CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 19 septembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4873
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 19 septembre 2014 : RG n° 12/09906
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Que si le contrat de surveillance postérieurement souscrit stipule, en son article 13, l'indivisibilité avec le contrat de location du matériel, cette stipulation est sans effet vis-à-vis du bailleur financier qui ne l'a pas souscrite au jour de la location financière ni postérieurement, et ne peut avoir d'effet que sur le contrat de surveillance lui-même si la location financière venait à être interrompue pour une raison quelconque, mais n'a pas d'effet en sens inverse, dès lors qu'il n'a pas été rapporté la preuve qu'au moment de la souscription de la location financière, il avait été prévu la souscription d'un contrat de prestation de surveillance ; Considérant, dès lors, qu'aucun contrat de prestation de surveillance n'existant concomitamment à la souscription de la location financière du matériel, que la résiliation du contrat de prestation souscrit ultérieurement après plusieurs mois d'exécution du bail financier, ne saurait avoir une incidence sur le déroulement de ce dernier, le prétendu lien invoqué n'ayant nullement été démontré ».
2/ « Considérant, par ailleurs, que pour justifier sa demande de résiliation du contrat de location financière, par sa lettre du 4 février 2010, la société R. prétend qu'en réservant au seul bailleur la faculté de résiliation en cas de défaillance du locataire, la clause de l'article 10.1 dudit contrat créerait un déséquilibre significatif proscrit par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, le locataire ne bénéficiant pas de la même faculté en cas de défaillance du bailleur ;
Mais considérant que l'obligation du bailleur de délivrance du matériel loué au profit du locataire est une obligation à exécution instantanée qui a été accomplie dès l'origine du contrat, tandis que l'obligation du locataire de payer mensuellement les loyers durant plus de 5 ans est une obligation à exécution successive justifiant la stipulation d'une faculté unilatérale de résiliation au seul profit du bailleur en cas de défaut d'exécution par le locataire, de sorte que, contrairement à ce que soutient à tort l'appelante, la clause critiquée ne crée pas le déséquilibre significatif allégué ; Qu'en conséquence, la demande de résiliation du 4 février 2010 par la locataire est inopérante ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 5 – CH. 11
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/09906. Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 avril 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2011037841.
APPELANTE :
SA R. STE D'EXPLOITATION
Représentée par Maître Bruno SAUTELET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1344
INTIMÉE :
SAS SIEMENS LEASE SERVICES
agissant poursuites et diligences de son Président y domicilié en cette qualité, Représentée par Maître Ferhat ADOUI de la SCP DIEBOLT-ADOUI AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0288 ; Représentée par Maître Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Paul André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, Faisant Fonction de Président, Mme Marie-Annick PRIGENT, Conseiller, Mme Irène LUC, Conseiller, désignée par Ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT : contradictoire ; par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; signé par Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, faisant fonction de président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par contrat en date des 27 et 31 janvier 2008, la SA R. (société R.) a souscrit une location financière auprès de la SAS SIEMENS LEASE SERVICES (société SIEMENS) d'une durée de 63 mois, moyennant un loyer mensuel de 575 euros HT, concernant un matériel de vidéo-surveillance acquis par la bailleresse auprès de la société ACMT Sud-ouest (société ACMT), au prix de 34.592,55 euros TTC. Le matériel a été réceptionné sans réserve selon procès-verbal signé le 29 janvier 2008 par la locataire. La société R. a cessé de payer les loyers à partir du 1er mars 2010.
Après mise en demeure de payer infructueuse du 5 janvier 2011, la société SIEMENS a notifié la résiliation contractuelle du bail par lettre du 25 janvier suivant. Le 22 avril 2011, elle a attrait la société R. devant le tribunal de commerce de Paris en vue de constater la résiliation du contrat, en demandant la restitution du matériel sous astreinte et le versement :
- des loyers arriérés à hauteur de 8.959,83 euros TTC, majorés des indemnités d'impayés (sans plus de précisions) du 1er mars 2010 au 1er janvier 2011 et des intérêts au taux conventionnel de 1,5 % par mois à compter de chaque échéance et anatocisme,
- de l'indemnité contractuelle de résiliation d'un montant de 16.456,50 euros, augmentée des intérêts conventionnels à compter du 25 janvier 2011 et anatocisme également,
- outre 4.000 euros de frais irrépétibles.
S'y opposant, la société R. a reconventionnellement sollicité une indemnité d'un montant de 4.169,58 euros au titre « du déséquilibre créé » et la répétition de l'indu à hauteur de 4.169,58 euros également, correspondant à des loyers réglés à partir de septembre 2009, époque à laquelle, selon la locataire, le prestataire n'a plus été en mesure de fournir la prestation de surveillance, outre 2.500euros de frais non compris dans les dépens.
Par jugement contradictoire du 11 avril 2012 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a constaté la résiliation du contrat de location financière, ordonné la restitution du matériel sous astreinte de 50euros par jour de retard pendant 30 jours et a condamné la société R. à payer à la société SIEMENS :
- 8.995,70 euros, au titre des loyers arriérés, majorés des intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de chaque échéance mensuelle impayée,
- 15.629,55 euros au titre de l'indemnité de résiliation, augmentée des intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de la résiliation du 25 janvier 2011.
Outre 1.300 euros de frais irrépétibles.
Vu l'appel interjeté le 31 mai 2012, par la société R. et ses ultimes écritures télétransmises le 21 mai 2014 réclamant 5.000 euros de frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en sollicitant les mêmes demandes reconventionnelles qu'en première instance et en soutenant :
- à titre principal, que la résiliation du 27 janvier 2010 par le liquidateur judiciaire de la société ACMT de son contrat de prestation de service de surveillance a entraîné la caducité de la location financière avec la société SIEMENS en raison de « l'indivisibilité des contrats »,
- subsidiairement, que la résiliation du bail de matériel est survenue le 4 février 2010.
Vu les dernières conclusions télétransmises le 3 juin 2014 par la société SIEMENS réclamant 3.000 euros de frais non compris dans les dépens, demandant d'écarter des débats la pièce n° 11 « faisant référence à certaines prestations d'abonnement » communiquée le 21 mai 2014 seulement par l'appelante, ou de la déclarer fausse en application des articles 287 à 295 et 299 du code de procédure civile, faisant valoir que la société ACTM, ni son liquidateur judiciaire n'ont été appelés dans la cause et, pour le surplus, poursuivant la confirmation du jugement sauf à le réformer en ce qu'il a réduit le montant de l'indemnité de résiliation en priant la cour de la porter à hauteur initialement demandée de 16.456,50 euros, outre les intérêts au taux conventionnel à compter de la résiliation du 25 janvier 2011 et anatocisme.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant, liminairement, qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce n° 11 de l'appelante produite le 21 mai 2014, l'intimée ayant pu conclure ultérieurement en la commentant abondamment, et qu'en affirmant, par ailleurs, que ladite pièce n'a jamais fait partie du contrat originel de location, la société SIEMENS n'en démontre pas pour autant que son contenu serait faux, de sorte que sa demande correspondante ne saurait être accueillie ;
Qu'il résulte du procès-verbal du 29 janvier 2008, que la société ACMT (fournisseur) a livré à la société R. le matériel acquis par la société SIEMENS en sa qualité de bailleresse financière, l'existence d'aucun lien contractuel, notamment entre les société R. et ACMT, n'ayant été établi à cette même époque ;
Considérant aussi, qu'en se bornant à relever que le contrat de location financière du matériel de télésurveillance précise que le bailleur en passe commande auprès de la société ACMT, l'appelante ne rapporte pas pour autant la démonstration, qui lui incombe, de ce que dès l'origine les parties avaient prévu la souscription d'un contrat de surveillance avec un prestataire extérieur, l'obligation de maintenance et d'entretien du matériel stipulée au bail n'impliquant nullement la souscription d'une prestation de surveillance ;
Qu'au surplus, il n'est pas contesté que le contrat de surveillance invoqué par l'appelante n'a été souscrit que plusieurs mois après la signature de la location financière, période pendant laquelle la société R. a normalement acquitté les loyers mensuels sans prétendre que l'utilisation du matériel de télésurveillance nécessitait obligatoirement l'intervention d'un prestataire de surveillance, de sorte que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société R. ne démontre pas la volonté des parties de créer, au moment de la souscription du bail, une indivisibilité entre la location financière et un autre contrat et ne rapporte pas davantage la preuve de ce que lors de la souscription de la location financière du matériel, cette dernière aurait aussi constitué l'accessoire du contrat de prestation de télésurveillance invoqué, celui-ci n'ayant été souscrit que plusieurs mois plus tard ;
Que si le contrat de surveillance postérieurement souscrit stipule, en son article 13, l'indivisibilité avec le contrat de location du matériel, cette stipulation est sans effet vis-à-vis du bailleur financier qui ne l'a pas souscrite au jour de la location financière ni postérieurement, et ne peut avoir d'effet que sur le contrat de surveillance lui-même si la location financière venait à être interrompue pour une raison quelconque, mais n'a pas d'effet en sens inverse, dès lors qu'il n'a pas été rapporté la preuve qu'au moment de la souscription de la location financière, il avait été prévu la souscription d'un contrat de prestation de surveillance ;
Considérant, dès lors, qu'aucun contrat de prestation de surveillance n'existant concomitamment à la souscription de la location financière du matériel, que la résiliation du contrat de prestation souscrit ultérieurement après plusieurs mois d'exécution du bail financier, ne saurait avoir une incidence sur le déroulement de ce dernier, le prétendu lien invoqué n'ayant nullement été démontré ;
Qu'en conséquence, la demande de remboursement des loyers du bail de matériel au motif que le prestataire de surveillance n'aurait plus été en mesure d'assurer sa prestation n'est pas fondée ;
Considérant, par ailleurs, que pour justifier sa demande de résiliation du contrat de location financière, par sa lettre du 4 février 2010, la société R. prétend qu'en réservant au seul bailleur la faculté de résiliation en cas de défaillance du locataire, la clause de l'article 10.1 dudit contrat créerait un déséquilibre significatif proscrit par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, le locataire ne bénéficiant pas de la même faculté en cas de défaillance du bailleur ;
Mais considérant que l'obligation du bailleur de délivrance du matériel loué au profit du locataire est une obligation à exécution instantanée qui a été accomplie dès l'origine du contrat, tandis que l'obligation du locataire de payer mensuellement les loyers durant plus de 5 ans est une obligation à exécution successive justifiant la stipulation d'une faculté unilatérale de résiliation au seul profit du bailleur en cas de défaut d'exécution par le locataire, de sorte que, contrairement à ce que soutient à tort l'appelante, la clause critiquée ne crée pas le déséquilibre significatif allégué ;
Qu'en conséquence, la demande de résiliation du 4 février 2010 par la locataire est inopérante ;
Considérant que l'appelante n'a pas expressément critiqué le décompte effectué dans le jugement et que pour prétendre infondées les sommes réclamées par le bailleur, la société R. soutient que « dans l'hypothèse d'une résiliation opérée à son initiative, cette clause aurait pour conséquence d'interdire purement et simplement une telle résiliation eu égard à l'impact financier subi par la locataire » ;
Mais considérant que ce moyen est inopérant, dès lors que la locataire ne bénéficie pas de la faculté unilatérale de résiliation ;
Considérant que la société SIEMENS sollicite le plein de ses demandes formulées en première instance ;
Que le tribunal a indiqué « minorer l'ensemble des clauses pénales » sans précision en opérant une diminution du montant des loyers échus, ce qui excède les pouvoirs du juge du fond, l'article 1152 du code civil limitant les pouvoirs de celui-ci à l'éventuelle minoration de la seule clause pénale ;
