CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 5 décembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4992
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 5 décembre 2014 : RG n° 13/11391
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Que, nonobstant certaines clauses du contrat de location destinées essentiellement à tenter d'affranchir PARFIP des conséquences de l'interdépendance des engagements, il résulte de l'économie générale du contrat que les parties ont tacitement stipulé une indivisibilité desdits engagements, le contrat ne stipulant qu'un loyer global et la société X. ne souscrivant la licence d'exploitation, qui a été cédée à PARFIP, qu'en bénéficiant aussi des prestations restées à la charge de PLUS QUE DU WEB après la cession du contrat à PARFIP, ce que cette dernière ne pouvait ignorer, le montage financier proposé par la société PLUS QUE DU WEB impliquant nécessairement une collaboration antérieure entre le fournisseur et le cessionnaire financier du contrat ».
2/ « Considérant encore qu'analysant les clauses du contrat, dont notamment l'absence de responsabilité du cessionnaire en cas de défaillance du fournisseur dans la délivrance du site internet (article 2.2), la durée irrévocable (article 8), la possibilité unique de règlement par prélèvements automatiques (article 9) et les clauses exonératoires de responsabilités ou en excluant la société cliente du bénéfice des articles 11, 13, 14, 16, 18 et 20, en estimant qu'elles reviennent à soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la société X. sollicite, sur le fondement de l'article L. 442-6-I du code de commerce, l'indemnisation du préjudice en résultant ;
Mais considérant qu'il résulte des différents exposés des faits par les parties, que le contrat de licence d'exploitation d'un site internet a été proposé à la société X. par la société PLUS QUE DU WEB, laquelle serait dès lors la seule susceptible d'être recherchée sur le fondement précité, mais que celle-ci n'étant pas présente ni appelée dans la présente instance, la demande d'indemnisation de la société X. n'est pas fondée à l'encontre de la société cessionnaire PARFIP ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 5 DÉCEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/11391. Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 avril 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 12/12034.
APPELANTE :
SAS PARFIP FRANCE,
inscrite au RCS de Paris n° 411XX, agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, Représentée par Maître Anne-Charlotte PASSELAC de la SELARL ODINOT & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
INTIMÉE :
EURL X. - LA CORDERIE « LA CORDERIE »,
immatriculée RCS de Paris n° 480 YY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Nathalie BERTRAND de la SCP BERTRAND & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0079
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 octobre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, Paul André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, Marie-Annick PRIGENT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 14 mai 2008, l'Eurl X., exploitant un commerce de confection sur mesure sous l'enseigne « LA CORDERIE », a souscrit une licence d'exploitation d'un site internet auprès de la société dénommée « PLUS QUE DU WEB » pour une durée irrévocable de 48 mois moyennant le paiement d'une redevance mensuelle d'un montant de 270 euros HT. Le procès-verbal de réception sans réserve a été signé le 5 juin 2008, l'acte contenant aussi, conformément aux conditions générales du contrat de licence, cession des droits dudit contrat par la société PLUS QUE DU WEB à la SAS PARFIP FRANCE (société PARFIP), société de financement de contrats de location, la société X. autorisant les prélèvements correspondants sur son compte bancaire au profit de la société PARFIP.
Soutenant que faute de connaissances personnelles en informatique de sa gérante, elle s'est aperçue qu'elle n'était pas en mesure de développer son site internet, la société X. a informé la société PLUS QUE DU WEB le 27 juillet 2009 qu'elle cessait le paiement des échéances mensuelles.
Après avoir vainement mis en demeure la société X. de payer par lettre recommandée du 28 novembre 2011 visant la clause résolutoire, la société PARFIP a, le 6 février 2012, l'a assignée devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire aux torts exclusifs de la débitrice et la condamnation de celle-ci à lui payer 12.432,42 euros, augmentés des intérêts au taux légal « majoré de l'article L. 441-6 du code de commerce », à compter de la mise en demeure, le taux étant encore « majoré de 5 points à l'expiration d'un délai de 2 mois suivant la signification du jugement à intervenir » et capitalisation des intérêts,
- ordonner la restitution sous astreinte du site internet et de sa documentation aux frais de la société X., outre des frais irrépétibles.
Après avoir soulevé l'irrecevabilité des demandes de la société PARFIP, au motif que celle-ci n'avait pas donné suite à l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer précédemment signifiée, la société X. s'y est opposée en soutenant essentiellement avoir été contrainte de résilier le contrat le 27 juillet 2009, en raison des manquements de la société PLUS QUE DU WEB dans l'exécution de ses obligations.
