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CA NANCY (ch. exéc.), 29 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (ch. exéc.), 29 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), ch. exécut.
Demande : 14/00862
Décision : 1492/15
Date : 29/06/2015
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 1492
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-017045
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5254

CA NANCY (ch. exéc.), 29 juin 2015 : RG n° 14/00862 ; arrêt n° 1492/15 

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-017045

 

Extrait (prétentions des demandeurs) : « Ils ajoutent que la clause contractuelle à laquelle se réfère la banque pour justifier les prélèvements sur un seul compte, a été déclarée abusive par la commission des clauses abusives. Ils en déduisent que la banque a ainsi artificiellement mis le compte de [ville G.] en difficulté puisque l'échéance du 28 novembre 2011 n'a pu être honorée et estiment que le commandement aux fins de saisie vente délivré le 2 avril 2012 n'avait pas lieu d'être. »

Extrait (prétentions de l’intimée) : « Sur sa responsabilité en tant que dépositaire des fonds, l'intimée fait valoir que les conditions générales du contrat de prêt prévoient le remboursement des échéances sur les différents comptes de l'emprunteur et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle précise que cette clause n'a pas été jugée abusive par la commission des clauses abusives mais a fait l'objet d'une recommandation qui ne s'impose pas au juge, comme l'a exactement relevé le juge de l'exécution ».

Extrait (motifs) : « Attendu qu'en application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ; Qu'en l'espèce, il est constaté que M. et Mme X.-Y. ont présenté à hauteur d'appel un certain nombre de demandes nouvelles, à savoir la production d'un décompte précis des sommes perçues au titre de la saisie des loyers de l'immeuble de [ville R.], l'annulation de la déchéance du terme, la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à leur verser 10.000 euros de dommages et intérêts, qu'il soit dit que les échéances de prêt doivent être prises en charge par l'assurance au titre de l'invalidité, que soit ordonnée la levée du fichage FICP, qu'il soit dit qu'à défaut d'enchère le créancier ne pourra pas être déclaré adjudicataire pour le prix initial de 20.000 euros et la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à leur verser 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ; qu'il convient d'ordonner la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur la recevabilité de ces demandes ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE DE L’EXÉCUTION

ARRÊT DU 29 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00862. Arrêt n° 1492/15. Décision déférée à la Cour : jugement du juge de l'exécution - statuant en matière de saisie immobilière - du tribunal de grande instance d'Épinal, R.G. n° 12/00057, en date du 17 janvier 2014.

 

APPELANTS :

Monsieur X.,

le [date] à [ville], domicilié [adresse], représenté et plaidant par Maître Hervé M., avocat au barreau de NANCY ;

Madame Y. épouse X.,

née le [date] à [ville], domicilié [adresse], représentée et plaidant par Maître Hervé M., avocat au barreau de NANCY ;

 

INTIMÉES :

Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE

société coopérative à capital et personnel variables, immatriculée au CRS de METZ sous le n° 775.XXX, dont le siège social se situe [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège, représentée et plaidant par Maître François C., avocat au barreau de NANCY ;

Société LA BANQUE DE LA POSTE

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 356.YYY, dont le siège social se situe [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, défaillante, n'ayant pas constitué avocat ;

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 9 mars 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès STUTZMANN ;

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 29 juin 2015, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de Chambre, et par Madame STUTZMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

M. et Mme X.-Y. ont acquis le 30 juin 2003 un immeuble de rapport composé de deux appartements et trois garages situé à [adresse] et le 30 décembre 2003 un second immeuble de rapport composé de quatre appartements et un garage situé à [adresse] en souscrivant des prêts immobiliers auprès de la BNP et de la Banque La Poste.

Par acte authentique du 12 mai 2006, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a consenti à M. et Mme X.-Y. un prêt immobilier n° 86412170882 de 192.000 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,59 % l'an, remboursable en 180 mensualités, suite à la reprise du prêt souscrit précédemment auprès de La Poste pour le bien situé à [adresse], prêt garanti par une hypothèque conventionnelle inscrite sur cet immeuble.

Les échéances n'étant plus honorées, la déchéance du terme a été prononcée par le prêteur le 2 décembre 2011 après courriers de mise en demeure.

Un commandement de payer valant saisie immobilière des biens immobiliers a été signifié à M. et Mme X.-Y. le 2 avril 2012 à la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine pour paiement de la somme de 162.874,52 euros. Un état certifié des inscriptions hypothécaires a été délivré le 30 mai 2012 par le conservateur des hypothèques d'Epinal.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a assigné M. et Mme X.-Y. par acte d'huissier du 9 juillet 2012 devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Epinal statuant en matière de saisie immobilière pour l'audience d'orientation. Elle a dénoncé l'assignation à La Poste, créancier inscrit qui n'a pas déclaré sa créance.

Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 12 juillet 2012.

 

Par jugement avant dire droit du 20 septembre 2013, le juge de l'exécution a ordonné la réouverture des débats et sollicité la production de tous les documents déclarés annexés à l'acte authentique par le notaire et les observations du créancier sur le respect des modalités contractuelles pour la déchéance du terme et sur le caractère liquide et exigible de sa créance.

Au dernier état de la procédure, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a sollicité :

- qu'il soit constaté qu'elle a produit les documents demandés,

- qu'il soit dit que sa créance est liquide et exigible,

- qu'il soit dit que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée,

- le rejet des demandes formées par les débiteurs,

- la fixation du prix de vente de l'immeuble saisi à la somme de 20.000 euros,

- la taxation des frais de poursuites,

- la fixation de sa créance à la somme de 162.874,52 euros outre intérêts aux taux contractuel,

- qu'il soit dit que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de vente,

- la fixation de la date de la vente judiciaire et des conditions,

- la condamnation des défendeurs à lui verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme X.-Y. ont sollicité pour leur part :

- à titre principal, qu'il soit constaté que le Crédit Agricole ne dispose pas d'une créance exigible, que soient constatées les fautes commises par la banque et en conséquence que la banque soit condamnée au paiement de la somme de162.874,52 euros,

- que soit prononcée la nullité de la stipulation relative au TEG avec substitution du taux légal sans dépassement du taux contractuel initial de 3,59 %,

- la condamnation de la banque à leur verser 23.781,51 euros avec compensation entre les créances respectives,

- le rejet des demandes de la CRCAM de Lorraine et la radiation du commandement de payer,

- à titre subsidiaire, la réduction de la clause pénale à 1 euro,

- l'autorisation de procéder à la vente amiable du bien immobilier avec mise à prix à 160.000 euros,

- la fixation du prix de vente en cas de vente forcée à 150.000 euros

- les plus larges délais de paiement

- la condamnation de la CRCAM de Lorraine aux dépens et taxes.

 

Par jugement du 17 janvier 2014, le juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière d'Épinal a :

- débouté M. et Mme X.-Y. de leur demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine,

- constaté que le calcul du TEG est erroné,

- fixé à 23.781,51 euros la somme due par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à M. et Mme X.-Y. après substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel,

- dit que cette somme viendra en compensation des sommes dues par M. et Mme X.-Y.,

- débouté M. et Mme X.-Y. de leur demande de réduction de la clause pénale,

- constaté que les conditions du code des procédures civiles d'exécution sont réunies et que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine justifie d'un titre exécutoire portant sur une créance liquide et exigible,

- autorisé M. et Mme X.-Y. à procéder à la vente amiable du bien pour un prix qui ne peut être inférieur à 160.000 euros,

- dit que la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine s'élève à la somme de 139.093,10 euros à la date du 15 décembre 2011,

- dit que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de la vente,

- fixé le montant des frais taxés à 2.040,40 euros,

- fixé en cas de vente forcée le montant de la mise à prix à 70.000 euros,

- rejeté la demande de délais de paiement,

- débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

Le juge de l'exécution a considéré que la banque justifiait d'un titre exécutoire et du prononcé de la déchéance du terme dans les conditions contractuellement prévues, eu égard aux lettres de mise en demeure et d'avis de déchéance du terme adressées aux débiteurs.

Sur la responsabilité de la banque au titre du contrat d'assurance, le juge a relevé que les emprunteurs avaient reçu un exemplaire des conditions de l'assurance de groupe de la banque et que M. C. qui n'était pas un emprunteur profane, avait expressément renoncé à la garantie incapacité temporaire totale, considérant qu'il n'y avait aucun manquement de la banque à son devoir de conseil. Le juge a en outre relevé au vu des stipulations contractuelles, que la banque n'avait commis aucune faute en sa qualité de dépositaire de fonds, rejetant ainsi la demande de dommages et intérêts.

