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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 juin 2014

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 juin 2014
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 11/05107
Date : 10/06/2014
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/11/2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4828

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 juin 2014 : RG n° 11/05107

Publication : Jurica

 

Extrait : « Deux contrats préliminaires de vente en l'état futur d'achèvement ont été signés par Madame X. le 9 janvier 2009, l'un concernant l'un des 88 parkings intérieurs n° 33 de la [résidence], l'autre l'un des 88 logements de la résidence, l'appartement numéro 416 d'une surface habitable de 32,55 m², au prix de 143.783 euros TTC payable comptant.

Le contrat concernant le logement contient un article n°4 ainsi libellé : « tout copropriétaire sera tenu à signer avec le gestionnaire de la résidence soit un engagement de location par bail commercial soit un contrat de services. Les propriétaires ne signant pas de bail commercial avec le gestionnaire seront tenus de signer ce contrat de services s'ils sont eux-mêmes occupants en tant que seniors non dépendants, ou tenus de le faire signer par leurs occupants eux-mêmes seniors non dépendants, à titre onéreux ou gratuit. Ces services fournis par le gestionnaire comportent : aide à la personne dans son appartement, accueil, restauration, animation, assistance » […]

Ni le prix, ni la nature, ni les modalités et obligations contractuelles ne sont à ce stade déterminés s'agissant d'une VEFA. La règlement de copropriété n'est ni repris, ni visé par l'acte définitif de vente du 28 décembre 2009 établi par Maître A., notaire à [ville M.] ni ne porte le paraphe [de] Madame X. Il n'est pas justifié de la remise par les sociétés du document publicitaire et d'information sur les services et leur coût, ou leur caractère modulable par les sociétés AQUARELLE PROMOTION VOIRON, la société AQUARELIA GESTION

Le contrat de services, seul de nature à informer précisément Madame X. sur la portée, la nature et le prix de services, fixés au 1er mars 2010 à 890 euros mensuels selon le document joint, ne lui a été adressé par lettre aux termes comminatoires que le 20 septembre 2010 par la société AQUARELIA afin de signature, sans précision jusqu'alors du caractère imposé des prestations servies et des limitations des services « à la carte » auxquelles sa situation personnelle (présence de ses enfants à proximité immédiate de la résidence) lui permettait de prétendre.

Ces éléments doivent être considérés notamment au regard des exigences auxquelles sont soumis les contrats d'hébergement pour personnes âgées fixées par l'article L. 342-2 du code de l'action sociale et de la famille tel que modifié par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, qui fixe les informations dont doit disposer le résident : […]

Ils doivent aussi être analysés au regard des exigences de l'article 1602 du code civil, explicitées par l'article L. 111-1 du code de la consommation selon lequel, dans sa version de la loi 93-949 du 26 juillet 1993 : « I - tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service »

En l'espèce, le manque d'informations sur ce contrat de services, s'agissant a fortiori d'un contrat accessoire d'une vente, a été déterminant du consentement [de] Madame X. à l’acquisition.

Il est de nature à caractériser un dol de la part d'un professionnel à l'égard d'une personne par définition âgée, dont les ressources limitées (pièces n° 15) selon ses déclarations non contestées, à 1.143 euros par mois, lui permettaient difficilement, si elle l'avait souscrit, de faire face aux obligations imposées par ce contrat de services.Cependant, la circonstance qu'il s'agit d'une vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement est de nature à exonérer en l'état, le vendeur de tout caractère délibéré puisque le coût, les modalités, et les caractéristiques du contrat de services n'ont été déterminés en l'espèce que postérieurement à la vente.

Ce manquement à l'obligation d'information est en revanche constitutif de l'erreur substantielle [de] Madame X. qui n'aurait pas contracté si elle avait été exactement informée de la rigidité du contrat de services associé au contrat de vente. Cette erreur touche ainsi la substance même de la chose vendue. La nullité de la vente sera prononcée sur le fondement de l'article 1110 du code civil. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 JUIN 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/05107. Appel d'un jugement (R.G. n° 11/00776) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 22 septembre 2011 suivant déclaration d'appel du 18 novembre 2011

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, représentée par Maître RAMILLON, en qualité d'avoué à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître Jean ROBICHON, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉES :

SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON

La Société AQUARELLE PROMOTION VOIRON est représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître Bernard COLLOMB, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître NIORD, avocat au barreau de SAINT ETIENNE

SARL AQUARELIA GESTION prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège

défaillante

SAS PURE INVEST Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SELARL DAUPHIN&MIHAJLOVIC, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître BALAS, avocat au barreau de LYON

SAS VALORITY FRANCE Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SELARL DAUPHIN&MIHAJLOVIC, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître BALAS, avocat au barreau de LYON

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.