En estimant essentiellement que l'ensemble des prestations proposée par PLUS QUE DU WEB et la location financière réalisée par PARFIP participent d'une même opération économique, le tribunal, par jugement contradictoire du 26 avril 2013, a rejeté les exceptions soulevées par la société X. en déclarant la société PARFIP recevable en ses demandes mais l'a déboutée sur le fond en la condamnant à payer la somme de 1.500 euros de frais non compris dans les dépens, tout en constatant la résolution de la licence d'exploitation au 27 juillet 2009.
Vu l'appel interjeté le 6 juin 2013, par la société PARFIP et ses écritures signifiées par RPVA le 16 décembre suivant, aux termes desquelles elle réclame la somme de 2.000 euros de frais de procédure et poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté les exceptions tirées d'un désistement d'action et d'un défaut de qualité et d'intérêt à agir, mais sa réformation pour le surplus en formulant à nouveau les demandes initialement présentées devant les premiers juges, tout en s'opposant tant à la demande de dommages et intérêts qu'aux autres demandes de la société X. ;
Vu les conclusions signifiées par RPVA le 20 janvier 2014, par la société X. intimée, par lesquelles elle réclame la somme de 4.000 euros de frais irrépétibles et, formant appel incident, poursuit :
- à titre principal, l'infirmation du jugement en soulevant à nouveau l'irrecevabilité des demandes de la société PARFIP en raison d'une part, de son désistement d'action du 11 octobre 2010 et d'autre part, de l'absence de qualité et d'intérêt à agir,
- subsidiairement, (implicitement) sa confirmation sur la résolution du contrat du 27 juillet 2009 en y ajoutant la condamnation de la société PARFIP à lui payer 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de la soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat sur le fondement de l'article L. 442-6-I du code de commerce ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que la société X. soutient à nouveau devant la cour qu'en s'abstenant volontairement de consigner les frais de la procédure d'injonction de payer, la société PARFIP a exprimé la volonté de ne pas poursuivre la procédure ; que cette abstention s'analyse non en une simple caducité résultant de l'application de l'article 1425 du code de procédure civile, mais en un désistement d'action ['] sans aucune réserve ;
Mais considérant que la société PARFIP fait à juste titre valoir qu'en ne consignant pas, en sa qualité de créancière requérante à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 24 août 2010, les frais suite à l'opposition du 27 septembre 2010 formée par la société X., l'instance issue de l'ordonnance d'injonction de payer s'est éteinte sans nullement éteindre l'action elle-même ;
Qu'en assignant à nouveau la société X., le 6 février 2012, la société PARFIP a introduit une nouvelle instance étant observé qu'il n'a pas été allégué, et a fortiori qu'il n'a pas été démontré, que l'action en paiement était prescrite à cette nouvelle date ;
Considérant que la société X. fait en outre valoir qu'à défaut de justifier de la cession qu'elle invoque du contrat, la société PARFIP ne démontre pas avoir qualité à agir, d'autant que n'étant pas signé par la société PLUS QUE DU WEB (selon l'intimée), celle-ci n'a pas pu le céder à la société PARFIP ;
Mais considérant, outre que l'article 1er des conditions générales du contrat de licence d'exploitation de site internet stipule que le client [société X.] reconnaît au fournisseur [société PLUS QUE DU WEB] la possibilité de céder les droits résultant du contrat au profit de la société PARFIP, cette dernière est expressément visée aux conditions particulières du contrat comme y intervenant en qualité de cessionnaire, les sociétés X., PLUS QUE DU WEB et PARFIP ayant chacune apposé leur cachet commercial sur le document, de sorte que la cession du contrat est contenue dans le contrat lui-même et qu'elle a bien fait l'objet d'un écrit sous seing privé, dont il n'a pas été davantage allégué que chaque partie n'en aurait pas eu un exemplaire ;
Que, par ailleurs, la cessionnaire étant intervenue au contrat de licence objet de la cession invoquée, les formalités de l'article 1690 du code civil n'étaient pas applicables, puisque toutes les parties sont intervenues audit acte en y apposant leur cachet ;
Qu'en conséquence, les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la société X., ne seront pas accueillies, le jugement devant être confirmé de ce chef ;
Considérant, sur le fond, que la société X. poursuit implicitement la confirmation du jugement sur la « résolution » du contrat du 27 juillet 2009, tandis que la société PARFIP soutient, en invoquant les stipulations contractuelles contraires, que l'ensemble contractuel n'est pas unique en faisant valoir qu'elle est intervenue uniquement « en réglant au prestataire le coût équivalent à la cession du contrat » et que la licence est distincte des autres prestations auxquelles la société PLUS QUE DU WEB s'est engagée ;
Que, ce faisant, la société PARFIP n'a pas contesté la défaillance, relevée par le tribunal, de la société PLUS QUE DU WEB dans l'exécution de ses obligations contractuelles nées du contrat du 14 mai 2008 ;
Considérant, que le contrat de licence d'exploitation du site internet, d'une durée de 4 années à compter du 1er juillet 2008, prévoit deux mises à jour par an, outre la maintenance d'une « hot line » ;
Que, nonobstant certaines clauses du contrat de location destinées essentiellement à tenter d'affranchir PARFIP des conséquences de l'interdépendance des engagements, il résulte de l'économie générale du contrat que les parties ont tacitement stipulé une indivisibilité desdits engagements, le contrat ne stipulant qu'un loyer global et la société X. ne souscrivant la licence d'exploitation, qui a été cédée à PARFIP, qu'en bénéficiant aussi des prestations restées à la charge de PLUS QUE DU WEB après la cession du contrat à PARFIP, ce que cette dernière ne pouvait ignorer, le montage financier proposé par la société PLUS QUE DU WEB impliquant nécessairement une collaboration antérieure entre le fournisseur et le cessionnaire financier du contrat ;
Que les engagements conservés par la société PLUS QUE DU WEB et ceux cédés à la société PARFIP sont interdépendants, les clauses de divisibilité invoquées par le cessionnaire étant réputées non-écrites comme étant inconciliables avec cette interdépendance ;
Considérant aussi, qu'en sollicitant subsidiairement la confirmation du jugement sur la « résolution » du contrat du 27 juillet 2009, la société X. admet implicitement, mais nécessairement, que le contrat s'est normalement déroulé jusqu'à cette date, de sorte qu'ayant reçu un commencement d'exécution il y a lieu de prononcer une simple résiliation à compter du 27 juillet 2009, aux torts de la société PLUS QUE DU WEB qui était demeurée débitrice de certaines prestations, rendant sans fondement les demandes de paiement de la société PARFIP étant observé qu'il n'a pas été contesté que les loyers ont été honorés jusqu'à la date du 27 juillet 2009 ;
Considérant qu'aux termes du contrat (qu'elle qu'en soit la cause), il est prévu en son article 17 que le client doit restituer à ses frais le site internet et sa documentation par la désinstallation des fichiers sources du site de tous les matériels sur lequel ils étaient fixés, en ce compris la destruction de l'ensemble des copies de sauvegarde et documentations reproduites, le cessionnaire pouvant s'assurer de cette désinstallation par un contrôle dans les locaux du client ;
Que la société X. sera, en conséquence, condamnée à restituer le site internet à la société PARFIP dans les conditions prévues à l'article 17 des conditions générales du contrat sans qu'il soit utile d'ordonner une astreinte, comme le demande la société PARFIP, l'intérêt économique pour le partenaire financier de la restitution d'un site ne fonctionnant plus effectivement depuis plusieurs années étant négligeable ;
Considérant encore qu'analysant les clauses du contrat, dont notamment l'absence de responsabilité du cessionnaire en cas de défaillance du fournisseur dans la délivrance du site internet (article 2.2), la durée irrévocable (article 8), la possibilité unique de règlement par prélèvements automatiques (article 9) et les clauses exonératoires de responsabilités ou en excluant la société cliente du bénéfice des articles 11, 13, 14, 16, 18 et 20, en estimant qu'elles reviennent à soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la société X. sollicite, sur le fondement de l'article L. 442-6-I du code de commerce, l'indemnisation du préjudice en résultant ;
Mais considérant qu'il résulte des différents exposés des faits par les parties, que le contrat de licence d'exploitation d'un site internet a été proposé à la société X. par la société PLUS QUE DU WEB, laquelle serait dès lors la seule susceptible d'être recherchée sur le fondement précité, mais que celle-ci n'étant pas présente ni appelée dans la présente instance, la demande d'indemnisation de la société X. n'est pas fondée à l'encontre de la société cessionnaire PARFIP ;
Que, par ailleurs, l'équité ne commande pas d'allouer en l'espèce des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement, sauf à préciser que le contrat du 14 mai 2008 de licence d'exploitation d'un site internet, est résilié à la date du 27 juillet 2009 aux torts exclusifs de la société PLUS QUE DU WEB,
Déboute la société X. de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article L. 442-6, I du code de commerce et rejette les demandes d'indemnisation des frais irrépétibles,
Condamne la SAS PARFIP FRANCE aux dépens,
Admet Maître Nathalie BERTRAND (SCP BERTRAND Associés), avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
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