Qu'il résulte de la combinaison des articles 4.4, 10.1 et 10.2 du contrat de location financière que les loyers échus impayés sont chacun majorés à hauteur forfaitaire de 100 euros et des intérêts contractuels à compter de chaque échéance mensuelle, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'octroyer en sus une indemnité au titre des frais irrépétibles de la société SIEMENS tant en première instance qu'en appel ;
Qu'en outre, le bail stipule une indemnité de résiliation et une pénalité égale à 6 % du montant HT de l'indemnité de résiliation ;
Considérant que l'indemnité due en cas de résiliation pour inexécution du contrat qui, tant par l'anticipation de l'exigibilité des échéances impayées dès la résiliation du contrat que par le paiement d'une pénalité de 6 %, est stipulée à la fois pour contraindre le débiteur à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par la société s'analyse bien en une clause pénale susceptible d'être modérée ou augmentée conformément à l'article 1152 alinéa 2 du code civil et non en une clause de dédit ;
Que l'indemnité entière prévue à l'article 10.2 du contrat constituée de la somme des mensualités à échoir majorée d'une pénalité de 6 % est susceptible d'être modérée si elle apparaît manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi ;
Que le paiement par la société R. de la somme de 16.456 euros sollicitée par la société SIEMENS correspondant à la somme des mensualités à échoir augmentée d'une pénalité de 6 % au titre de la clause pénale entraînerait une disproportion excessive mise à sa charge eu égard au préjudice effectivement subi par la société créancière, qui sera ainsi remboursée de son investissement et indemnisée du profit auquel elle peut prétendre ; qu'il convient donc de réduire cette somme à 9.000 euros ; que le jugement sera réformé sur le montant des sommes allouées ;
Que par ailleurs, les intérêts au taux contractuel ne sont applicables qu'à compter de la mise en demeure de payer du 5 janvier 2011 en ce qui concerne les loyers échus avant résiliation, et à compter de l'assignation du 22 avril 2011 valant mise en demeure, en ce qui concerne l'indemnité de résiliation, l'anatocisme n'étant applicable, quant à lui, qu'à compter de la demande judiciairement formulée pour la première fois dans l'acte introductif d'instance ;
Que la société R. est en conséquence redevable vis-à-vis de la société SIEMENS de :
- 11 loyers échus impayés, soit 6.325 euros HT, augmentés des 11 indemnités mensuelles de 100 euros chacune pour frais, soit au total 7.425 euros outre la TVA au taux de 19,6 % applicable à l'époque des faits,
- une indemnité de résiliation égale à 9.000 euros outre les intérêts de retard et leur capitalisation annuelle ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Maintient la pièce n° 11 de l'appelante dans les débats,
Rejette la demande de faux de la société SIEMENS LEASE SERVICES à l'encontre de ladite pièce n° 11,
Réforme le jugement sur le montant des sommes allouées et l'indemnité pour frais irrépétibles,
Le confirme pour le surplus,
Condamne la SA R. à payer à la SAS SIEMENS LEASE SERVICES :
- 7.425 euros, outre TVA au taux de 19,6 %, au titre des loyers échus impayés et de l'indemnité forfaitaire pour frais sur loyers impayés,
- 9.000 euros, au titre de l'indemnité de résiliation et de la pénalité forfaitaire,
Précise que les montants des sommes HT pour les loyers échus impayés sont majorés des intérêts de retard au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2011 en ce qui concerne les loyers échus avant résiliation et les frais forfaitaires de 100 euros par échéance mensuelle, et à compter du 22 avril 2011 en ce qui concerne l'indemnité de résiliation et la pénalité forfaitaire réduite,
Dit que, dans tous les cas, la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil s'appliquera à compter du 22 avril 2011,
Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SA R. aux dépens d'appel,
Admet l'avocat postulant de la SAS SIEMENS LEASE SERVICES au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
- 6169 - Code de commerce (L. 442-6-I-2° C. com. ancien) - Domaine de la protection - Victime : partenaire commercial
- 6211 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Locations financières avec option d’achat
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte