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CA AMIENS (ch. écon.), 14 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (ch. écon.), 14 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), ch. econom
Demande : 13/03688
Date : 14/04/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/07/2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5104

CA AMIENS (ch. écon.), 14 avril 2015 : RG n° 13/03688

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'intimé fait également état du libellé de la clause n° 8 ainsi rédigée : « la caution entend, par ailleurs, s'attacher personnellement au suivi des opérations réalisées par le débiteur principal. Elle dispense à cet effet la Caisse d'Épargne de lui notifier toute mesure d'information non requise par la Loi et notamment de lui signifier tous avis de non-paiement, de prorogation ou autre événement affectant la situation du Débiteur Principal ». L'intimé fait valoir que cette clause permettrait à la société de banque de se préconstituer une preuve même en cas de manquement de sa part. Toutefois cette clause qui ne vise que la dispense de la société de banque de lui notifier toute information non requise par la loi, ne constitue pas une renonciation à l'information légale, mais informe M. X. que la société de banque ne lui délivrera pas d'autres informations que celles exigées par la loi. Cette clause ne revêt en conséquence aucun caractère abusif. »

 

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRÊT DU 14 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/03688. JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE de COMPIÈGNE EN DATE DU 7 juin 2013

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE

Représentée par Maître Philippe V. substitué par Maître S., avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

 

ET :

INTIMÉ :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté par Maître Jean-Marie W., avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

 

DÉBATS : À l'audience publique du 20 janvier 2015 devant Mme GILIBERT, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 avril 2015.

GREFFIER : M. DELATTRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme GILIBERT en a rendu compte à la Cour composée de : Mme GILIBERT, Présidente, M. BOUGON et Mme BLONDEAU, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE : Le 14 avril 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme GILIBERT, Présidente a signé la minute avec Mme CHAPON, Greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Vu le jugement contradictoire en date du 7 juin 2013 par lequel le Tribunal de Commerce de Saint-Quentin, statuant dans le litige opposant la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie à Monsieur X., a :

- constaté le caractère disproportionné du cautionnement exigé de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie à la consistance du patrimoine et aux revenus de Monsieur X. lors de sa conclusion,

- constaté l'insuffisance actuelle du patrimoine de Monsieur X., afin de faire face à son engagement de caution,

- débouté la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

- dit et jugé que la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie ne peut se prévaloir dudit cautionnement,

- débouté la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie de sa demande de paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 69,97 euros.

Vu l'appel interjeté le 24 juillet 2013 par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie à l'encontre de cette décision ;

 

Vu les conclusions enregistrées au Greffe le 17 janvier 2014, régulièrement communiquées, par lesquelles la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie, appelante, demande à la Cour de :

- infirmer en toutes dispositions le jugement du Tribunal de Commerce du 7 juin 2013 ;

Statuant à nouveau :

- déclarer Monsieur X. irrecevable et en tout cas mal fondé en tous ses moyens, fins et prétentions ;

En conséquence ;

L'en débouter ;

- dire la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie recevable et bien fondée en ses demandes ;

En conséquence ;

- condamner Monsieur X. à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie la somme de :

- 187.500 euros au titre du cautionnement du 12 janvier 2010 outre intérêts au taux légal à compter de la présente assignation ;

- ordonner la capitalisation des intérêts dus annuellement en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- condamner Monsieur X. à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

Vu les conclusions enregistrées au Greffe le 14 novembre 2014, régulièrement communiquées, par lesquelles Monsieur X., intimé, demande à la Cour de :

Principalement,

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation

Vu les obligations de vigilance constante et de connaissance de leur clientèle pesant sur les établissements de crédit, issues des règlements CRBF n° 97-02, 99-05 et 2002-01, ainsi que le titre IV du livre V du code monétaire et financier, en particulier les articles L. 561-5 et suivants, L. 561-8 et R. 561-5 et suivants,

- Constater le caractère disproportionné du cautionnement exigé de à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie à la consistance du patrimoine et aux revenus de Monsieur X. lors de sa conclusion ;

- Constater l'insuffisance du patrimoine de Monsieur X. et de celui de son épouse, afin de faire face à l'engagement de caution ;

- Confirmer le jugement entrepris et dire et juger que la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie ne peut pas se prévaloir dudit cautionnement ;

Vu l'article 559 du code de procédure civile,

- Constater le caractère dilatoire et abusif de l'appel interjeté par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie et la condamner à payer :

- une indemnité de 3.000 euros

- la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral causé ;

- Dire et juger la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie mal-fondée en l'ensemble de ses moyens, fins et prétention, et l'en débouter.

