compte entre les parties (frais de remise en état, frais de constat pour moitié, remboursement du dépôt de garantie), tirant le solde de 1.760,18 euros restant en faveur du bailleur.
Le tribunal a débouté Mme X. de sa demande relative aux charges, en retenant que le décompte détaillé était produit aux débats par le bailleur et que la locataire n'avait formulé aucune observation de nature à remettre en cause les sommes versées en six ans d'occupation.
Par déclaration enregistrée le 25 octobre 2011, Mme X. a régulièrement interjeté appel du dit jugement.
Par ses dernières écritures du 15 novembre 2012, Mme X. demande à la Cour en infirmant le jugement entrepris, vu les articles 22 et 23 de la loi du 6 juillet 1989 et l’article 1142 du Code Civil, de :
- Condamner la SCI GAEB F. AUG à payer à Madame X. la somme de 704,86 euros avec intérêts de droit à compter du 16 avril 2010, montant du dépôt de garantie par elle versé,
- Faire injonction à la bailleresse d'avoir à produire les relevés de charges pour les cinq dernières années et à produire les comptes en faisant apparaître l'ensemble des versements effectués par Madame X. et le décompte des charges réellement dues par cette dernier et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois après le prononcé de la décision à intervenir,
- Débouter la SCI GAEB F. AUG de sa demande en dommages et intérêts, celle-ci n'étant ni fondée en droit, ni en fait,
- S'entendre condamner la requise à payer à Madame X. une somme de 1.200 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Florian LOUARD, Avocat aux offres de droit.
Par ses dernières écritures du 22 octobre 2012, la Sci GAEB F.AUG demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- condamner Madame X. à lui payer la somme de 3.799,64 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 16 AVRIL 2010,
- la condamner à lui payer la somme complémentaire de 1.500,00 euros au titre de l’article 700 Code de Procédure Civile, en sus de celle de 600,00 euros qui lui a été accordée par le Tribunal d'Instance de MACON le 1er septembre 2011,
- condamner Madame X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP ROUSSOT - LOISIER - RAYNAUD de CHALONGE, sur son affirmation de droit.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère ; vu les pièces ;
Attendu s'agissant de la restitution du dépôt de garantie et des travaux de remise en état, que l'appelante critique le compte arrêté par le tribunal en faisant valoir que le montant du dépôt de garantie est de 704,86 euros, qu'elle ne doit aucune réparation pour ce qui relève de l'usure normale des lieux pendant les six années d'occupation et qu'un propriétaire ne peut interdire la pose d'un revêtement mural du choix de son locataire, la clause manifestement excessive du règlement intérieur ne pouvant être retenue à son encontre ;
Que le bailleur intimé approuve sur le principe la décision entreprise mais conteste le montant des réparations, réduit arbitrairement par le tribunal à la somme de 2.300 euros ;
Mais attendu que l'appelante prétend à tort que le dépôt de garantie était de 704,86 euros alors qu'ainsi que l'a fort justement relevé le premier juge au vu du bail versé aux débats, il n'est que de 650 euros ;
Attendu que lors de l'entrée dans les lieux de la locataire le 16 juin 2004 et la conclusion du premier bail, Mme X. a signé le règlement intérieur, en y apposant la mention « lu et approuvé », règlement qui précise s'agissant des murs et des sols que « en cas de changement par le locataire des revêtements du sol ou des murs, celui-ci veillera à n'employer que des matériaux, des couleurs et des motifs communs (ex : bannir l'utilisation de peinture noire pour les murs, la pose de moquette murale, l'application de crépis mural...) » ; qu'il sera ajouté que le bail précise dans les conditions générales, au paragraphe VII-obligations du locataire, l'obligation de respecter le règlement intérieur de l'immeuble annexé au présent contrat ;
Que cette clause du règlement intérieur, critiquée par l'appelante qui considère qu'elle ne peut lui être opposée, ne relève pas d'une des clauses réputées non-écrites en vertu de l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989, et ne peut davantage être considérée comme une clause abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation faute de caractérisation d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs du bailleur et de Mme X. ;
Que cette clause interdit clairement la pose de crépis mural dans le logement donné en location ;
Qu'or il ressort du procès-verbal de constat établi le 16 février 2010 de façon contradictoire par huissier à la sortie de la locataire que les murs du séjour de même que ceux du couloir sont recouverts de crépis de couleur orange sombre, que les murs de la chambre du fond sont revêtus de crépis blanc et que ceux de la salle d'eau sont revêtus de crépis jaune ;
Que l'infraction au règlement intérieur est ainsi démontrée, de sorte que Mme X. doit remettre les lieux en état ;
Attendu que si l'état des lieux à l'entrée de la locataire en juin 2004 fait apparaître le bon état de l'appartement, il faut toutefois relever que les murs étaient à l'état brut, dégarnis de revêtements, le bail prévoyant expressément « ainsi qu'observé par le premier juge » qu'une gratuité de deux mois de loyer était consentie à la locataire se chargeant d'exécuter les peintures et tapisseries ;
Que dès lors la Sci GAEB F.AUG ne peut qu'exiger une remise en état des lieux et non une remise à neuf comme dit en première instance ; qu'elle n'est donc pas fondée à mettre en compte dans les frais de remise en état réclamés la fourniture et la pose de papier-peint, ne pouvant légitimement prétendre qu'à la dépose du revêtement mural ;
Attendu que la comparaison des deux états des lieux, opérée avec pertinence par le premier juge, montre suffisamment que l'usure normale des lieux pendant 6 ans invoquée par l'appelante ne peut sérieusement expliquer les traces de coup relevées en plusieurs endroits du linoléum dans le séjour, les traces de coup et déchirures à quatre endroits de la tapisserie dans une chambre ; que l'huissier a constaté dans l'appartement de très nombreux trous chevillés dans les murs, étant observé qu'il est expressément prévu au bail que tous les trous de cheville devront être rebouchés à la sortie du locataire ;
Attendu que dans ces conditions, et au vu des justificatifs produits par le bailleur, le tribunal a fait une exacte appréciation des réparations dues par Mme X. en retenant la somme de 2.300 euros correspondant à une remise en état comme dit précédemment ; que la Sci GAEB F.AUG sera en conséquence déboutée de son appel incident ;
Qu'à cette somme il convient d'ajouter les frais de constat de sortie pour moitié comme prévu au bail, soit 110,18 euros ; qu'après déduction du dépôt de garantie, il reste bien une somme de 1.760,18 euros due par Mme X. ; que celle-ci sera en conséquence déboutée de ce chef de son appel, le jugement entrepris méritant confirmation en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à la Sci GAEB F.AUG cette somme ;
Attendu s'agissant des charges, que contrairement à ce que prétend l'appelante, le bailleur a satisfait à la justification des charges locatives ; qu'au vu des pièces produites aux débats, il convient de rejeter également sur ce point l'appel de Mme X. et de confirmer la décision entreprise l'ayant déboutée de ses demandes en production des relevés et décomptes de charges pour les 5 années ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, y compris en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles ;
Attendu que l'appelante qui succombe sur son appel doit être condamnée aux entiers dépens d'appel ;
Attendu que l'équité n'exige pas la mise en œuvre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de Cour ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
la Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare Mme X. recevable mais mal fondée en son appel principal ;
Déclare la Sci GAEB F.AUG recevable mais mal fondée en son appel incident ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d'instance de MACON en date du 1er septembre 2011 ;
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de Cour ;
Condamne Mme X. aux entiers frais et dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile par la SCP ROUSSOT- LOISIER - RAYNAUD de CHALONGE, Avocats, pour ceux des dépens dont avance a été faite sans provision.
- 5836 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Forme du contrat
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6397 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (5) - Obligations du locataire : usages des lieux