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CA CAEN (1re ch. civ.), 25 août 2015

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. civ.), 25 août 2015
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch.
Demande : 14/00177
Date : 25/08/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/01/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5299

CA CAEN (1re ch. civ.), 25 août 2015 : RG n° 14/00177

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La qualité de professionnel du droit de la SCP de notaires exclut qu'elle n'ait pu comprendre la portée du contrat qu'elle a signé, ce même si effectivement les caractères de la police sont très petits, les incidences de ce contrat étant particulièrement importantes eu égard au montant de l'investissement. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté la demande de nullité du contrat et celle tendant à la saisine de la commission des clauses abusives. »

2/ « Il n'est pas dénié par la société Bail Actéa que le contrat de crédit-bail et le contrat d'abonnement sont indivisibles et que la résiliation de l'un emporte résiliation de plein droit de l'autre. Il est acquis que le défaut du paiement des loyers ne découle pas du dysfonctionnement du matériel, pour lequel la responsabilité de l'entreprise de maintenance n'a jamais été recherchée et ne pourrait au surplus plus l'être, mais uniquement du choix d'un autre crédit - bailleur, de la seule initiative de la SCP de notaires, laquelle a estimé ne pas devoir en aviser son cocontractant initial. Il est constant par ailleurs que le contrat prévoit que le locataire s'interdit d'invoquer contre le bailleur toute exception d'inexécution pour différer le paiement des loyers (article 6). Il est admis par la SCP de notaires qu'elle ne s'est plus acquittée des échéances dues au titre du contrat de mars 2006 à compter du mois de mai 2009. C'est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu que le contrat était résilié de plein droit à ses torts. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 AOÛT 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00177. ORIGINE : Décision du tribunal de grande instance de LISIEUX en date du 9 décembre 2013 - R.G. n° 12/00376.

 

APPELANTE :

SCP X.

prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN, assistée de Maître Marc REYNAUD, avocat au barreau de LISIEUX,

 

INTIMÉES :

SA BAIL ACTEA

prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Alain LECHEVALLIER, avocat au barreau de CAEN, assistée de Maître Serge DIEBOLT, avocat au barreau de PARIS

SAS ALTERNATIVE TÉLÉCOM

prise en la personne de son mandataire liquidateur judiciaire Mme P. demeurant [adresse], non représentée bien que régulièrement assignée

 

DÉBATS : A l'audience publique du 2 juin 2015, sans opposition du ou des avocats, Madame PIGEAU, président de chambre et Madame SERRIN, conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame FLEURY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame PIGEAU, président de chambre, rédacteur, Madame SERRIN, conseiller, Monsieur TESSEREAU, conseiller,

ARRÊT : mis à disposition au greffe le 25 août 2015 et signé par Madame PIGEAU, président, et Madame FLEURY, greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Bail Actéa, suivant contrat du 22 mars 2006 donne à bail à la SCP Y. devenue la SCP X., ci après dénommée la SCP de notaires, une installation téléphonique dénommée « serveur VPN et sécurisation des accès internet SN 0601170044 ».

La société de notaires signe avec la société Alternative Télécom un contrat d'abonnement et de maintenance à effet à la même date.

Le matériel appartient à la société Bail Actéa pour avoir été acquis auprès de la société Alternative Télécom (facture du 31 mars 2006).

Le contrat de crédit bail prend effet à la date de la livraison du matériel soit au 27 avril 2006 et la SCP de notaires s'engage à verser un loyer mensuel de 1.340 euros HT pendant 60 mois.

L'installation ne fonctionne pas ou mal et le 19 février 2009 la SCP de notaires signe avec la société Alternative Télécom un contrat de livraison et de maintenance - portant sur «reprise du contrat et accès SDSL à débit garanti sur le site de Lisieux», la mention rachat étant expressément cochée - aux mêmes conditions financières que le marché initial.

La société Bail Actéa donne, par courrier du 2 mars 2009 adressé à la société Alternative Télécom, son accord de principe pour le rachat du contrat (après paiement de l'échéance de février 2009) à hauteur de 33.213,13 euros HT et confirme cet accord le 28 mai 2009 en sollicitant de la société Alternative Télécom, au cas de cession du matériel à un tiers, qu'elle en fournisse les coordonnées bancaires pour procéder à la facturation.

Deux mensualités dues au titre du contrat Bail Actéa sont encore prélevées par le crédit bailleur et remboursées par la suite par la société Alternative Télécom à la SCP de notaires laquelle - suite à un courrier de la société Bail Actéa (juin 2009) - répond avoir fait opposition aux prélèvements en raison du changement de crédit bailleur, ayant fait choix de la société BNP Lease.

La société Alternative Télécom dépose le bilan et est déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 12 janvier 2010.

Le matériel mis en place en mars 2006, soit le serveur de série SN 0601170044, est restitué à la société Bail Actéa le 2 septembre 2014.

 

Sur assignation des 16 et 24 août 2011 de la société Bail Actéa et par jugement du 9 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Lisieux a :

- rejeté la demande de résolution du contrat de location,

- dit n'y avoir lieu à saisine de la commission des clauses abusives,

- constaté la résiliation de plein droit du contrat de location, aux torts de la SCP de notaires et à effet au mois de mai 2009,

- condamné la SCP de notaires, en l'absence de restitution du matériel, à payer à la société Bail Actéa au paiement des 23 mensualités encore dues depuis le mois de mai 2009, soit la somme de 30.820 euros, outre 1.541 euros à titre de clause pénale, les dites sommes étant majorées de la TVA applicable au jour du paiement et des intérêts au taux légal avec application des règles de l'anatocisme,

- condamné la SCP de notaires, au titre du préjudice de jouissance de la société propriétaire, au paiement d'une indemnité mensuelle de 500 euros, ce de la date de signification du jugement à la date effective de restitution,

- accordé la société Bail Actéa 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

 

La SCP X. en interjette appel le 16 janvier 2014.

Au terme de ses dernières écritures (26 mai 2015), la SCP de notaires conclut à l'infirmation du jugement et sollicite :

A titre principal, la résolution aux torts de la société Alternative Télécom du contrat d'abonnement de télécom et aux torts de la société Bail Actéa celle du contrat de location. A défaut elle demande qu'il soit retenu qu'elle est fondée à opposer au loueur l'exception d'inexécution.

Elle sollicite « à tout le moins » la résiliation des deux contrats aux torts de la société Bail Actéa, ce à effet au 19 février 2009, à défaut au 19 juin 2009 et à défaut encore au 12 janvier 2010.

A titre subsidiaire et sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, elle sollicite la nullité de l'ensemble des clauses figurant aux conditions générales du contrat de location, celles ci étant « inférieures au corps 8, conformément à la recommandation de la commission des clauses abusives n° 91-04 », les obligations du contrat créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

A défaut, elle demande que soit sollicité l'avis de cette commission, ce au visa de l'article 534-4 du code de la consommation.

Elle conclut au rejet des demandes de la société Bail Actéa à qui elle réclame 50.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1147 et 1184 du code civil et 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande l'infirmation du jugement en ce qu'elle a été condamnée au paiement des mensualités impayées, le bailleur n'étant plus fondé à les solliciter à compter du mois de février 2009, à défaut de juin 2009 et à défaut encore à compter du mois de janvier 2010.

Elle sollicite en cas de condamnation, la réduction à un montant de principe de la clause pénale (0,01 %).

Elle demande en toute hypothèse d'être déchargée de toute condamnation au titre du préjudice de jouissance, et à défaut la limiter à 20 euros/mois dans une limite de douze mois, et de toute condamnation au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La société Bail Actéa a conclu pour la dernière fois à la confirmation du jugement sauf à obtenir la somme de 22.852,49 euros HT - et subsidiairement celle de 61.640 HT- au titre de son préjudice de jouissance, ce en application de l'article 12.2 du contrat de location.

Elle demande 7.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle qu'entre mars 2006 et février 2009 la société de maintenance a rempli normalement ses obligations (les dysfonctionnement ultérieurs visant nécessairement le nouveau matériel installé en application du contrat de février 2009), que la difficulté qui l'oppose actuellement à la SCP de notaires découle du seul défaut de restitution par la société de maintenance des fonds encore dus par suite de la succession des contrats et qu'enfin en ce qui la concerne, il n'a jamais été mis fin au contrat de location initial.

Elle considère que la SCP de notaires ne peut lui opposer aucune novation.

Se prévalant des dispositions contractuelles liant les parties, elle soutient pouvoir solliciter utilement les loyers impayés, indemnité de résiliation et de retard (36.400,86 euros), outre TVA en vigueur et intérêts conventionnels

Elle chiffre son indemnité au titre de la perte de jouissance, à la somme de 61.640 euros HT, tout en admettant que la valeur financière du matériel n'excède pas 22.852,49 euros.

La société Alternative Télécom, à qui seules la déclaration d'appel et les premières conclusions (avril 2014) de l'appelante ont été signifiées, n'a pas constitué.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Sur la demande relative aux clauses générales du contrat :

La qualité de professionnel du droit de la SCP de notaires exclut qu'elle n'ait pu comprendre la portée du contrat qu'elle a signé, ce même si effectivement les caractères de la police sont très petits, les incidences de ce contrat étant particulièrement importantes eu égard au montant de l'investissement.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté la demande de nullité du contrat et celle tendant à la saisine de la commission des clauses abusives.

