CA MONTPELLIER (2e ch.), 3 février 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5035
CA MONTPELLIER (2e ch.), 3 février 2015 : RG n° 13/05215
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'à titre subsidiaire la SARL E Mobil Park sollicite, en application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, que la condition résolutoire soit déclarée non écrite car déséquilibrée de façon significative ;
Mais attendu que ces dispositions légales ne sont nullement applicables en l'espèce, étant relevé que la fixation d'une date impérative d'achèvement de la construction de l'immeuble industriel, à peine de déchéance du terme du prêt, répondait à l'équilibre économique de l'opération globale et non à une volonté unilatérale imposée par le prêteur sans motif à l'emprunteur ; que d'autre part la SARL E Mobil Park ne justifie pas que le délai de réalisation des travaux, entre le 4 mai et le 4 septembre 2011 était impossible à respecter pour elle, alors même qu'elle n'avait même pas commencé les fondations de l'immeuble le 8 septembre 2011 ; qu'enfin si le délai était convenu au profit d'une seule des parties, le prêteur, il ne s'agit pas d'un déséquilibre contractuel significatif au sens du texte légal susvisé mais d'une prévision des parties sur un calendrier conditionnant la bonne réalisation de leur projet économique ; que l'emprunteur avait aussi, dans ce contrat, toute liberté de rembourser par anticipation le prêt consenti, moyennant le versement d'une indemnité contractuelle de 10 % et ainsi de se délier de ses obligations contractuelles ».
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/05215. Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 JUIN 2013 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 201215086.
APPELANTE :
SARL E MOBIL PARK
prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social sis représentée par Maître Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SAS DISTRICRES
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège social représentée par Maître Jean Baptiste ROYER de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, ROYER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 décembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 JANVIER 2015, en audience publique, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, Président, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X., dirigeant social de deux sociétés, Districres, par l'intermédiaire de la SAS Sodines, sa présidente, dont il était lui-même président, et de la SNC Defisolar Invest 2, a souhaité construire et exploiter une centrale solaire photovoltaïque sur un terrain à bâtir à [adresse], cadastré section 19, n° XX/YY, en y faisant édifier des bâtiments à usage industriel supportant une toiture solaire photovoltaïque.
Toutefois il a convenu avec M. Y., gérant de la SARL E Mobil Park et de la SARL Eliseo Hummer, que cette opération se ferait indirectement selon le montage juridique et financier suivant :
- la SAS Districres prêtait une somme de 400.000,00 euros, en deux tranches de 200.000,00 euros, la première immédiatement, à la SARL E Mobil Park, dans laquelle elle était associée à hauteur de 5 % des parts sociales, afin qu'elle acquière le terrain à bâtir, puis édifie les bâtiments au plus tard le 1er septembre 2011, selon le contrat de bail de longue durée convenu par ailleurs,
- à la livraison des bâtiments, la société Districres devait verser la deuxième tranche du prêt, d'un montant de 200.000,00 euros à la société E Mobil Park, qui s'était aussi engagée à conclure un bail de longue durée de la toiture de l'ensemble immobilier (30 ans), afin d'y installer et exploiter des panneaux solaires photovoltaïques, avec la SARL Eliseo Hummer, laquelle avait consenti une délégation de paiement des loyers à la société Districres,
- la SNC Defisolar Invest 2 devait ensuite acquérir, au plus tard le 4 septembre 2011, les parts sociales de la SARL Eliseo Hummer, détenues à 50 % par M. Y. et à 50 % par la SARL Hummer Plastiques.
Le contrat de prêt initial a été conclu le 4 mai 2011 par acte sous seing privé et la première somme de 200.000 euros a bien été prêtée à la SARL E Mobil Park, remboursable, comme la seconde tranche, par trimestrialités sur 20 ans à compter du 30 juin 2012, moyennant un taux d'intérêt fixe de 2,295 % l'an (TEG = 4,585 %).
À la même date ont également été signés le contrat de bail de longue durée et le contrat de cession des parts sociales de la SARL Eliseo Hummer à la SNC Defisolar Invest 2, ce dernier comportant une condition suspensive liée à l'achèvement de la construction du bâtiment industriel à toiture photovoltaïque par la SARL E Mobil Park et sa mise à disposition effective au plus tard le 1er septembre 2011 (article 6.2 et 6.3).
Faisant constater par huissier de justice le 8 septembre 2011 que les bâtiments prévus n'avaient pas été édifiés par la société E Mobil Park, la société Districres a entendu obtenir la résolution de son contrat de prêt et le remboursement immédiat de la somme prêtée.
Par assignation délivrée le 28 septembre 2012 à la SARL E Mobil Park, dont le siège social était à [ville W.], la SAS Districres a sollicité du tribunal de commerce de Montpellier :
- la résolution judiciaire du contrat de prêt conclu entre les parties, pour défaut d'exécution par la société E Mobil Park de ses obligations contractuelles,
- la condamnation, en conséquence, de la société E Mobil Park à lui rembourser la somme de 200.000,00 euros déjà versée, avec intérêts légaux depuis la mise à disposition des fonds, outre une indemnité contractuelle de 8 % de la somme en principal, prévue en cas d'exigibilité anticipée du prêt,
- la condamnation de la société E Mobil Park à lui payer une somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et en indemnisation des frais avancés par elle dans cette opération,
- la condamnation de la société E Mobil Park à lui payer une somme de 3.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire prononcé le 22 juin 2013, le tribunal de commerce de Montpellier a notamment :
- prononcé la résolution judiciaire du contrat de prêt souscrit avec la société E Mobil Park pour défaut d'exécution des obligations contractuelles de cette dernière, et ce à ses torts exclusifs, entraînant l'absence totale de contrepartie audit acte de prêt,
- condamné la société E Mobil Park à payer à la société Districres la somme de 200.000,00 euros en principal, au titre des sommes déjà versées, outre intérêts légaux depuis la mise à disposition des fonds et le versement d'une indemnité de 8 % de la somme en principal au titre de l'indemnité contractuelle définie par l'acte de prêt,
- condamné la société E Mobil Park à payer à la société Districres la somme de 44.549,00 euros au titre des frais avancés,
- condamné la société E Mobil Park à payer à la société Districres la somme de 2.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais engagés au titre de la prise d'hypothèque judiciaire sur les terrains litigieux.
Par déclaration parvenue au greffe de la cour d'appel de Montpellier le 8 juillet 2013 et enregistrée le 9 juillet suivant, la SARL E Mobil Park a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions parvenues au greffe le 4 octobre 2013, la société E Mobil Park conclut à l'infirmation du jugement déféré et au rejet de toutes les demandes de la société Districres, ainsi qu'à sa condamnation aux dépens et à lui payer une somme de 2.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle sollicite que soient suspendus les effets de la clause résolutoire et que des délais de paiement lui soient accordés.
Pour contester encourir la résolution judiciaire à ses torts exclusifs du contrat de prêt, la société E Mobil Park soutient que :
- elle a toujours exécuté ses engagements contractuels de bonne foi, le retard de construction de l'immeuble dont la toiture devait porter les panneaux solaires photovoltaïques, qu'elle ne conteste pas, étant dû à des événements indépendants de sa volonté (acte de vente du terrain passé le 14 juin 2011 alors qu'il était prévu le 24 mai 2011, du fait du vendeur, la communauté de communes du centre Mosellan),
- compte-tenu du retard initial de la vente, il n'était pas possible de respecter le calendrier contractuel de construction du bâtiment, et c'est donc avec mauvaise foi que la société Districres a sollicité la résolution du prêt dès le 1er septembre 2011, alors que les délais de raccordement au réseau électrique d'ERDF couraient jusqu'en 2012,
-aucun préjudice n'a été subi par la société Districres au titre de cette opération retardée mais réalisée puisque actuellement le bâtiment est achevé et la toiture recouverte de panneaux photovoltaïques raccordés au réseau ERDF et exploitée par la société Eliseo Hummer, dont les parts sociales n'ont pas été cédées à la société Defisolar 2, d'où l'action judiciaire menée par M. X., son gérant et dirigeant social aussi de la société Districres,
- la fixation d'un terme avec condition résolutoire permettant au prêteur d'obtenir la résolution du contrat de prêt au moindre retard constitue une soumission par la société Districres de son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations respectives, prohibé par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,
- l'indemnité d'exigibilité anticipée de 8 % n'est pas due car elle n'est pas prévue en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire, seule la restitution des sommes prêtées peut être réclamée en application de l'article 1183 du code civil, si le contrat n'était plus exécuté, ce qui n'est pas le cas et elle s'engage donc à payer les échéances du prêt qu'elle avait laissées impayées, croyant à la résolution acquise du contrat de prêt,
- la somme de 44.549,00 euros réclamée au titre de frais prétendument engagés par la société Districres n'est pas justifiée et sans lien de causalité avec le contrat de prêt dont la résolution est sollicitée.
Dans ses dernières conclusions parvenues au greffe de la cour le 4 décembre 2013, la SAS Districres sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la SARL E Mobil Park à lui payer en outre la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et les frais avancés par elle pour l'opération, outre celle de 6.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. À l'appui de ses prétentions elle fait valoir notamment :
- ce n'est pas elle qui exploite la centrale solaire photovoltaïque achevée, c'est la société Eliseo Hummer, dont les parts sociales détenues par la SARL E Mobil Park ont été revendues à une autre société, dénommée 2 fifty five, pour une somme de 1,2 millions d'euros, ce qui exclut l'octroi de tout délai de paiement,
- le retard de signature de l'acte d'achat des terrains est imputable à la SARL E Mobil Park, qui ne justifie pas de la responsabilité de la communauté de communes venderesse,
- la cession des parts sociales de la société Eliseo, conditionnée par la date de construction du bâtiment, n'a pu avoir lieu au profit de la société Defisolar,
- la délégation de paiement des loyers au profit du prêteur, contractuellement prévue, n'a pas non plus été mise en œuvre, pas plus que les échéances du prêt échues depuis le 30 juin 2012 n'ont été payées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2014
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
SUR LA RÉSOLUTION JUDICIAIRE DU PRÊT :
Attendu que la SAS Districres sollicite à titre principal que soit prononcée la résolution judiciaire du contrat de prêt conclu par acte sous seing privé en date du 4 mai 2011, en raison de l'inexécution par l'emprunteur, la SARL E Mobil Park de son obligation d'avoir à édifier le bâtiment industriel destiné à accueillir une centrale de production d'électricité solaire photovoltaïque sur sa toiture, au plus tard le 4 septembre 2011, comme convenu ;
Que ce fait est incontesté par la SARL E Mobil Park ; qu'il se trouve aussi établi par le constat d'huissier dressé le 8 septembre 2011 par Maître H., huissier de justice associé à [ville S.], avec les photographies jointes, dont il résulte clairement qu'aucune construction n'était encore élevée sur le chantier au Centre [ville M.], ni aucune fondation creusée, seules des voiries étant alors tracées au sol et des terrassements démarrés ;
Que par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 5 septembre 2011 aux sociétés E Mobil Park et Elises Hummer par son avocat, Maître Jean-Baptiste Royer, la société Districres a mis en demeure l'emprunteur de rembourser le prêt, actant le défaut de réalisation des travaux dans le délai impératif qui avait été convenu, le 4 septembre 2011 ;
Qu'il résulte des dispositions de l'article 1184 du code civil que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisferait pas à son engagement ; qu'en ce cas l'autre partie a la faculté, ainsi que le réclame en l'espèce la SAS Districres, de demander la résolution de la convention avec des dommages et intérêts, si elle ne souhaite pas en poursuivre l'exécution ;
Qu'il est de principe en ce cas d'apprécier si l'inexécution partielle de la convention a assez d'importance pour que soit prononcée immédiatement la résolution du contrat ;
Que tel est bien le cas en l'espèce, pour le retard de construction du bâtiment industriel destiné à recevoir sur sa toiture la centrale solaire photovoltaïque, qui était un des éléments essentiels de l'ensemble contractuel conclu entre les parties et les sociétés faisant partie de leurs groupes économiques respectifs, de nature à remettre en cause l'équilibre économique résultant de ces conventions ;
Qu'en effet, le contrat de prêt litigieux avait pour objet de financer l'achat du terrain et la construction du bâtiment industriel dont la toiture était destinée à recevoir les panneaux solaires d'une centrale photovoltaïque, exploitée ensuite par les sociétés en liens capitalistiques avec les parties : Eliseo Hummer et SNC Defisolar Invest 2 ; qu'à défaut de construction du bâtiment, aucune des autres conventions conclues entre les parties ne pouvait trouver à s'appliquer ;
Qu'ainsi, d'une part, il était convenu dans l'article 2.5 du contrat de prêt que la deuxième tranche du prêt, d'un montant de 200.000,00 euros, serait versée « au plus tard lors de l'achèvement des bâtiments devant être édifiés sur le terrain désigné ci-dessus à l'article 1, tel que cet achèvement est défini au bail de longue durée pour l'installation et l'exploitation de panneaux photovoltaïques en toiture d'un bâtiment ci-après visé à l'article 3, paragraphe 1, et au plus tard le 4 septembre 2011. »
Que la date du 4 septembre 2011 les travaux de construction n'avaient même pas débuté, seul le terrain constructible étant en partie aménagé, ce qui laissait augurer d'un retard important par rapport à la date d'achèvement fixée contractuellement entre les parties ; qu'aucun avenant n'a été conclu entre elles pour reporter le délai fixé ;
Que si cette condition de délai n'était pas particulièrement stipulée dans la convention comme étant suspensive ou résolutoire du prêt, une clause d'exigibilité anticipée du prêt prévoyait toutefois (article 4.4.) que toutes les sommes dues par l'emprunteur seraient immédiatement exigibles, sans mises en demeure préalable, « à défaut d'exécution d'un seul des engagements pris par l'emprunteur… »; que tel est le cas de l'inachèvement du bâtiment dans le délai convenu ;
Que d'autre part cette date d'achèvement avait été fixée en fonction également de celle prévue dans le bail de longue durée pour l'exploitation de la centrale photovoltaïque, conclu entre la SARL E Mobil Park, emprunteur, et la SAS Eliseo Hummer, à compter du 1er mai 2012, pour une durée de 30 ans ; que cette dernière garantissait aussi le remboursement du prêt au moyen d'une délégation de paiement de ses loyers ; que ce mécanisme contractuel et financier ne pouvait fonctionner que si la centrale photovoltaïque était effectivement installée sur la toiture de l'immeuble et raccordée au réseau d'électricité d'ERDF avant le 1er mai 2012, ce qui s'avérait compromis, voire impossible, en l'état du retard pris le 8 septembre 2011 sur l'avancement des travaux de construction de l'immeuble ;
Que l'importance du respect du calendrier convenu entre les parties s'évince également de la stipulation, dans le contrat de prêt litigieux, d'une condition résolutoire accessoire aux termes de laquelle, d'ici au 4 septembre 2011, la SARL Eliseo Hummer, future locataire exploitante de la centrale photovoltaïque, devait avoir cédé l'intégralité de ses parts sociales à la SNC Defisolar Invest 2, contrôlée par M. Georges X., à défaut de quoi la convention de prêt serait résolue de plein droit ;
Qu'en réalité la cession des parts sociales de la SARL Eliseo Hummer, au profit de la SNC Defisolar Invest 2 a eu lieu par un autre acte sous seing privé du même jour, le 4 mai 2011, moyennant un prix révisable de 10.000,00 euros mais le transfert des parts était reporté au jour du « closing », soit 8 jours après la réalisation de la dernière condition suspensive et au plus tard le 5 septembre 2011, soit le lendemain de la date convenue dans le contrat de prêt litigieux pour l'achèvement de la construction de l'immeuble ;
Que parmi les conditions suspensives prévues dans cet acte de cession de parts sociales, l'article 6.2. stipulait « l'achèvement de la construction par E Mobil Park des bâtiments, conformément au permis de construire déposé le 10 décembre 2009 et délivré par le maire de la commune de Morhange le 19 avril 2011(…) jusqu'à la pose de la charpente, de sorte que puisse être réalisée l'installation de la centrale photovoltaïque décrite au cahier des charges (…) ainsi que tous travaux nécessaires à son exploitation » ;
Que l'article 6.3 de ce même acte sous seing privé prévoyait comme autre condition suspensive la « mise à disposition du bâtiment constaté par la remise du procès-verbal établi contradictoirement entre la société E Mobil Park et la société (Eliseo Hummer) » ;
Que la SAS Districres était donc fondée, sans mauvaise foi ni abus de droit, à solliciter la résolution judiciaire du contrat de prêt à compter du 5 septembre 2011, ayant constaté l'inexécution partielle par la SARL E Mobil Park de ses obligations contractuelles, essentielles à la poursuite de l'exécution des contrats connexes entre les parties et les sociétés de leurs groupes économiques respectifs ;
Attendu que pour contester les demandes de la société Districres, la SARL E Mobil Park invoque le retard dans la signature de l'acte authentique de vente du terrain destiné à la construction, qui n'a été passé que le 14 juin 2011 devant le notaire, qu'il impute au vendeur ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne s'agit pas là d'un événement présentant un caractère de force majeure pour cette partie au contrat de prêt, qui était imprévisible, irrésistible et extérieur pour la SARL E Mobil Park ;
Que d'autre part l'emprunteur ne produit aucune pièce justificative de nature à permettre d'imputer le retard de signature de l'acte authentique de vente du terrain à construire, entre le 24 mai (date fixée dans le bail) et le 14 juin 2011, au vendeur, la Communauté de Communes du Centre Mosellan, à Morhange, laquelle avait autorisé immédiatement la signature de cette vente par délibération du 11 mai 2011, publiée le 20 mai 2011 ;
Qu'enfin elle procède par affirmation non corroborée par des pièces justificatives, en affirmant que ce retard lui interdisait d'achever le bâtiment industriel pour le 4 septembre 2011, alors même qu'il résulte du constat d'huissier du 8 septembre 2011, qu'entre l'acte authentique de vente du terrain, alors que le permis de construire avait déjà été accordé, il s'est écoulé 2 mois et trois semaines pendant lesquels seuls des terrassements et un tracé de voirie au sol ont été réalisés, à l'exclusion de toute fondation de l'immeuble et de l'élévation de sa structure ;
Que la SARL Mobil Park ne produit pas non plus le marché de travaux signé avec le constructeur de cet immeuble, de nature à permettre d'apprécier le délai effectif de réalisation nécessaire et la date de début des travaux de construction ; qu'elle est donc mal fondée à invoquer cette cause pour justifier son retard, de même que cette abstention de produire une partie des éléments de preuve des conditions de la réalisation de l'immeuble, qui aurait eu lieu ultérieurement et au bénéfice d'un tiers acquéreur, traduit son absence de bonne foi quant à l'exécution de son obligation contractuelle dans le délai convenu ;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré ayant prononcé la résolution judiciaire du contrat de prêt pour défaut d'exécution des obligations contractuelles de la SARL E Mobil Park et à ses torts exclusifs, en y ajoutant toutefois que cette résolution est prononcée à la date du 5 septembre 2011, précision omise dans le jugement ;
Qu'en effet, si le contrat de prêt est un contrat synallagmatique à exécution successive, il ressort de la convention des parties et de leurs déclarations communes sur ce point, que la SARL Mobil Park n'a jamais commencé le remboursement de ce prêt, dont la première échéance était fixée au 30 juin 2012 ; qu'elle a été défaillante dès le 4 septembre 2011 dans son obligation de faire toutes diligences pour construire l'immeuble industriel dans le délai convenu ; qu'en conséquence le contrat peut être résolu comme sollicité par le prêteur, qui a seul exécuté en partie ses obligations contractuelles, depuis la date à partir de laquelle l'emprunteur n'a plus respecté ses obligations, le 5 septembre 2011 ;
Attendu qu'à titre subsidiaire la SARL E Mobil Park sollicite, en application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, que la condition résolutoire soit déclarée non écrite car déséquilibrée de façon significative ;
Mais attendu que ces dispositions légales ne sont nullement applicables en l'espèce, étant relevé que la fixation d'une date impérative d'achèvement de la construction de l'immeuble industriel, à peine de déchéance du terme du prêt, répondait à l'équilibre économique de l'opération globale et non à une volonté unilatérale imposée par le prêteur sans motif à l'emprunteur ; que d'autre part la SARL E Mobil Park ne justifie pas que le délai de réalisation des travaux, entre le 4 mai et le 4 septembre 2011 était impossible à respecter pour elle, alors même qu'elle n'avait même pas commencé les fondations de l'immeuble le 8 septembre 2011 ; qu'enfin si le délai était convenu au profit d'une seule des parties, le prêteur, il ne s'agit pas d'un déséquilibre contractuel significatif au sens du texte légal susvisé mais d'une prévision des parties sur un calendrier conditionnant la bonne réalisation de leur projet économique ; que l'emprunteur avait aussi, dans ce contrat, toute liberté de rembourser par anticipation le prêt consenti, moyennant le versement d'une indemnité contractuelle de 10 % et ainsi de se délier de ses obligations contractuelles ;
Qu'il convient donc de rejeter cette prétention et d'ordonner la restitution de la somme de 200.000,00 euros prêtée par la SARL E Mobil Park, avec intérêts de retard au taux légal depuis la première mise en demeure de la payer, le 5 septembre 2011 ;
Attendu que les demandes de la SARL E Mobil Park relatives à la suspension des effets de la clause résolutoire du contrat de prêt ou tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle doit être privée d'effet sont inopérantes ; que l'action intentée par la société Districres est en effet exclusivement fondée sur une demande de résolution judiciaire du prêt, à laquelle le tribunal de commerce de Montpellier, comme la cour, ont fait droit ;
SUR LES DEMANDES DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS :
Attendu que la société Districres sollicite la condamnation de la SARL E Mobil Park à lui payer une somme égale à 8 % du montant du prêt, à titre d'indemnité contractuelle prévue en cas d'exigibilité anticipée du prêt, imputable à un manquement de l'emprunteur au respect de ses obligations contractuelles ;
Qu'en l'espèce cette clause, qui s'analyse en une clause pénale, trouve à s'appliquer, la mise en demeure adressée le 5 septembre 2011 par l'avocat du prêteur à l'emprunteur, qui l'a reçue le 7 septembre 2011, mentionnant la déchéance du terme prononcée et l'exigibilité anticipée des sommes prêtées en raison du défaut d'achèvement de l'immeuble dans le délai convenu, le 4 septembre 2011 : « la présente porte notification de déchéance de l'ensemble des contrats et mises en demeure de remboursement pour la date du 4 septembre 2011, à défaut pour vous de réaliser la fin des travaux pour cette date » ;
Que cette clause pénale n'apparaît ni excessive ni dérisoire au regard de l'inexécution contractuelle qu'elle était chargée par avance d'indemniser ;
Qu'il convient donc de condamner également la SARL E Mobil Park à payer à la SAS Districres la somme de (200.000,00 euros x 8 %) = 16.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, étant relevé que la deuxième tranche du prêt de 200.000,00 euros n'avait jamais été versée et ne constituait donc pas un solde dû lors de la déchéance du terme ;
Attendu que la société Districres sollicite aussi l'allocation d'une somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires, dont 44.549,00 euros en remboursement des frais divers qu'elle dit avoir exposés lors de cette opération industrielle, qui a ainsi échoué et au titre de la résistance abusive de la SARL Mobil E Park (frais de juristes, frais de traduction d'acte, frais de déplacements de M. X.) ; que la SARL E Mobil Park conclut au rejet de cette demande, en l'absence de tout lien de causalité avec l'inexécution du contrat de prêt et de toute justification de la nécessité d'engager ces dépenses et de leur paiement par la société Districres ;
Attendu qu'en demandant l'application d'une clause pénale contractuelle forfaitaire sanctionnant l'inexécution par l'emprunteur de ses obligations, après exigibilité immédiate des sommes dues, la société Districres est dès lors mal fondée à réclamer une somme plus importante réparant ce même préjudice, à titre de dommages et intérêts, d'une part ;
Qu'en toute hypothèse les justificatifs produits avec la liste dactylographiée versée aux débats en pièce communiquée, sont des factures d'hôtel, de restaurant, d'autoroute, de traduction d'acte, dont aucune ne concerne personnellement la société Districres ; qu'elles ont été établies au nom de tiers (J.C. Avenir, SARL MS Conseil, M. Michael Seinfeld, M. Christophe Vasseur, Mme Michaut, société Defisolar) ou sans nom, sans qu'il soit justifié que les sommes facturées ont été payées directement ou indirectement par la SAS Districres, qui en demande le paiement ; que cette demande est donc également injustifiée de ce chef ;