DÉBATS : À l'audience publique du 14 avril 2014 Madame BLATRY a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame X., née en [date], a signé le 19 janvier 2009 avec la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON, pour un prix proposé de 143.723 euros, par l'intermédiaire de la société VALORITY FRANCE, titulaire d'une convention de commercialisation, un contrat de réservation des lots n° 33 et 161, constitués d'un appartement et d'un garage en l'état futur d'achèvement dans une copropriété sise à [adresse].

Figurait au contrat la clause suivante :

4° « tout copropriétaire sera tenu de signer avec le gestionnaire de la résidence soit un engagement de location par bail commercial soit un contrat de services. Les propriétaires ne signant pas un bail commercial avec le gestionnaire seront tenus de signer ce contrat de services s'ils sont eux-mêmes occupants en tant que seniors non dépendants ou tenus de le faire signer par leurs occupants eux-mêmes seniors non dépendants, à titre onéreux ou gratuit.

Ces services fournis par le gestionnaire comportent : aide à la personne dans son appartement, accueil, restauration, animation, assistance »

L'acte authentique de vente a été signé le 28 décembre 2009.

Madame X. a versé sur le prix, fixé à 143.723 euros, la somme de 115.000 euros.

Elle a refusé le 20 décembre 2010 de prendre livraison du bien, faisant connaître qu'elle demandait la résolution amiable du contrat de vente, suite à la réception le 20 septembre 2010 du contrat de services proposé par la société AQUARELIA GESTION, gestionnaire de services.

Elle a fait assigner à jour fixe le 15 février 2011 la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON, la société AQUARELIA GESTION et la SA PURE INVEST devant le tribunal de grande instance de GRENOBLE afin, notamment, d'annulation du contrat de réservation et de restitution des sommes réglées, outre dommages-intérêts.

Par jugement du 22 septembre 2011, le tribunal de grande instance de GRENOBLE a :

- déclaré recevable l'action [de] Madame X.,

- débouté Madame X. de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Madame X. à payer à la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON la somme de 28.744,57 euros TTC au titre du solde du prix outre intérêts au taux conventionnel à compter du 20 décembre 2010,

- condamné Madame X. à payer à la société AQUARELIA GESTION d'une part, et à la SAS VALORITY FRANCE d'autre part, la somme de 2.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame X. aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Mathieu WINCKEL et de Maître Bernard COLLOMB.

 

Madame X. a relevé appel de la décision le 18 novembre 2011.

Dans le dernier état de ses conclusions du 10 février 2012, au visa des articles 1108 et suivants, 1129 et 1110 du Code civil, L. 132-1 et L. 122-1 du code de la consommation, L. 261-11 du code de la construction et de l'habitation, du principe de la prohibition des engagements perpétuels, elle demande de :

- réformer le jugement,

- dire que sont indéterminés les objets de la promesse de contracter et du contrat de réservation, qu'elle a commis une erreur sur la substance de la chose entachant de nullité la promesse de contracter, le contrat de réservation et le contrat de vente authentique,

- prononcer l'annulation du contrat de vente pour erreur sur la substance et pour non-respect de l'article L. 261-11 du code de la construction et de l'habitation,

- constater que le contrat de services soumis à sa signature serait nul s'il était conclu en l'état,

- annuler le contrat de réservation et le contrat de vente authentique,

- dire qu'elle ne peut être contrainte de conclure le contrat de services soumis à sa signature,

- condamner la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON à lui payer à titre de restitution :

* le prix de vente déjà payé : 114.978,43 euros,

* les frais liés à la publicité foncière : 1.075 euros,

* les frais d'obtention du règlement de copropriété : 130 euros,

* les honoraires du notaire 1.693,12 euros,

- dire que les 20 % du prix de vente, soit 28.744,57 euros consignés, devront lui être restitués,