Subsidiairement,

Vu l'article 560 et suivant du code de procédure civile,

Vu, ensemble, les articles 1161 et suivants du code civil et l'article 12 du code de procédure civil,

Vu l'avis n° 13-01 de la Commission des clauses abusives du 6 juin 2013,

- Constater la durée indéterminée de l'engagement de la caution de M. X. ;

Vu, ensemble les articles 1134 et suivants, 1147 et suivants, 1289 et suivants du code civil, les articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation, et les articles L. 622-28 et L. 631-14 alinéa 1er du code de commerce,

- Dire et juger qu'en méconnaissant ses obligations d'information envers la caution et en la privant de son droit de révoquer son engagement à tout montant, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie a commis une faute engageant sa responsabilité ;

- Condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie à verser à M. X. la somme de 187.500 euros, en réparation de son préjudice ;

- Ordonner la compensation des dommages et intérêts dus à M. X. avec la créance de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie ;

Plus subsidiairement,

Vu, ensemble, les articles 1244-1 et suivants et l'article 2301 alinéa 2 du code civil, l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, ainsi que les articles L. 330-1 et L. 331-2 du code de la consommation,

- Dire et juger que M. X. bénéficiera des plus larges délais pour acquitter les condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie ;

- Dire et juger que les intérêts dont ces sommes pourraient être assorties seront limités au taux d'intérêt légal et que M. X. sera exempté de l'augmentation de 5 % à l'expiration du délai de deux mois à compter du jour où la décision à intervenir sera devenue exécutoire, ainsi que de toute pénalité ;

En tout état de cause,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie au paiement de la somme de 7.000 euros, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître W., Avocat aux offres de droit ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Par acte sous seing privé en date du 14 janvier 2010, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie s'est portée caution solidaire de la SAS Picardie Avenir Automobile au bénéfice des sociétés Toyota France et Toyota France Financement pour un montant principal de 250.000 euros.

Par acte sous seing privé du 12 janvier 2010, Monsieur X., président de la SAS Picardie Avenir Automobile s'est porté caution solidaire de la SAS Picardie Avenir Automobile envers la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie pour une durée de 60 mois à concurrence d'un montant limité à 187.500 euros en principal, incluant intérêts, commissions, frais et accessoires, pénalités et intérêts de retard pour garantir cette dernière de son engagement de caution envers les sociétés Toyota France et Toyota France Financement.

Par jugement du tribunal de Commerce de Saint-Quentin en date du 19 décembre 2011, la SAS Picardie Avenir Automobile a été placée en sauvegarde, puis en redressement judiciaire par jugement en date du 29 mai 2012, la liquidation judiciaire a été prononcée le 29 octobre 2012.

Le 16 janvier 2012, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie a déclaré sa créance pour un montant de 280.786,70 euros à titre chirographaire représentant le capital restant dû au 19 décembre 2011, y compris intérêts, d'un prêt octroyé le 21 décembre 2009 pour les travaux d'aménagement de la concession TOYOTA à [ville C.] et l'engagement de sa caution et 163.633,52 euros à titre privilégié, au titre d'un prêt octroyé les 24 décembre 2009 et 14 janvier 2010 pour financement du fonds de commerce et d'un prêt octroyé le 8 janvier 2010 pour l'acquisition des matériels professionnels.

Le 17 février 2012 et après avoir été appelée en paiement de la somme de 250.000 euros par les sociétés Toyota France et Toyota France Financement, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie, a mis en demeure M. X. de payer la somme de 187.500 euros correspondant au montant de la caution consentie le 12 janvier 2010.