Que d'autre part la contestation par la SARL E Mobil Park des prétentions qui lui ont été adressées, dans le cadre de la présente procédure judiciaire, ne caractérisent pas un abus de procédure dégénérant en faute, justifiant sa condamnation pour résistance abusive ;
Qu'enfin les préjudices nés du retard de paiement de la somme principale due et des frais de procédure nécessités pour la recouvrer sont respectivement déjà indemnisés par l'allocation d'intérêts de retard au taux légal, la charge des dépens et l'allocation de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, appréciée ci-après ;
Qu'il convient donc de rejeter cette demande, mal fondée et injustifiée ;
SUR LA DEMANDE DE DÉLAIS DE PAIEMENT :
Attendu que la SARL E Mobil Park sollicite l'octroi de délais de paiement de sa dette par application de l'article 1244-1 du code civil, arguant de ses difficultés à y faire face en raison de son faible capital social, d'un montant de 10.000,00 euros ;
Mais attendu que la SARL E Mobil Park, débiteur, ne produit aucun élément sur sa situation économique, notamment pas sa comptabilité, permettant d'apprécier celle-ci au regard des conditions d'application de l'article 1244-1 du code civil, alors qu'il est argué par son adversaire qu'elle a exploité de façon lucrative la centrale photovoltaïque construite tardivement sur le bâtiment industriel ;
Que d'autre part elle ne propose le paiement d'aucune somme à aucune date particulière, réclamant seulement un délai de paiement des échéances de remboursement du prêt, nonobstant l'exigibilité anticipée de celui-ci depuis le 5 septembre 2011 ;
Que cette demande doit en conséquence être rejetée comme mal fondée et injustifiée et le jugement déféré confirmé de ce chef aussi ;
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :
Attendu qu'il y a lieu d'allouer à la SAS Districres la somme supplémentaire de 3.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que devra lui payer la SARL E Mobil Park, condamnée aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'hypothèque judiciaire prise sur le terrain litigieux, et d'appel, en sus de celle de 2.000,00 euros déjà mise en charge pour les frais irrépétibles exposés en première instance par le jugement déféré, également confirmé de ces chefs ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,
Vu les articles 1134, 1146, 1147, 1152, 1153, 1183, 1184, 1244-1 et 1315 du code civil,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier prononcé le 22 juin 2013, mais seulement en ce qu'il a :
- condamné la société E Mobil Park à payer à la société Districres la somme de 200.000,00 euros en principal, au titre des sommes déjà versées, outre intérêts légaux depuis la mise à disposition des fonds et le versement d'une indemnité de 8 % de la somme en principal au titre de l'indemnité contractuelle définie par l'acte de prêt,
- condamné la société E Mobil Park à payer à la société Districres la somme de 44.549,00 euros au titre des frais avancés,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
- Dit que la résolution judiciaire du contrat de prêt est prononcée à la date du 5 septembre 2011,
- Condamne la SARL E Mobil Park à payer la SAS Districres la somme de 200.000,00 euros en principal, à titre de restitution de la somme prêtée, avec intérêts de retard au taux légal depuis le 5 septembre 2011, ainsi qu'une somme de 16.000,00 euros à titre d'indemnité contractuelle forfaitaire, égale à 8 % du capital,
- Déboute la SAS Districres de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Condamne la SARL E Mobil Park aux dépens d'appel et à payer à la SAS Districres la somme supplémentaire de 3.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 3 février 2015.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6180 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Principes généraux
- 6191 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Banque et crédit
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale