CA TOULOUSE (2e ch. sect. 2), 28 juillet 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5265
CA TOULOUSE (2e ch. sect. 2), 28 juillet 2015 : RG n° 14/06780 ; arrêt n° 457
Publication : Jurica
Extrait : « Un contractant ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives lorsque le contrat qu'il a conclu a un rapport direct avec son activité professionnelle. Or, un contrat de téléphonie souscrit comme en l'espèce par une société commerciale, qui a pour activité les travaux de couverture et d'étanchéité, a nécessairement un lien direct avec son activité professionnelle notamment pour solliciter ou répondre à ses clients et fournisseurs. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 2
ARRÊT DU 28 JUILLET 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/06780. Arrêt n° 457. Décision déférée du 12 novembre 2014 - Tribunal de Commerce de MONTAUBAN (R.G. n° 2014/73).
APPELANTE :
SARL FIBRE ÉTANCHE
Représentée par l'Association DECHARME - PLAINECASSAGNE - MOREL - NAUGES, avocat au barreau de Montauban
INTIMÉE :
SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION
[...], Représentée par Maître Philippe GRIMALDI, avocat au barreau de Toulouse
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 avril 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, conseiller faisant fonction de président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : V. SALMERON, conseiller faisant fonction de président, M.P. PELLARIN, conseiller, M. SONNEVILLE, conseiller.
Greffier, lors des débats : M. MARGUERIT
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par V. SALMERON, conseiller faisant fonction de président, et par M. MARGUERIT, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL Fibre Étanche a pour activité les travaux de couverture et d'étanchéité.
La SAS société commerciale de télécommunication (SCT) fournit des services et matériels téléphoniques.
La société SCT a conclu le 4 mai 2012 un contrat avec la SARL Fibre Étanche ayant pour objet les services de téléphonie fixe et mobile. Un nouveau contrat a été signé le 18 mars 2013 afin d'ajouter des options aux services proposés et deux lignes de téléphonie mobile supplémentaires avec résiliation de deux lignes de téléphonie mobile ; les deux lignes fixes étant maintenues.
Par courrier du 5 juillet 2013, la SARL Fibre Étanche a informé la SAS SCT de sa volonté de résilier le contrat souscrit le 18 mars 2013.
Le 31 août 2013, la société SCT adressait à la SARL Fibre Étanche deux factures à régler de 2.258,05 euros TTC et de 2.195,39 euros TTC.
Par ordonnance sur requête du 4 décembre 2013, le président du tribunal de commerce de Montauban a autorisé la SAS SCT Telecom à faire signifier à la SARL Fibre Étanche une injonction de payer la somme en principal d'un montant de 4.453,44 euros et 335 euros de frais.
Après signification de l'ordonnance le 10 mars 2014, la SARL Fibre Étanche a formé opposition par lettre déposée au greffe le 18 mars 2014.
En cours de procédure, la SAS SCT a sollicité le règlement d'une troisième facture établie le 31 octobre 2013 de 8.365,63 euros TTC.
Par jugement du 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Montauban a :
- condamné la SARL Fibre Étanche à payer (à la SAS SCT Telecom) la somme de 12.819,23 euros TTC en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter des conclusions et à 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile (CPC),
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la SARL Fibre Étanche aux frais et dépens de l'instance en ce y compris les frais d'injonction première phase, les frais de signification de l'ordonnance par huissier et les frais du jugement.
Par déclaration en date 17 décembre 2014, la SARL Fibre Étanche a relevé appel du jugement.
La clôture a été fixée au 30 mars 2015.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions notifiées le 26 mars 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SARL Fibre Étanche demande de réformer le jugement et :
- à titre principal, de dire la clause relative aux indemnités de résiliation contenues dans le contrat de la société SCT abusives et non écrites,
- à titre subsidiaire, de dire que le contrat de téléphonie fixe et mobile a été résilié aux torts exclusifs de la société SCT et débouter la société SCT de sa demande d'indemnités de résiliation anticipée,
- à titre infiniment subsidiaire, de réduire à néant, voire l'euros symbolique, le montant des deux indemnités de résiliation anticipée,
- en tout état de cause, de débouter la société SCT de ses demandes en disant que la société SCT ne peut se prévaloir de l'article 18.14 des conditions générales du contrat de téléphonie dans la mesure où elle n'a pas fourni les téléphones Iphone 4 S dans le cadre du contrat du 18 mars 2013 ou bien qu'elle ne rapporte pas la preuve que le prix appliqué correspond au tarif en vigueur,
- de lui allouer 3.000 euros en application de l'article 700 du cpc.
Par conclusions notifiées le 19 mars 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS SCT Telecom demande de débouter la SARL Fibre Étanche de ses demandes, de confirmer le jugement et de lui allouer 2.000 euros en application de l'article 700 du CPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'application des règles protectrices du droit de la consommation à la SARL Fibre Étanche :
Un contractant ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives lorsque le contrat qu'il a conclu a un rapport direct avec son activité professionnelle.
Or, un contrat de téléphonie souscrit comme en l'espèce par une société commerciale, qui a pour activité les travaux de couverture et d'étanchéité, a nécessairement un lien direct avec son activité professionnelle notamment pour solliciter ou répondre à ses clients et fournisseurs.
Il convient de débouter la SARL Fibre Étanche de ce chef.
Sur l'exception d'inexécution des prestations contractuelles de la SAS SCT soulevée par la SARL Fibre Étanche :
Pour s'opposer au paiement des indemnités contractuelles de résiliation facturées par la SAS SCT, la SARL Fibre Étanche soulève l'exception d'inexécution contractuelle liée aux difficultés de réception des appels téléphoniques et aux erreurs systématiques de facturation de la société SCT.
Il ressort des pièces soumises aux débats que la SARL Fibre Étanche ne justifie que des difficultés de facturation et de réception sur les seules lignes portables (6 au total) comme cela ressort des attestations produites sans détails des circonstances précises sur les incidents rencontrés mais que la SARL SCT a reconnues elle-même puisque dans un mail du 14 août 2013, Mme A. directrice grands comptes et VIP de la SAS SCT, précise : « à la lecture de votre courrier et après nos conversations, il s'avère que vous avez subi des soucis concernant la flotte mobile (problème de réseau/problème de tarification)... compte tenu des désagréments rencontrés, et après vérification auprès de notre service juridique, je peux vous proposer de nous régler la moitié de ces indemnités pour la partie mobile à savoir 944 euros HT ».
La SARL Fibre Étanche justifie également des anomalies de facturation alléguées et produit notamment les facturations sur la période postérieure au 18 mars 2013 date à laquelle elle avait résilié notamment deux lignes mobiles qui ont été facturées au titre d'options et d'abonnements à partir d'avril 2013, donc avant la résiliation du contrat, et ce jusqu'en août 2013.
En revanche, elle ne justifie pas de difficultés de réception sur les deux lignes fixes.
L'exception d'inexécution est donc partiellement établie et cette inexécution ne présentait pas de gravité suffisante pour justifier la résiliation aux torts du fournisseur.
Sur les demandes de paiement de factures de la SAS SCT :
La SAS SCT produit 3 factures en pièces n° 9,10 et 17 en cause d'appel à l'appui de sa demande en paiement :
- la pièce n°9 est une facture du 31 août 2013 intitulée facture de résiliation mobile pour des prestations « services ponctuels, divers » de 2.258,05 euros TTC,
- la pièce n°10 est une facture du 31 août 2013 intitulée facture de téléphonie mobile pour des prestations abonnements, consommation, matériel et services divers détaillées de 2.195,39 euros TTC
- la pièce n°17 est une facture intitulée facture de résiliation fixe du 31 octobre 2013 pour des « services ponctuels, divers » de 8.365,63 euros TTC.
Si la pièce n°10 est une facture détaillée, en revanche les deux autres factures dites de résiliation ne sont pas détaillées. La SAS SCT renvoie aux conditions générales du contrat du 18 mars 2013 pour justifier de ces montants et en produit copie.
Les conditions générales sont écrites en caractères minuscules et sont ainsi illisibles.
Dans ses conclusions, la SAS SCT détaille les calculs des factures et notamment les indemnités de résiliation dont les stipulations sont illisibles et elle expose que, pour tenir compte des désagréments subis, elle avait réduit à 15 % l'indemnité qui était prévue au contrat pour les téléphones mobiles.
Les indemnités de résiliation demandées sont des dommages-intérêts pour résiliation anticipée par une partie ; il s'agit donc bien d'une clause pénale.
La SARL Fibre Étanche invoque les dispositions de l'article 1152 du code civil qui précisent en matière de contrat et de clause pénale : « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite ».
Eu égard aux explications de la SAS SCT sur les indemnités de résiliation, la cour les juge manifestement disproportionnées ; les clauses portent sur la moyenne de la consommation sur les trois derniers mois multipliés par les mois à échoir si le contrat avait été poursuivi soit 43 mois en l'espèce.
La cour réduit la clause à juste proportion soit pour les lignes fixes à 1.600 euros TTC et pour les lignes mobiles qui n'ont pas répondu aux services commandés de façon satisfaisante et ont conduit à la résiliation du contrat global, à 15 euros TTC.
Enfin, la SARL Fibre Étanche dénonce le caractère injustifié des sommes réclamées par la SAS SCT notamment au titre de la fourniture de matériel pour la facture de 2.195,39 euros TTC.
La SARL Fibre Étanche conteste le montant de la prestation « matériel » de 1.931 euros HT alors que le prix moyen d'un I phone 4S est d'environ 200 euros et qu'il était prévu dans le dernier contrat du 18 mars 2013 deux I phones « déjà fournis ».
A l'examen du contrat souscrit le 18 mars 2013, aucun prix n'est stipulé pour pouvoir vérifier le montant de la facture en pièce 10 notamment au titre du « matériel ».
A défaut de justification sérieuse des montants facturés de ce chef, la cour ne peut retenir que le montant des abonnements et consommation : 29,04 euros HT soit 34,73 euros TTC.
Il convient d'infirmer le jugement et de condamner la SARL Fibre Étanche à verser à la SAS SCT 34,73 +1.600+15 = 1.649,73 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt à défaut de pouvoir déterminer le montant de la créance préalablement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a condamné la SARL Fibre Étanche à payer à la SAS SCT Telecom la somme de 12.819,23 euros TTC en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter des conclusions.
Et, statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Condamne la SARL Fibre Étanche à payer à la SAS SCT Telecom la somme de 1.649,73 euros TTC en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne la SARL Fibre Étanche aux dépens d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5910 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Intensité du lien avec l’activité - Contrat nécessaire
- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie