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CA VERSAILLES (3e ch.), 30 octobre 2014

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 30 octobre 2014
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 12/08234
Date : 30/10/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/06/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4921

CA VERSAILLES (3e ch.), 30 octobre 2014 : RG n° 12/08234

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article 4.1.1 des conditions générales du contrat d'assurance prévoit que sont pris en charge les dommages matériels consécutifs à la disparition totale du véhicule par... effraction du véhicule caractérisée par des traces matérielles, c'est à dire cumulativement : l'effraction de l'habitacle ou du coffre et le forcement de la colonne de direction, la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système d'antivol en fonctionnement. L'article 4.4.3 intitulé « véhicule volé et retrouvé après notre offre de règlement » stipule que : hormis le cas de vol avec violence, s'il n'est pas constaté de traces matérielles d'effraction énoncées à l'article 4.1.1, la garantie vol ne vous est pas acquise. Vous êtes tenu de nous reverser les indemnités que nous vous avons versées. L'article 4.1.1 de la police d'assurance ne rappelle pas le principe de la preuve par tous moyens et procède à une énumération limitative des indices susceptibles d'être retenus.

Cependant, s'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies, sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve du sinistre alors qu'en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre. Il en résulte que l'assuré doit seulement satisfaire à l'obligation de prouver que le bien lui a été volé avec effraction.

Il est constant que le 26 décembre 2008, Monsieur X. a adressé à ACM Iard SA toutes les pièces demandées dans le cadre du règlement du sinistre, dont les deux cartes clés électroniques de démarrage du véhicule. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/08234. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE (6e ch.) : R.G. n° 11/03191.

LE TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD (ACM - IARD)

N° SIRET : B 352 XX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Barthélemy LACAN, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435, Représentant : Maître Guillaume MORTREUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0490

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentant : Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20130040, Représentant : Maître Bernard JUBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1459

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 septembre 2014, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Véronique BOISSELET, Président, Madame Annick DE MARTEL, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur X. a acquis le 13 novembre 2008 pour le prix de 30.725 euros un véhicule neuf Renault Modèle Laguna.

Par avenant du 12 novembre 2008, il a souscrit auprès d'ACM Iard SA un contrat multirisques « Privilège Auto, Elite 50 », le garantissant en particulier contre le vol.

Le 9 décembre 2008, soit moins d'un mois après avoir pris possession de son véhicule, il a déposé plainte pour le vol, dans la nuit, de son véhicule qui était stationné devant son domicile.

Le 5 février 2009 il a perçu, en indemnisation du vol, un chèque de 30.108,85 euros.

Le 23 janvier 2010, 14 mois après le vol, le véhicule a été découvert par les services de police sur le parking de l'hôpital de [ville B.] sans traces apparentes de dégradation ni d'effraction, selon le procès-verbal de découverte établi.

Par lettre du 25 octobre 2010, ACM s'est prévalue auprès de Monsieur X. de l'absence d'effraction visible du véhicule pour, finalement, lui refuser sa garantie.

Elle a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir la restitution de l'indemnité versée.

Par jugement du 23 novembre 2012, la juridiction a débouté la société ACM Iard de sa demande en remboursement de la somme de 31.261,93 euros, et l'a condamnée à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour action abusive, et celle de 4.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a jugé que la société ACM s'était engagée à fournir à son assuré une garantie « vol par effraction » totalement inefficace qui s'analyse en une exclusion de garantie, laquelle n'est pas valable en ce qu'elle vide de sa substance la garantie du vol par effraction.

 

La société ACM Iard a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 13 juin 2014, demande à la cour, au visa des articles 1376 et suivants du code civil, 4.1.1. et 4.3.3. des conditions générales du contrat d'assurance :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de condamner M. X. à lui payer la somme de 31.261,93 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2010,

- de condamner M. X. à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec recouvrement direct.

Elle reproche aux premiers juges :

- d'avoir considéré comme établis les dires de l'expert, M. Y., qui, certes, a réalisé une expertise contradictoire, mais a été choisi par Monsieur X., alors qu'il n'est pas démontré que Monsieur X. a reçu par erreur une autre carte, que le calculateur du véhicule ait été reprogrammé et qu'en cas de reprogrammation, il reste possible de démarrer le véhicule avec la clé d'origine,

- de lui avoir opposé les conclusions d'un expert intervenu dans une autre affaire dans des conditions non connues.

Elle souligne que son hypothèse selon laquelle Monsieur X. a oublié une carte clé dans le véhicule est bien plus vraisemblable, contestant ainsi l'allégation de l'assuré selon laquelle il ne serait jamais servi de la seconde carte puisque l'expert de l'assureur a constaté que la clé n° 2 avait servi 56 fois et qu'aucune des deux cartes n'avait été reprogrammée.

Elle ajoute que toute reprogrammation aurait rendu inutilisable la clé de Monsieur X., alors que celle-ci a très bien fonctionné et que par suite une effraction « électronique » est exclue.

Elle considère donc que la seule possibilité est bien qu'une des clés d'origine programmées pour démarrer le véhicule a été utilisée et qu'il n'y a pas eu d'effraction.

Elle conteste que la clause du contrat par laquelle elle soumet sa garantie à la preuve d'une soustraction frauduleuse par effraction puisse être qualifiée d'abusive, et souligne que les recommandations de la commission des clauses abusives n'ont pas de caractère réglementaire et ne s'imposent pas au juge.

 

Aux termes de ses dernières conclusions du 29 août 2014, Monsieur X. demande à la cour, au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation, de la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 89-01 du 19 mai 1989, des articles 1147, 1153 alinéa 4 et 1382 du code civil, 32-1 du code de procédure civile, L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances :

- de débouter la société Assurances du Crédit Mutuel Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Assurances du Crédit Mutuel Iard à lui payer 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et y ajouter en portant cette condamnation à la somme de 5.000 euros,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Assurances du Crédit Mutuel Iard à lui payer une indemnité d'un montant de 4.600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et y ajouter en portant cette condamnation à la somme de 10.000 euros et aux dépens avec recouvrement direct.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2014.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

L'article 4.1.1 des conditions générales du contrat d'assurance prévoit que sont pris en charge les dommages matériels consécutifs à la disparition totale du véhicule par... effraction du véhicule caractérisée par des traces matérielles, c'est à dire cumulativement : l'effraction de l'habitacle ou du coffre et le forcement de la colonne de direction, la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système d'antivol en fonctionnement.

L'article 4.4.3 intitulé « véhicule volé et retrouvé après notre offre de règlement » stipule que : hormis le cas de vol avec violence, s'il n'est pas constaté de traces matérielles d'effraction énoncées à l'article 4.1.1, la garantie vol ne vous est pas acquise. Vous êtes tenu de nous reverser les indemnités que nous vous avons versées.

L'article 4.1.1 de la police d'assurance ne rappelle pas le principe de la preuve par tous moyens et procède à une énumération limitative des indices susceptibles d'être retenus.

Cependant, s'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies, sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve du sinistre alors qu'en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre.

Il en résulte que l'assuré doit seulement satisfaire à l'obligation de prouver que le bien lui a été volé avec effraction.

Il est constant que le 26 décembre 2008, Monsieur X. a adressé à ACM Iard SA toutes les pièces demandées dans le cadre du règlement du sinistre, dont les deux cartes clés électroniques de démarrage du véhicule.

C'est parce que son assuré lui avait remis les deux cartes du véhicule que ACM a considéré comme présumée l'effraction du véhicule et l'a indemnisé.

S'agissant des avis techniques, il apparaît qu'une expertise contradictoire (souligné par la cour) a été réalisée le 18 mai 2011 par M. Y., expert choisi par Monsieur X., en présence des conseils des parties et d'un expert désigné par ACM, M. Z..

ACM conteste désormais les conclusions de M. Y., sans produire d'éléments techniques susceptibles de les remettre en cause.

Dans ces conditions, la cour, comme le tribunal avant elle, tiendra compte de l'expertise réalisée par M. Y..

Or, il est établi, aux termes de celle-ci, qu'une seule des deux cartes remises par Monsieur X. à ACM permettait de démarrer le véhicule, la seconde, lue en concession, correspondant à un autre véhicule Renault Laguna appartenant à la société Général Electric, qui lui a été livré le 3 novembre 2008, soit à la même période que le véhicule de Monsieur X.

Il est donc certain qu'une interversion des cartes s'est produite, Monsieur X. n'ayant pas eu l'occasion de se rendre compte que sa seconde clé ne fonctionnait pas, tandis que cette erreur a été découverte s'agissant du véhicule acquis par la société Général Electric puisqu'une carte de démarrage a été reprogrammée au kilométrage de 2 km, soit à la livraison.

La société ACM persiste à faire peser le soupçon sur Monsieur X. en faisant état de ce que la seconde carte de son véhicule, telle qu'elle est enregistrée dans l'ordinateur de bord, a été utilisée à 56 reprises.

M. Y. n'a pas négligé cette donnée et il a indiqué qu'il était plausible que cette carte n° 2, ait été utilisée pour les différents va et vient, sorties d'usine pour stockage sur parc, manipulations pour le transport, livraison sur le site du vendeur, préparation du véhicule à la vente et présentation au client.

Cette explication est corroborée, ainsi que le souligne à juste titre Monsieur X., par le fait que la carte n° 1 a été utilisée par Monsieur X. 207 fois selon l'ordinateur de bord, alors qu'il n'a été en possession du véhicule que du 13 novembre au 8 décembre 2008 et n'a parcouru que 2.100 km.

Le fait que la carte n° 2 ait été utilisée à 56 reprises n'est donc pas de nature à prouver une quelconque mauvaise foi chez Monsieur X.

Il résulte en conséquence de ces éléments que ce dernier ne possédait qu'une carte clé utile pour son véhicule et qu'il est exclu qu'il l'ait oubliée dans le véhicule puisqu'il l'a restituée à ACM.

Par ailleurs, si les cartes permettent l'ouverture à distance des portières et du coffre du véhicule, elles sont également équipées d'une ébauche de clé constituée d'une rainure sommaire qui, introduite dans les serrures, permet de les actionner.

Or, il est très clairement établi par l'expertise précitée qu'en utilisant la clé sommaire de la carte d'un autre véhicule Laguna, les portières de la voiture de Monsieur X. s'ouvraient sans difficulté.

Il est donc aisé de rentrer dans ce véhicule sans laisser la moindre trace d'effraction.

Enfin, l'expertise réalisée par M. Y. a mis en évidence que le véhicule Renault Laguna de Monsieur X. avait pu être volé à l'aide d'une fausse carte fabriquée à partir d'une carte Renault vierge en vente libre sur internet ou au moyen de la carte d'un autre véhicule Renault similaire et d'un appareil, lui aussi vendu sur internet, permettant de reprogrammer la carte vierge de démarrage du véhicule.

Ainsi que l'a justement observé le tribunal, si M. Y. n'a pas procédé à un essai de reprogrammation d'une carte vierge sur le véhicule de Monsieur X., il produit une expertise réalisée dans le cadre d'une autre affaire de vol d'un véhicule Renault Mégane tout à fait similaire, au cours de laquelle un autre expert, M. A. a ouvert et démarré le véhicule avec une carte vierge et un boîtier du type de ceux vendus sur internet. Il est parvenu à ouvrir le véhicule sans difficulté et à réaliser l'opération de reprogrammation de la carte vierge en moins de trente secondes, démarrant ensuite le véhicule à plusieurs reprises avec la carte reprogrammée.

La presse spécialisée s'est d'ailleurs fait l'écho de ces techniques de vol.

Il apparaît donc que le véhicule de Monsieur X. lui a été volé avec une effraction de nature électronique, qui a eu pour objet de forcer le système d'antivol en fonctionnement, conformément aux termes du contrat, qu'il s'agisse de l'ouverture du véhicule ou de son démarrage, et entre bien dans les prévisions du contrat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société ACM Iard de ses demandes, et l'a condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 4.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il sera infirmé en ce qu'il a condamné ACM Iard à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros de dommages-intérêts pour abus du droit d'agir, l'intention de nuire n'étant pas démontrée et l'intimé ne justifiant pas d'un préjudice autre que celui résultant de l'obligation de se défendre en justice, réparé au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ACM Iard, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et versera à Monsieur X. une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ACM Iard à payer 1.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Le confirme en toutes ses autres dispositions,

Statuant du seul chef infirmé :

Déboute Monsieur X. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société ACM Iard aux dépens exposés en appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société ACM Iard à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,               Le Président,