Sur le calcul du TEG, le juge de l'exécution a dit que le coût du crédit retenu au contrat n'avait pas pris en compte le coût de souscription des parts sociales ni les frais de rédaction de l'acte qui ne se confondent pas avec les frais de la prise de garantie et retenu la sanction de l'article L. 313-1 du code de la consommation pour substituer le taux d'intérêt légal au taux conventionnel. Le juge en a déduit que la somme de 23.781,51 euros indûment perçue par la banque au titre du TEG devait être déduite de sa créance. Le juge a en outre rejeté la demande de réduction de la clause pénale au motif qu'elle a été acceptée lors de la signature du prêt et qu'elle n'est pas excessive au regard des sommes dues.

Il a encore fait droit à la demande d'autorisation de vente amiable en fixant le prix minimal à 160.000 euros et fixé la mise à prix en cas de vente forcée à 70.000 euros compte tenu de l'état dégradé de l'immeuble. Enfin le juge a rejeté la demande de délais de paiement.

 

M. et Mme X.-Y. ont régulièrement interjeté appel de cette décision et concluent à l'infirmation du jugement. Ils sollicitent :

- à titre liminaire que soit prononcée la nullité de la signification du jugement et que leur appel soit déclaré recevable,

- que soit prononcée la jonction de la procédure avec la procédure 13/2299,

- qu'il soit enjoint à la CRCAM de Lorraine de produire un décompte précis des sommes perçues au titre de la saisie des loyers de l'immeuble,

- à titre principal, qu'il soit constaté qu'ils étaient créanciers de la banque à hauteur de 23.781,51 euros en décembre 2011 et en conséquence que soit annulée la déchéance du terme,

- la condamnation de la banque à leur verser 10.000 euros de dommages et intérêts,

- qu'il soit dit que les échéances des prêts doivent être prises en charge par l'assurance invalidité,

- que soit ordonnée la levée du fichage FICP,

- qu'il soit constaté que la CRCAM de Lorraine a commis des fautes et leur donner acte de ce qu'ils se réservent de chiffrer leur préjudice,

- subsidiairement la condamnation de la CRCAM de Lorraine à leur verser 162.874,52 euros pour les différentes fautes commises par la banque,

- que soit prononcée la nullité de la stipulation relative au TEG avec substitution du taux légal sans dépassement du taux contractuel initial de 3,59 %,

- la condamnation de la banque à leur verser 23.781,51 euros avec compensation entre les créances respectives,

- le rejet des demandes de la CRCAM de Lorraine et la radiation du commandement de payer,

- à titre subsidiaire, l'autorisation de vendre le bien à l'amiable pour un prix de 160.000 euros et les plus larges délais de paiement,

- à titre infiniment subsidiaire, qu'il soit dit qu'à défaut d'enchère, le créancier ne pourra pas être déclaré adjudicataire pour le prix initial de 20.000 euros,

- la condamnation de la CRCAM de Lorraine à leur verser 3.000 euros en première instance et 6.000 euros à hauteur d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Sur la recevabilité de l'appel, M. et Mme X.-Y. font valoir que l'acte de signification du jugement ne mentionne pas les diligences effectuées pour signifier l'acte à personne conformément à l'article 654 du code de procédure civile, que ce jour-là M. C. et son père étaient présents au domicile et que rien ne justifiait une signification à étude. Ils ajoutent que l'acte ne distingue pas les recherches réalisées pour M. et Mme C. et que le courrier de l'huissier de justice en date du 9 décembre 2014 ne saurait suppléer la carence des mentions figurant à l'acte.

Les appelants font valoir que la banque a agi abusivement en prononçant la déchéance du terme du prêt alors qu'ils n'étaient pas débiteurs au 2 décembre 2011 et qu'il n'y avait aucune dette puisque le juge de l'exécution a retenu à leur profit une créance de 23.781,51 euros pour le taux erroné du TEG. Ils considèrent que la déchéance du terme était injustifiée et doit être annulée. Ils ajoutent que les mensualités du prêt sont honorées puisque la banque a fait saisir les loyers des logements et estiment la mesure d'exécution forcée disproportionnée, sollicitant la nullité de la procédure et le versement de dommages et intérêts.

Sur la prise en charge des prêts au titre de l'invalidité, les appelants exposent que M. C. n'a renoncé qu'à l'incapacité temporaire totale et non à l'invalidité (ITD), que l'adhésion à l'assurance pour l'ITD est mentionnée à l'acte authentique, que M. C. est en invalidité 2ème catégorie depuis le 1er septembre 2011, que les conditions de l'ITD sont réunies et que les prêts doivent être garantis par l'assurance.

Sur les dommages et intérêts, ils font valoir que le refus de prise en charge des prêts leur a causé un préjudice moral important.

Sur la responsabilité de la banque, les époux X.-Y. exposent que la banque a manqué à ses obligations de conseil et d'information lors de la souscription de l'assurance, cette obligation ne se limitant pas à la remise de la notice d'assurance. Ils ajoutent que les documents qu'ils ont signés étaient peu clairs et sujets à interprétation puisque la CNP avait admis puis refusé la prise en charge des prêts lorsque M. C. a été placé en invalidité. Ils estiment que la perte de chance de bénéficier d'une assurance doit être indemnisée par la condamnation de la banque à leur verser 151.721,80 euros de dommages et intérêts.

Les appelants font encore valoir que la banque a engagé sa responsabilité en tant que dépositaire des fonds puisqu'elle a arbitrairement prélevé les échéances des deux prêts sur le même compte alors que chaque prêt immobilier était associé à un compte différent. Ils considèrent que cette attitude fautive a empêché les deux prêts d'être honorés alors que seul l'un d'entre eux était en défaut de paiement. Ils ajoutent que la clause contractuelle à laquelle se réfère la banque pour justifier les prélèvements sur un seul compte, a été déclarée abusive par la commission des clauses abusives. Ils en déduisent que la banque a ainsi artificiellement mis le compte de [ville G.] en difficulté puisque l'échéance du 28 novembre 2011 n'a pu être honorée et estiment que le commandement aux fins de saisie vente délivré le 2 avril 2012 n'avait pas lieu d'être.

Sur le TEG, les appelants font valoir que le coût des parts sociales dont la souscription est imposée par le prêteur constitue des frais devant entrer dans le calcul du taux effectif global, qu'ils ont été contraints d'acquérir des parts sociales pour un montant de 299,44 euros et que ce montant n'a pas été inclus dans le calcul du TEG. Ils ajoutent que les frais de rédaction d'acte et d'enregistrement qui étaient parfaitement déterminables n'ont pas non plus été inclus dans du TEG. Ils en déduisent qu'en application des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1 du code de la consommation, l'erreur sur le TEG implique la nullité des stipulations contractuelles relatives au taux d'intérêt et la substitution du taux légal. Ils ajoutent avoir indûment versé la somme de 23.781,51 euros qui doit venir se compenser avec les sommes dues, comme l'a justement dit le premier juge.

Sur les sommes dues, les appelants exposent que la créance figurant sur le commandement est erronée puisque la banque perçoit les loyers du bien immobilier de Gerbéviller depuis mars 2012 et que le décompte produit ne tient pas compte de tous les loyers.

Sur la prescription, les époux X.-Y. font valoir que M. C. a été placé en invalidité le 1er septembre 2011 et qu'il a réclamé à plusieurs reprises la prise en charge des prêts par l'assurance, ce qui a interrompu la prescription. Il précise qu'il n'est pas un emprunteur averti puisqu'il était conseiller commercial pour des assurances individuelles et non de groupe.