 

Sur la résolution du contrat :

Les pièces versées aux débats, y compris celles consistant en des notes internes de la SCP de notaires montrent les dysfonctionnements dont a pu être atteint le système mis en place en mars 2006 entre juillet 2006 et octobre 2008.

De nouveaux dysfonctionnements sont relevés en mai 2009, ce que constate un procès verbal d'huissier daté du 28 mai.

Dans ce constat il est indiqué que l'office notarial exploite son étude principale à [ville L.] mais qu'elle a un bureau secondaire dans deux autres villes, que le système mis en place - qui consistait notamment à relier ces bureaux annexes au serveur central se trouvant à Lisieux via une ligne téléphonique ADSL - a dysfonctionné de façon réitérée (connexion très lente voire inexistante).

Outre que de ces pièces ne résulte pas la preuve que ce problème de connexion résulte d'un défaut de fonctionnement structurel de l'ensemble de l'équipement mis en place en 2006, il résulte du contrat du 19 février 2009 que la société Alternative Télécom avait nécessairement mis en place, à cette date du mois de mai 2009, un autre système de communication, ce qu'établit à elle seule la souscription d'un autre contrat de crédit bail avec la société BNP Lease, contrat qui n'aurait eu à défaut aucune cause utile.

N'est donc pas établie la preuve qu'entre mars 2006 et février 2009, le prestataire du contrat d'abonnement (maintenance) n'a pas rempli ses obligations au titre du matériel acquis par la société Bail Actéa.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de résolution du contrat.

 

Sur la résiliation du contrat :

Il n'est pas dénié par la société Bail Actéa que le contrat de crédit-bail et le contrat d'abonnement sont indivisibles et que la résiliation de l'un emporte résiliation de plein droit de l'autre.

Il est acquis que le défaut du paiement des loyers ne découle pas du dysfonctionnement du matériel, pour lequel la responsabilité de l'entreprise de maintenance n'a jamais été recherchée et ne pourrait au surplus plus l'être, mais uniquement du choix d'un autre crédit - bailleur, de la seule initiative de la SCP de notaires, laquelle a estimé ne pas devoir en aviser son cocontractant initial.

Il est constant par ailleurs que le contrat prévoit que le locataire s'interdit d'invoquer contre le bailleur toute exception d'inexécution pour différer le paiement des loyers (article 6).

Il est admis par la SCP de notaires qu'elle ne s'est plus acquittée des échéances dues au titre du contrat de mars 2006 à compter du mois de mai 2009.

C'est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu que le contrat était résilié de plein droit à ses torts.

 

Sur les conséquences de la résiliation :

Le contrat de location était conclu pour 5 ans soit jusqu'au mois de mars 2011 et au terme de l'article 12 du contrat, la SCP de notaires s'engageait à le restituer au bailleur sauf à être reconnue redevable d'indemnités d'utilisation fixées sur la base des douze derniers mois de la location au prorata temporis.

En admettant même que le locataire ait pu considérer, même à tort, qu'il appartenait à la société Alternative Télécom de mettre fin au contrat initial, il n'était pas dispensé pour autant de restituer le matériel, ce dont il s'est manifestement délibérément abstenu pendant plusieurs années puisqu'il n'a été restitué qu'en 2014.

C'est donc à bon droit que le tribunal a condamné la SCP de notaires au paiement des mensualités encore dues soit à la somme de 30.820 euros (23 x 1.340 euros).

A cette somme doivent s'ajouter d'une part le montant de la clause pénale dont le montant sera réduit à 5 % des sommes HT dues, soit 1.541 euros, et d'autre part (eu égard au caractère excessif des sanctions conventionnellement prévues) les seuls intérêts au taux légal échus depuis, non la délivrance de l'assignation comme retenue par le premier juge, mais le 25 octobre 2010, date de délivrance de la sommation.

Ces sommes doivent être majorées du montant de la TVA applicable au jour du paiement.

La société Bail Actéa reconnaît dans ses écritures que la valeur vénale actuelle du matériel ne dépasse pas 22.852,49 euros.

Cette somme lui sera accordée en réparation de son préjudice de jouissance, lié à l'absence de restitution pendant plus de cinq ans et par suite à l'impossibilité d'une revente même d'occasion.

Obligée de se défendre sur cette procédure d'appel, la société Bail Actéa est fondée à être défrayée de partie de ses frais irrépétibles, ce à hauteur de 3.500 euros.

Perdant sur l'ensemble de ses prétentions la SCP X. ne peut prétendre à une quelconque indemnisation et doit supporter les entiers dépens de la procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Chiffre à 22.852,49 euros le préjudice de jouissance de la société Bail Actéa,

Infirme dans cette seule limite le jugement du 9 décembre 2013,

Le confirme en toutes ses autres dispositions,

Condamne la SCP X. au paiement d'une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens de la procédure,

Dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT

E. FLEURY                           D. PIGEAU