CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TI CHARLEVILLE-MEZIERES, 17 août 1998

Nature : Décision
Titre : TI CHARLEVILLE-MEZIERES, 17 août 1998
Pays : France
Juridiction : Charleville Mezières (TI)
Demande : 97/355
Décision : Sans
Date : 17/08/1998
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 29/07/1997
Décision antérieure : CCA AVIS, 12 février 1998
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 50

TI CHARLEVILLE-MEZIERES, 17 août 1998 : RG n° 97/355

Publication : Site CCA

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE CHARLEVILLE-MÉZIÈRES

JUGEMENT DU 17 AOÛT 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 97-355.

DEMANDEUR :

Monsieur X.

Comparant en personne.

DÉFENDEUR :

Monsieur le Directeur - Agence CREDIT MUTUEL

Représenté par la SCP DELGENES VAUCOIS, Avocats au Barreau des Ardennes

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ :

Mademoiselle Sylvie CORMERY, Juge,

Assistée de Madame Catherine ESCH, Faisant fonction de Greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 16 mars 1998.

JUGEMENT : Contradictoire

En premier ressort,

Prononcé à l'audience publique du 17 août 1998.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par déclaration au greffe en date du 29 juillet 1997, Monsieur X. a fait assigner le CREDIT MUTUEL aux fins de le voir condamner à lui payer les sommes suivantes :

- 4.258,30 francs au titre de la répétition de l'indu ;

- 8.516,60 francs au titre de dommages-intérêts.

 

Les moyens développés par Monsieur X. peuvent être ainsi exposés :

- Prélèvement abusif et sans l'accord du titulaire du compte sur la tarification pratiquée de frais et commissions.

- Violation d'une autorisation de découvert en compte en l'absence de tout préavis et sans défaillance préalable du débiteur.

- Absence de tarif écrit préalable qui légitime le débit au titre des agios et ce, en contradiction avec l'article 1907 du Code Civil.

- Virement compensatoire sans en informer le titulaire du compte entre deux comptes bancaires jusqu'à épuisement de l'épargne de Monsieur X.

En effet, il fait valoir

1°) Que le 07 décembre 1994, le CREDIT MUTUEL lui a consenti l'ouverture d'un compte de dépôt sous le numéro […].

2°) Qu'entre le 1er avril 1995 et le 26 avril 1997, le CREDIT MUTUEL lui a prélevé indûment sur son compte des sommes pour frais de commission, frais d'impayé, frais de lettre et des agios pour la somme de 4.258,30 francs alors même qu'à l'ouverture du compte, ces frais n'avaient pas été prévus ni leur augmentation annuelle.

3°) Qu'au moment de l'ouverture du compte, le CREDIT MUTUEL avait autorisé un découvert en compte d'au plus 5.000,00 francs confirmé par une lettre datée du 31 août 1995 ; que cependant, malgré une autorisation de découvert, le CRÉDIT a prélevé automatiquement et sans l'accord du titulaire du compte des sommes sur le Livret Bleu afin de combler le découvert du compte de dépôt en application d'une clause d'unité de compte, clause qui ne peut être appliquée à l'encontre d'un non professionnel.

 

En défense, le CREDIT MUTUEL conclut au débouté de l'ensemble des demandes de Monsieur X. et sollicite à titre reconventionnel la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 1.000,00 francs à titre de dommages-intérêts et de 1.800,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il expose que les frais, les agios et commission prélevés ainsi, que la tarification appliquée était connue et acceptée de Monsieur X. du fait de la signature [minute page 3] de la convention de compte le 07 décembre 1994, du courrier adressé le 24 octobre 1994 par le CREDIT MUTUEL à Monsieur X.

Qu'en outre, Monsieur X. étant sociétaire du CREDIT MUTUEL, il est convoqué aux Assemblées Générales et donc en mesure de connaître les conditions générales de banque.

Qu'enfin, la clause d'unité de compte a été acceptée contractuellement par Monsieur X.

 

Par jugement en date du 24 novembre 1997, le Tribunal, avant-dire droit, a saisi la Commission des clauses abusives d'une demande d'avis sur la clause intitulée « convention de compensation » a figurant l'article 14 de la convention d'ouverture de compte.

 

Dans une décision adoptée le 12 février 1998, la Commission des clauses abusives, visant les articles L. 132-1 et R. 132-6 du Code de la Consommation, a formulé l'avis suivant : « considérant qu'après avoir ouvert un comte auprès du CREDIT MUTUEL, les époux ont conclu avec celle-ci un avenant le 09 février 1995 instaurant des facilités de trésorerie sur le compte et autorisant la banque à procéder à des virements du compte au CODEVI ;

Considérant qu'à cet avenant sont jointes des conditions générales comportant une clause intitulée « convention de compensation » ;

Considérant que cette clause autorise la caisse locale du CREDIT MUTUEL à procéder discrétionnairement et sans en avertir le consommateur à des virements d'un compte créditeur sur un autre compte débiteur ; que cette clause, qui ouvre à la banque la faculté de faire jouer la compensation entre toutes les créances qu'elle invoque et tous les comptes, y compris ceux à terme de son client, même en présence d'une possibilité de contestation ultérieure de sa part est susceptible de créer un déséquilibre significatif dans la relation contractuelle au détriment du consommateur. »

 

Par conclusions en réponse et en défense, le CREDIT MUTUEL conclut au débouté de l'ensemble des demandes de Monsieur X.

Il sollicite du Tribunal que celui-ci dise n'y avoir lieu à déclarer abusive la clause de nullité de compte intitulé article « convention de compensation » dans le contrat signé le 09 février 1996 ; que pour le cas où cette clause serait déclarée abusive et réputée non écrite, donner acte à la caisse du CREDIT MUTUEL qu'elle recréditerait alors le Livret Bleu de Monsieur X. de la somme de 23.400, 00 francs ; qu'il y aurait lieu alors à condamner Monsieur X. à payer à la Caisse la somme de 23.400,00 francs dont alors son compte de dépôt se trouverait débiteur outre intérêts au taux contractuel à compter de chacun des prélèvements compensatoires opérés.

[minute page 4] Le CREDIT MUTUEL développe l'argument suivant :

1°) Que la clause susvisée ne fait que rappeler les dispositions de la Loi et notamment celles de l'article 1290 du Code Civil ;

2°) Que Monsieur X. avait une possibilité de contestation pour éviter la compensation, faculté qu'il n'a pas utilisé.

3°) Qu'enfin, déclarer cette clause abusive se ferait au détriment de Monsieur X. ; qu'en effet, le compte courant de Monsieur X. se trouverait alors débiteur de la somme de 23.400,00 francs ; qu'il y aurait lieu de condamner Monsieur X. à payer au CREDIT MUTUEL la somme de 23.400,00 francs.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la demande de condamnation du CREDIT MUTUEL en dommages-intérêts au profit de Madame X. est déclarée irrecevable, celle-ci n'étant pas dans la cause ;

 

I) - Sur les frais d’impayés et commissions

Attendu qu'aux termes de l'article L. 113-3 du Code de la Consommation et l'article 7 du Décret du 24 juillet 1984, les établissements de crédit sont tenus de porter à la connaissance de leur clientèle et du public les conditions générales de banques qu'ils pratiquent pour les opérations qu'ils effectuent ;

Que lorsqu'ils ouvrent un compte, les établissements de crédit doivent informer leurs clients sur les conditions d'utilisation du compte, le prix des différents services auxquels il donne accès et les engagements réciproques de l'établissement et du client ;

Que cette information peut être fournie par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé;

Qu'en l'espèce, Monsieur X. ne rapporte pas la preuve que cette condition d'information n'ait pas été respectée par le CREDIT MUTUEL ;

Qu'en outre, Monsieur X. a reconnu le 09 février 1995 avoir pris connaissance et avoir approuvé les conditions générales de banque et les conditions générales des produits et services ;

Que les conventions légalement formées tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites, Monsieur X. ne peut être que débouté de sa demande tendant à la condamnation du CREDIT MUTUEL à lui restituer les frais et commissions perçus entre le 1er avril 1995 et le 31 mai 1997 ;

Attendu que, s'agissant de l'augmentation de ces [minute page 5] frais depuis la date de conclusion de la convention d'ouverture de compte, il convient de considérer d'une part que Monsieur connaissait l'existence de cette augmentation par la nécessaire publicité des prix des services et d'autre part qu'étant sociétaire, il était convoqué à l'Assemblée Générale durant lesquelles étaient évoquées les conditions générales de banque ;

Qu'en conséquent, Monsieur X. ayant à tout moment la possibilité de clôturer son compte, son silence lors de l'augmentation des coûts peut être considéré comme une acceptation ;

Qu'il est débouté de sa demande à ce titre ;

 

II) - Sur les intérêts contractuels en cas de solde débiteur du compte de dépôt :

Attendu que l'article 1907 alinéa 2 du Code Civil dispose que le taux d'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ;

Attendu que Monsieur X., lors de l'ouverture de son compte, a accepté, le 07 décembre 1994, qu'un taux débiteur de 17,48 % l'an soit appliqué sur le dépassement ;

Que, dans l'offre préalable d'ouverture de crédit en compte courant, le taux de 14,50 % prévu, se trouve être révisable ;

Que l'article VI de ce contrat précise que le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature ;

Qu'il est donc débouté de sa demande à ce titre ;

 

III) - Sur la résiliation par le prêteur de l'offre de découvert :

Attendu que le 10 janvier 1995, Monsieur X. a accepté un crédit de 5.000,00 francs sur la base d'un découvert en compte ;

Que ce contrat dans son article XI précise que le compte doit fonctionner alternativement sur une base créditrice et sur une base débitrice ;

Que, par lettre en date du 31 août 1995, le CREDIT MUTUEL avisait Monsieur de ce que le solde débiteur s'élevait à 8.837,95 francs et qu'il génèrerait un prélèvement d'intérêts débiteurs ;

Que par lettre en date du 14 septembre 1995, le CREDIT MUTUEL exposait à Monsieur un plan d'apurement et lui précisait qu'à compter du 1er mars 1996, le compte ne devrait fonctionner qu'en ligne exclusivement créditrice ;

Qu'il en résulte que Monsieur n'a [minute page 6] pas d'une part respecté ses obligations contractuelles en dépassant dès août 1995 le montant autorisé ;

Que dès lors, le CREDIT MUTUEL pouvait mettre fin à son autorisation de découvert en application de l'article XI du contrat pour utilisation anormale de l'ouverture de crédit par le titulaire du compte ;

Que le CREDIT MUTUEL a avisé Monsieur plusieurs mois à l'avance par lettre en date du 14 septembre 1995 que son compte ne devrait fonctionner qu'en ligne créditrice à compter du 1er mars 1996 ;

Que dès lors, le CREDIT MTUEL a exécuté de manière tout à fait conforme aux prescriptions du contrat, ses obligations contractuelles ;

Que Monsieur  est débouté de sa demande à ce titre ;

 

IV) - Sur la convention de compensation :

Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation permet au Juge de réputer non écrites les clauses qui dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels sont abusives ;

Qu'une clause abusive s'analyse en une clause qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Qu'en l'espèce, la clause 14 intitulée « convention de compensation » insérée dans le contrat conclu entre Monsieur X. et le CREDIT MUTUEL, le 09 février 1996 a été déclarée abusive par la Commission des clauses abusives saisie pour avis ;

Que cette clause permet en effet la compensation entre un compte de dépôt à vue et un compte de dépôt à terme ;

Que dès lors, il ne s'agit pas contrairement aux affirmations du CREDIT MUTUEL, d'une simple reprise de l'article 1290 du Code Civil ;

Que la compensation légale, aux termes de l'article 1290 et 1291, ne peut s'opérer qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent [...] et qui sont également liquides et exigibles ;

Que cela ne peut être le cas entre deux comptes qui [ont] un fonctionnement tout à fait différent ;

Attendu en outre, que cette clause permet à l'organisme bancaire de se soustraire aux dispositions d'ordre public du crédit à la consommation ;

Que permettre l'existence de cette clause reviendrait à réduire à néant l'obligation pour l'établissement bancaire lorsqu'il consent à son client des avances de fonds pendant [minute page 7] plus de trois mois, de proposer au débiteur une offre de crédit répondant aux dispositions des articles L. 311-5 et suivants au Code de la Consommation ;

Que ces dispositions d'ordre public, protectrices du consommateur, ne peuvent pas être mises en échec par l'existence d'une clause permettant au banquier d'opérer coi bon lui semble des virements compensatoires ;

Qu'ainsi, la banque peut en opérant un virement tous les trois mois maintenir un compte artificiellement créditeur 4 mois par an ;

Qu'ainsi, elle dispose de la maîtrise du compte, de la possibilité de comptabiliser des intérêts débiteurs au titulaire du compte pendant 8 mois par an sans jamais devoir lui proposer une offre de crédit ;

Que les offres de crédit, par leur formalisme, assurent une garantie à l'emprunteur contre des pratiques commerciales dont il n'est pas familier et lui permettent de réfléchir avant de s'engager dans un crédit ;

Qu'au surplus, ce n'est qu'une fois le virement compensatoire opéré que le titulaire des coptes peut dénoncer la convention ;

Attendu enfin que, s'agissant d'un contrat type dont les clauses ne sont négociables qu'en théorie, il est raisonnable de conclure que Monsieur X. n'a pas accepté cette clause en toute connaissance de cause ;

Que Monsieur X. sollicitant l'ouverture d'un compte aux fins de créer une épargne a pu ne pas saisir toute la portée d'une clause qui jouerait en cas de difficultés financières pour lui ;

Que dès lors, cette clause doit être réputée non écrite ;

Qu'il apparaît qu'entre le 04 janvier 1995 et le 30 juin 1997, la banque a effectué des virements compensatoires hauteur de 23.400,00 francs ;

Que cette somme doit être portée au crédit du compte « CODEVI » numéro […] de Monsieur X. :

Que cette somme devra porter intérêts comme si [ces] sommes n'avaient jamais été prélevées ;

Attendu que Monsieur X. doit être cependant condamné à payer au CREDIT MUTUEL la somme de 23.400,00 francs, son compte de dépôt se trouvant débiteur de la même somme ;

Que cependant, il ne saurait être fait droit à demande d'agios sur ce compte débiteur ;

Qu'en effet, il apparaît que ce compte a donc fonctionné pendant plus de trois mois à découvert alors même que 1'autorisation du découvert en compte fut résiliée depuis [minute page 8] mars 1996 ;

Que dès lors, en application des articles L 311-3 et L 311-33 du Code de la Consommation, l'absence d'offre préalable régulière entraîne pour l'organisme de crédit la déchéance du droit à tout intérêt couru, légal ou conventionnel, sur le solde débiteur d'un compte bancaire ayant fonctionné à découvert pendant plus de trois mois ;

Que Monsieur X. doit donc être condamné à payer au CREDIT MUTUEL la somme de 23.400,00 francs avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Attendu que Monsieur n'a pas subi de préjudice particulier puisque les sommes prélevées sur le compte « CODEVI » vont être recréditées avec intérêts au taux en vigueur au moment de leur prélèvement ;

Qu'il est donc débouté de sa demande en dommages-intérêts à ce titre ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Déclare irrecevable les demandes en dommages-intérêts formées au profit de Madame X.

Déclare abusive la clause 14 intitulée « convention de compensation » insérée dans les conditions générales de la convention d'ouverture de compte du 09 février 1995.

Dit que cette clause est réputée non écrite

Condamne en conséquence le CREDIT MUTUEL à recréditer sur le compte CODEVI numéro […] de Monsieur X., la somme de VINGT TROIS MILLE QUATRE CENTS FRANCS (23.400,00) avec les intérêts prévus au moment du prélèvement.

Condamne Monsieur X. à payer au CREDIT MUTUEL la somme de VINGT TROIS MILLE QUATRE CENTS FRANCS (23.400,00) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.