CA RENNES (ord. taxe), 28 avril 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5136
CA RENNES (ord. taxe), 28 avril 2015 : RG n° 14/00155 ; arrêt n° 15/069
Publication : Jurica
Extrait : « Selon l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 15 janvier 2015, la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'applique à des contrats standardisés de services juridiques, conclus par un avocat avec une personne physique qui n'agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle. […]
Une convention d'honoraires a été conclue le 14 septembre 2011. […] L'honoraire de prestations était fixé à 1.794 euros TTC. Les frais de gestion étaient de 100 euros HT à 300 euros hors taxes pour l'ouverture, la gestion et l'archivage du dossier, selon le volume ; les frais de déplacement devaient être calculés selon le barème fiscal ; les frais de secrétariat étaient de : - 0,30 euros hors taxes par photocopie, - 5 euros hors taxes par page de télécopie reçue ou envoyée, - 3 euros hors taxes par e-mail reçu ou envoyé, - 5 euros hors taxes par correspondance, - 8 euros hors taxes par page dactylographiée. L'honoraire de résultat était fixé à 10 % hors taxes des sommes obtenues en plus devant la cour.
Mme X.-Y. sollicite un sursis à statuer en l'attente d'une décision éventuelle sur la responsabilité professionnelle de Maître Z. alors qu'il n'est pas prouvé qu'elle aurait saisi une juridiction. Cette demande de sursis à statuer sera rejetée, d'autant que le juge de l'honoraire n'a pas à tenir compte des conséquences d'un litige en responsabilité.
La mission de l'avocat était très précise, contrairement à ce que soutient l'appelante. Il n'est pas démontré en quoi la clause relative aux prestations serait abusive et standardisée ; au contraire, les parties sont convenues d'un forfait protecteur pour la cliente et limité à la somme de 1.794 euros TTC. Il sera noté que Mme X.-Y. s'en est acquittée. S'agissant des frais de gestion, il n'est pas abusif de prévoir un coût à l'unité et de laisser ensuite l'avocat facturer selon les frais engagés. Les diligences de l'avocat, sur ce point, sont impossibles à prévoir et dépendent de nombreux facteurs extérieurs (attitude de l'adversaire, sollicitations du client, demandes de la juridiction). En l'espèce, la SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS produit son entier dossier et justifie des photocopies, des correspondances, des télécopies, etc. La comparaison avec les honoraires facturés par l'avocat à un autre client n'est d'aucune pertinence, chaque dossier ayant ses spécificités et ses difficultés.
La rupture du mandat n'est pas abusive. La relation entre l'avocat et son client est faite selon l'intuitu personae, basée sur la confiance. En cas de difficultés, chacune des parties peut rompre la relation. Maître Z. s'est dégagé de sa mission par courrier du 5 mars 2013. À cette date, il avait réalisé cette mission en obtenant une décision ; Mme X.-Y. a obtenu une somme de 26.322,93 euros. L'honoraire de résultat de 2.632,21 euros hors taxes correspondait exactement à la somme prévue dans la convention. Le litige, très discuté devant la cour d'appel, comportait un aléa.
Enfin, il n'apparaît dans la convention d'honoraires aucune clause abusive telle qu'énumérée à l'article R. 132-1 du code de la consommation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE TAXE
ORDONNANCE DU 28 AVRIL 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00155. ORDONNANCE n° 15/069.
Monsieur Jean-François DELCAN, Président, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER : M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : À l'audience publique du 10 mars 2015
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée à l'audience publique du 28 avril 2015, par mise à disposition au greffe
ENTRE :
Madame X.-Y.
non comparant, représentée par M. X. (Conjoint) en vertu d'un pouvoir général
ET :
Maître Z.
non comparant, représenté par Maître Céline LAURENT, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Maître Z., membre de la SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rennes, est intervenu au soutien des intérêts de Mme X.-Y. dans un litige prud'homal, en appel.
Il a facturé son intervention aux sommes de 897 euros et 4.874,43 euros.
