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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 novembre 2014

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 novembre 2014
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 13/02041
Date : 10/11/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/04/2013
Décision antérieure : CASS. COM., 12 février 2013, CASS. COM., 6 septembre 2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4944

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 novembre 2014 : RG n° 13/02041

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est constant que l'activité qui a été retirée à la société CMI, pour être transférée à une entreprise tierce, porte sur les « contrepoids WEX » c'est-à-dire sur un seul des 42 produits objets du contrat.

Si, aux termes de l'article 3 du contrat, il est prévu que « le Vendeur fournira et l'Acheteur achètera 100 % de ses besoins concernant le Produit », ce qui s'entend de l'ensemble des 42 pièces visées à l'annexe A, la portée de cet engagement est expressément limitée, d'un commun accord entre les parties au contrat, par l'insertion des termes suivants : « Le Vendeur conçoit que l'Acheteur ne fait aucune garantie quant à la quantité de Produits qu'il lui faudra. Toute estimation de ces besoins fournis par l'Acheteur au Vendeur n'aura pas un caractère exécutoire et le Vendeur reconnaît qu'il ne sera pas en droit et ne devra pas considérer ces estimations comme engagements exécutoires, sauf si ceci est expressément précisé par écrit par l'Acheteur. (...) Aucune clause de ce contrat ne pourra interdire à l'Acheteur de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs que le Vendeur (...) », et par la précision, figurant à l'annexe A, que « certaines pièces sont amenées à être réalisées en peinture pendant une période temporaire et d'autres sont amenées à être traitées durablement à CMI St Egrève ».

La société CMI ne peut contester le caractère temporaire de certains travaux, comme cela est illustré par les annotations portées par ses soins sur un compte-rendu de réunion « WEX routings » du 9 août 2005.

Ainsi, en l'état des termes ci-dessus rappelés du contrat-cadre, il ne résulte pas des éléments versés aux débats la preuve que la décision de CATERPILLAR SARL de retirer les contrepoids des WEX de la liste des produits visés à l'annexe A est contraire aux accords passés, ni qu'elle relève d'une exécution déloyale du contrat de nature à engager la responsabilité de l'acheteur. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/02041. DÉCLARATION DE SAISINE DU 5 avril 2013 sur un arrêt de cassation du 12 février 2013. Recours contre un Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 4 octobre 2010 ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 10 novembre 2011 par la Cour d'Appel de GRENOBLE

 

SAISISSANTS :

SELARL ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES PARTENAIRES, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SAS CMI,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître PUTIGNY-RAVET, avocat au barreau de PARIS

SAS COMPAGNIE DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître PUTIGNY-RAVET, avocat au barreau de PARIS

Maître Philippe SERRANO ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde engagée au profit de la Société CMI

Représenté par Maître Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître PUTIGNY-RAVET, avocat au barreau de PARIS

 

SAISIE :

Société CATERPILLAR SUISSE

SARL de droit suisse représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège de la société, Représentée par Maître Diego SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître TAY PAMART, avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique JACOB, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Madame Claire GADAT, Vice-Président placé

DÉBATS : À l'audience publique de renvoi de cassation du 13 octobre 2014, Madame JACOB, Conseiller chargé du rapport en présence de Madame BLATRY Conseiller, assistées de Madame DESLANDE, greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société CATERPILLAR France, qui entretenait des relations commerciales avec la société COMPAGNIE DE MAINTENANCE INDUSTRIELLE (la société CMI) depuis 1985, a conclu le 7 novembre 2000 avec cette dernière un contrat cadre, sans engagement d'exclusivité, pour la réalisation de travaux d'assemblage concernant la ligne de produits « trains de roulement et composants », pour une durée initiale de trois ans renouvelable par tacite reconduction pour un an.

Par un nouveau contrat cadre du 28 février 2005, la société CATERPILLAR Suisse a confié à la société CMI la réalisation de travaux de peinture sur les composants CAT, pour une durée de huit ans.

Reprochant aux sociétés CATERPILLAR France et Suisse l'effondrement de leurs commandes à partir de septembre 2008, la société CMI a assigné ces deux sociétés devant le tribunal de commerce de Grenoble en paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies et abus de dépendance économique.

La société CMI a été placée sous sauvegarde par jugement du 24 mars 2009 et Maître Philippe SERRANO désigné en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de sauvegarde a été arrêté par jugement du 21 septembre 2010 et la société Administrateurs Judiciaires Partenaires (AJP) désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Les deux conventions précitées ont été résiliées par ordonnance du juge-commissaire en date du 11 mai 2009.

Par jugement avant dire droit du 4 octobre 2010, le tribunal de commerce a ordonné une expertise confiée à Régis V. L..

Sur l'appel formé par les sociétés CATERPILLAR France et Suisse, la cour d'appel de Grenoble, chambre commerciale, a, par arrêt du 19 mai 2011, infirmé le jugement et, après avoir invité les parties à conclure au fond, a, par arrêt du 10 novembre 2011, rejeté la totalité des demandes de la société CMI à l'encontre des sociétés CATERPILLAR France et Suisse, rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par celles-ci, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société CMI aux dépens.

Par arrêt du 12 février 2013, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par la société CMI contre la société CATERPILLAR Suisse, et a renvoyé la cause et les parties devant la présente cour autrement composée.

La société CMI, la Selarl AJP et Maître Philippe SERRANO, ès-qualités ont saisi la cour de renvoi le 5 avril 2013.

Par conclusions notifiées le 2 juin 2014, ils demandent à la cour, au visa des articles L. 442-6-I-2° b) du code de commerce en vigueur lors de la conclusion du contrat du 28 février 2005, L. 442-6-I-2 du code de commerce, 1134 et 1147 du code civil, de :

- dire que CATERPILLAR a imposé à la société CMI des droits et obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties,

- dire que CATERPILLAR a manqué à ses obligations de bonne foi et de loyauté,

- dire que CATERPILLAR a commis une faute contractuelle en retirant à la société CMI l'activité « contrepoids WEX »

- en conséquence, condamner CATERPILLAR à payer à la société CMI :

* 12.708.130 euros au titre de la perte de bénéfice subie au titre du contrat du 28 février 2005 relatif à l'activité « achat peinture »,

* 2.500.000 euros correspondant aux investissements réalisés pour le compte exclusif de l'activité « achat peinture »,

* 300.000 euros en indemnisation des dépenses engagées pour la requalification des bâtiments,

* 350.000 euros en réparation du préjudice moral,

* 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à supporter les dépens.

La société CMI fait valoir que la demande d'indemnisation des fautes commises par CATERPILLAR ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée, puisque les causes de la demande sont distinctes de celles de la demande qui est définitivement jugée.

Elle rappelle l'historique des relations contractuelles entre les parties et insiste sur le déséquilibre significatif que la convention du 28 février 2005 a créé à son détriment.

Elle soutient que ce déséquilibre, né du comportement de CATERPILLAR, s'est accru au cours de l'exécution des relations contractuelles ; que CATERPILLAR connaissait cette situation de dépendance ; que la disparité, génératrice d'abus, a été source d'un grave préjudice pour elle.

Elle fait valoir qu'en lui retirant l'activité « contrepoids WEX » pour laquelle elle avait réalisé d'importants investissements, CATERPILLAR a non seulement commis une faute contractuelle mais encore modifié de manière substantielle l'économie du contrat conclu le 28 février 2005, la plaçant dans une situation de grande précarité à laquelle elle n'a pu remédier.

Par conclusions notifiées le 28 mai 2014, la société CATERPILLAR SARL demande à la cour de :

- déclarer les demandes adverses irrecevables et mal fondées,

- les rejeter,

- condamner solidairement la société CMI, la Selarl AJP et Maître Philippe SERRANO, ès-qualités, à lui verser la somme de 100.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que :

- le débat sur la dépendance économique est couvert par l'autorité de la chose jugée le 10 novembre 2011,

- ainsi les demandes formées par CMI au titre de la requalification des bâtiments, du préjudice moral, des investissements, des dommages et intérêts contractuels sont irrecevables,

- la cour de renvoi n'est saisie que de la responsabilité contractuelle liée au transfert des contrepoids en béton des excavatrices sur roues (« WEX ») à la société LETSCO,

- elle n'a commis aucune faute dans le transfert de cette activité,

- les contrepoids n'étaient pas les seules pièces mentionnées au contrat,

- la liste des produits dont la peinture était confiée à CMI avait vocation à évoluer,

- il en est allé ainsi pour les contrepoids, fabriqués par LETSCO, dont la peinture avait été confiée provisoirement à CMI, ce que celle-ci avait accepté,

- il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec la faute alléguée,

- la décision de retrait est intervenue en cours d'exécution du contrat au mois d'octobre 2006,

- elle n'a suscité que quelques réserves de CMI qui n'a pas demandé la résiliation du contrat,

- ce retrait a été immédiatement compensé comme le prouve l'accroissement de l'activité en 2006, 2007 et 2008,

- au premier semestre 2008, CMI n'était pas en mesure de faire face au volume des commandes,

- les investissements effectués pour l'exécution du contrat de 2005, à savoir la cabine de peinture, bénéficiaient également aux autres composants Caterpillar,

- il n'existe aucun lien entre la résiliation judiciaire du contrat intervenue le 11 mai 2009 et la décision de retrait des WEX trois ans auparavant.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Par l'effet de la cassation partielle, la cour est saisie de la seule question de la responsabilité de CATERPILLAR SARL s'agissant du retrait de l'activité de peinture des contrepoids « WEX ».

Aux termes du contrat conclu le 28 février 2005, CATERPILLAR SARL (désigné au contrat comme l'Acheteur) a confié à la société CMI (le Vendeur) « la peinture, l'assemblage et la logistique de composants pour Caterpillar ».

Les produits concernés par le contrat sont indiqués à l'Annexe A « Produit ». Ce document contient la liste, présentée sous la forme de tableau, des 14 familles de pièces, objet du contrat « dont les contrepoids » chacune de ces pièces se déclinant pour trois types de machines, dont les « Wheeled Excavators (excavatrices sur roues) WEX ».

Il ressort des pièces versées aux débats que, par courrier du 2 novembre 2006, la société CMI, informée « d'un projet d'implantation de la société LETSCO (comprenant une installation de peinture) à proximité de MLT Caterpillar Logistics Services au Versoud-Isère », a exprimé à la SA CATERPILLAR BELGIQUE « son étonnement et son incompréhension » et indiqué avoir « des alternatives économiques à proposer ».

Il n'est pas justifié de la teneur des discussions qui ont suivi, mais il n'est pas contesté que, comme cela ressort d'un échange de courriers électroniques des 31 juillet et 21 août 2007, le retrait des contrepoids de LETSCO a été effectif en août 2007.

Il est constant que l'activité qui a été retirée à la société CMI, pour être transférée à une entreprise tierce, porte sur les « contrepoids WEX » c'est-à-dire sur un seul des 42 produits objets du contrat.

Si, aux termes de l'article 3 du contrat, il est prévu que « le Vendeur fournira et l'Acheteur achètera 100 % de ses besoins concernant le Produit », ce qui s'entend de l'ensemble des 42 pièces visées à l'annexe A, la portée de cet engagement est expressément limitée, d'un commun accord entre les parties au contrat, par l'insertion des termes suivants :

« Le Vendeur conçoit que l'Acheteur ne fait aucune garantie quant à la quantité de Produits qu'il lui faudra. Toute estimation de ces besoins fournis par l'Acheteur au Vendeur n'aura pas un caractère exécutoire et le Vendeur reconnaît qu'il ne sera pas en droit et ne devra pas considérer ces estimations comme engagements exécutoires, sauf si ceci est expressément précisé par écrit par l'Acheteur. (...) Aucune clause de ce contrat ne pourra interdire à l'Acheteur de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs que le Vendeur (...) »,

et par la précision, figurant à l'annexe A, que « certaines pièces sont amenées à être réalisées en peinture pendant une période temporaire et d'autres sont amenées à être traitées durablement à CMI St Egrève ».

La société CMI ne peut contester le caractère temporaire de certains travaux, comme cela est illustré par les annotations portées par ses soins sur un compte-rendu de réunion « WEX routings » du 9 août 2005.

Ainsi, en l'état des termes ci-dessus rappelés du contrat-cadre, il ne résulte pas des éléments versés aux débats la preuve que la décision de CATERPILLAR SARL de retirer les contrepoids des WEX de la liste des produits visés à l'annexe A est contraire aux accords passés, ni qu'elle relève d'une exécution déloyale du contrat de nature à engager la responsabilité de l'acheteur.

La demande formée par la société CMI doit donc être rejetée.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de CATERPILLAR SARL.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation,

- Déboute la société CMI, la Selarl AJP et Maître Philippe SERRANO, ès-qualités, de leurs demandes formées à l'encontre de CATERPILLAR SUISSE SARL,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne la société CMI, la Selarl AJP et Maître Philippe SERRANO, ès-qualités, aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître SPINELLA qui en a demandé le bénéfice.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame JACOB, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président