CA ROUEN (1re ch. civ.), 14 janvier 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5017
CA ROUEN (1re ch. civ.), 14 janvier 2015 : RG n° 13/06194 et 13/06343
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « M. et Mme Z. soutiennent, en second lieu, que la clause précitée figurant dans le mandat constitue une clause abusive qui doit être réputée non écrite dans la mesure où elle constitue en réalité une clause d'exclusivité interdisant, durant une durée déraisonnable de dix-huit mois, de mener une meilleure négociation avec un acheteur qui aurait également visité le bien par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier, alors au surplus qu'il n'est mis à la charge du cabinet DELAITRE aucune obligation de porter à leur connaissance les visites réalisées et que la clause met à l'inverse à leur charge une obligation postérieure à la vente.
Toutefois, la stipulation du contrat ne revêt pas le caractère de clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation en ce qu'elle ne crée pas un déséquilibre entre les parties au détriment du consommateur, mais a pour seul objet comme pour seul effet d'assurer, pendant un délai raisonnable de dix-huit mois, le respect de la loyauté contractuelle en sanctionnant les pratiques visant à contourner la commission dans l'hypothèse où elle serait due à l'agent immobilier par qui aurait dû être conclue l'opération. »
2/ « Les consorts Y.-X. ont signé, le 1er avril 2010, un bon de visite gratuit et sans obligation d'achat, aux termes duquel ils s'engageaient notamment à négocier et conclure avec le cabinet DELAITRE pour l'acquisition du bien présenté, sous peine de dommages-intérêts correspondant à 7 % de la valeur du bien acquis. […] Ceci étant, c'est à juste titre que le tribunal a estimé qu'aucune somme ne pouvait leur être réclamée en raison de ce bon de visite, dès lors qu'en vertu des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970, 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, seul le mandat de vente confié à l'agent immobilier pouvant justifier légalement sa rémunération, ce dernier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat.
Il n'en demeure pas moins que même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agent immobilier, par l'entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l'avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice. Il convient dès lors d'apprécier si le comportement des consorts Y.-X. revêt en l'espèce un caractère fautif. »
COUR D'APPEL DE ROUEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 JANVIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G n° 13/06194 et 13/06343. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 9 septembre 2013 : R.G. n° 11/02501.
APPELANTS :
Madame X.
née le [date] à [ville], représentée et assistée par Maître Stéphane SELEGNY (SELARL AXLAW), avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], représentée et assistée par Maître Stéphane SELEGNY (SELARL AXLAW), avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Z.
né le [date] à [ville], représenté et assisté par Maître Agnès HAVELETTE, avocat au barreau de ROUEN
Madame W. divorcée Z.
née le [date] à [ville], représentée et assistée par Maître Agnès HAVELETTE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉS :
Madame X.
née le [date] à [ville], représentée et assistée par Maître Stéphane SELEGNY (SELARL AXLAW), avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], représenté et assisté par Maître Stéphane SELEGNY (SELARL AXLAW), avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Z.
né le [date] à [ville], représenté et assisté par Maître Agnès HAVELETTE, avocat au barreau de ROUEN
Madame W. divorcée Z.
née le [date] à [ville], représentée et assistée par Maître Agnès HAVELETTE, avocat au barreau de ROUEN
L'EURL CABINET DELAITRE IMMOBILIER
représentée et assistée par Maître Caroline VELLY, avocat au barreau de ROUEN (SCP MORIVAL VELLY DUGARD AMISSE MABIRE)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 novembre 2014 sans opposition des avocats devant Monsieur SAMUEL, Conseiller, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Président, et de Mme GIRARD, Conseiller ; Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Monsieur LOTTIN, Président de Chambre, Monsieur SAMUEL, Conseiller, Madame GIRARD, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme LOUE-NAZE, Greffier
DÉBATS : À l'audience publique du 19 novembre 2014, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 janvier 2015
ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; Prononcé publiquement le 14 janvier 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur LOTTIN, Président et par Mme VERBEKE, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Le 22 juillet 2009, M. et Mme Z. ont signé un mandat, exclusif jusqu'au 22 septembre 2009, avec l'EURL Cabinet DELAITRE IMMOBILIER, pour la vente de leur maison sise à [ville R.]. Il était convenu que le prix revenant aux propriétaires serait de 460.000 euros et que les honoraires de l'agent immobilier seraient de 23.000 euros, soit 483.000 euros en tout.
