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CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 12 février 2015

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 12 février 2015
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 14/00781
Date : 12/02/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/02/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5050

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 12 février 2015 : RG n° 14/00781

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il s'agit d'un prêt accordé à une société commerciale, passé entre professionnels, d'un argument qui n'a pas été développé par le débiteur principal qui n'a pas contesté la déclaration de créance ; de surcroît, cette clause n'a rien d'abusif, majorant de 5 points un taux très bas et ne déséquilibre en aucun cas les rapports entre les parties ; il s'agit d'une clause contractuelle acceptée par les deux parties, que la caution ne saurait remettre en cause ; l'argument sera rejeté. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00781. Jugement (R.G. n° 2012005849) rendu le 10 décembre 2013 par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse] ; Représenté par Maître Anne DESCAMPS, avocat au barreau de VALENCIENNES

 

INTIMÉE :

SA BANQUE COMMERCIALE DU MARCHÉ NORD EUROPE - BCMNE

agissant par ses représentants légaux dont le Président et les membres de son Directoire, ayant son siège social [adresse] ; Représentée par Maître Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE, substitué par Maître LANCIEN

 

DÉBATS à l'audience publique du 17 décembre 2014 tenue par Christine PARENTY magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Christine PARENTY, Président de chambre, Philippe BRUNEL, Conseiller, Sandrine DELATTRE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 février 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Sylvie HURBAIN, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 novembre 2014

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement contradictoire du 10 décembre 2013 du Tribunal de Commerce de Valenciennes ayant condamné M. X., en sa qualité de caution solidaire des engagements de la sa MTI, à payer à la BCMNE la somme de 28.290,42 euros outre les intérêts calculés au taux de 7,80 % à compter du 23 novembre 2012 et 1.000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la date de décaissement du prêt, soit le 10 juin 2010 jusqu'au 16 février 2012, dit que l'article 4 des conditions générales n'est pas abusif, débouté monsieur X. de sa demande de délais de paiement, rejeté les autres demandes ;

Vu l'appel interjeté le 5 février 2014 par monsieur X. ;

Vu les conclusions déposées le 24 avril 2014 pour monsieur X. ;

Vu les conclusions déposées le 26 mai 2014 pour la BCMNE ;

Vu l'ordonnance de clôture du 13 novembre 2014 ;

Monsieur X. a interjeté appel aux fins de réformation du jugement ; il demande à la cour de constater que le plan d'apurement du passif a été adopté par le Tribunal de Commerce de Valenciennes, que la déchéance du terme n'a pas été prononcée à l'encontre de la caution, de juger les demandes de la BCMNE irrecevables ; subsidiairement, il demande à la cour de dire que la créance au principal s'élève à la somme de 24.306,95 euros, de juger que la BCMNE a commis une faute en n'informant pas la caution du défaut de paiement et que cette faute lui a causé un préjudice, de condamner la BCMNE à 25.586,26 euros de dommages et intérêts, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la date du décaissement du prix jusqu'à complet paiement, de débouter la BCMNE de sa demande relative à la majoration de 5 points et à l'amende conventionnelle de 5 % ; plus subsidiairement, il demande des délais de paiement ; il réclame 3.500 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'intimée sollicite la confirmation et réclame la capitalisation des intérêts et 3.000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X., dirigeant de la société MTI, a contracté un prêt le 7 juin 2010 pour financer la trésorerie de la société, prêt dont il s'est porté caution solidaire ; le 23 janvier 2012, le Tribunal de Commerce de Valenciennes a ouvert le redressement judiciaire de la société MTI et le 9 mars 2012, la banque a déclaré sa créance à hauteur de 25.586,26 euros, 1.791,04 euros et intérêts au taux de 7,80 % l'an capitalisés annuellement ; le 16 mars 2012, elle a envoyé une mise en demeure à monsieur X. en tant que caution mais il n'a pas répondu ; elle l'a assigné et a inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur son immeuble.

Il plaide qu'au visa de l'article L. 622-29 du code de commerce, le jugement d'ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé, que des articles L. 622-28 et L. 631-20 il résulte que la suspension des poursuites dont peut se prévaloir la caution cesse du jour où le plan de redressement a été adopté, que l'article 5.1 des conditions générales du prêt stipule que les sommes seront de plein droit exigibles sans mise en demeure nonobstant termes et délais... si la caution est déclarée en redressement judiciaire, de même si l'emprunteur ou la caution ne respecte pas les conditions du contrat, après mise en demeure, mise en demeure préalable à la procédure collective dont il n'est pas justifié, la banque reprenant dans sa déclaration de créance les sommes à échoir, que la déchéance du terme n'étant pas encourue par le débiteur principal, elle ne peut être invoquée contre la caution, qu'aucune pièce ne vient établir que le prêt aurait trouvé son terme au 30 avril 2012.

En outre, il conteste le montant réclamé puisque le capital restant dû est de 25.586,26 euros et non 28.290,42 euros, dont il faut ôter un versement de 1.279,31 euros effectué dans le cadre du plan de sorte que 24.306,95 euros restent dus.

Il plaide également la faute de la banque qui ne l'a informé du premier incident de paiement du 31 janvier 2012 que le 16 mars 2012, date de sa mise en demeure, le fait qu'il soit professionnel avisé ne permettant pas à la banque de faire fi des règles de droit applicables et affirme qu'aucune information ne lui a été délivrée, le courrier recommandé du 16 mars 2012 ne permettant pas de considérer qu'il s'agit d'une information puisqu'il faisait allusion à plusieurs prêts, chaque courrier étant par ailleurs envoyé à une adresse à laquelle il ne résidait plus.

Il estime que doit être prononcée la déchéance des intérêts conventionnels, que sont abusives les clauses relatives à la majoration du taux d'intérêt et à l'amende conventionnelle, le juge commissaire les ayant d'ailleurs rejetées. Il sollicite un différé de deux ans, la société MTI étant en mesure d'apurer son passif, ce qu'admet la BCMNE qui a choisi l'option de remboursement sur 10 ans, ou au moins des délais de paiement, la banque étant garantie par l'hypothèque.

La banque lui répond que le prêt est intégralement échu au 30 avril 2012 comme prévu contractuellement, que les poursuites ont pu être reprises à compter du plan de continuation conformément aux articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, que la caution ne peut se prévaloir du plan, liée par ses engagements contractuels, et notamment l'échéance du prêt, exigible et exigé, la banque n'ayant pas prononcé la déchéance du terme mais ayant demandé le paiement des échéances échues et impayées, que le montant dû s'entend de 4 échéances impayées, soit 25.586,26 euros auxquelles s'ajoutent les intérêts de retard et l'indemnité de remboursement contractuelle, qu'elle est fondée à réclamer ce solde de 28.290,42 euros, montant figurant sur ses lettres d'information des 16 février 2012 et 18 février 2013.

Quant à l'incident de paiement, la BCMNE souligne que monsieur X., président du conseil d'administration, a constamment été informé de l'évolution de la situation de la société et du remboursement de l'emprunt, que le 16 mars 2012, une semaine après sa déclaration de créance, elle lui a dénoncé et cette déclaration et le solde des dettes cautionnées, que c'est plutôt lui qui aurait dû l'informer, qu'il n'a subi aucun dommage ; quant à la déchéance des intérêts, elle ne pourrait selon elle concerner que l'année 2011.

Sur les majoration et indemnité de remboursement, elle précise qu'elles ne sont ni abusives ni excessives, insérées dans un prêt à une société commerciale et s'oppose à tout délai de grâce.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce :

Sur la déchéance du terme :

Monsieur X. reproche à la banque de se prévaloir de la déchéance du terme alors que le prêt n'était pas échu et que le jugement d'ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Cela étant, la sa MTI a été placée en redressement judiciaire le 23 janvier 2012, la banque a déclaré sa créance à échoir le 9 mars 2012 et mis la caution en demeure de payer. Un plan de redressement a été adopté le 11 février 2013. Depuis la discussion a perdu de son intérêt car la banque a retrouvé son droit de poursuivre la caution depuis le jugement ayant arrêté le plan. Et depuis lors le prêt remboursable au 30 avril 2012 est échu. L'argument lié à l'absence de déchéance du terme au moment du jugement d'ouverture n'est plus d'actualité. La banque lui demande le montant du prêt restant dû en capital, les 4 mensualités impayées, les intérêts majorés à 7,80 %, comme prévu contractuellement, soit 28.290,42 euros qui est bien la somme due par le débiteur principal, désormais échue. Le moyen sera rejeté.

 

Sur la faute de la banque :

Monsieur X. engage la responsabilité de la banque pour ne pas avoir été averti en sa qualité de caution dans le mois de la défaillance de sa société par application de l'article L. 341-1 du code de la consommation ; monsieur X. était le président du conseil d'administration de la société MTI et c'est lui qui avait contracté le prêt ; en tant que président en exercice à la date d'ouverture de la procédure collective, il était entièrement informé de celle-ci et n'ignorait pas qu'au 23 janvier 2012, du fait du redressement judiciaire et de l'interdiction des paiements en découlant, sa société ne pourrait pas faire face à l'échéance du 31 janvier 2012. Par ailleurs participant à la procédure collective, il était forcément informé de la déclaration de créance de la banque au 9 mars 2012. Le 16 du même mois, il était sollicité en sa qualité de caution ; il prétend qu'il n'a pas été touché à la bonne adresse mais ne conteste pas être l'auteur de la signature apposée, toujours la même, sur les accusés de réception des lettres recommandées du 16 mars 2012, 23 mars 2012 et 30 mars 2013. Cela dit, il est exact que ce texte s'applique à toute personne physique mais la sanction du fait que le créancier ne se conforme pas à cette obligation née de l'article L. 341-1 n'est pas une responsabilité de la banque susceptible d'entraîner l'octroi de dommages et intérêts, sauf démonstration complémentaire, mais la déchéance des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle la caution en a été informée, soit au cas d'espèce un mois et demi. On ne peut pas dire que ce défaut d'information ait créé un préjudice digne de ce nom pour monsieur X., qui comme il vient d'être démontré, était parfaitement informé par ailleurs de l'impayé : il sera en conséquence débouté de sa demande.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

La banque apporte la preuve qu'elle a bien envoyé par recommandé à monsieur X., qui a signé l’AR, les lettres d'information pour 2012 et 2013 ; cette information a fait défaut pour 2011 de sorte que la déchéance de ces intérêts n'atteint que l'année 2011, soit une somme de 1.864 euros.

 

Sur la clause abusive :

Il s'agit d'un prêt accordé à une société commerciale, passé entre professionnels, d'un argument qui n'a pas été développé par le débiteur principal qui n'a pas contesté la déclaration de créance ; de surcroît, cette clause n'a rien d'abusif, majorant de 5 points un taux très bas et ne déséquilibre en aucun cas les rapports entre les parties ; il s'agit d'une clause contractuelle acceptée par les deux parties, que la caution ne saurait remettre en cause ; l'argument sera rejeté.

 

Sur le délai de grâce :

Monsieur X. ne justifie pas d'une situation qui ne lui permettrait pas de faire face à cet engagement ni du bien fondé d'un différé de deux ans. Le jugement sera confirmé qui l'a débouté de cette demande.

Succombant sur l'essentiel de ses demandes, monsieur X. sera condamné à payer 2.500 euros à la BCMNE ; il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe

Confirme le jugement sauf sur l'étendue de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;

Ordonne cette déchéance pour l'année 2011 ;

En conséquence, dit que la somme due par monsieur X. en sa qualité de caution est de 26.426,42 euros ;

Déboute monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de la BCMNE et du surplus de ses demandes ;

y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil ;

Condamne monsieur X. à payer à la BCMNE 2.500 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT

S. HURBAIN                        C. PARENTY