 

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. et Mme X.-Y.. A titre subsidiaire, elle conclut à l'infirmation partielle du jugement de première instance sur la fixation de sa créance et sur appel incident, elle sollicite :

- la fixation de sa créance à la somme de 180.375,25 euros arrêtée provisoirement au 14 mai 2014,

- la condamnation de M. et Mme X.-Y. à lui verser 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Sur la recevabilité de l'appel, l'intimée expose que le jugement déféré a été signifié le 27 février 2014 et que la déclaration d'appel reçue le 19 mars 2014 est tardive comme excédant le délai d'appel de 15 jours. Elle s'oppose à la demande de jonction de procédure s'agissant de procédures de saisie distinctes pour des immeubles différents, cette demande étant formée pour tenter d'échapper à l'irrecevabilité de leur appel. La banque ajoute que la signification à étude a été régulièrement délivrée à la lecture de l'acte et de la note adressée par l'huissier de justice et que le jugement a été signifié à leur conseil le 21 février 2014.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine fait valoir que selon les conditions générales du prêt annexées à l'acte authentique, les emprunteurs ont donné une autorisation de prélèvement et de compensation sur tout compte dont ils étaient titulaires et que la lettre de mise en demeure du 4 octobre 2011 fait état d'un retard de paiement de 4.378,24 euros qui n'a pas été régularisé et a entraîné la déchéance du terme. Elle considère dès lors qu'elle était en droit de mettre en oeuvre la garantie hypothécaire dont elle disposait et qu'il n'y a aucun abus de droit.

Sur l'assurance, la banque expose que selon les conditions générales et particulières du contrat CNP, les époux C. ont expressément renoncé à la garantie au titre de l'incapacité temporaire totale et que M. C. n'était assuré que pour la garantie décès et PTIA (perte totale et irréversible d'autonomie). Elle ajoute que l'emprunteur ne justifie pas être en situation de perte totale d'autonomie et qu'il ne peut lui être reproché un manquement à son devoir de conseil ou d'information alors que M. C. a déclaré être inspecteur en assurance dans l'acte notarié, ce qui fait de lui un emprunteur averti. La banque conclut donc à la confirmation du jugement ayant retenu la qualité d'emprunteur averti de M. C. et une information claire et complète des emprunteurs sur l'assurance souscrite. Elle invoque enfin la prescription de la demande puisque selon l'article L. 114-1 du code des assurances, toute action dérivant d'un contrat d'assurance se prescrit par deux ans, que M. C. est tombé malade en 2009 et qu'aucune action n'a été engagée dans le délai de deux ans. Elle ajoute que si l'emprunteur invoque devant la cour une invalidité à compter de septembre 2011, il ne produit aucune pièce sur son état de santé alors qu'il lui appartient de justifier que les conditions de prise en charge sont réunies. Elle rappelle encore que la prise en charge d'échéances par l'assurance au titre de l'ITT ne solde pas le prêt et que les époux C. n'honorent pas les mensualités. La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine en déduit que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Sur sa responsabilité en tant que dépositaire des fonds, l'intimée fait valoir que les conditions générales du contrat de prêt prévoient le remboursement des échéances sur les différents comptes de l'emprunteur et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle précise que cette clause n'a pas été jugée abusive par la commission des clauses abusives mais a fait l'objet d'une recommandation qui ne s'impose pas au juge, comme l'a exactement relevé le juge de l'exécution.

Sur le TEG, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine fait valoir que si l'article L. 313-1 du code de la consommation impose d'ajouter aux intérêts du prêt les frais et commissions, la souscription de parts sociales ne peut être considérée comme des frais puisque d'une part, ces parts sociales sont remboursables et d'autre part, l'incidence de leur souscription sur le coût total du crédit ne peut être déterminée qu'après leur remboursement. Elle en conclut que ces parts sociales ne peuvent être considérées comme des frais et sont exclues du calcul du TEG. L'intimée soutient encore que les frais de notaire et droits d'enregistrement ont été inclus dans les frais de prise de garantie et ne peuvent être intégrés dans le TEG puisque leur montant n'était pas défini précisément à la signature de l'acte notarié. Elle en déduit que le TEG a été calculé en tenant compte de tous les éléments devant y figurer et que les appelants sont mal fondés à invoquer la nullité de la stipulation d'intérêts, concluant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déduit la somme de 8.979,86 euros de sa créance.

Sur la demande de délais de paiement, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine expose que dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière, les débiteurs peuvent solliciter des délais pour vendre le bien et non des délais de paiement, rappelant qu'ils ont de fait bénéficié de deux ans depuis la déchéance du terme.

Sur les sommes dues, la banque produit un décompte provisoire arrêté au 14 mai 2014 et sollicite la fixation de sa créance à 180.375,24 euros.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Vu les dernières conclusions déposées par M. et Mme X.-Y. le 2 mars 2015 et par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine le 7 mars 2015, auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ;

 

Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que selon l'article 655 du code de procédure civile, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit à défaut de domicile connu, à résidence et l'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ; que selon l'article 656 du même code, si personne ne peut ou ne veut recevoir copie de l'acte et qu'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice que le destinataire de l'acte demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile ;

Qu'il résulte de ces textes que si l'huissier de justice doit vérifier l'exactitude du domicile du destinataire de l'acte, il doit également et préalablement relater les diligences accomplies pour tenter de rencontrer la personne et les circonstances rendant impossible la signification à personne et mentionner que personne n'a pu ou voulu recevoir l'acte ;

Qu'en l'espèce, l'acte de signification en date du 11 juillet 2013 établi par Maître A., huissier de justice à [ville], mentionne :

« Je me suis transporté à l'adresse indiquée ci-dessus aux fins de délivrer copie du présent acte.

audit endroit : [...]

les diligences suivantes ont été accomplies afin de vérifier l'exactitude de l'adresse : l'adresse est confirmée par le voisinage

la signification à personne et à domicile étant impossible, la copie du présent est déposée en mon étude (...) » ;

Qu'il est constaté qu'il n'est relaté aucune diligence pour tenter de rencontrer le destinataire de l'acte, ni aucune circonstance ayant rendu la signification à personne impossible ; que le feuillet « signification de l'acte » pré-imprimé ne porte aucune autre précision sur les diligences effectuées et ne mentionne qu'une vérification d'adresse en cochant d'une croix le fait que le nom du destinataire figure sur le tableau des occupants et les boîtes aux lettres ; qu'il n'est pas plus indiqué que personne n'a pu ou voulu recevoir l'acte ;

Que dès lors, en se contentant de vérifier l'adresse des destinataires qui n'est d'ailleurs pas contestée et en s'abstenant de relater les diligences accomplies pour effectuer la signification à personne et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification, l'huissier n'a pas respecté les prescriptions de l'article 655 du code de procédure civile ; qu'il est rappelé que les diligences doivent être mentionnées à l'acte et que la note établie a posteriori par l'huissier est sans valeur ; que de la même manière, le fait que le jugement a été signifié au conseil de M. et Mme X.-Y. est sans emport puisqu'il doit être signifié aux parties personnellement ;

Qu'il s'ensuit que la signification à étude n'étant pas régulière, le délai d'appel n'a pas couru et que l'appel interjeté par les époux X.-Y. le 19 mars 2014 doit être déclaré recevable ;

 

Sur la recevabilité des demandes nouvelles :

Attendu qu'en application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ;

Qu'en l'espèce, il est constaté que M. et Mme X.-Y. ont présenté à hauteur d'appel un certain nombre de demandes nouvelles, à savoir la production d'un décompte précis des sommes perçues au titre de la saisie des loyers de l'immeuble de [ville R.], l'annulation de la déchéance du terme, la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à leur verser 10.000 euros de dommages et intérêts, qu'il soit dit que les échéances de prêt doivent être prises en charge par l'assurance au titre de l'invalidité, que soit ordonnée la levée du fichage FICP, qu'il soit dit qu'à défaut d'enchère le créancier ne pourra pas être déclaré adjudicataire pour le prix initial de 20.000 euros et la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à leur verser 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ; qu'il convient d'ordonner la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur la recevabilité de ces demandes ;

Qu'en outre, le juge de l'exécution ne pouvant délivrer de titre exécutoire hors les cas prévus par la loi, il convient de recueillir les observations des parties sur les différentes demandes en paiement faites par les appelants à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine et la compétence du juge de l'exécution pour statuer sur ces demandes ;

Qu'il convient de réserver le surplus des demandes et les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et avant dire droit prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. et Mme X.-Y. ;

Ordonne la réouverture des débats et renvoie la procédure à l'audience du 12 octobre 2015 à 10 heures ;

Invite les parties à faire toute observation utile sur la recevabilité des demandes nouvelles formées par M. et Mme X.-Y. devant la cour et sur la compétence du juge de l'exécution à connaître des demandes en paiement formées à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine ;

Réserve le surplus des demandes et les dépens.-

signé : Stutzmann.- signé : Claude-Mizrahi.-

minute en huit pages.