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TI CHATEAU-GONTIER, 12 juillet 2005

Nature : Décision
Titre : TI CHATEAU-GONTIER, 12 juillet 2005
Pays : France
Juridiction : Chateau-gontier (TI)
Date : 12/07/2005
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 8/02/2005
Décision antérieure : CA ANGERS (ch. com.), 16 mai 2006
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 51

TI CHÂTEAU-GONTIER, 12 juillet 2005

(sur appel CA Angers (ch. com.), 16 mai 2006 : RG n° 05/01947 ; arrêt n° 182)

 

Extraits : 1/ « Le CIO conteste la recevabilité de l'action engagée par les époux X. au motif qu'ils n'auraient pas d'intérêt à agir, en l'absence de contentieux sur le remboursement des échéances du prêt du 10 avril 2002. Ce moyen est inopérant, M. et Mme X. arguent de l'illégalité et du caractère abusif de certaines conditions et clauses de l'offre de prêt, et ont donc un intérêt évident à agir. Leur action sera déclarée recevable. »

2/ « L'article L. 311-13 du Code de la Consommation fait obligation au prêteur de rédiger l'offre préalable selon l'un des modèles types établi par le comité de réglementation bancaire. S'il n'est pas exclu d'y ajouter des clauses spécifiques, celles-ci ne doivent pas aggraver la situation de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci. Il en est ainsi des clauses de résiliation anticipée de l'offre non prévues par les modèles-type et qui peuvent constituer des clauses abusives. En l'espèce, la clause n° 7 des conditions générales de l'offre préalable stipule que le montant du crédit deviendra immédiatement exigible « au bon vouloir du prêteur », en cas de non domiciliation des revenus, redressement ou liquidation judiciaire de l'emprunteur. Selon le modèle-type annexe à l'article R. 311-6 du Code de la Consommation, qui renvoie au modèle-type n° 1 en ce qui concerne l'exécution du contrat, le remboursement immédiat du capital restant dû avec une indemnité de 8 % n'est prévue « qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements ». L'offre litigieuse ne répond donc pas aux exigences de l'article L. 311-13 du Code de la Consommation et en conséquence, il y a lieu de prononcer la déchéance des intérêts, par application de l'article L. 311-33 du même code. »

3/ « La clause n° 4 des conditions générales du prêt prévoit un engagement d'épargne mensuel « volontaire restituable » des emprunteurs à hauteur de 61,33 euros chaque mois. Cette clause permet au prêteur de s'enrichir sans qu'il en résulte aucune contrepartie pour les époux X., cette somme ne produisant pas d'intérêts. Ainsi, cette clause apparaît abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation précitées. C'est en vain que la Banque soutient que ce contrat de prêt obéit aux seules dispositions de l'article 1134 du Code Civil, en ce que le prêteur n'aurait pas accordé le prêt, sans cette clause « garantie de paiement ». Les dispositions d'ordre public du Code de la Consommation doivent recevoir application, ayant pour objet de protéger le non-professionnel, de préserver un certain équilibre. La clause d'épargne sera déclarée non écrite. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE CHÂTEAU-GONTIER

JUGEMENT DU 12 JUILLET 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Claire DE SOUZA SILVA,

GREFFIER : Anne LECOMTE

 

DEMANDEURS :

- Monsieur X.

[adresse]. Représenté par Maître SEVESTRE, Avocat au Barreau de RENNES.

- Mme Y.

son épouse, [adresse]. Représentée par Maître SEVESTRE, Avocat au Barreau de RENNES.

 

DÉFENDEUR :

- SA CRÉDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST

[adresse]. Représentée par Maître BARBARY, Avocat au Barreau de LAVAL.

 

DÉBATS : À l'issue des débats à l'audience publique du 26 mai 2005, le Président a informé les parties que le jugement serait rendu le 23 juin 2005, prorogé au 12 juillet 2005.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 10 avril 2002, Monsieur X. et Madame Y., son épouse, ont accepté une offre préalable de prêt d'un montant de 10.000,00 euros auprès du Crédit Industriel de l'Ouest, remboursable en 39 mensualités, au taux effectif global de 5,78 %.

L'offre préalable comprenait un engagement d'épargne volontaire d'un montant mensuel de 61,33 euros prélevé sur le compte bancaire des époux X.

Le 8 février 2005, M. et Mme X., au motif de la violation des dispositions du Code de la Consommation, ont assigné le Crédit Industriel de l'Ouest devant la présente Juridiction.

Les époux X. invoquent l'irrégularité de l'offre préalable du 10 avril 2002 en ce qu'elle contient des clauses illicites.

Ils demandent au Tribunal de prononcer la déchéance du CIO de son droit aux intérêts au titre du prêt et sollicitent :

- la condamnation du CIO à leur restituer les sommes perçues au titre des intérêts, outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal, à compter de leur versement.

- la condamnation du CIO à produire un décompte détaillé des sommes perçues au titre des intérêts sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard à compter du troisième jour suivant la notification du jugement et pendant 1 mois.

- de juger illicite la clause relative au versement d'une épargne et condamner le CIO à restituer les sommes versées au titre de l'épargne aux intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement.

- la condamnation du CIO à produire un décompte détaillé des sommes perçues au titre de l'épargne sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la notification du jugement et ce pendant un mois.

- la condamnation du CIO à leur payer la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les époux X. sollicitent en outre l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Lors des débats, le CIO conclut à l'irrecevabilité des prétentions adverses, faute d'intérêt à agir ; en l'absence de litige entre les parties.

[minute page 3] Sur le fond, la Banque demande le débouté des prétentions adverses et la condamnation des époux X. au paiement de la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, si la déchéance du droit aux intérêts devait être prononcée, le CIO sollicite :

- la condamnation solidaire des époux X. à lui verser des intérêts au taux légal, avec capitalisation desdits intérêts, produits par la somme de 10.000,00 euros entre le 17 avril 2002 et le 5 juillet 2005, première et dernière échéance du prêt, en application de l'article 1153 du Code Civil.

- enfin, la condamnation solidaire des demandeurs au paiement des intérêts au taux légal, avec capitalisation desdits intérêts, sur les sommes restant dues sur le capital à compter du 23 mai 2005, en application de l'article 1153 du Code Civil.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

- SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION :

Le CIO conteste la recevabilité de l'action engagée par les époux X. au motif qu'ils n'auraient pas d'intérêt à agir, en l'absence de contentieux sur le remboursement des échéances du prêt du 10 avril 2002.

Ce moyen est inopérant, M. et Mme X. arguent de l'illégalité et du caractère abusif de certaines conditions et clauses de l'offre de prêt, et ont donc un intérêt évident à agir. Leur action sera déclarée recevable.

 

- SUR LA RÉGULARITÉ DE L'OFFRE PRÉALABLE DE CRÉDIT :

L'article L. 311-33 du Code de la Consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts.

L'article L. 311-13 du Code de la Consommation fait obligation au prêteur de rédiger l'offre préalable selon l'un des modèles types établi par le comité de réglementation bancaire. S'il n'est pas exclu d'y ajouter des clauses spécifiques, celles-ci ne doivent pas aggraver la situation de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci.

Il en est ainsi des clauses de résiliation anticipée de l'offre non prévues par les modèles-type et qui peuvent constituer des clauses abusives.

[minute page 4] En l'espèce, la clause n° 7 des conditions générales de l'offre préalable stipule que le montant du crédit deviendra immédiatement exigible « au bon vouloir du prêteur », en cas de non domiciliation des revenus, redressement ou liquidation judiciaire de l'emprunteur.

Selon le modèle-type annexe à l'article R. 311-6 du Code de la Consommation, qui renvoie au modèle-type n° 1 en ce qui concerne l'exécution du contrat, le remboursement immédiat du capital restant dû avec une indemnité de 8 % n'est prévue « qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements ».

L'offre litigieuse ne répond donc pas aux exigences de l'article L. 311-13 du Code de la Consommation et en conséquence, il y a lieu de prononcer la déchéance des intérêts, par application de l'article L. 311-33 du même code.

Le CIO sera déchu de son droit aux intérêts. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées. Il convient d'ordonner la production d'un décompte desdits intérêts auprès des époux X., sans astreinte.

Le prêteur bien que déchu de son droit aux intérêts conventionnels par application des dispositions de l'article L. 311-33 du Code de la Consommation, reste, en vertu de l'article 1153 du Code Civil, fondé à réclamer les intérêts au taux légal de la somme lui restant due en capital à compter du jour de la mise en demeure de régler ces intérêts. En l'espèce, le CIO formule cette demande par conclusions déposées le 26 mai 2005 lors de l'audience de plaidoiries.

En conséquence, seuls les intérêts légaux à compter de cette date seront ajoutés au capital restant dû.

La demande de capitalisation desdits intérêts doit être rejetée, les conditions d'application de l'article 1154 du Code Civil n'étant pas remplies.

 

- SUR LA VALIDITÉ DE LA CLAUSE D'ÉPARGNE :

En application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites. La clause n° 4 des conditions générales du prêt prévoit un engagement d'épargne mensuel « volontaire restituable » des emprunteurs à hauteur de 61,33 euros chaque mois.

Cette clause permet au prêteur de s'enrichir sans qu'il en résulte aucune contrepartie pour les époux X., cette somme ne produisant pas d'intérêts.

[minute page 5] Ainsi, cette clause apparaît abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation précitées.

C'est en vain que la Banque soutient que ce contrat de prêt obéit aux seules dispositions de l'article 1134 du Code Civil, en ce que le prêteur n'aurait pas accordé le prêt, sans cette clause « garantie de paiement ». Les dispositions d'ordre public du Code de la Consommation doivent recevoir application, ayant pour objet de protéger le non-professionnel, de préserver un certain équilibre.

La clause d'épargne sera déclarée non écrite.

En conséquence, il convient de condamner le CIO à restituer aux époux X. les fonds versés au titre de cette épargne, avec intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement.

La remise aux époux X. d'un décompte des sommes perçues avec les intérêts légaux sera également ordonnée, sans astreinte, cette mesure d'exécution forcée n'apparaissant pas indispensable à l'exécution de la condamnation par le CIO.

 

- SUR LES AUTRES DEMANDES :

Il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision en raison de l'ancienneté de la créance.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux X. la totalité des frais, exposés par eux, non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de 600,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort :

- Reçoit l'action engagée par M. X. et Mme Y., son épouse.

- Déclare le Crédit Industriel de l'Ouest déchu de tout droit aux intérêts, au titre de l'offre de prêt du 10 avril 2002, en application des dispositions de l'article L. 311-13 du Code de la Consommation.

- [minute page 6] Condamne le Crédit Industriel de l'Ouest à restituer à M. X. les sommes perçues au titre des intérêts sur le capital prêté, outre les intérêts de ceux-ci au taux légal à compter de leur versement.

- Condamne le Crédit Industriel de l'Ouest à remettre à M. et Mme X. un décompte détaillé des sommes perçues au titre des intérêts, outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal à compter du jour de leur versement.

- Dit que les époux X. sont tenus solidairement au remboursement des intérêts au taux légal sur les sommes qu'ils restent devoir au Crédit Industriel de l'Ouest en capital, à compter du 26 mai 2005.

- En tant que de besoin, les y condamne solidairement.

- Déclare abusive et en conséquence non écrite la clause relative à « l'épargne volontaire » figurant dans l'offre de prêt du 10 avril 2002.

- Condamne le Crédit Industriel de l'Ouest à restituer à M. Et Mme X. les sommes versées au titre de cette « épargne », outre les intérêts sur celles-ci au taux légal à compter du jour de leur versement.

- Condamne le Crédit Industriel de l'Ouest à remettre à M. Et Mme X. un décompte détaillé des sommes perçues au titre de « l'épargne volontaire » outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal, à compter du jour de leur versement.

- Rejette les plus amples prétentions des parties.

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

- Condamne le Crédit Industriel de l'Ouest à verser aux époux X. la somme de 600,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne le Crédit Industriel de l'Ouest aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que susdits.

LE PRÉSIDENT,                                LE GREFFIER,

C. DE SOUZA SILVA                       A. LECOMTE