Le mardi 1er avril 2010, Mme X. et M. Y. ont visité le bien, signé un bon de visite et fait par lettre adressée au cabinet DELAITRE, une offre d'achat au prix de 460.000 euros, frais d'agence inclus, valable jusqu'au mardi soir, soit le 6 avril 2010.
Le 2 avril 2010, M. C. et Mme T. ont visité ce même bien, également par l'intermédiaire du cabinet DELAITRE, et formulé, par mail (10h35) une proposition écrite de 470.000 euros.
Ce même 2 avril, par mail (18h51), et sous réserve de l'accord de son épouse, Monsieur Z. a confirmé son accord pour la vente de sa maison aux consorts C.-T. à 450.000 euros net vendeur au profit de ceux-ci.
Ce du 2 avril 2010 toujours, M. Y. a fait une nouvelle proposition d'achat, mais par l'intermédiaire d'un autre cabinet immobilier, le cabinet ACTUEL IMMOBILIER, à hauteur de 475.000 euros comprenant les honoraires de l'agent immobilier (15.000 euros), soit 460.000 euros net vendeur.
Le 3 avril 2010, à 18h21, M. C. et Mme T. ont fait une proposition d'achat de 483.000 euros auprès du Cabinet DELAITRE IMMOBILIER, proposition correspondant au prix fixé par le mandat confié par les époux Z. au cabinet DELAITRE.
Les époux Z. ont refusé d'y donner suite, dans la mesure où ils avaient auparavant accepté la nouvelle offre faite par les consorts Y.-X.
Par acte en date du 6 avril 2011, le Cabinet DELAITRE IMMOBILIER a assigné Monsieur et Madame Z. devant le tribunal de grande instance de ROUEN, et par acte du 20 avril 2011, Madame X. et Monsieur Y., pour manquement à leurs engagements contractuels respectifs.
Par jugement du 9 septembre 2013, le tribunal de grande instance de ROUEN a ainsi statué :
- condamne in solidum, d'une part Monsieur Z. et Madame W. épouse Z. solidairement entre eux, et d'autre part Madame X. et Monsieur Y. solidairement entre eux, à payer à l'EURL Cabinet DELAITRE IMMOBILIER la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- déboute Monsieur Z. et Madame W. épouse Z. de l'ensemble de leurs demandes,
- déboute Madame X. et Monsieur Y. de l'ensemble de leurs demandes,
- condamne in solidum, d'une part Monsieur Z. et Madame W. épouse Z. solidairement entre eux, et d'autre part Madame X. et Monsieur Y. solidairement entre eux, à payer à l'EURL Cabinet DELAITRE IMMOBILIER la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamne in solidum, d'une part Monsieur Z. et Madame W. épouse Z. solidairement entre eux, et d'autre part Madame X. et Monsieur Y. solidairement entre eux, aux dépens.
Le tribunal a condamné les consorts X.- Y. pour manquement à leur obligation contractuelle ayant fait perdre au cabinet DELAITRE la chance de percevoir ses honoraires, résultant du fait qu'ils avaient signé un compromis avec les époux Z., à un moment où ils étaient encore liés par une offre faite par l'intermédiaire du cabinet DELAITRE. Il a condamné les époux Z. pour manquement à leur obligation contractuelle d'informer l'agent immobilier des conditions de la vente si celle-ci n'était pas réalisée par son intermédiaire.
M. Y. et Mme X. ont interjeté appel général par acte du 25 octobre 2013 et, dans leurs dernières conclusions du 17 juin 2014 auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet des moyens, demandent à la Cour de :
- constater que le Cabinet DELAITRE ne justifie pas d'un mandat conforme aux dispositions de la loi HOGUET sur le bien litigieux ;
- constater dès lors l'irrecevabilité des demandes du Cabinet DELAITRE,
- débouter le Cabinet DELAITRE de l'intégralité de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Madame X. et de Monsieur Y.,
- condamner le Cabinet DELAITRE à payer, tant à Madame X. qu'à Monsieur Y., chacun la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamner le Cabinet DELAITRE à payer à chacun des concluants la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Cabinet DELAITRE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M. et Mme Z. ont interjeté appel général par acte du 6 novembre 2013 et, dans leurs dernières conclusions du 16 juin 2014 auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet des moyens, demandent à la Cour de :
- réformer le jugement, de constater l'absence de carte professionnelle de M. DELAITRE lui permettant de conclure un mandat de vente immobilière,
- dire que le cabinet DELAITRE IMMOBILIER est dénué de tout intérêt à agir du fait de l'absence de mandat régulier et de sa qualité de tiers au contrat,
- dire que les époux Z. n'ont commis aucune faute postérieurement à la conclusion de la vente et débouter le cabinet DELAITRE IMMOBILIER de toute demande,
- à tire reconventionnel,
- condamner le cabinet DELAITRE IMMOBILIER au paiement de la somme de 3.000 euros au profit des époux Z. à titre de dommages-intérêts,
- condamner le cabinet DELAITRE IMMOBILIER au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le cabinet DELAITRE IMMOBILIER au paiement des dépens de première instance et d'appel.
Le cabinet DELAITRE IMMOBILIER, dans ses dernières conclusions du 18 juin 2014 auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet des moyens, demande à la Cour de :
- le recevoir en ses conclusions et l'y déclarer bien fondé.
- débouter Monsieur Z. et Madame Z. née W. de leurs demandes, fins et conclusions.
- débouter Monsieur Y. et Madame X. de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmant en tous points le jugement rendu par le tribunal de grande instance de ROUEN en date du 9 septembre 2013,
- condamner solidairement Monsieur Y., Madame X., et Monsieur et Madame Z. à régler au cabinet DELAITRE IMMOBILIER la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.
- condamner solidairement Monsieur Y., Madame X., et Monsieur et Madame Z. à régler au cabinet DELAITRE IMMOBILIER la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Monsieur Y., Madame X., et Monsieur et Madame Z. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la responsabilité de Monsieur et Madame Z. :
M. et Mme Z. ont signé avec le Cabinet DELAITRE IMMOBILIER un mandat de vente le 22 juillet 2009 comportant notamment la clause suivante : « 6 - je m'interdis durant le mandat et après son expiration pendant 18 mois, de vendre le bien dont il est l'objet, directement ou indirectement, à un acquéreur qui m'aura été présenté par l'agent immobilier. Je m'engage si je vends, y compris après l'expiration du mandat, sans l'intermédiaire de l'agent immobilier à lui communiquer par écrit et sous cinq jours, le prix de vente, les noms et adresse de l'acquéreur, du notaire chargé d'établir l'acte de vente et, le cas échéant, de l'intermédiaire ». La sanction du non-respect de cette clause était le versement d'une indemnité forfaitaire égale au montant des honoraires prévus au mandat.
Pour s'opposer à la demande de réparation formée par le cabinet DELAITRE à leur encontre à raison du manquement à leur obligation contractuelle, M. et Mme Z. soutiennent, en premier lieu, que ce mandat est nul au motif que seul le titulaire de la carte professionnelle peut signer un mandat de vente et que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que M. DELAITRE se désigne à tort comme mandataire titulaire de la carte professionnelle.
Cette demande n'est pas irrecevable, contrairement à ce que soutient le cabinet DELAITRE, dès lors que le moyen tiré de la nullité d'un acte sur lequel est fondée la demande constitue une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause.
Pour autant, elle n'est pas fondée. Le cabinet DELAITRE a, en effet, produit la carte professionnelle d'agent immobilier délivrée à la société AALTO représentée par son gérant M. D. Si le mandat désigne comme mandataire « M.D., titulaire de la carte professionnelle », alors qu'il n'est pas lui-même titulaire de cette carte, la nullité n'est pas pour autant encourue dès lors, d'une part, que le mandat est établi à l'entête du cabinet DELAITRE IMMOBILIER AALTO SARL, d'autre part, qu'il est accepté et signé au nom de cette même société, représentée par son gérant, M. D. En outre, l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce réserve l'activité d'agent immobilier aux personnes titulaires de la carte professionnelle dont la délivrance ne peut être accordée, lorsqu'il s'agit de personnes morales, que si elles satisfont aux conditions prévues par la loi, tant en leur personne même qu'en celle de leur représentant légal et statutaire, ce qui est le cas de M. D. Dans ces conditions, le mandat ne peut être considéré comme nul.
M. et Mme Z. soutiennent, en second lieu, que la clause précitée figurant dans le mandat constitue une clause abusive qui doit être réputée non écrite dans la mesure où elle constitue en réalité une clause d'exclusivité interdisant, durant une durée déraisonnable de dix-huit mois, de mener une meilleure négociation avec un acheteur qui aurait également visité le bien par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier, alors au surplus qu'il n'est mis à la charge du cabinet DELAITRE aucune obligation de porter à leur connaissance les visites réalisées et que la clause met à l'inverse à leur charge une obligation postérieure à la vente.
Toutefois, la stipulation du contrat ne revêt pas le caractère de clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation en ce qu'elle ne crée pas un déséquilibre entre les parties au détriment du consommateur, mais a pour seul objet comme pour seul effet d'assurer, pendant un délai raisonnable de dix-huit mois, le respect de la loyauté contractuelle en sanctionnant les pratiques visant à contourner la commission dans l'hypothèse où elle serait due à l'agent immobilier par qui aurait dû être conclue l'opération.
Dès lors, doit être examinée la question du manquement de M. et Mme Z. à leur obligation contractuelle résultant, à l'égard du cabinet DELAITRE, de la clause précitée.
À cet égard, la Cour constate, au vu des pièces nouvelles produites en appel, que M. et Mme Z. ont informé le cabinet DELAITRE comme le prouve le mail adressé par M. Z., le 3 avril 2010 à 17h33, à M. DELAITRE dans lequel il lui « confirme suite à (son) appel téléphonique » que son épouse étant engagée auprès d'un autre acheteur ne donnera pas son accord pour un compromis au profit des consorts C.-T.
Le cabinet DELAITRE ne peut soutenir n'avoir pas reçu ce mail, dès lors que, dans un mail du même jour, envoyé à 18h34 à M. Z., M. D. rappelle « le mandat signé et enregistré sur (son) registre par les époux Z. » et précise que « tout engagement postérieur à ce mail sera contesté par une procédure uniquement dans l'hypothèse d'un refus de régularisation de compromis au profit du cabinet DELAITRE ». Il se déduit tant de la tonalité menaçante de ce message que de son expédition seulement une heure après l'heure d'envoi figurant sur le mail de M. Z. que le mail de M. D. constitue en réalité une réponse au message de M. Z. dont il a donc nécessairement eu connaissance. Aucun autre élément versé aux débats ne permet de conclure différemment, pas même l'attestation de Mme V., salariée du cabinet DELAITRE au moment des faits, dont le témoignage ne porte pas sur la période postérieure au 2 avril.
Pour autant, il est vrai que, dans son mail, M. Z. n'a pas fourni toutes les informations auxquelles il s'était engagé contractuellement, dans la mesure où il n'a communiqué ni le prix de vente, ni les noms et adresse de l'acquéreur, ni ceux du notaire chargé d'établir l'acte de vente et, le cas échéant, de l'intermédiaire.
Ce manquement à leurs obligations nées du contrat expose par principe M. et Mme Z. au paiement de l'indemnité forfaitaire égale au montant des honoraires prévus dans le contrat, en l'espèce 23.000 euros.
M. et Mme Z. sollicitent toutefois la réduction de cette clause pénale.
À cet égard, force est de constater que, dans ses écritures, le seul objectif que le cabinet DELAITRE assigne à la fourniture de tels renseignements et qui doit donc déterminer les limites de son préjudice, est d'éviter que l'agent immobilier puisse croire que le bien est toujours à vendre et poursuive vainement démarches et visites. Or, l'information communiquée dès le 3 avril par M. Z. était suffisante pour satisfaire à cet objectif. En outre, ainsi qu'il sera démontré ci-après, il n'existe aucun élément de nature à établir que le cabinet DELAITRE, qui ne bénéficiait plus de la clause d'exclusivité, aurait dû percevoir une commission, de telle sorte que le manquement des époux Z. n'a eu ni pour objet, ni même seulement pour effet de contourner le versement d'une commission qui aurait été due à cet agent immobilier.
Dans ces conditions la peine convenue est manifestement excessive et, par réformation du jugement, le montant des dommages-intérêts dus au cabinet DELAITRE sera réduit à la somme de 3.000 euros.
Sur la responsabilité de Monsieur Y. et Madame X. :
À titre liminaire, les consorts Y.-X. s'adjoignaient aux demandes des consorts Z. quant à la nullité du mandat confié à la société DELAITRE. Ils seront déboutés de cette demande pour les motifs exposés ci-dessus.
Les consorts Y.-X. ont signé, le 1er avril 2010, un bon de visite gratuit et sans obligation d'achat, aux termes duquel ils s'engageaient notamment à négocier et conclure avec le cabinet DELAITRE pour l'acquisition du bien présenté, sous peine de dommages-intérêts correspondant à 7 % de la valeur du bien acquis.
Ils ne peuvent sérieusement contester avoir souscrit cet engagement en faisant valoir que cette mention aurait été « biffée » sur le bon de visite, dès lors que les rayures qui y ont été apposées se rapportent manifestement aux rubriques non renseignées situées plus haut afin d'empêcher tout ajout postérieur à la signature, et non à la clause précitée.
Ceci étant, c'est à juste titre que le tribunal a estimé qu'aucune somme ne pouvait leur être réclamée en raison de ce bon de visite, dès lors qu'en vertu des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970, 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, seul le mandat de vente confié à l'agent immobilier pouvant justifier légalement sa rémunération, ce dernier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat.
Il n'en demeure pas moins que même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agent immobilier, par l'entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l'avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice.
Il convient dès lors d'apprécier si le comportement des consorts Y.-X. revêt en l'espèce un caractère fautif.
À cet égard, il est constant que, par lettre du 1er avril 2010, M. Y. a adressé au cabinet DELAITRE une proposition d'achat de la maison de M. et Mme Z. pour un montant de 460.000 euros frais d'agence inclus (soit 437.000 euros net vendeur) valable jusqu'au mardi suivant (6 avril) au plus tard.
Dès le lendemain, 2 avril, il a signé une lettre d'intention d'achat portant sur le même bien par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier, le cabinet ACTUEL IMMOBILIER, pour un montant de 475.000 euros comprenant une commission de 15.000 euros inférieure à la commission de 23.000 euros qui serait revenue au cabinet DELAITRE en cas d'acquisition par son intermédiaire.
Le cabinet DELAITRE impute à faute aux consorts Y.-X. le fait d'avoir pris contact avec une autre agence immobilière dont les honoraires étaient moins élevés pour évincer le cabinet DELAITRE, alors qu'ils demeuraient liés par leur première offre jusqu'au mardi 6 avril. Le tribunal les a condamnés au motif qu'ils ne pouvaient s'engager ailleurs avant l'expiration du délai courant jusqu'au 6 avril.
Pour contester toute faute de leur part, les consorts Y.-X. se prévalent, en premier lieu, d'une lettre du 3 avril 2010 qu'ils prétendent avoir adressée au cabinet DELAITRE prenant acte d'un refus de vente caractérisé qui leur aurait été opposé de la part du dit cabinet au prétexte d'une autre proposition d'achat faite par d'autres personnes intéressées. Toutefois, le cabinet DELAITRE conteste avoir reçu une telle lettre et il ne résulte d'aucun des éléments versés aux débats que cette lettre aurait effectivement été envoyée, et en tout cas reçue, par le cabinet DELAITRE.
Ils font valoir, en second lieu, qu'ils n'étaient pas contractuellement liés au cabinet DELAITRE, que leur offre, fut-elle transmise par l'intermédiaire de cet agent immobilier, les liait seulement aux vendeurs, les consorts Z., et qu'ils pouvaient donc faire à ces derniers une nouvelle offre, fut-ce par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier.
La Cour ne peut, sur ce point, que constater qu'il était effectivement loisible aux consorts Y.-X. d'avoir recours à l'intermédiaire d'une autre agence, et ce sans faute de leur part, quand bien même cette démarche aurait eu soit pour objet, soit simplement pour effet, de soumettre l'opération à des frais d'agence moins élevés. Quant au fait de n'avoir pas maintenu leur offre jusqu'au mardi 6 avril, il ne saurait davantage revêtir un caractère fautif, dès lors d'une part, que, fut-ce par l'intermédiaire du cabinet DELAITRE en tant que mandataire des consorts Z., c'est à ces derniers et eux seuls que cette offre était destinée, d'autre part, que l'acceptation faite, dans ce délai, par les consorts Z. d'une offre, plus intéressante pour eux, faite par les consorts Y.-X. par l'intermédiaire d'une autre agence n'était pas constitutif d'une faute de leur part à l'encontre du cabinet DELAITRE auquel ne les liait plus aucune clause d'exclusivité.
En l'absence de toute faute résultant soit de leur fait exclusif, soit d'un concert frauduleux avec les consorts Z., aucune condamnation ne peut être infligée aux consorts Y.-X. Le cabinet DELAITRE sera débouté de sa demande en ce sens, par infirmation du jugement.
Sur les autres demandes :
Les consorts Y.-X. comme M. et Mme Z. seront déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive, aucun élément versé aux débats ne permettant de conférer un tel caractère à l'action en justice du cabinet DELAITRE.
Le cabinet DELAITRE sera débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre des consorts Y. et X. et sera condamné à leur payer à ce titre la somme mentionnée au dispositif.
M. et Mme Z. et le cabinet DELAITRE seront déboutés de leurs demandes réciproques fondées sur ce même article.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. et Mme Z. à des dommages-intérêts, sauf à réduire ceux-ci à la somme de 3.000 euros,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute le cabinet DELAITRE IMMOBILIER de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de M. Y. et de Mme X.,
Déboute M. Y. et Mme X. de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,
Déboute M. et Mme Z. de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,
Déboute M. et Mme Z. de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile contre le cabinet DELAITRE,
Déboute le cabinet DELAITRE IMMOBILIER de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. Y. et Mme X. et de M. et Mme Z.,
Condamne le cabinet DELAITRE IMMOBILIER à payer à M. Y. et Mme X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne M. et Mme Z. aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président
- 6052 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Mauvaise foi
- 6053 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Fraudes
- 6331 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence immobilière - Mandat de vente ou de location