Un différend est survenu entre l'avocat et sa cliente au sujet du paiement des honoraires.
Maître Z. a saisi le bâtonnier de Rennes d'une demande en fixation d'honoraires.
Par décision du 4 décembre 2013, le bâtonnier du barreau de Rennes a fixé à la somme de 5.771,43 euros TTC les frais et honoraires dus à Maître Z., membre de la SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS, et a condamné Mme X.-Y. au paiement de cette somme.
Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 4 janvier 2014, Mme X.-Y. a formé un recours contre l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rennes du 4 décembre 2013 et a demandé l'infirmation de l'ordonnance du 4 décembre 2013.
À l'audience du 10 mars 2015, elle indique que la facture de 897 euros a été payée, de sorte que la contestation ne porte que sur la somme de 4.874,43 euros et qu'il conviendra de modifier l'ordonnance du bâtonnier en ce sens. Elle soutient que, en raison de la fin du mandat, le 5 mars 2013, la convention d'honoraires ne trouve plus à s'appliquer. Elle estime qu'elle est un consommateur et que l'avocat est un professionnel, qu'il existe entre les deux un déséquilibre. La convention n'était pas individualisée mais standardisée ; il n'était pas précisé quelle était la mission de Maître Z., l'estimation du coût de la prestation ; la clause « frais et dépens » était pré-écrite.
Mme X.-Y. sollicite un sursis à statuer dans l'attente de la décision d'une autre juridiction qui conditionnerait la décision de la cour. La carence de l'avocat dans sa mission constitue une faute entraînant un préjudice et cela est lié au montant de ses honoraires. La convention n'a été que partiellement exécutée par l'avocat, de sorte que le client est fondé à ne pas exécuter ses obligations.
Dans le détail, Mme X.-Y. estime que l'honoraire de résultat doit être réduit au regard du service réellement rendu, que les frais sont laissés à la discrétion de l'avocat, notamment les copies, les fax. Les honoraires concernant M. X. étaient inférieurs alors que le dossier était plus compliqué. L'avocat doit justifier des frais.
La SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS répond que le juge de la contestation des honoraires n'a pas compétence pour statuer sur une éventuelle faute professionnelle de l'avocat, comme l'absence d'appel général d'un jugement. Elle s'oppose à un sursis à statuer, soutient que la convention d'honoraires était un contrat individualisé et non pas standardisé, que le droit de la consommation ne s'applique pas aux conventions d'honoraires car elles ne sont que facultatives ; Mme X.-Y. n'a saisi aucune juridiction en responsabilité professionnelle. La facture de 897 euros du 31 juillet 2012 a été finalement réglée, le 27 novembre 2013. S'agissant des frais et dépens, le détail des photocopies, des télécopies, des correspondances, des pages dactylographiées, a été mentionné dans la facture.
L'honoraire de résultat est conforme à la convention d'honoraires ; il existait un aléa. La SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS sollicite la confirmation de la décision du bâtonnier concernant la facture de 4.874,43 euros et elle demande la condamnation de Mme X.-Y. à lui payer les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 juillet 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La recevabilité du recours n'est pas contestée.
Il sera tout d'abord rappelé que dans le cadre limité de son intervention en matière de fixation d'honoraires d'avocats, le premier président ou son délégué n'a pas compétence pour statuer sur la responsabilité éventuelle de l'avocat vis à vis de son client, un tel litige relevant de la juridiction de droit commun, juge de proximité, tribunal d'instance ou tribunal de grande instance, selon le montant de la demande ; Mme X.-Y. n'est donc pas fondée à invoquer des manquements ou fautes ou erreurs de son conseil pour prétendre à une minoration des honoraires (comme le fait d'avoir limité l'appel à certaines dispositions et de ne pas avoir fait appel sur d'autres).
Selon l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 15 janvier 2015, la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'applique à des contrats standardisés de services juridiques, conclus par un avocat avec une personne physique qui n'agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle.
Cette directive prohibe les clauses abusives entendues comme celles qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat (art. 3 §1.).
Une convention d'honoraires a été conclue le 14 septembre 2011. Elle prévoyait l'intervention de la SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS dans le cadre d'une instance prud'homale contre la société de courtage et de diffusion CODIF INTERNATIONAL, devant la cour d'appel de Rennes. L'honoraire de prestations était fixé à 1.794 euros TTC. Les frais de gestion étaient de 100 euros HT à 300 euros hors taxes pour l'ouverture, la gestion et l'archivage du dossier, selon le volume ; les frais de déplacement devaient être calculés selon le barème fiscal ; les frais de secrétariat étaient de :
- 0,30 euros hors taxes par photocopie,
- 5 euros hors taxes par page de télécopie reçue ou envoyée,
- 3 euros hors taxes par e-mail reçu ou envoyé,
- 5 euros hors taxes par correspondance,
- 8 euros hors taxes par page dactylographiée.
L'honoraire de résultat était fixé à 10 % hors taxes des sommes obtenues en plus devant la cour.
Mme X.-Y. sollicite un sursis à statuer en l'attente d'une décision éventuelle sur la responsabilité professionnelle de Maître Z. alors qu'il n'est pas prouvé qu'elle aurait saisi une juridiction. Cette demande de sursis à statuer sera rejetée, d'autant que le juge de l'honoraire n'a pas à tenir compte des conséquences d'un litige en responsabilité.
La mission de l'avocat était très précise, contrairement à ce que soutient l'appelante.
Il n'est pas démontré en quoi la clause relative aux prestations serait abusive et standardisée ; au contraire, les parties sont convenues d'un forfait protecteur pour la cliente et limité à la somme de 1.794 euros TTC. Il sera noté que Mme X.-Y. s'en est acquittée.
S'agissant des frais de gestion, il n'est pas abusif de prévoir un coût à l'unité et de laisser ensuite l'avocat facturer selon les frais engagés. Les diligences de l'avocat, sur ce point, sont impossibles à prévoir et dépendent de nombreux facteurs extérieurs (attitude de l'adversaire, sollicitations du client, demandes de la juridiction). En l'espèce, la SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS produit son entier dossier et justifie des photocopies, des correspondances, des télécopies, etc.
La comparaison avec les honoraires facturés par l'avocat à un autre client n'est d'aucune pertinence, chaque dossier ayant ses spécificités et ses difficultés.
La rupture du mandat n'est pas abusive. La relation entre l'avocat et son client est faite selon l'intuitu personae, basée sur la confiance. En cas de difficultés, chacune des parties peut rompre la relation.
Maître Z. s'est dégagé de sa mission par courrier du 5 mars 2013. À cette date, il avait réalisé cette mission en obtenant une décision ; Mme X.-Y. a obtenu une somme de 26.322,93 euros. L'honoraire de résultat de 2.632,21 euros hors taxes correspondait exactement à la somme prévue dans la convention. Le litige, très discuté devant la cour d'appel, comportait un aléa.
Enfin, il n'apparaît dans la convention d'honoraires aucune clause abusive telle qu'énumérée à l'article R. 132-1 du code de la consommation.
En conséquence, l'ordonnance du bâtonnier de Rennes, en date du 4 décembre 2013 sera confirmée, sauf à actualiser le montant dû en raison du versement de la somme de 897 euros qu'ignorait le bâtonnier.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement,
Rejetons la demande de sursis à statuer ;
Confirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rennes du 4 décembre 2013, sauf en ce qu'elle a inclus dans les honoraires dus une somme de 897 euros qui a été payée ;
Recalculant,
Fixons le solde des honoraires de la SELARL LARZUL-Z.-LE ROUX & ASSOCIÉS à la somme de 4.874,43 euros ;
Disons que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 juillet 2013 ;
Condamnons Mme X.-Y. aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5851 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Absence de lien avec la profession
- 6029 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Acceptation des clauses - Clauses négociées
- 6387 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Avocat