- subsidiairement, si le contrat de vente authentique n'était pas annulé :

* annuler le contrat de réservation contenant la promesse de contracter, dire abusive et par conséquent réputée non écrite la clause de révision des prix,

* au visa de l'article 1147 du Code civil, constater les fautes des sociétés AQUARELLE PROMOTION VOIRON, PURE INVEST et VALORITY FRANCE, dire qu'elles engagent leur responsabilité contractuelle,

- à titre principal, si l'ensemble de l'opération était annulé, condamner la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON, la SA PURE INVEST et la société VALORITY FRANCE in solidum à lui payer les sommes suivantes à titre d'indemnisation :

* 4.096,10 euros au titre de son préjudice matériel,

* 5.000 euros au titre de son préjudice moral,

À titre subsidiaire, si l'ensemble contractuel était maintenu, condamner la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON, la SA PURE INVEST et la société VALORITY FRANCE, in solidum, à lui payer les sommes suivantes à titre d'indemnisation :

* 160.200 euros au titre de son préjudice matériel,

* 5.000 euros au titre de son préjudice moral ;

en tout état de cause, débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles, et condamner la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON, la société AQUARELIA GESTION, la SA PURE INVEST et la société VALORITY FRANCE à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de Maître Jean ROBICHON.

Elle fait valoir que le contrat de réservation ne précise ni le prix, ni le contenu exact des prestations, ni le nom du gestionnaire, ni la manière dont il serait choisi, que la notice descriptive ne comporte aucune information relative à ses services pas plus que le descriptif technique sommaire.

Elle soutient n'avoir été informée que le 20 septembre 2010, à réception du contrat de service, de la charge induite des services imposés.

Elle indique avoir fait publier son assignation à la Conservation des Hypothèques.

Elle soutient qu'existe un véritable lien entre le contrat de réservation et l'acte authentique, que le contrat de réservation crée un lien entre l'acte authentique et la souscription du contrat de services, que la nullité de l'un doit emporter la nullité de l'autre.

1 - Elle invoque, par application des articles 1108 et 1129 du Code civil, la nullité de la promesse de souscrire le contrat de services et donc du contrat de réservation et de vente authentique du fait de l'indétermination :

- de son objet,

- de son prix,

2 - elle invoque encore la nullité de la promesse pour erreur sur la substance, en l'espèce sur le contenu, la modulation et le coût des prestations proposées, du fait d'une information incomplète, la modulation maximum portant sur 177 euros.

3 - elle soutient que la nullité du contrat de réservation entraîne nullité du contrat de vente puisque l'existence des services est une condition déterminante de son acquisition, et qu'elle n'aurait jamais acheté ce bien si elle avait su qu'elle devrait payer près de 900 euros de charges mensuelles sans aucune possibilité de les diminuer de façon significative.

Elle fait valoir qu'elle dispose en effet d'une retraite mensuelle de 1.143 euros.

4 - elle invoque encore le non-respect de l'article L. 261-11 du code de la construction et de l'habitation qui fait obligation au vendeur, à peine de nullité, de remettre à l'acquéreur le règlement de copropriété lors de la signature du contrat, communiqué préalablement.

5 - elle invoque la nullité du contrat de services proposé, qui ne désigne pas les cocontractants ni l'objet, et présente un caractère perpétuel prohibé, ainsi que des clauses abusives au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation en ce qu'elles permettent notamment au professionnel de modifier unilatéralement le contrat ainsi que les caractéristiques du service fourni sans raison valable et spécifiée ;

6 - elle récuse l'application à l'espèce des articles 41-1 et suivants de la loi du 10 juillet 1965 instaurant le régime des résidences services lequel prévoit : « le règlement de copropriété peut étendre l'objet du syndicat des copropriétaires à la fourniture, aux occupants de l'immeuble, de services spécifiques, notamment de restauration, de surveillance, d'aide ou de loisirs. Ces services peuvent être procurés en exécution d'une convention avec des tiers » puisqu'aucune disposition de règlement de copropriété ne prévoit l'extension de l'objet du syndicat à la fourniture de services.

À titre subsidiaire, elle invoque la responsabilité contractuelle de la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON, de la SA PURE INVEST et de la société VALORITY FRANCE au titre d'un manquement à leur obligation de conseil renforcé comme conseillers en gestion de patrimoine.

Elle détaille son préjudice, et notamment l'immobilisation des sommes versées, comme le préjudice moral, et, à titre subsidiaire, si la vente n'était pas annulée, celui résultant du paiement des services en question durant toute la durée de son occupation, qu'elle évalue forfaitairement à la somme de 160.200 euros.

 

La SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON demande de son côté par conclusions du 22 mai 2012 :

- confirmation du jugement et, y ajoutant, de :

- condamner Madame X. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, distraits au profit de Maître COLLOMB, avocat.

Elle soutient qu'Madame X. ne peut se prévaloir du contrat de réservation pour invoquer la nullité de la vente en état futur d'achèvement, que la VEFA n'est pas indissociable du contrat de services, lié à l'occupation et à l'utilisation du bien et non à la propriété de ce dernier, qu'ainsi le prix de vente n'avait pas à intégrer le prix des prestations du futur gestionnaire, que le contrat de services n'est pas l'accessoire de la vente.

Elle fait valoir que l'acte de vente renvoyait au règlement de copropriété qui stipule en son article 19 « étant donné la destination de l'immeuble, en résidences services seniors, les appartements ne peuvent être loués qu'à des personnes seniors. Les résidents quels qu'ils soient seront tenus de signer un contrat de services avec le gestionnaire comportant les services suivants : accueil, restauration (les repas non pris pouvant être décomptés du forfait mensuel), animation, assistance ».

Elle soutient que le contrat préliminaire de vente n'emporte aucune obligation d'acquérir et n'a plus vocation à s'appliquer à compter de la signature de l'acte définitif, soit le 28 décembre 2009, qui se substitue à ce contrat préliminaire.

Elle indique ainsi que l'indétermination du prix de ce contrat de réservation renvoyant à la signature d'un bail commercial ou d'un contrat de services ne peut rejaillir sur la validité de l'acte définitif de vente, que la promesse de contracter une convention de services ne découle pas de ce contrat de réservation mais seulement de la destination de l'immeuble, contenue dans le règlement de copropriété.

Elle soutient encore que les résidences services sont régies par les articles 41-1 à 41-5 de la loi du 10 juillet 1965 et les articles 39-2 à 39-7 du décret du 17 mars 1967, d'ordre public, qu'ainsi l'obligation de souscrire une convention avec un organisme tiers chargé d'assurer les services est imposée par la loi, qu'ainsi la nullité pour indétermination du prix ne peut être retenue au motif que le détail du coût des services n'était pas annexé au règlement de copropriété, s'agissant de charges futures n'incombant pas au vendeur et ne constituant pas un élément du prix :

L'obligation de souscrire une convention de services ne résulte selon elle ni du contrat de réservation ni de la VEFA mais du statut particulier de l'immeuble et de la destination de ce dernier, visés dans le règlement de copropriété, ce régime des résidences services étant un impératif découlant de la loi.

Elle soutient que l'obligation de souscrire un contrat de services concerne seulement les rapports entre l'acquéreur du lot et le gestionnaire, et non ceux existant entre le vendeur et l'acquéreur, que si l'accessoire suit le principal, la réciproque n'est pas vraie, qu'ainsi Madame X. n'a pu être induite en erreur ni même trompée, qu'elle est donc mal fondée à invoquer l'indétermination du prix comme la nullité du contrat de vente.

Concernant le contrat de services, elle soutient que le défaut de conseil invoqué ne peut rejaillir sur la validité du contrat de vente.

Elle relève à cet égard que la notice de commercialisation diffusée auprès des acquéreurs potentiels fait ressortir un coût des services supérieur à celui demandé in fine par le gestionnaire AQUARELIA.

Elle souligne que le contrat de services souscrit ne peut être perpétuel puisque le contrat lié entre le syndicat de copropriété et le gestionnaire est conclu pour une durée déterminée.

Elle invoque l'article R. 261-14 du code de la construction et de l'habitation pour soutenir le bien-fondé de sa demande en paiement du solde restant dû sur le prix, soit 28.744,57 euros TTC, outre intérêts conventionnels à concurrence de 1 % par mois de retard calculés à compter du 21 décembre 2010, date de la livraison, soit 287,44 euros par mois de retard.

 

La SA PURE INVEST et la société VALORITY FRANCE demandent dans leurs conclusions du 10 avril 2012 de :

- confirmer le jugement,

- condamner Madame X. ou qui mieux le devra à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC.

Elles reprennent les termes du contrat de réservation, constitutifs selon elles d'une information détaillée [de] Madame X.

Elles font valoir que le contrat de réservation n'est qu'un contrat préliminaire, indicatif et prévisionnel, qu'ainsi il doit être dissocié de l'acte authentique de vente.

Elles invoquent l'indépendance du contrat de réservation, qui ne peut être assimilé à une promesse unilatérale de vente, et du contrat de vente.

Elles soulignent encore que la société VALORITY FRANCE est agent immobilier et que son obligation d'information et de conseil doit être appréciée au regard de la mission confiée par le promoteur vendeur.

À cet égard, elles font valoir que le contrat de réservation comporte les mêmes services que le contrat de services, que l'objet du contrat de services est bien déterminé, que le coût de ces derniers a été indiqué à titre prévisionnel par le promoteur à un montant de 950 euros maximum dans la plaquette de novembre 2008 dont Madame X. a eu connaissance alors que le tarif du 1er mars 2010 qui lui était proposé est de 890 euros.

Elles soutiennent encore que l'acquéreur ne peut se prévaloir des mentions du contrat préliminaire pour prétendre à l'existence d'une erreur ayant vicié son consentement, que les dispositions de l'acte de vente doivent prévaloir puisqu'il efface le contrat de réservation.

Elles font valoir que l'obligation de souscrire un contrat de services résulte de l'acte authentique et non du contrat de réservation, que la responsabilité de la société VALORITY doit s'apprécier à la date de signature du contrat de réservation, à laquelle les indications relatives au contenu des services étaient par nature prévisionnelles.

Elles ajoutent encore [que] Madame X. a disposé du règlement de copropriété.

Elles demandent en conséquence la mise hors de cause de la société VALORITY FRANCE, et, au besoin, d'être relevées et garanties par la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON de toute indemnité pouvant être mise à leur charge, par application de l'article 12 de la Convention de commercialisation puisque la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON a expressément validé le contrat de réservation et procédé à la signature de l'acte authentique de vente.

Elles contestent enfin des préjudices tels qu'évalués par Madame X.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Deux contrats préliminaires de vente en l'état futur d'achèvement ont été signés par Madame X. le 9 janvier 2009, l'un concernant l'un des 88 parkings intérieurs n° 33 de la [résidence], l'autre l'un des 88 logements de la résidence, l'appartement numéro 416 d'une surface habitable de 32,55 m², au prix de 143.783 euros TTC payable comptant.

Le contrat concernant le logement contient un article n°4 ainsi libellé :

« tout copropriétaire sera tenu à signer avec le gestionnaire de la résidence soit un engagement de location par bail commercial soit un contrat de services. Les propriétaires ne signant pas de bail commercial avec le gestionnaire seront tenus de signer ce contrat de services s'ils sont eux-mêmes occupants en tant que seniors non dépendants, ou tenus de le faire signer par leurs occupants eux-mêmes seniors non dépendants, à titre onéreux ou gratuit. Ces services fournis par le gestionnaire comportent : aide à la personne dans son appartement, accueil, restauration, animation, assistance »

La notice descriptive datée du 9 septembre 2009 ne s'attache qu'aux caractéristiques techniques des parties communes de l'immeuble et de ses parties privatives.

Le règlement de copropriété adressé au notaire est daté du 20 novembre 2009. Document de 72 pages, il inclut en p. 62 et 63 un article 19 al. 3 selon lequel :

« les résidents quel qu’ils soient, seront tenus de signer un contrat de services avec un gestionnaire comportant les services suivants : accueil, restauration (les repas non pris étant décomptés du forfait mensuel), animation, assistance. »

Ni le prix, ni la nature, ni les modalités et obligations contractuelles ne sont à ce stade déterminés s'agissant d'une VEFA.

La règlement de copropriété n'est ni repris, ni visé par l'acte définitif de vente du 28 décembre 2009 établi par Maître A., notaire à [ville M.] ni ne porte le paraphe [de] Madame X.

Il n'est pas justifié de la remise par les sociétés du document publicitaire et d'information sur les services et leur coût, ou leur caractère modulable par les sociétés AQUARELLE PROMOTION VOIRON, la société AQUARELIA GESTION

Le contrat de services, seul de nature à informer précisément Madame X. sur la portée, la nature et le prix de services, fixés au 1er mars 2010 à 890 euros mensuels selon le document joint, ne lui a été adressé par lettre aux termes comminatoires que le 20 septembre 2010 par la société AQUARELIA afin de signature, sans précision jusqu'alors du caractère imposé des prestations servies et des limitations des services « à la carte » auxquelles sa situation personnelle (présence de ses enfants à proximité immédiate de la résidence) lui permettait de prétendre.

Ces éléments doivent être considérés notamment au regard des exigences auxquelles sont soumis les contrats d'hébergement pour personnes âgées fixées par l'article L. 342-2 du code de l'action sociale et de la famille tel que modifié par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, qui fixe les informations dont doit disposer le résident :

« Le contrat est à durée indéterminée ; il précise les conditions et les modalités de sa résiliation. Il comporte en annexe un document contractuel décrivant l'ensemble des prestations qui sont offertes par l'établissement et indiquant le prix de chacune d'elles, fixé conformément au premier alinéa de l'article L. 342-3. Le document est complété en cas de création d'une nouvelle prestation.

Ce document détermine aussi les conditions de facturation de chaque prestation en cas d'absence ou d'hospitalisation du souscripteur.

Le contrat précise les prestations dont le souscripteur a déclaré vouloir bénéficier. Un avenant au contrat est établi lorsque, pendant la durée du contrat, le résident demande le bénéfice d'une prestation supplémentaire ou renonce à une prestation. »

Ils doivent aussi être analysés au regard des exigences de l'article 1602 du code civil, explicitées par l'article L. 111-1 du code de la consommation selon lequel, dans sa version de la loi 93-949 du 26 juillet 1993 :

« I - tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service »

En l'espèce, le manque d'informations sur ce contrat de services, s'agissant a fortiori d'un contrat accessoire d'une vente, a été déterminant du consentement [de] Madame X. à l’acquisition.

Il est de nature à caractériser un dol de la part d'un professionnel à l'égard d'une personne par définition âgée, dont les ressources limitées (pièces n° 15) selon ses déclarations non contestées, à 1.143 euros par mois, lui permettaient difficilement, si elle l'avait souscrit, de faire face aux obligations imposées par ce contrat de services.

Cependant, la circonstance qu'il s'agit d'une vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement est de nature à exonérer en l'état, le vendeur de tout caractère délibéré puisque le coût, les modalités, et les caractéristiques du contrat de services n'ont été déterminés en l'espèce que postérieurement à la vente.

Ce manquement à l'obligation d'information est en revanche constitutif de l'erreur substantielle [de] Madame X. qui n'aurait pas contracté si elle avait été exactement informée de la rigidité du contrat de services associé au contrat de vente. Cette erreur touche ainsi la substance même de la chose vendue. La nullité de la vente sera prononcée sur le fondement de l'article 1110 du code civil.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme la décision déférée et statuant à nouveau :

- prononce la nullité de la vente du 28 décembre 2009,

- ordonne en conséquence la restitution à la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON des lots n° 33 et 161, constitués d'un appartement et d'un garage en l'état futur d'achèvement dans la copropriété sise à [...],

- ordonne la publication de cette décision à la conservation des Hypothèques à la charge de la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON,

- condamne la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON à payer à Madame X. à titre de restitution :

* le prix de vente déjà payé : 114.978,43 euros,

* les frais liés à la publicité foncière : 1.075 euros,

* les frais d'obtention du règlement de copropriété : 130 euros,

* les honoraires du notaire 1.693,12 euros,

- dit que les 20 % du prix de vente, soit 28.744,57 euros consignés, devront lui être restitués,

- condamne la SARL AQUARELLE PROMOTION VOIRON à payer à Madame X. la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés directement au profit de Maître Jean ROBICHON, avocat.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président