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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 14 octobre 2014

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 14 octobre 2014
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 11/04347
Date : 14/10/2014
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/09/2011
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2014-024788
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4898

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 14 octobre 2014 : RG n° 11/04347

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-024788

 

Extraits : 1/ « L'assimilation faite par l'article 5 de la loi du 30 décembre 1982, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juin 2003, de l'opération de transport effectuée dans le cadre d'un déménagement, à un transport de marchandises, ne concerne que l'obligation d'insérer au contrat des clauses précisant la nature et l'objet du déménagement, les modalités d'exécution du service, les obligations respectives des parties et le prix des prestations, mais ne s'étend pas aux dispositions du code de commerce relatives à la prescription de l'action contre le voiturier, dans le cadre du contrat de transport de marchandises (article 108 devenu L. 133-6 du code de commerce). L'application des dispositions du code de commerce sur la prescription annale au contrat de déménagement qui comprend, pour partie, une prestation de transport, résulte de la loi du 8 décembre 2009. Or ces dispositions sont entrées en vigueur postérieurement à la conclusion du contrat et ne trouvent donc pas à s'appliquer en l'espèce, contrairement à ce que soutient la Sarl TCF DEMENAGEMENTS et à ce qu'a retenu le tribunal. L'action contre le déménageur est par conséquent soumise à la prescription commerciale de droit commun de dix ans. »

2/ « La Sarl TCF DEMENAGEMENTS invoque, en cause d'appel, le bénéfice de la clause figurant à l'article 15 des conditions générales de vente, selon laquelle « les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier (article 108 du code de commerce) ». Cette clause figure au verso de la lettre de voiture qui ne comporte aucune signature ni paraphe de X., de sorte qu'elle ne lui est pas opposable. L'action intentée dans le délai de dix ans susvisé est donc recevable. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/04347. Appel d'un jugement (R.G. n° 11-10-1536) rendu par le Tribunal d'Instance de GRENOBLE en date du 28 juillet 2011 suivant déclaration d'appel du 29 septembre 2011.

 

APPELANT :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par la SELARL DAUPHIN&MIHAJLOVIC, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, plaidant par Maître MIHAJLOVIC

 

INTIMÉE :

SARL TCF DEMENAGEMENTS

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP POUGNAND, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier,

DÉBATS : À l'audience publique du 16 septembre 2014 Madame JACOB a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon devis du 2 juillet 2008, la Sarl TCF DEMENAGEMENTS s'est engagée à charger le mobilier de X. à [ville C.], mi-août 2008, et à le livrer à Lyon. Le chargement a été réalisé le 28 août 2008.

Invoquant un retard de six jours dans la réception du mobilier et la détérioration de celui-ci, X. a assigné la SARL TCF DEMENAGEMENTS, par acte du 8 juin 2010, devant le tribunal d'instance de Grenoble en paiement des sommes de 6.104,34 euros en réparation de ses préjudices matériels et de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Par jugement du 28 juillet 2011 le tribunal a :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action intentée par X.,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné X. à supporter les dépens.

X. a interjeté appel de cette décision le 29 septembre 2011.

La cour, par arrêt avant dire droit sur l'ensemble des demandes, a invité les parties à présenter leurs observations sur la licéité de la clause insérée à l'article « 15-Prescription » du contrat du 30 septembre 2013, au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Par conclusions notifiées le 31 janvier 2014, X. demande à la cour, par voie de réformation, de :

- dire, à titre principal, que le contrat de déménagement est un contrat d'entreprise et non un simple contrat de transport,

- dire que l'article 15 du contrat est une clause abusive et/ou illicite,

- dire que les conditions générales du contrat lui sont inopposables,

- dire en conséquence qu'il n'y a pas lieu à application de l'article L. 133-6 du code de commerce,

- subsidiairement, dire que la prescription annale de l'article L. 133-6 du code de commerce a été interrompue,

- en conséquence, condamner la SARL TCF DEMENAGEMENTS à lui payer la somme de 5.488,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2010 et la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- en toute hypothèse, débouter la SARL TCF DEMENAGEMENTS de ses demandes,

- condamner la SARL TCF DEMENAGEMENTS à lui verser 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- le contrat, dont l'objet n'est pas limité au seul déplacement de la marchandise puisqu'il inclut également des prestations indissociables les unes des autres d'emballage, montage, manutention et démontage, doit être qualifié de contrat d'entreprise globale,

- il n'est donc pas soumis aux règles spéciales concernant la prescription dans le contrat de transport de l'article 108 du code de commerce, devenu L. 133-6,

- la loi du 12 juin 2003, qui assimile à un transport de marchandise l'opération de transport effectuée dans le cadre d'un déménagement, n'exclut pas la définition jurisprudentielle du contrat de déménagement comme un contrat d'entreprise,

- la loi du 8 décembre 2009 invoquée par la SARL TCF DEMENAGEMENTS est inapplicable au contrat souscrit en août 2008,

- la clause du contrat, qui prévoit l'application du délai d'un an pour agir de l'article L. 133-6, est abusive et/ou illicite comme étant contraire à la jurisprudence constante de l'époque,

- cette clause ne lui est au surplus pas opposable pour figurer au verso de la lettre de voiture qui ne comporte aucune signature ou paraphe de sa part,

- subsidiairement, la prescription a été interrompue par la reconnaissance de responsabilité de la SARL TCF DEMENAGEMENTS qui n'a pas contesté les réserves effectuées, n'a pas répondu à son courrier de réclamation et a fait diligenter une expertise par son assureur, le 30 juin 2009.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 4 février 2014, la SARL TCF DEMENAGEMENTS demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- subsidiairement, dire que l'indemnisation due ne saurait excéder la somme de 1.556,11 euros à dire d'expert, et débouter X. du surplus de ses demandes,

- en tous les cas, condamner X. à lui payer 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Elle fait valoir que :

- si le devis établi le 2 juillet 2008 faisait état de « prestations standard », des prestations complémentaires dites « prestations 1re catégorie » ont été nécessaires en raison de l'impréparation du déménagement par X.,

- ces prestations complémentaires n'étant dues qu'à la carence du client, elles ne sauraient justifier une novation du contrat initial de déménagement/transport en contrat d'entreprise,

- il résulte des conditions générales de déménagement figurant au verso des devis et lettres de voiture signés du déménagé que la prescription annale s'applique contractuellement (article 15),

- cette clause ne fait que reprendre les dispositions de la loi, notamment l'article L. 133-6 du code de commerce relatif à tout transport de marchandise,

- aucune disposition légale protectrice des particuliers ne vient à l'encontre du délai annal institué par l'article 15 des conditions générales du contrat,

- ce délai est suffisamment long pour être protecteur des intérêts du déménagé,

- X. ne peut arguer d'un quelconque déséquilibre, l'absence de saisine du tribunal n'étant due qu'à sa propre carence,

- la prise en charge du mobilier a eu lieu le 28 août 2008 et la livraison effective le 3 septembre 2008 ; l'action engagée le 8 juin 2010 est dès lors prescrite,

- il n'y a pas eu de reconnaissance de responsabilité valant interruption du délai de prescription.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes du devis et de l'exemplaire « chargement » de la lettre de voiture n° XX, la Sarl TCF DEMENAGEMENTS s'est engagée à déménager le mobilier de X. de [ville C.] à Lyon, moyennant la réalisation des prestations « standard ».

Ces prestations sont détaillées dans la lettre d'accompagnement du devis du 2 juillet 2008 et comprennent notamment : « emballage de la vaisselle et de la verrerie, mise sur cintres des vêtements, conditionnement des tableaux, glaces, lampes, lustres et abat-jour, mise sous housse des matelas et sommiers, protection du mobilier, démontage et remontage ».

Ainsi, dès lors que l'objet du contrat n'est pas limité au seul déplacement de la marchandise, mais inclut des prestations d'emballage, protection du mobilier, déballage, démontage et remontage, il s'agit non d'un contrat de transport de marchandises mais d'un contrat d'entreprise.

L'assimilation faite par l'article 5 de la loi du 30 décembre 1982, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juin 2003, de l'opération de transport effectuée dans le cadre d'un déménagement, à un transport de marchandises, ne concerne que l'obligation d'insérer au contrat des clauses précisant la nature et l'objet du déménagement, les modalités d'exécution du service, les obligations respectives des parties et le prix des prestations, mais ne s'étend pas aux dispositions du code de commerce relatives à la prescription de l'action contre le voiturier, dans le cadre du contrat de transport de marchandises (article 108 devenu L. 133-6 du code de commerce).

L'application des dispositions du code de commerce sur la prescription annale au contrat de déménagement qui comprend, pour partie, une prestation de transport, résulte de la loi du 8 décembre 2009.

Or ces dispositions sont entrées en vigueur postérieurement à la conclusion du contrat et ne trouvent donc pas à s'appliquer en l'espèce, contrairement à ce que soutient la Sarl TCF DEMENAGEMENTS et à ce qu'a retenu le tribunal.

L'action contre le déménageur est par conséquent soumise à la prescription commerciale de droit commun de dix ans.

La Sarl TCF DEMENAGEMENTS invoque, en cause d'appel, le bénéfice de la clause figurant à l'article 15 des conditions générales de vente, selon laquelle « les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier (article 108 du code de commerce) ».

Cette clause figure au verso de la lettre de voiture qui ne comporte aucune signature ni paraphe de X., de sorte qu'elle ne lui est pas opposable.

L'action intentée dans le délai de dix ans susvisé est donc recevable.

X. a fait constater par huissier de justice le 3 septembre 2008 les détériorations du mobilier : canapé en tissu taché et humide, angle du plateau du bureau cassé, trois traces d'impacts sur l'armoire du salon, sac de voyage dégradé, angles droit et gauche de la penderie de l'entrée dégradés, carton humide et entièrement déformé.

L'évaluation des dommages a été réalisée lors d'une expertise amiable contradictoire.

Au vu du rapport du 24 février 2010, discuté par les parties, et des factures produites par X., il y a lieu de fixer le montant des dommages et intérêts dus par la Sarl TCF DEMENAGEMENTS pour la dégradation du mobilier à la somme de 643,40 euros, outre 200 euros pour la perte de vêtements, 75 euros pour la détérioration des murs et sols plastiques de l'appartement, 170,57 euros correspondant au loyer de la semaine pendant laquelle X. n'a pas pu occuper le logement et 615,87 euros de constat d'huissier de justice, soit un total de 1.704,84 euros qui portera intérêts, en application de l'article 1153-1 du code civil, au taux légal à compter de l'assignation du 8 juin 2010.

X. ne démontre pas avoir subi, du fait des agissements de la Sarl TCF DEMENAGEMENTS, un préjudice moral.

L'équité commande de lui allouer une somme au titre des frais de défense qu'il a dû exposer.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré,

et statuant à nouveau,

- Déclare X. recevable en son action,

- Condamne la Sarl TCF DEMENAGEMENTS à payer à X. la somme de 1.704,84 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2010,

- Déboute X. de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- Condamne la Sarl TCF DEMENAGEMENTS à verser à X. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la Sarl TCF DEMENAGEMENTS aux dépens de première instance et d'appel avec application, pour ces derniers, de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl DAUPHIN MIHAJLOVIC qui en a demandé le bénéfice.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame JACOB, Conseiller, en l'absence du Président empêché, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président