Après mise en demeure restée sans effet, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie a assigné M. X. devant le Tribunal de Commerce de Saint-Quentin lequel a rendu la décision sus rappelée.

 

SUR CE :

Sur la disproportion de l'engagement :

Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation : « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

La société CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE a sollicité de M. X. une déclaration sur ses biens et revenus au jour de la signature du contrat de cautionnement.

Sur cette fiche établie le 24 novembre 2009, sont reportés les revenus du couple constitués des salaires perçus par M. X. à hauteur de 60.000 euros en qualité de gérant de la société PHI et de Mme X. à hauteur de 36.000 euros en qualité de directeur général de cette même société, avec un jeune enfant à charge. Aucun patrimoine immobilier n'est inventorié. Les engagements financiers mentionnés sont d'une part un prêt personnel de 25.000 euros sur lequel restait due la somme de 12.000 euros, contracté auprès de la société BNP, ainsi qu'un engagement en qualité de caution auprès du CIC (94.000 euros pour une durée de sept ans à effet de janvier 2008). Il n'est pas fait état de la détention de parts sociales.

M. X. fait valoir que la banque a aux termes de divers règlements du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF) l'obligation de bien connaître sa clientèle et de s'assurer de l'objet et de la nature des opérations envisagées ainsi que d'obtenir tous renseignements utiles sur les personnes physiques et morales figurant dans la détention du capital des société cautionnées. Toutefois ces obligations prudentielles sont afférents à l'octroi des concours bancaires aux sociétés cautionnées qui ne font pas l'objet du présent litige, les obligations de l'organisme bancaire à l'égard de la caution personne physique étant régies par le texte sus rappelé. Les renseignements portés sur la fiche sont déclaratifs et pèse sur la caution l'obligation de fournir à la banque les renseignements sollicités sur sa situation pécuniaire et patrimoniale et ce dans le cadre de l'obligation générale de contracter de bonne foi.

M. X. fait état du délai qui s'est écoulé entre d'une part l'établissement de la fiche de renseignement (24 novembre 2009) et la signature de l'acte de cautionnement (12 janvier 2010) et d'autre part la souscription du contrat de cautionnement principal (14 janvier 2010). Or ce délai de l'ordre d'un mois et demi n'apparait pas en lui-même excessif au regard de la période de fin d'année. Par ailleurs l'intimé a conclu entre le 24 novembre 2009 et le 12 janvier 2010 plusieurs engagements financiers dont il lui appartenait d'informer la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE. Le texte susvisé fait état de la situation d'endettement à la date de souscription du contrat de cautionnement et non des engagements futurs, dont aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'ils ont été portés à la connaissance de la société appelante, l'intimé ne peut se prévaloir d'engagements futurs pour l'évaluation du caractère disproportionné ou non de son cautionnement.

Au regard du montant des revenus déclarés par la caution et de l'encours mensuel de 741 euros dont s'acquittaient les époux X. indivisément, le montant cautionné de 187.500 euros n'apparait pas manifestement disproportionné.

 

Sur le formalisme de l'acte de cautionnement :

M. X. fait état du défaut de date de l'acte de cautionnement en sa possession alors que la convention produite par la CAISSE D’ÉPARGNE comporte l'indication manuscrite de la date de l'obligation cautionnée. Toutefois l'acte de cautionnement même dépourvu de cette date n'est pas affecté dans sa validité, dès lors que tant la qualité du débiteur cautionné que le montant de l'obligation principale, sa durée sont exactement mentionnés, la caution ayant rédigé la clause manuscrite imposée par l'article L. 341-2 du code de la consommation.

M. X. fait état du caractère indéterminé du cautionnement donné en ce qu'il comporte une clause ainsi libellée : « la Caution s'engage à accepter sans réserve, toutes prorogations de délais expresses ou tacites qui pourraient être accordées au débiteur principal » alors qu'en page trois du contrat est mentionnée une durée de soixante mois.

La durée du cautionnement de soixante mois est portée par la caution dans le cadre de la mention manuscrite. La clause litigieuse s'analyse quant à elle dans l'hypothèse où le débiteur principal se verrait accorder des délais, dans ce cas la caution ne pourrait s'y opposer. Cette clause ne déroge pas à la durée du cautionnement telle qu'elle résulte de la mention manuscrite et ne rend pas celui-ci à durée indéterminée, la caution restant tenue au titre de la dette née pendant la durée des soixante mois.

 

Sur l'obligation d'information de la caution :

- l'information sur le premier incident de paiement :

L'intimé fait également état du libellé de la clause n° 8 ainsi rédigée : « la caution entend, par ailleurs, s'attacher personnellement au suivi des opérations réalisées par le débiteur principal. Elle dispense à cet effet la Caisse d'Épargne de lui notifier toute mesure d'information non requise par la Loi et notamment de lui signifier tous avis de non-paiement, de prorogation ou autre événement affectant la situation du Débiteur Principal ». L'intimé fait valoir que cette clause permettrait à la société de banque de se pré constituer une preuve même en cas de manquement de sa part. Toutefois cette clause qui ne vise que la dispense de la société de banque de lui notifier toute information non requise par la loi, ne constitue pas une renonciation à l'information légale, mais informe M. X. que la société de banque ne lui délivrera pas d'autres informations que celles exigées par la loi.

Cette clause ne revêt en conséquence aucun caractère abusif.

L'information concernant le premier incident de paiement a été donnée à la caution par missive du 17 février 2012.

 

- l'information annuelle de la caution

Aux termes de l'article L. 341-6 du code de la consommation « Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. À défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. » 

Dans le cas présent, l'engagement de la caution étant d'une durée déterminée seule pèse sur la CAISSE D’ÉPARGNE l'obligation d'information annuelle.

En l'espèce, au regard de la date de souscription de l'engagement en qualité de caution, l'obligation d'information annuelle pesait sur l'organisme financier à compter du mois de mars 2010 et ce quand bien même n'y eut il pas de dette, la caution principale de la CAISSE D'ÉPARGNE n'ayant été appelée que le 5 avril 2012 et M. X. fut il le dirigeant de la société faisant l'objet du cautionnement principal. Le texte ne distingue pas en effet selon que la caution soit amenée ou non à être appelée.

La sanction de ce défaut d'information est en application du texte susvisé, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels jusqu'à la date à laquelle l'information lui a été donnée. Seuls les intérêts au taux légal peuvent être décomptés en l'absence de toute information, la missive adressée le 17 février 2012 ne reprenant pas les données exigées par le texte sus repris.

 

Sur les fautes invoquées :

M. X. fait état de la responsabilité directe de la banque dans la déconfiture du « groupe » P2A et la cessation des paiements du débiteur principal en raison du désengagement de la CAISSE D’ÉPARGNE qui a dénoncé son engagement en qualité de caution principale auprès du groupe Toyota le 9 septembre 2011. Il s'appuie notamment sur l'analyse de l'administrateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce. Toutefois si l'administrateur judiciaire dans son rapport fait au tribunal dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte au profit de la société PICARDIE AVENIR AUTOMOBILE le 6 février 2012, précise que «...le repli de l'une des banques du groupe (CAISSE D’ÉPARGNE qui a dénoncé en septembre 2011 sa caution auprès de TOYOTA) a entrainé en cascade la mise en œuvre de mesures de sauvegarde par les partenaires... ceci a conduit à l'asphyxie progressive de l'exploitation à partir du 4e trimestre 2011 et un ralentissement de l'activité générant inévitablement des pertes... » l'administrateur précise quant à l'origine des difficultés de la société que celles-ci sont dues à un premier exercice qui correspondait à une phase de relance de l'activité et de réorganisation impactée par le cout des transferts de sites et l'incidence inévitable sur le chiffre d'affaires, outre les conséquences d'une campagne mondiales de rappel par la marque TOYOTA sur certains véhicules, des retards de livraison liés au tsunami survenu au Japon. L'administrateur qui évoque les performances supérieures à la moyenne nationale réalisées malgré ces circonstances note que dès la fin du premier semestre M. X. avait engagé des recherches de partenariat ou de cession et après dénonciation de sa caution par la CAISSE D’ÉPARGNE alors qu'une négociation avec les partenaires financiers était en cours de solution, le refus d'Opel de tout soutien à l'entreprise a conduit à solliciter l'ouverture de la procédure. Les causes de la déconfiture de la société PICARDIE AVENIR AUTOMOBILE sont plurielles et l'intimé ne détermine pas en quoi le retrait du cautionnement par la CAISSE D’ÉPARGNE présente un caractère fautif au regard des stipulations conventionnelles, ni en quoi ce retrait qui concernait l'une des trois sociétés du « groupe » a affecté le groupe en son entier.

En outre l'article L. 650-1 du code de commerce qui dispose que « Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge » pose ainsi le principe de non responsabilité du fournisseur de crédit assorti de trois exceptions, l'immunité de l'organisme bancaire ne peut être écartée qu'à la condition que les concours soient en eux-mêmes fautifs et que l'un des trois cas légaux de responsabilité soit démontré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

 

Sur le caractère prématuré de l'action de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE :

M. X. fait état du caractère prématuré de l'action de la CAISSE D'ÉPARGNE au regard des dispositions des articles L. 622-28 et L. 631-14 al 1 du code de commerce qui ordonnent la suspension des poursuites à l'encontre des personnes physiques cautions, jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire.

Toutefois l'organisme bancaire ayant sollicité et obtenu l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire avait l'obligation d'assigner son débiteur dans le mois de l'inscription (ordonnance du 7 aout 2012), de sorte que son action qui a fait en premier lieu l'objet d'une décision de sursis à statuer ne peut être considérée comme abusive.

Pour l'ensemble de ces motifs le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 7 juin 2013 doit être infirmé en toutes ses dispositions et M. X. sera condamné à verser à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE la somme de 187.500 euros outre intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du 6 septembre 2012,les intérêts étant capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

 

Sur la demande de délais de paiement :

Au soutien de sa demande, M. X. invoque les dispositions des articles 1244-1 du code civil et l'article L. 313-3 du code Monétaire et Financier ainsi que les articles L. 330-1 et L. 331-2 du code de la consommation

L'article 1244-1 du code civil dispose que : « (Toutefois), compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette... »

En l'espèce M. X. verse aux débats les avis d'imposition sur les revenus pour les années 2012 et 2013 qui déterminent pour la dernière année un revenu annuel de référence de 657 euros, l'intimé étant éligible au RSA. Toutefois M. X. n’a produit aucun élément sur le sort du bien immobilier qu'il a acquis avec son épouse et qui peut répondre pour partie de la dette.

Au regard de cette donnée de fait et surtout au regard du montant dû qui excède très largement la faculté de régler en vingt-quatre mensualité le total et en l'absence de demande précise et d'élément sur des perspectives de redressement personnel qui permettraient d'arbitrer un report de la dette, il convient de rejeter la demande de délais de paiement en l'état du dossier.

L'article L. 313-3 du code Monétaire et Financier dispose que seul le juge de l'exécution dispose de la faculté de dispenser le débiteur de la majoration de l'intérêt légal prévue par ce texte. Les articles L. 330-1 et L. 331-2 du code de la consommation sont quant à eux afférents à la procédure de surendettement des particuliers qui relève d'une procédure spécifique et ne peut être mise en œuvre en dehors de celle-ci pour la première fois en cause d'appel.

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif :

M. X. sollicite l'octroi de dommages et intérêts en faisant valoir le caractère abusif de l'appel formé par la CAISSE D’ÉPARGNE. Toutefois la solution donnée au litige conduit à rejeter cette demande

 

Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de la Société CAISSE D’ÉPARGNE et d'allouer à celle-ci pour la procédure d'appel une indemnité 500 euros, M. X. qui succombe dans ses prétentions étant débouté de ce chef et condamné aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

STATUANT publiquement, contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE M. X. à verser à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE la somme de 187.500 euros outre intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du 6 septembre 2012, les intérêts étant capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. X. à verser à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE la somme de la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE,                 LA PRÉSIDENTE,