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CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 2 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 2 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch. sect. 2
Demande : 14/08143
Date : 2/06/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/11/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5261

CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 2 juin 2015 : RG n° 14/08143

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'article L. 121-22, 4°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, écartait l'application des dispositions protectrices lorsque le contrat conclu à la suite d'un démarchage a un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée. M. X., démarché à son cabinet professionnel et qui a apposé son tampon professionnel sur le contrat à côté de sa signature, ne conteste pas avoir conclu le contrat de location en vue de l'exercice de son activité professionnelle. Les dispositions précitées se trouvaient donc exclues du champ d'application des dispositions protectrices édictées par les textes. La nullité du contrat de location ne pouvait être prononcée en application de ces textes. »

2/ « Par lettre de résiliation du 15 mars 2012, qui est adressée à la société Solvensys, le conseil de M. X. a souligné que lors du démarchage par le commercial, celui-ci avait affirmé que l'engagement porterait sur une durée de 12 mois, qu'à l'issue du rendez-vous, M. X. n'a pu conserver un double du contrat, qu'il est apparu ultérieurement que le contrat porte sur 60 mois et non sur 12 sans que M. X. ait jamais donné son accord à cette durée et qu'il n'a jamais été rendu destinataire du contrat malgré ses nombreuses demandes. Cette lettre, par son contenu et le fait qu'elle soit adressée à la société Solvensys, accrédite outre la circonstance que, malgré l'affirmation contraire de la société Solvensys, aucun exemplaire du contrat n'a été laissé à M. X. après qu'il l'eût signé, l'existence d'un discours volontairement trompeur du commercial relatif à la durée du contrat et à sa possibilité de résiliation et le fait que ce commercial s'est sciemment abstenu de préciser clairement l'identité de la société contractante sur laquelle une confusion pouvait exister dans l'esprit du cocontractant. L'existence de ce discours sciemment trompeur du commercial est corroborée par les témoignages versés, qui font ressortir le caractère rodé du mode opératoire, quasiment identique dans tous les témoignages rapportés. M. X. établit qu'il n'aurait pas signé le contrat de location sans les manœuvres dolosives effectuées par le commercial de la société Solvensys qui l'ont abusé et ont surpris son consentement. L'absence de consentement de M. X. prive le contrat de location de toute validité. Il convient d'en prononcer la nullité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 2

ARRÊT DU 2 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/08143. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 septembre 2014 par le Tribunal d'Instance de VERSAILLES : R.G. n° 1112002639. La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SAS LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS LOCAM

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège, représentée par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - n° du dossier 31114, assistée de Maître Evelyne BOCCALINI, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 129

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

représenté par Maître Hervé KEROUREDAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 40, assisté de Maître Alexandre SIAT, Plaidant, avocat au barreau de CAEN

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 avril 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique CATRY, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Serge PORTELLI, Président, Mme Claire MORICE, Conseiller, Mme Véronique CATRY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 26 octobre 2011, M. X., pédicure podologue à [ville], a pris en location auprès de la société Locam un appareil Solvenpur, fourni par la société Group Solvensys, moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 101,66 euros TTC pendant une durée de 5 ans.

Le contrat a été conclu à la suite d'un démarchage effectué par une salariée du fournisseur, la société Group Solvensys.

L'appareil a été livré le 4 novembre 2011 à M. X. qui a signé un procès-verbal de livraison et de conformité.

Par lettre de son conseil du 15 mars 2012, le locataire a informé la société Solvensys de son intention de résilier le contrat et l'a mis en demeure de venir retirer le matériel.

Par retour de courrier du même jour, la société Solvensys a rejeté la demande de résiliation du contrat et a invité le locataire à adresser cette demande à son partenaire financier Locam.

Par lettre recommandée du 12 juin 2012, la société Locam a mis en demeure M. X., qui avait cessé de régler les loyers à compter du mois d'avril 2012, de payer les loyers arriérés dans un délai de 8 jours et l'a informé de ce qu'à défaut, le contrat sera résilié de plein droit et il deviendra redevable d'une somme de 6.647,97 euros correspondant à l'arriéré et à la somme des loyers qui restaient à courir jusqu'à la fin de la location, majorés de l'indemnité et de la clause pénale.

Le 30 octobre 2012, la société Locam a assigné M. X. en paiement de la somme de 6.265,86 euros avec intérêts.

 

Par jugement du 12 septembre 2014, le tribunal d'instance de Versailles a prononcé la nullité du contrat de location en application des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, condamné la société Locam à payer à M. X. la somme de 508,30 euros correspondant aux loyers versés et celle de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné à ce dernier de restituer le matériel à la société Locam et rejeté le surplus des demandes des parties.

 

Vu l'appel interjeté le 13 novembre 2014 par la société Locam et ses conclusions du 18 mars 2015 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- dire l'intimé irrecevable en sa demande fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce,

- infirmer le jugement déféré,

- condamner l'intimé à lui payer la somme de 6.265,86 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 juin 2012 et capitalisation des intérêts,

- ordonner la restitution du matériel sous astreinte,

- condamner l'intimé à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Vu les conclusions reçues au greffe le 19 mars 2015 de M. X. qui demande à la cour de :

- constater que son consentement a été vicié et qu'il n'a jamais eu d'exemplaire du contrat entre les mains, malgré ses demandes,

- constater que le contrat est vicié en raison des manœuvres dolosives de la société Locam ou de son représentant,

- dire en conséquence que le contrat de location conclu le 26 octobre 2011 est nul,

- condamner l'appelante à lui rembourser la somme de 508,30 euros correspondant aux loyers indument versés avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral,

À titre subsidiaire,

- constater le déséquilibre significatif du contrat,

- constater le changement d'activité de la société Solvensys et sa liquidation judiciaire,

- limiter la créance de la société Locam à la somme de 299 euros TTC,

- la condamner à lui rembourser la somme de 209,30 euros compte tenu des sommes déjà versés,

À titre plus subsidiaire,

- lui octroyer les plus larges délais de paiement,

- condamner la société Locam à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité du contrat de location prononcée en application des dispositions du code de la consommation applicables en matière de démarchage :

Pour prononcer la nullité du contrat de location, le premier juge a retenu que le contrat était soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation applicables en matière de démarchage et qu'il n'était pas conforme aux prescriptions légales puisqu'aucun délai de livraison n'était indiqué, que le contrat n'avait été complété que partiellement par le démarcheur et qu'il ne comportait aucun formulaire détachable destiné à permettre l'exercice de la faculté de renonciation dans les 7 jours.

La société Locam fait valoir que le tribunal ne pouvait appliquer les textes précités, dans leur version applicable en 2011, qui excluaient toutes ventes, locations ou locations-ventes de biens ou prestations de services de leur champ d'application lorsqu'elle ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession, ce qui était le cas puisque M. X. avait signé le contrat dans le cadre de sa profession.

Dans ses écritures, M X. indique n'avoir aucune observation particulière à formuler si ce n'est qu'il n'a à aucun moment évoqué devant le premier juge les dispositions du code de la consommation pour demander l'annulation du contrat.

L'article L. 121-22, 4°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, écartait l'application des dispositions protectrices lorsque le contrat conclu à la suite d'un démarchage a un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée.

M. X., démarché à son cabinet professionnel et qui a apposé son tampon professionnel sur le contrat à côté de sa signature, ne conteste pas avoir conclu le contrat de location en vue de l'exercice de son activité professionnelle.

Les dispositions précitées se trouvaient donc exclues du champ d'application des dispositions protectrices édictées par les textes.

La nullité du contrat de location ne pouvait être prononcée en application de ces textes.

 

Sur la demande de nullité du contrat pour dol :

L'intimé fait valoir que la société Locam, via une de ses sociétés écrans et au moyen d'une technique parfaitement rodée, a pratiqué des manœuvres dolosives pour obtenir la signature du contrat de location.

Il indique que les attestations qu'il produit d'autres victimes démontrent le mode opératoire mis en place consistant pour le démarcheur à présenter l'existence d'un contrat d'une durée d'un an, résiliable sans frais, avec acquisition du matériel, alors qu'il s'agit de contrats de 5 ans non résiliables et sans acquisition du matériel, ce que la personne démarchée ne pouvait vérifier, en l'absence de remise du contrat.

Il ajoute que la valeur d'acquisition du purificateur objet du contrat de location est de 299 euros sur Internet.

L'appelante réplique que les attestations produites sont sans portée dès lors qu'elles ne concernent pas le contrat signé par M. X. et qu'elle a acquis le matériel pour la somme de 3.978 euros TTC auprès de la société Solvensys.

L'article 1109 du code civil énonce que le consentement donné n'est pas valable s'il a été donné par erreur ou s'il a extorqué par violence ou surpris par dol.

L'article 1116 du même code dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Les 10 attestations produites de personnes ayant de la même façon souscrit auprès de la société Locam un contrat de location d'un purificateur d'air fourni par la société Solvensys, qui exercent pour 8 d'entre elles la même profession, pour une autre celle de chiropracteur et enfin pour la dernière celle de directeur d'un EHPAD dans le Val d'Oise, décrivent globalement le même déroulement des faits, à savoir, le démarchage d'un commercial de la société Solvensys, l'affirmation par ce commercial d'une part de ce que la conclusion du contrat moyennant le paiement d'échéances mensuelles de 119,60 euros environ permet l'acquisition immédiate ou à terme du matériel, d'autre part, que l'engagement est résiliable à l'issue d'un an et enfin qu'il donne droit à un entretien ou échange du matériel.

L'exemplaire du contrat signé n'était pas laissé au cocontractant car le commercial expliquait qu'il devait être signé par la direction.

M. X. soutient avoir été victime du même mode opératoire.

Il y a lieu d'observer en préalable que celui-ci n'a réglé que 4 mois de loyers, de décembre 2011 à mars 2012 inclus avant de cesser tout paiement et de solliciter la résiliation du contrat, et non 16 mois comme indiqué par Solvensys dans sa lettre du 27 mars 2012.

M. X. a apposé sa signature sur le contrat, intitulé Contrat de location sous le paragraphe préimprimé indiquant qu'il déclare avoir pris connaissance, reçu et accepté les conditions particulières et générales figurant au recto et verso.

Par lettre de résiliation du 15 mars 2012, qui est adressée à la société Solvensys, le conseil de M. X. a souligné que lors du démarchage par le commercial, celui-ci avait affirmé que l'engagement porterait sur une durée de 12 mois, qu'à l'issue du rendez-vous, M. X. n'a pu conserver un double du contrat, qu'il est apparu ultérieurement que le contrat porte sur 60 mois et non sur 12 sans que M. X. ait jamais donné son accord à cette durée et qu'il n'a jamais été rendu destinataire du contrat malgré ses nombreuses demandes.

Cette lettre, par son contenu et le fait qu'elle soit adressée à la société Solvensys, accrédite outre la circonstance que, malgré l'affirmation contraire de la société Solvensys, aucun exemplaire du contrat n'a été laissé à M. X. après qu'il l'eût signé, l'existence d'un discours volontairement trompeur du commercial relatif à la durée du contrat et à sa possibilité de résiliation et le fait que ce commercial s'est sciemment abstenu de préciser clairement l'identité de la société contractante sur laquelle une confusion pouvait exister dans l'esprit du cocontractant.

L'existence de ce discours sciemment trompeur du commercial est corroborée par les témoignages versés, qui font ressortir le caractère rodé du mode opératoire, quasiment identique dans tous les témoignages rapportés.

M. X. établit qu'il n'aurait pas signé le contrat de location sans les manœuvres dolosives effectuées par le commercial de la société Solvensys qui l'ont abusé et ont surpris son consentement.

L'absence de consentement de M. X. prive le contrat de location de toute validité. Il convient d'en prononcer la nullité.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat, pour les motifs indiqués ci-dessus qui sont substitués à ceux du jugement, et en ce qu'il a condamné la société Locam à restituer les loyers versés.

Il n'y a pas lieu d'assortir la restitution du matériel d'une astreinte alors que l'intimé indique le tenir à la disposition de la société Locam.

En l'absence de tout préjudice établi autre que celui résultant des frais de procédure dont l'intimé est dédommagé par l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son profit et de la condamnation de l'appelante aux dépens, la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, par motifs substitués à ceux du jugement concernant le prononcé de la nullité du contrat de location ;

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. X. ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Locam à payer à M. X. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Locam et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Madame QUINCY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                Le président,