CA ANGERS (ch. A civ.), 25 novembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4952
CA ANGERS (ch. A civ.), 25 novembre 2014 : RG n° 13/02957
Publication : Jurica
Extrait : « Dans les contrats synallagmatiques, l'exécution simultanée des obligations est le principe mais ce principe de simultanéité n'est pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger en stipulant un ordre dans l'exécution de leurs engagements. En conséquence, une clause stipulant un paiement avant livraison ne peut être jugée abusive. »
COUR D'APPEL D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/02957. Ordonnance du 24 septembre 2013 - Tribunal de Commerce d'Angers : R.G. n° 13/007318.
APPELANTE :
SARL PF2I JEDDI BAT
Représentée par Maître Meriem BABA, avocat postulant au barreau de SAUMUR - n° de dossier A13-0152 et Maître BEJAOUI, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS CAREA DISTRIBUTION
Représentée par Maître GUIGNARD substituant Maître Philippe PAPIN, avocat au barreau d'ANGERS - n° de dossier 1300101
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 6 octobre 2014 à 14h00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame GRUA, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur HUBERT, Président de chambre, Madame GRUA, Conseiller, Monsieur CHAUMONT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 25 novembre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Louis-Denis HUBERT, Président de chambre et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon devis accepté le 24 octobre 2012, la société PF 21 Jeddi Bat (la société Jeddi Bat) a commandé à la société Carea Distribution (la société Carea) des matériaux de construction d'un prix de 13.448,50 euros HT.
Un solde de 12.189,05 euros lui restant dû sur une précédente facture d'un montant de 22.189,05 euros, le 7 février 2013 la société Carea a confirmé à la société Jeddi Bat que ce solde devait être réglé avant toute livraison et qu'à l'avenir, un règlement lui serait demandé avant expédition. La société Jeddi Bat lui a répondu le 14 février que la commande en cours lui serait directement réglée par le client maître de l'ouvrage.
En l'absence de paiement, le 18 avril 2013 la société Carea a émis une facture de 15.134,85 euros mentionnant « Virement avant enlèvement ». La société Jeddi Bat la lui a renvoyée avec l'inscription « annulée ».
Statuant par une ordonnance rendue le 24 septembre 2013 sur la demande de la société Carea en paiement d'une provision de 15.134,85 euros, le président du tribunal de commerce d'Angers y a fait droit et condamné la société Jeddi Bat au paiement d'une indemnité de procédure.
Selon une déclaration reçue au greffe de la cour le 7 novembre 2013, la société Jeddi Bat a relevé appel de cette décision.
Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 septembre 2014.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les dernières conclusions, déposées les 7 février 2014 par l'appelante, 7 avril 2014 par l'intimée, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
La société Jeddi Bat demande d'infirmer l'ordonnance et condamner l'intimée au paiement d'une indemnité de procédure de 300,00 euros.
Elle expose que l'intégralité de la première commande ayant été réglée de façon échelonnée, elle a passé une nouvelle commande le 23 octobre 2012, la livraison étant prévue 8 semaines après signature du bon de commande, soit à la fin du mois de décembre 2012 ; elle a eu la surprise de constater que le bon de commande mentionnait un règlement intégral ; ne pouvant y faire face, elle a fait savoir à la société Carea le 19 avril 2013 qu'elle renonçait à la livraison.
Elle relève les petits caractères de la mention sur le bon de commande « virement avant livraison pour ou selon encours SFAC », ajoute que si elle en avait connaissance, elle n'aurait jamais contracté, les marchandises commandées étant soumises au paiement provisionnel de son propre client et prétend que c'est avec 4 mois de retard que l'intimée a émis la facture du 18 avril 2012 alors que la marchandise devant être livrée dans le délai de 8 semaines à compter de sa commande, elle avait considéré que la société Carea avait annulé cette commande.
Elle fait plaider le caractère abusif de la clause relative au paiement avant livraison au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce en soutenant que la société Carea a tenté de créer un déséquilibre manifeste de nature à la mettre en position de faiblesse et relève la contradiction entre les dispositions figurant sur le bon de commande et celles mentionnées dans les conditions générales de vente prévoyant que le délai fixé sur le bon de commande ne commence à courir qu'à compter du paiement de l'acompte de 30 %.
Elle prétend avoir fait appel à un autre fournisseur, faute de livraison dans le délai convenu, et estime avoir à bon droit sollicité l'annulation du bon de commande, d'autant qu'aucune relance ne lui avait été faite. Elle souligne la mauvaise foi de la société Carea qui, en raison des difficultés rencontrées dans le paiement de la première commande, aurait dû la prévenir que les conditions de règlement ne seraient pas les mêmes et s'estime fondée à invoquer l'exception d'inexécution les conditions générales de vente ne permettant pas à l'intimée de réclamer le paiement en l'absence de livraison. Elle conclut, qu'en réalité, la commande a été résiliée unilatéralement par l'intimée.
La société Carea demande de rejeter des débats les pièces non communiquées, confirmer l'ordonnance, condamner l'appelante au paiement de dommages et intérêts provisionnels de 2.000,00 euros et d'une indemnité de procédure de 2.500,00 euros.
Elle indique que dès la première commande l'appelante a accepté ses conditions générales de vente prévoyant qu'en cas de crainte de difficultés de paiement, même postérieurement à la commande, elle pourrait subordonner l'acceptation de la commande ou la poursuite de l'exécution à son paiement effectif avant la livraison et considère qu'elle était en droit d'exiger un paiement avant livraison, la commande litigieuse comportant d'ailleurs une condition particulière « Virement avant livraison ». Elle ajoute que l'appelante, qui lui a fait savoir le 14 février 2013 que la commande sera réglée directement par le client, a expressément accepté cette condition.
Elle fait valoir que l'assertion selon laquelle la clause relative au paiement avant livraison serait abusive ne repose sur aucun fondement juridique sérieux, les parties pouvant déroger à la règle selon laquelle le paiement doit être effectué lors de la livraison ; la vente étant définitive, elle ne pouvait être annulée unilatéralement. Elle considère que l'exception d'inexécution lui bénéficie et ajoute qu'à la date du 14 février 2013 aucun retard de livraison n'existait et que les marchandises sont à la disposition de l'appelante, qui avec une parfaite mauvaise foi les a commandées à un autre fournisseur dès le 26 mars 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il sera constaté que la société Jeddi Bat n'a versé aucune pièce au débat.
Dans les contrats synallagmatiques, l'exécution simultanée des obligations est le principe mais ce principe de simultanéité n'est pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger en stipulant un ordre dans l'exécution de leurs engagements. En conséquence, une clause stipulant un paiement avant livraison ne peut être jugée abusive.
En l'espèce, le bon de commande litigieux, tout comme le précédent, stipulait bien, en gros caractères « Virement avant livraison » et la société Jeddi Bat ne saurait invoquer le paiement échelonné de sa précédente commande, non entièrement réglée à la date du 26 avril 2013 et dont le recouvrement avait été confié à une société spécialisée, pour prétendre n'avoir pas été prévenue lors de la commande du 23 septembre 2012 que les conditions de règlement ne seraient pas les mêmes alors que c'est contrainte et forcée et malgré les stipulations du bon de commande que la société Carea a accepté un paiement échelonné.
En affectant l'obligation de livraison de la condition du paiement, les parties ont convenu que la société Carea serait en droit d'exiger de la société Jeddi Bat l'exécution préalable de ses engagements, sous peine de suspendre elle-même l'exécution de ses propres obligations et la société Jeddi Bat l'a parfaitement compris puisque le 14 février 2013 elle écrivait à sa cocontractante « la commande qui n'a pas été livrée, d'un montant de 16.000,00 euros vous sera réglée par chèque certifié ou virement, directement par le client qui avance cette somme ». En l'absence de paiement, la société Carea était donc en droit de ne pas livrer les marchandises commandées, sans qu'un quelconque délai de livraison puisse lui être opposé, l'exception d'inexécution jouant en sa faveur.
Il faut considérer que l'obligation au paiement de la société Jeddi Bat n'est pas sérieusement contestable au sens de l'article 873 du code de procédure civile et confirmer, en conséquence, l'ordonnance déférée.
Par contre, la société Carea sera déboutée de sa demande de provision sur dommages et intérêts qui implique une appréciation de la faute commise par la société Jeddi Bat dans son comportement procédural, qui ne relève pas des pouvoirs de la juridiction des référés.
La société Jeddi Bat qui succombe sera condamnée au paiement des entiers dépens d'appel et d'une indemnité de procédure de 2.000,00 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Constate que la société Carea Distribution n'a versé aucune pièce au débat ;
Confirme l'ordonnance déférée, en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Déboute la société Carea Distribution de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne la société PF 21 Jeddi Bat au paiement des entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile, et d'une indemnité de procédure de 2.000,00 euros au profit de la société Carea Distribution, au titre de l'article 700 du code de procédure.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Christine LEVEUF Louis-Denis HUBERT
- 6186 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Garanties d’exécution
- 6225 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Vente
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- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)