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CA ANGERS (ch. com.), 16 mai 2006

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. com.), 16 mai 2006
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. com.
Demande : 05/01947
Date : 16/05/2006
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI CHATEAU-GONTIER, 12 juillet 2005
Numéro de la décision : 182
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 675

CA ANGERS (ch. com.), 16 mai 2006 : RG n° 05/01947 ; arrêt n° 182

Publication : Juris-Data n° 330900

 

Extraits : 1/ « Qu'au demeurant, le grief de défaut de réponse au moyen de défense du CIO n'est pas fondé, dès lors qu'en déclarant abusive la clause dite d'épargne, faute de contrepartie à l'obligation faite aux emprunteurs, le premier juge a nécessairement écarté l'argumentation, que dit avoir soutenu la banque devant le tribunal d'instance devant lequel la procédure est orale, suivant laquelle l'épargne prévue au contrat est constituée à titre de garantie ».

2/ « Attendu qu'aux termes des articles L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation, l'offre préalable doit être établie selon le modèle type qui lui correspond, annexé à ce Code ; Que l'offre en cause n'est pas en tous points conforme au modèle type dans la mesure où elle prévoit la déchéance du terme et une clause pénale dans des cas autres que la défaillance des emprunteurs dans le remboursement du crédit ; que la clause contestée n° 7, dite de défaillance, prévoit l'application d'une telle sanction en cas notamment de non domiciliation des revenus, règlement amiable, perte des garanties etc. ; Que les stipulations ajoutées aux indications du modèle type sont défavorables aux emprunteurs dont elles aggravent la situation, en les exposant à une résiliation anticipée dans des cas non envisagés par la réglementation ; Attendu que c'est dès lors à bon droit que le premier juge a prononcé la déchéance des intérêts du prêt en vertu de l'article L. 311-33 et condamné la banque, conformément à ce texte, à restituer les intérêts perçus majorés des intérêts au taux légal à compter de leur versement ».

3/ « Attendu que cette clause prévoit le prélèvement par la banque, en sus du montant de l'échéance mensuelle, d'une somme dont le montant constitue une épargne nantie à titre de gage espèces pendant la durée du prêt et qui est restituable après le remboursement total de celui, la banque étant autorisée à opérer une compensation entre le montant épargné et les sommes dues au titre du prêt, en cas de défaillance de l'emprunteur ; Attendu que, par cette stipulation, la banque impose à l'emprunteur une garantie de remboursement, en l'obligeant à constituer une réserve financière au fur et à mesure des échéances ; Que cette clause est déterminante de l'engagement de la banque, qui, sans cette sûreté, n'aurait pas accordé le crédit aux emprunteurs au taux convenu ; que d'ailleurs le contrat prévoit à titre de clause pénale une majoration d'un point du taux d'intérêt du prêt, en cas de non constitution de l'épargne pour compenser la diminution de garantie ; Que le montant des sommes nanties chaque mois n'est pas disproportionné au montant du prêt ; Que s'agissant d'une garantie de paiement expressément stipulée, la faculté de compensation prévue en cas de défaillance des emprunteurs n'est pas illicite ; Que même si le gage espèces, pendant la durée du prêt, ne produit pas d'intérêts au profit des emprunteurs, l'obligation mise à leur charge n'a pas pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; Que la clause contestée ne présente pas un caractère abusif, de sorte que la banque n'est tenue de restituer les sommes épargnées que dans les conditions du contrat ; que le jugement sera réformé en ce qu'il en a ordonné la restitution avec intérêts au fur et à mesure des versements ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 MAI 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/01947. Arrêt n° : 182. Jugement du 12 Juillet 2005, Tribunal d'Instance de CHATEAU GONTIER n° d'inscription au RG de première instance : -

 

APPELANTE :

LA SA CRÉDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST

[adresse], représentée par Maître VICART, avoué à la Cour, assistée de Maître M. BARBARY, avocat au barreau de LAVAL

 

INTIMÉS :

- Monsieur X.

[adresse]

- Madame Y. épouse X.

[adresse]

représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour, assistés de Maître B. SEVESTRE, avocat au barreau de RENNES

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2006 à 14 h. 15, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame FERRARI, Président, chargé du rapport.

[minute page 2] Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame FERRARI, Président de chambre, Madame LOURMET, Conseiller Monsieur FAU, Conseiller.

Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU

ARRÊT : contradictoire, Prononcé publiquement le 16 mai 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile ; Signé par Madame FERRARI, Président, et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les époux X. ont accepté le 10 avril 2002 l'offre préalable de crédit de 10.000 € présentée par le Crédit industriel de l'Ouest (le CIO), d'une durée de 39 mois, au taux de 5,75 %, remboursable par échéances mensuelles prélevées sur leur compte bancaire ouvert auprès de cette banque, l'échéance étant augmentée d'une somme mensuelle de 61,33 €, qualifiée d'épargne volontaire, nantie à titre de gage espèces en faveur de la banque et restituable par elle au terme du contrat de crédit.

Dénonçant les clauses, selon eux, illicites et abusives de ce contrat, les emprunteurs ont fait assigner la banque le 8 février 2005 en restitution des sommes perçues au titre des intérêts du prêt et de l'épargne.

Par jugement contradictoire du 12 juillet 2005, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal d'instance de Château-Gontier (Mayenne) a :

- prononcé la déchéance du CIO du droit aux intérêts du prêt, l'a condamné à les restituer aux emprunteurs avec intérêts au taux légal à compter de leur versement et à leur remettre le compte détaillé de ces sommes,

- dit que les époux X. sont solidairement tenus au « remboursement » des intérêts au taux légal sur les sommes restant dues en capital à la banque, à compter du 26 mai 2005 et les y a condamnés solidairement en tant que de besoin ;

- déclaré abusive la clause relative à « l'épargne volontaire », condamné le CIO à restituer aux époux X. les sommes perçues à ce titre avec intérêts au taux légal à compter de leur versement et à remettre le compte détaillé de ces sommes,

- et condamné la banque à une indemnité de procédure de 600 € et aux dépens.

[minute page 3]

LA COUR :

Vu l'appel formé contre ce jugement par le CIO ;

Vu les dernières conclusions du 28 février 2006, par lesquelles l'appelant, poursuivant l'annulation et en tout cas l'infirmation du jugement, demande à la cour de :

- débouter les époux X.,

- subsidiairement, en cas de déchéance des intérêts conventionnels, de condamner les emprunteurs aux intérêts au taux légal à compter de la première échéance du 17 avril 2002 à la dernière échéance du 5 juillet 2005, capitalisés à compter de la demande formée devant le tribunal d'instance le 26 mai 2005, à défaut à compter des dernières conclusions, « pour les intérêts qui auront été laissés impayés ou qui seront impayés plus d'une année entière » ;

- condamner les époux X. à rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire du jugement, majorées des intérêts au taux légal à compter des dernières conclusions ou de l'arrêt à intervenir,

- les condamner à une indemnité de procédure de 2.000 € ;

Vu les dernières conclusions du 1er mars 2006, par lesquelles les époux X., intimés formant appel incident, demandent à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il les a dit tenus aux intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter du 26 mai 2005, et réclament une indemnité de procédure de 3.000€ ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur la nullité du jugement :

Attendu que l'appelant est sans intérêt à poursuivre l'annulation du jugement dès lors que, par l'effet de dévolutif de l'appel, l'affaire est jugée en son entier par la cour, en fait comme en droit ;

Qu'au demeurant, le grief de défaut de réponse au moyen de défense du CIO n'est pas fondé, dès lors qu'en déclarant abusive la clause dite d'épargne, faute de contrepartie à l'obligation faite aux emprunteurs, le premier juge a nécessairement écarté l'argumentation, que dit avoir soutenu la banque devant le tribunal d'instance devant lequel la procédure est orale, suivant laquelle l'épargne prévue au contrat est constituée à titre de garantie ;

 

Sur la recevabilité de l'action des époux X. :

Attendu que l'intérêt à agir des emprunteurs qui demandent à faire judiciairement reconnaître l'irrégularité du contrat qui contiendrait de surcroît une clause abusive est caractérisé ; que la fin de non-recevoir qui leur est opposée par le CIO n'est pas fondée ;

[minute page 4]

Sur la régularité de l'offre préalable :

Attendu qu'aux termes des articles L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation, l'offre préalable doit être établie selon le modèle type qui lui correspond, annexé à ce Code ;

Que l'offre en cause n'est pas en tous points conforme au modèle type dans la mesure où elle prévoit la déchéance du terme et une clause pénale dans des cas autres que la défaillance des emprunteurs dans le remboursement du crédit ; que la clause contestée n° 7, dite de défaillance, prévoit l'application d'une telle sanction en cas notamment de non domiciliation des revenus, règlement amiable, perte des garanties etc. ;

Que les stipulations ajoutées aux indications du modèle type sont défavorables aux emprunteurs dont elles aggravent la situation, en les exposant à une résiliation anticipée dans des cas non envisagés par la réglementation ;

Attendu que c'est dès lors à bon droit que le premier juge a prononcé la déchéance des intérêts du prêt en vertu de l'article L. 311-33 et condamné la banque, conformément à ce texte, à restituer les intérêts perçus majorés des intérêts au taux légal à compter de leur versement ;

Attendu que le capital prêté n'étant, aux termes de ce texte, productif d'aucun intérêt, le CIO n'est pas fondé à réclamer des intérêts au taux légal de la première à la dernière échéance de remboursement ;

Attendu que s'il est vrai que la déchéance des intérêts conventionnels du prêt ne dispense pas l'emprunteur du paiement des intérêts de retard qui pourraient courir à compter de la mise en demeure sur le capital restant dû, la banque n'établit pas que les époux X. auraient été, en 2005, débiteurs à son égard de sommes échues en capital et laissées impayées ; que la condamnation au « remboursement » des intérêts au taux légal sur le capital, à compter de la demande en justice qui en a été faite à l'audience du tribunal d'instance du 26 mai 2005, prononcée contre les époux X., n'est dès lors pas fondée en l'état des pièces produites ; qu'elle sera réformée ;

 

Sur la clause dite d'épargne :

Attendu que le tribunal a accueilli la demande des emprunteurs, tendant à déclarer abusive la clause dite d'épargne et l'a en conséquence dite non écrite ;

Attendu que cette clause prévoit le prélèvement par la banque, en sus du montant de l'échéance mensuelle, d'une somme dont le montant constitue une épargne nantie à titre de gage espèces pendant la durée du prêt et qui est restituable après le remboursement total de celui, la banque étant autorisée à opérer une compensation entre le montant épargné et les sommes dues au titre du prêt, en cas de défaillance de l'emprunteur ;    

[minute page 5] Attendu que, par cette stipulation, la banque impose à l'emprunteur une garantie de remboursement, en l'obligeant à constituer une réserve financière au fur et à mesure des échéances ;

Que cette clause est déterminante de l'engagement de la banque, qui, sans cette sûreté, n'aurait pas accordé le crédit aux emprunteurs au taux convenu ; que d'ailleurs le contrat prévoit à titre de clause pénale une majoration d'un point du taux d'intérêt du prêt, en cas de non constitution de l'épargne pour compenser la diminution de garantie ;

Que le montant des sommes nanties chaque mois n'est pas disproportionné au montant du prêt ;

Que s'agissant d'une garantie de paiement expressément stipulée, la faculté de compensation prévue en cas de défaillance des emprunteurs n'est pas illicite ;

Que même si le gage espèces, pendant la durée du prêt, ne produit pas d'intérêts au profit des emprunteurs, l'obligation mise à leur charge n'a pas pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Que la clause contestée ne présente pas un caractère abusif, de sorte que la banque n'est tenue de restituer les sommes épargnées que dans les conditions du contrat ; que le jugement sera réformé en ce qu'il en a ordonné la restitution avec intérêts au fur et à mesure des versements ;

Attendu qu'il n'y pas lieu en cause d'appel à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que chaque partie succombant partiellement, les dépens d'appel seront compensés entre les parties, les dispositions du jugement sur les frais et dépens étant confirmées ;

Attendu que le présent arrêt, partiellement infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, étant précisé que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Qu'il s'ensuit qu'il n'y a lieu de statuer sur la demande de restitution de la banque ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts du prêt, condamné la banque à des restitutions de ce chef et à la production du compte d'intérêts et en ses dispositions sur les frais et dépens ;

Le réformant pour le surplus,

Déboute le CIO de ses demandes relatives aux intérêts sur le capital restant dû au titre du prêt ;

Dit non abusive la clause dite d'épargne ;

Déboute en conséquence les époux X. de leurs demandes tendant à la restitution, avec intérêts, des sommes versées au titre de l'épargne nantie comme gage espèces et de leur demande accessoire de production de compte formée à ce titre ;

Dit que la restitution de ces sommes doit s'opérer dans les conditions du contrat ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la Cour ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT

D. BOIVINEAU         I. FERRARI

 

Est cité par :