CA LYON (1re ch. civ. B), 18 novembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4951
CA LYON (1re ch. civ. B), 18 novembre 2014 : RG n° 13/02429
Publication : Jurica n° 2014-028432
Extrait : « Les dispositions de l'article L. 312-16 du code de la consommation, qui édicte que « lorsque le contrat est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement, la durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de [l'acte », sont respectées en l'espèce.] En effet, le compromis est daté du 29 juillet 2010 et l'avenant du 26 août 2010 et le délai de justification de l'obtention du prêt a été fixé à 8 jours à compter du 1er octobre 2010.
Il n'y a aucune aggravation des obligations des acquéreurs du fait d'avoir à engager les démarches dans un délai déterminé et d'avoir à en justifier à première demande, dès lors qu'ils disposaient d'un délai supérieur au délai légal de 1 mois pour justifier de l'obtention de leur prêt. Cette clause n'est donc pas abusive. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/02429. Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE (ch. civ.) au fond du 17 janvier 2013 : R.G. n° 11/01358.
APPELANTS :
M. X.
né le [date] à [ville] ; Représenté par la SELAS LLC ET ASSOCIÉS - BUREAU DE LYON, avocat au barreau de LYON
Mme Y. épouse X.
née le [date] à [ville] ; Représentée par la SELAS LLC ET ASSOCIÉS - BUREAU DE LYON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
M. Z.
né le [date] à [ville] ; Représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau de L'AIN
Mme W.
née le [date] à [ville] ; Représentée par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau de L'AIN
Date de clôture de l'instruction : 19 février 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 octobre 2014
Date de mise à disposition : 18 novembre 2014
Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier
À l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré : Jean-Jacques BAIZET, président, François MARTIN, conseiller, Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Selon compromis du 29 juillet 2010 complété par un avenant du 26 août 2010, passés devant notaire, M. X. et Mme Y. épouse X. ont vendu à M. Z. et Mme W. une maison d'habitation, située à [ville C.], moyennant le prix de 519.000 euros, sous la condition suspensive d'obtention de prêts d'un montant de 500.000 euros.
Un dépôt de garantie d'un montant de 25.950 euros a été constitué entre les mains du notaire.
L'acte n'ayant pas été réitéré par M. Z. et Mme W. les époux X. les ont assignés par acte du 25 mars 2011, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, afin de se voir allouer le dépôt de garantie et ainsi que des dommages et intérêts.
Les défendeurs ont conclu au débouté des prétentions au motif que la condition suspensive d'obtention des prêts n'a pas été réalisée.
Par jugement du 17 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :
- débouté M. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné M. et Mme X. à payer à M. Z. et Mme W. à la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.
Le tribunal a jugé :
- qu'il est établi que la non-obtention du prêt a pour cause la faute, la négligence ou la passivité de M. Z. et de Mme W.,
- qu'il résulte du compromis de vente litigieux que la clause stipulant que le dépôt de garantie sera acquis au vendeur à titre d'indemnité d'immobilisation doit nécessairement s'analyser comme une clause pénale et que cette clause, n'a été stipulée que pour le cas de refus de réalisation de l'acte authentique de vente par l'acquéreur,
- que tel n'étant pas le cas en l'espèce, la clause pénale est inapplicable,
- que M. et Mme X. ne peuvent prétendre à l'indemnisation d'un préjudice qu'à la condition qu'il ait été directement causé par le défaut d'information fautif de M. Z. et de Mme W.,
- que les époux X. doivent déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts, à défaut de démonstration d'un préjudice direct consécutif au défaut d'information.
M. et Mme X. ont relevé appel de ce jugement.
Ils demandent à la cour au visa des articles 1134, 1147, 1178 et 1961 du code civil, et 517 et suivants du code de procédure civile :
- de condamner M. Z. et Mme W. à leur payer la somme de 25.950 euros à titre d'indemnité d'immobilisation, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
En toute hypothèse, si l'attribution du dépôt de garantie était considérée comme une clause pénale,
- dire et juger que la somme de 25.950 euros est parfaitement proportionnée,
- de constater que la somme 25.950 euros versée au titre du dépôt de garantie a été consignée en l'étude de Maître G., notaire.
- dire et juger que cette somme sera débloquée par le notaire à leur profit,
- de condamner M. Z. et à Mme W. à leur payer la somme de 10.000 euros en réparation de leurs préjudices moral et financier,
- condamner M. Z. et à Mme W. à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. Z. et Mme W. de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner le même aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Laurent BURGY, Avocat au Barreau de Lyon, sur son affirmation de droit.
Ils soutiennent :
- que la condition de l'obtention du prêt doit être considérée comme accomplie dans la mesure où la seule faute de M. Z. et de Mme W. a conduit à la non-réalisation de la vente,
- que dès lors, ils peuvent conserver la somme versée à titre de dépôt de garantie comme cela est prévu au compromis de vente, et ce à titre d'indemnité d'immobilisation,
- que l'indemnité d'immobilisation stipulée ne constitue pas une clause pénale, puisqu'elle n'a pas pour objet de faire assurer par l'une des parties l'exécution de son obligation,
- qu'en toute hypothèse, son montant est parfaitement proportionné.
M. Z., et Mme W. demandent à la cour au visa des articles 1134, 1178 et 1315 du code civil et de l'article L. 312-16 du code de la consommation :
À titre principal :
- de dire qu'ils n'ont commis aucune faute qui aurait empêché l'accomplissement de la condition suspensive d'obtention d'un prêt stipulé par la promesse synallagmatique de vente en date du 29 juillet 2010 et par son avenant des 25 et 26 août 2010,
En conséquence,
- de dire que la sanction de l'article 1178 du Code civil est inapplicable,
- de constater la caducité de ladite promesse synallagmatique de vente pour défaillance de la condition suspensive,
À titre subsidiaire :
- de requalifier la clause du compromis d'octroi du dépôt de garantie aux vendeurs en clause pénale,
- de dire que ladite clause pénale, stipulée en cas de refus de régulariser la vente, est en l'espèce inapplicable,
En conséquence,
- de débouter les demandeurs de leur demande d'attribution du dépôt de garantie,
- de débouter les mêmes de leur demande de dommages et intérêts, faute de preuve d'un préjudice direct,
En tous les cas :
- de condamner les époux X. à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
Ils soutiennent :
- que l'application de l'article L. 312-16 du code de la consommation, édicté dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur, en l'espèce applicable, ne peut être affectée par la stipulation d'obligations contractuelles imposées à l'acquéreur, de nature à accroître les exigences résultant de ce texte,
- qu'il en va ainsi de la clause imposant, en l'occurrence, à l'acquéreur de déposer leur demande de prêt dans un délai de quinze jours, de sorte que l'absence de justification du respect de ce délai ne peut être considérée comme fautive, ladite clause étant abusive,
- qu'il appartient aux vendeurs de prouver en quoi la défaillance de la condition suspensive serait imputable aux seuls acquéreurs,
À titre subsidiaire,
- que la clause d'acquisition du dépôt de garantie est une clause pénale, qui n'a été stipulée que pour le cas de refus de réalisation de l'acte authentique de vente par l'acquéreur,
- que tel n'étant pas le cas en l'espèce, la clause pénale est par conséquent inapplicable.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1 - Sur la condition suspensive d'obtention des prêts :
Le compromis prévoyait au titre de la condition suspensive d'obtention d'un financement bancaire les dispositions suivantes :
« - (de l’) obtention, par l'acquéreur, d'un ou plusieurs prêts en FRANCS SUISSES, représentant la contre-valeur de CINQ CENT MILLE EUROS (500.000,00 euros) productif d'intérêts au taux maximum nominal révisable au jour de l'offre de DEUX VIRGULE SEPT POUR CENT (2,7 %) l'an, hors assurance, et d'une durée ne pouvant être inférieure à VINGT CINQ (25) années.
Afin de garantir le vendeur, l'acquéreur fait les déclarations suivantes :
* que les caractéristiques du ou des prêts qu'il entend obtenir correspondent à un endettement normal de sa part et que les échéances en conséquence de ce ou ces prêts ne seront pas supérieures à 30 % de ses revenus,
* que sa situation de santé ne doit pas, à sa connaissance, mettre obstacle à son adhésion au contrat d'assurance-groupe décès-invalidité,
* qu'il n'a jamais été en état de faillite, règlement ou liquidation judiciaire, ou fait l'objet d'une condamnation pouvant entraîner légitimement le refus d'aucune offre de prêt de la part des banques,
* que sa signature n'est pas exclue par la Banque de France.
L'acquéreur s'engage à faire, sous délai de quinzaine, toutes les démarches nécessaires pour l'obtention de ce ou ces prêts et d'en justifier à première demande.
Le prêt ou chacun d'entre eux, sera réputé obtenu, au sens de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1979, dès réception de son offre par l'acquéreur, ce qui devra intervenir au plus tard le 1er octobre 2010.
L'obtention ou la non obtention du ou des prêts devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur, par lettre recommandée, dans les HUIT (8) jours suivant l'expiration du délai ci-dessus. »
Les dispositions de l'article L. 312-16 du code de la consommation, qui édicte que « lorsque le contrat est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement, la durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de [l'acte », sont respectées en l'espèce.]
En effet, le compromis est daté du 29 juillet 2010 et l'avenant du 26 août 2010 et le délai de justification de l'obtention du prêt a été fixé à 8 jours à compter du 1er octobre 2010.
Il n'y a aucune aggravation des obligations des acquéreurs du fait d'avoir à engager les démarches dans un délai déterminé et d'avoir à en justifier à première demande, dès lors qu'ils disposaient d'un délai supérieur au délai légal de 1 mois pour justifier de l'obtention de leur prêt.
Cette clause n'est donc pas abusive.
M. Z. produit deux lettres de refus de prêt, l'une émanant de la société Crédit agricole des Savoie en date du 22 décembre 2010, l'autre de la société BNP Paribas datée du 2 novembre 2010, faisant état toutes deux d'une demande de prêt de 504.000 euros au nom de M. Z., pour une durée de 300 mois.
Les acquéreurs ne produisent en revanche aucune demande de prêt présentée par Mme W. ou par M. Z. conjointement avec elle.
D'autre part les acquéreurs n'ont pas informé les vendeurs dans le délai requis de l'obtention ou de la non-obtention des prêts.
En conséquence, la condition suspensive d'obtention des prêts doit être considérée réalisée.
2 - Sur les conséquences de la non-obtention des prêts :
La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.
Le compromis, en cas de réalisation des conditions suspensives et refus de réitération de la part de l'acquéreur mentionne que : « le dépôt de garantie ci-dessus versé sera acquis définitivement au vendeur, à titre d'indemnité d'immobilisation. », « à moins que le vendeur ne préfère poursuivre la réalisation de la vente et (ou) réclamer tous dommages et intérêts auxquels il pourrait avoir droit. »
Bien que cette clause mentionne que cette acquisition du dépôt de garantie au profit de l'acquéreur est faite à titre d'indemnité d'immobilisation, il convient de constater qu'elle avait pour objet de faire assurer par l'acquéreur l'exécution de son obligation de diligence.
Dès lors c'est à juste titre que le premier juge a qualifié cette clause de « clause pénale » susceptible de réduction si elle présente un caractère manifestement excessif.
Cette clause est par ailleurs bien applicable puisqu'elle est stipulée en cas de refus de réitération de la vente par les acquéreurs, ce qui est bien le cas en l'espèce.
En l'espèce, le montant de l'indemnité est de 5 % du prix de vente total.
Dès lors, elle ne paraît pas manifestement excessive et il n'y a pas lieu de la réduire.
En conséquence, le jugement sera réformé de ce chef.
3 - Sur la demande de dommages et intérêts complémentaire :
Les époux X. ne justifient d'aucun préjudice d'un montant supérieur à la somme acquise au titre de la clause pénale.
En conséquence, il convient de les débouter de leur demande.
4 - Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
la cour,
Réformant partiellement le jugement déféré et statuant de nouveau :
- Dit que le dépôt de garantie versé par M. Z. et Mme W. est acquis à M. et Mme X. à titre de clause pénale,
- Dit n'y avoir lieu à réduction du montant stipulé soit 25.950 euros,
- Autorise le versement de la somme consignée au titre du dépôt de garantie en l'étude de Maître G., notaire à M. et Mme X.,
- Déboute M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts complémentaires,
- Déboute M. Z. et Mme W. de l'intégralité de leurs prétentions,
- Condamne solidairement M. Z. et Mme W. à payer à M. et Mme X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- Condamne solidairement M. Z. et Mme W. aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Laurent BURGY, Avocat au Barreau de Lyon, sur son affirmation de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5989 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Clause conformes : conséquences
- 5992 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Conformité au régime légal : illustrations - Code de la consommation
- 6639 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Condition légale d’octroi du prêt