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CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 juin 2012

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 juin 2012
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 2
Demande : 10/03492
Date : 19/06/2012
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 24 septembre 2013
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4892

CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 juin 2012 : RG n° 10/03492

(sur pourvoi Cass. com., 24 septembre 2013 : pourvoi n° 12-23353)

Publication : Jurica

 

Extrait : « que les prestations décrites sont distinctes des simples relations d'achat et vente ; que les factures émises par EUROCHAN non seulement n'ont, à aucun moment, été contestées par LES JAMBONS DU COTENTIN, mais ont été payées par le fournisseur pour un montant total de 797.795,00 euros ; que si, par lettre en date du 3 octobre 2006 à EUROCHAN « Echéancier Coopération commerciale », le fournisseur fait état de l'impossibilité de s'acquitter des sommes dues, il ne conteste pour autant nullement le principe de la dette ; que par ailleurs, dès lors que, par protocole conclu le 5 décembre 2006, EUROCHAN et LES JAMBONS DU COTENTIN ont convenu, LES JAMBONS DU COTENTIN ont implicitement admis le bien fondé du surplus des sommes facturées ; qu'enfin, l'insuffisance des mentions apposées sur les factures de coopération commerciale au regard de l'obligation de facturation détaillée édictée par l’article L. 441-3 du code de commerce n'est pas de nature à établir que les sommes facturées étaient dépourvues de toute contrepartie réelle ; que Maître G. ès qualités ne rapporte pas la preuve, comme il en a l'obligation conformément à l’article 9 du code de procédure civile, du caractère fictif des prestations facturées ; que le jugement sera en conséquence confirmé sur le rejet de la demande principale de Maître G. ès qualités ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 19 JUIN 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/03492. Jugement (R.G. n° 2009/00964) rendu le 25 mars 2010 par le Tribunal de Commerce de Roubaix-Tourcoing.

 

APPELANTS :

Monsieur G. ès qualité de liquidateur de la SARL LES JAMBONS DU COTENTIN

demeurant [adresse], Représenté par la SCP CARLIER-REGNIER, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués, Assisté de Maître MASSON, avocat au barreau de CAEN

Monsieur L.

le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par la SCP CARLIER-REGNIER, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués, Assisté de Maître MASSON, avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉE :

SAS EURAUCHAN

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par la SELARL Eric LAFORCE, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoué, Assistée de Maître Amélie POULAIN substituant Maître Thomas DESCHRYVER, avocat au barreau de LILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 15 mars 2012 après rapport oral de l'affaire par Patrick BIROLLEAU et Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, et qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2012 après prorogation du délibéré en date du 15 mai 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 février 2012

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Maître G. ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LES JAMBONS DU COTENTIN a assigné la SAS EUROCHAN aux fins de la voir condamner :

- à remboursement des sommes versées au titre d'une coopération commerciale ;

- à paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive des relations commerciales.

Monsieur L., gérant de la société LES JAMBONS DU COTENTIN, est intervenu à l'instance aux fins de condamnation d'EUROCHAN à réparer son préjudice personnel.

Par jugement rendu le 25 mars 2010, le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing a condamné la société EUROCHAN à payer à Maître G. ès qualités la somme de 297.500,00 euros qui viendra en compensation de la créance déclarée par EUROCHAN au passif des JAMBONS DU COTENTIN, rejeté les autres demandes des parties, ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamné EUROCHAN au paiement de la somme de 5.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Maître G. ès qualités et Monsieur L. ont interjeté appel de ce jugement.

 

Par conclusions déposées le 25 janvier 2012, ils demandent :

- de condamner EUROCHAN à payer :

- à Maître G. ès qualités les sommes de :

* 797.795,00 euros au titre de la fausse coopération commerciale, subsidiairement de 244.620,45 euros en application du protocole du 5 décembre 2006 ;

* 1.316.615,00 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture partielle brutale des relations commerciales, de 710.952,05 euros au titre de la rupture abusive de ces relations ;

- à Monsieur L. les sommes de 227.500,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de l'augmentation de capital d'octobre 2007, de 166.309,03 euros de dommages et intérêts en indemnisation de la perte de chance subie ;

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ;

- de condamner EUROCHAN, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à Maître G. ès qualités la somme de 5.000,00 euros et à Monsieur L. celle de 10.000,00 euros.

En ce qui concerne la coopération commerciale, ils soulignent que la société Les JAMBONS DU COTENTIN a été contrainte de conclure des conventions de coopération commerciale pour ne pas être déréférencée par la centrale et que, si elle a réglé certaines sommes à EUROCHAN, ce paiement ne saurait valoir reconnaissance de la dette alléguée ;

- qu'il appartient au distributeur de démontrer la réalité des prestations facturées - réalité dont EUROCHAN ne rapporte pas la preuve - et qu'en signant le protocole du 5 décembre 2006, EUROCHAN a reconnu l'absence de contrepartie réelle des paiements effectués par les JAMBONS DU COTENTIN ;

- subsidiairement, que les services prétendument rendus par le distributeur ne présentent aucune spécificité par rapport aux opérations habituelles entre un vendeur et un acheteur, ainsi pour le paiement centralisé et la diffusion des divers assortiments dans les différentes enseignes qui n'ont aucun caractère distinct des relations d'achat - vente ;

- plus subsidiairement, que le formalisme prescrit par l’article L. 441-3 du code de commerce en matière de rédaction des factures n'a pas été respecté, que la fixation du montant des prestations de manière forfaitaire sans référence au chiffre d'affaires démontre que les prestations n'ont aucune réalité ;

- à titre encore plus subsidiaire, que les sommes réclamées par EUROCHAN sont disproportionnées.

Subsidiairement, les appelants demandent qu'EUROCHAN soit condamnée en application du protocole du 5 décembre 2006 au paiement de la somme de 563.825,92 euros (montant accordé au titre du protocole) - 319.205,47 euros (montant non versé en raison des contestations en cours) = 244.620,45 euros. Ils rejettent toute possibilité de compensation entre la répétition de l'indu, ou le paiement des sommes dues au titre du protocole, et les créances déclarées par EUROCHAN au passif des JAMBONS DU COTENTIN en raison de l'absence de connexité des différentes dettes.

Sur la rupture des relations commerciales, ils soutiennent que la rupture :

- intervenue sans aucun préavis, est brutale ;

- est abusive en ce que le distributeur a exploité la situation de dépendance dans laquelle il avait placé le fournisseur.

Sur les demandes de Monsieur L., ils indiquent que le gérant des JAMBONS DU COTENTIN est fondé à se prévaloir du préjudice que lui a causé la rupture des relations commerciales par EUROCHAN, alors qu'il a respecté les termes du protocole du 5 décembre 2006, qu'il a réalisé un investissement important et qu'avec la liquidation judiciaire de la société, il a perdu son outil de travail.

 

La société EUROCHAN, par conclusions déposées le 25 janvier 2012, conclut :

- sur la demande principale :

- à titre principal, à l'infirmation du jugement entrepris sur la condamnation au paiement de la somme de 297.500,00 euros et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- subsidiairement, à la compensation, avec la créance déclarée par EUROCHAN au passif des JAMBONS DU COTENTIN, des sommes au paiement desquelles EUROCHAN serait condamnée ;

- à titre reconventionnel, à la condamnation solidaire de Maître G. ès qualités et de Monsieur L. au paiement de la somme de 30.000,00 euros de dommages et intérêts pour atteinte à l'image de marque et procédure abusive ;

- à leur condamnation au paiement de la somme de 10.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la coopération commerciale, elle précise que les factures ont été payées, sans aucune contestation, par les JAMBONS DU COTENTIN et que les prestations correspondantes ont eu une réalité et ont été exécutées. Elle ajoute que les conditions ne sont pas réunies pour la libération des sommes séquestrées en l'absence d'augmentation du capital des JAMBONS DU COTENTIN dans le montant et le délai prévus. Sur la rupture des relations commerciales, EUROCHAN prétend qu'il n'y a eu aucune rupture brutale, le distributeur ayant continué à passer des commandes et ayant informé le fournisseur que sa part de marché ne pouvait lui être garantie au-delà de la fin de l'année 2005 ; elle ajoute qu'elle n'était pas tenue de respecter un préavis de rupture en raison des défaillances des JAMBONS DU COTENTIN tant dans la mise en œuvre du protocole du 5 décembre 2006, lequel reconnaît une faculté de résiliation en cas d'inexécution, que dans la qualité des produits fournis. Elle conclut au rejet des demandes de Monsieur L. qui a investit dans la société en connaissance de cause et dont le préjudice allégué n'est pas distinct de celui des JAMBONS DU COTENTIN.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Attendu que la société LES JAMBONS DU COTENTIN, en plan de redressement à partir de 1998, a entretenu des relations commerciales suivies avec la société EUROCHAN à partir de 2001 ; que, compte tenu des difficultés rencontrées par LES JAMBONS DU COTENTIN et du non-règlement, par cette dernière, des sommes dues au titre des accords négociés, EUROCHAN a accepté un étalement sur deux ans du paiement des coopérations commerciales, puis, compte tenu de la baisse du chiffre d'affaires des JAMBONS DU COTENTIN avec AUCHAN, a proposé un moratoire sur les sommes dues par le fournisseur ; que, par protocole en date du 5 décembre 2006, EUROCHAN et LES JAMBONS DU COTENTIN ont convenu d'une part que les coopérations commerciales (remises de fin d'année, diffusion, service et paiement centralisé) sur la période 2004 à 2006 seraient annulées pour les sommes de 223.907,00 euros HT au titre de 2004, de 196.046,00 euros HT au titre de 2005 et de 90.780,00 euros HT au titre de 2006, et qu'un avoir d'un montant de 510.733,00 euros HT serait accordé aux JAMBONS DU COTENTIN, d'autre part que LES JAMBONS DU COTENTIN procèderait à une augmentation de son capital pour un montant compris entre 300.000,00 et 500.000,00 euros, Monsieur L. s'engageant à souscrire à celle-ci pour un montant de 170.000,00 euros, enfin que l'avoir de 510.733,00 euros HT serait remis entre les mains d'un séquestre et serait libéré lors de la réception de l'augmentation de capital ; que, le 13 novembre 2007, la société LES JAMBONS DU COTENTIN a été placée en liquidation judiciaire ; qu'EUROCHAN a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire pour un montant de 319.205,47 euros ;

 

Sur les demandes de Maître G. ès qualités :

Sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de la coopération commerciale :

Attendu, sur la demande principale de Maître G. ès qualités, qu'il n'est pas contesté que la société EUROCHAN a facturé au titre de prestations de coopération commerciale, du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2006, à la société LES JAMBONS DU COTENTIN la somme totale de 1.117.026,44 euros, somme sur laquelle LES JAMBONS DU COTENTIN ont versé à EUROCHAN la somme totale de 797.795,00 euros ;

Attendu que LES JAMBONS DU COTENTIN ont accepté la facturation de prestations de coopération commerciale, ainsi que cela résulte de la signature des conditions générales de vente d'EUROCHAN dont il n'est pas établi qu'elles aient été signées sous la menace d'un déréférencement ; que, sous la rubrique « Prestations centrales », ces documents identifient les prestations de coopération concernées : « Centrale Groupe, paiement centralisé, diffusion des assortiments » ; que les factures émises par EUROCHAN définissent, avec toute la précision nécessaire, les prestations concernées, sous les rubriques « Convention de service de paiement centralisé : regroupement de nos paiements en un seul point », « Convention de service - centrale groupe : intervention auprès de nos différents réseaux d'hypers et supers pour tenir compte des spécificités commerciales de chacun des réseaux », « Convention de service diffusion et validation des assortiments : mise en place des produits contenus dans l'assortiment national, contrôle par nos soins, de leur présence rapide en linéaire et fourniture au fournisseur d'un compte rendu de la mise en place de cet assortiment », « Coopération logistique : mise en place et maintien des outils et des indices pertinents de mesure, notamment pour apprécier les impacts entre les défauts de livraison, les ruptures sur les ventes clients, fourniture de tableaux de performance entrepôt, mensuels ou trimestriels », « Fourniture de statistiques : ce service comprend la diffusion des « sorties de caisse » réalisées par les membre du périmètre défini », « Collaboration marketing : mise à disposition d'une cellule marketing ayant pour mission d'être à l'écoute des attentes marketing du client afin de détecter les créneaux porteurs », « Fourniture des relevés des prix de vente : fourniture des relevés de prix effectués sur les produits du fournisseur dans nos magasins et leurs concurrents sur les zones de chalandise » ; que les prestations décrites sont distinctes des simples relations d'achat et vente ; que les factures émises par EUROCHAN non seulement n'ont, à aucun moment, été contestées par LES JAMBONS DU COTENTIN, mais ont été payées par le fournisseur pour un montant total de 797.795,00 euros ; que si, par lettre en date du 3 octobre 2006 à EUROCHAN « Echéancier Coopération commerciale », le fournisseur fait état de l'impossibilité de s'acquitter des sommes dues, il ne conteste pour autant nullement le principe de la dette ; que par ailleurs, dès lors que, par protocole conclu le 5 décembre 2006, EUROCHAN et LES JAMBONS DU COTENTIN ont convenu, LES JAMBONS DU COTENTIN ont implicitement admis le bien fondé du surplus des sommes facturées ; qu'enfin, l'insuffisance des mentions apposées sur les factures de coopération commerciale au regard de l'obligation de facturation détaillée édictée par l’article L. 441-3 du code de commerce n'est pas de nature à établir que les sommes facturées étaient dépourvues de toute contrepartie réelle ; que Maître G. ès qualités ne rapporte pas la preuve, comme il en a l'obligation conformément à l’article 9 du code de procédure civile, du caractère fictif des prestations facturées ; que le jugement sera en conséquence confirmé sur le rejet de la demande principale de Maître G. ès qualités ;

Attendu, sur la demande subsidiaire de Maître G. ès qualités, que le protocole en date du 5 décembre 2006 a prévu d'une part que la société LES JAMBONS DU COTENTIN s'engageait à ce qu'une assemblée générale extraordinaire soit convoquée avant le 31 décembre 2006 afin que la Holding L. PARTICIPATION procède à une augmentation du capital des JAMBONS DU COTENTIN pour un montant compris entre 300.000,00 et 500.000,00 euros, d'autre part que l'avoir séquestré serait libéré lors de la réception de l'augmentation de capital ; qu'il n'est pas contesté que l'augmentation du capital des JAMBONS DU COTENTIN est intervenue en 2007, à hauteur de 297.500,00 euros ; que les conditions prévues par le protocole sur la convocation d'une assemblée générale, intervenue avant 31 décembre 2006 - cette date ne visant pas l'augmentation de capital - et sur le montant de cette augmentation - opérée en l'espèce pour un montant voisin de 300.000,00 euros - sont réunies ; que Maître G. ès qualités est dès lors fondé à obtenir la libération de la somme, mise sous séquestre, de 244.620,45 euros [correspondant à 563.825,92 euros (montant accordé au titre du protocole) - 319.205,47 euros (montant non versé en raison des contestations du fournisseur)] ; que le jugement sera réformé sur le montant retenu ;

Attendu que la somme réclamée par Maître G. ès qualités, résultant d'un aménagement des modalités d'exécution des accords de coopération commerciale, procède du même contrat à l'origine de la créance régulièrement déclarée par EUROCHAN au passif de la liquidation judiciaire des JAMBONS DU COTENTIN au titre d'un solde de factures de coopération commerciale ; que c'est donc à raison que les premiers juges ont ordonné la compensation judiciaire entre les deux sommes réciproquement dues à titre connexe ;

 

Sur les demandes fondées sur la rupture des relations commerciales :

Attendu, sur le caractère brutal de la rupture des relations commerciales, que, s'il est loisible à tout opérateur économique de mettre fin aux relations engagées avec tout autre agent, il ne peut cependant le faire qu'en respectant une durée minimale de préavis déterminée en référence à la durée de la relation et aux usages du commerce, ainsi que le prévoit l'article L. 442-6-I- 5ème du code de commerce ;

Attendu qu'EUROCHAN ne conteste pas la baisse des commandes passées à la société LES JAMBONS DU COTENTIN à partir de 2005 ; que ne sont à cet égard pas discutés les données communiquées par les appelants faisant état d'un chiffre d'affaires des JAMBONS DU COTENTIN avec AUCHAN de 1.266.623,00 euros en 2001/2002, 1.838.843,00 euros en 2002/2003, 2.275.996,00 euros en 2003/2004, 2.694.327,00 euros en 2004/2005, 1.687.704,00 euros en 2005/2006, 1.484.062,00 euros en 2006/2007, éléments qui révèlent une diminution du chiffre d'affaires réalisé avec AUCHAN de 1.006.623,00 euros en 2005/2006 par rapport à 2004/2005 - soit 37,36 % - et de 1.210.265,00 euros en 2006/2007 par rapport à 2004/2005 - soit 44,91 % ;

Mais attendu que, par lettre du 24 juin 2005, EUROCHAN a informé LES JAMBONS DU COTENTIN d'une part que les éléments du marché (régression du marché de la charcuterie en 2005, croissance du hard discount, récession du circuit hypermarché, marché concurrentiel et dépressif) ne permettaient de garantir, au-delà la fin de l'année 2005, ni sa part de marché, ni son chiffre d'affaires avec AUCHAN, d'autre part que, dans un contexte marqué par une remise en cause, par LES JAMBONS DU COTENTIN, des coopérations commerciales, il convenait que le fournisseur réoriente son activité vers un échelon local et, ainsi que le rappelle par ailleurs le protocole du 5 décembre 2006, diversifie son chiffre d'affaires avec d'autres partenaires, orientation à laquelle a d'ailleurs adhéré la société LES JAMBONS DU COTENTIN selon la lettre d'AUCHAN du 8 novembre 2006 ; qu'en informant le fournisseur des perspectives, au-delà des six mois suivants, de réduction de son chiffre d'affaires avec AUCHAN, la lettre du 24 juin 2005 constitue le point de départ d'un préavis de rupture d'une durée de six mois, durée en l'espèce adaptée à l'ancienneté des relations commerciales - dont il n'est pas allégué qu'elle soit antérieure à l'année 2001 - et à la nature de l'activité ; que, compte tenu du préavis accordé, dont rien ne démontre qu'il n'ait pas été respecté, la rupture partielle des relations commerciales ne présente aucun caractère brutal ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a débouté Maître G. ès qualités de sa demande de condamnation à ce titre ;

Attendu, sur le caractère abusif de la rupture des relations commerciales, que Maître G. ès qualités ne développe aucun grief distinct de celui invoqué au titre de la rupture brutale ; qu'en tout état de cause, il ne saurait invoquer, au soutien d'un prétendu abus de situation de dépendance, la part du chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur avec AUCHAN - 26,75 % - alors que la société LES JAMBONS DU COTENTIN a été invitée, dès le 24 juin 2005, par le distributeur, à diversifier ses partenaires commerciaux et a acquiescé à cette proposition ; que le jugement sera confirmé sur le rejet des demandes de ce chef ;

 

Sur les demandes de Monsieur L. :

Attendu que Monsieur L. invoque la perte occasionnée par la rupture des relations commerciales avec EUROCHAN ; que toutefois l'absence de caractère fautif de la rupture partielle intervenue ne peut ouvrir droit à réparation au gérant de la SARL LES JAMBONS DU COTENTIN ; qu'au surplus, Monsieur L. n'établit pas avoir en l'espèce subi un préjudice distinct de celui de la société LES JAMBONS DU COTENTIN ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur L. de ses demandes sur ce point ;

Attendu qu'EUROCHAN sera déboutée de sa demande de condamnation à dommages et intérêts pour atteinte à l'image de marque et procédure abusive, la preuve ni d'un comportement fautif de Maître G. ès qualités et de Monsieur L. - la seule contestation des conditions de mise en œuvre d'une relation contractuelle étant en soi insuffisante à caractériser un abus - ni, en tout état de cause, d'un préjudice autre que celui indemnisable au titre de l’article 700 du code de procédure civile n'étant en l'espèce rapportée ; que l'équité commande de condamner EUROCHAN à payer à Maître G. ès qualités la somme de 2.500,00 euros au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la SAS EUROCHAN,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la SAS EUROCHAN à payer à Maître G. ès qualités la somme de 244.620,45 euros, cette somme venant en compensation de la créance déclarée par la SAS EUROCHAN au passif de la SARL LES JAMBONS DU COTENTIN,

Condamne la SAS EUROCHAN à payer à Maître G. ès qualités la somme de 2.500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SAS EUROCHAN aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier                                        Le Président

Marguerite Marie HAINAUT         Patrick BIROLLEAU