CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 22 septembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 22 septembre 2015
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 11e ch. A
Demande : 14/02447
Décision : 2015/446
Date : 22/09/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 446
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-021907
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5325

CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. A), 22 septembre 2015 : RG n° 14/02447 ; arrêt n° 2015/446

Publication : Jurica

 

Extrait : « 2. Invoquant le caractère inadapté de l'indice du coût de la construction (ICC), la SAS Odalys Résidences fait valoir qu'un projet de loi du 21 août 2013 relatif à l'artisanat et au commerce prévoit la substitution d'autres indices à cet indice.

La loi Pinel prise le 18 juin 2014 a effectivement prévu le remplacement de l'ICC par l'indice des loyers commerciaux, mais pour les contrats conclus ou renouvelés à partir du 1er septembre 2014. Il n'existe pas encore en droit commun des contrats, de texte qui, à l'instar de l'article L. 442-6, 2 du Code de commerce sur le fondement duquel est rendue la jurisprudence citée par la SAS Odalys Résidences, invite les parties à renégocier leur contrat dans l'hypothèse d'un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations, texte attendu prochainement en application de la loi 2015-177 du 16 février 2015, autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et dont un projet d'ordonnance prévoit l'introduction dans le code civil, d'un article 1169 consacrant la possibilité pour les parties d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances et la suppression par le juge de la clause qui créé un déséquilibre significatif entre leurs droits et obligations. Les bailleurs ont agi dans le respect du contrat de bail que leur a proposé la SAS Odalys Résidences et auquel ils ont adhéré, aucune faute d'exécution de ce contrat ne pouvant leur être reprochée du fait de l'application du mécanisme de revalorisation du loyer en application de l'indice du coût de la construction choisi comme indice de référence par la société preneur.

La SAS Odalys Résidences explique que sur la période considérée, la hausse tarifaire annuelle des locations saisonnières qu'elle a proposées aux vacanciers n'a pas atteint 1 %, en raison de la concurrence très forte du secteur des résidences de tourisme. Elle ajoute que, sauf à prendre le risque de voir le nombre de locations s'effondrer, elle se trouve dans l'impossibilité d'augmenter le prix de ces locations, ce qui s'est traduit pour l'exercice 2007/2008 à une perte de 68.033,04 euros. Comme l'avait déjà souligné le premier juge, et comme à nouveau devant la cour, aucun élément probant ne vient corroborer cette affirmation de perte financière, caractérisant à tout le moins une contradiction avec le fait d'alléguer un déséquilibre économique qui doit être apprécié in concreto. »

 

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

ONZIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/02447. Arrêt n° 2015/ 446. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 9 janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 12/04128.

 

APPELANTE :

SAS ODALYS RESIDENCES

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [adresse], représentée par Maître Christine MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Maître USANNAZ-JORIS Charlotte, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Cécile RODRIGUEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Cécile RODRIGUEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 juin 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Sylvie PEREZ, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Mme Véronique BEBON, Présidente, Madame Frédérique BRUEL, Conseillère, Madame Sylvie PEREZ, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2015.

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2015, signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Odalys Résidences exploite une résidence de tourisme dont l'ensemble des lots appartiennent à des investisseurs privés qui les lui ont donnés à bail commercial.

C'est ainsi que par acte sous seing privé en date du 19 septembre 2003, à effet du 21 décembre 2004, les époux X. ont donné à bail commercial pour 11 années et 9 mois à la SAS Odalys Résidences un appartement situé [...] en vue de sa sous-location, moyennant un loyer de 8.424,17 euros TTC, révisable tous les trois ans selon la variation de l'indice du coût de la construction.

Par lettre du 21 juin 2007, la SAS Odalys Résidences a fait savoir aux bailleurs son opposition à la revalorisation triennale des loyers telle que prévue au bail au motif du déséquilibre que lui causerait l'exécution de la convention et a proposé aux bailleurs qui l'ont refusée, la réduction de l'indexation triennale plafonnée à 2 % par an.

La SAS Odalys Résidences appliquant une revalorisation minorée du loyer, Monsieur et Madame X. l'ont assignée devant le tribunal de grande instance d'Aix-En-Provence qui, par jugement du 9 janvier 2014, assorti de l'exécution provisoire, a condamné la locataire à payer aux époux X. le montant des loyers en numéraire pour une somme de 4.999,16 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2008 et capitalisation des intérêts par année entière outre une compensation supplémentaire pour la partie du loyer payable en nature à usage d'hébergement dans un appartement de la résidence, pour la somme de 3.382,72 euros TTC, dans les mêmes conditions d'intérêts, dit que le loyer révisé est d'un montant annuel de 7.984,70 euros TTC pour sa partie en numéraire et 3.993,09 euros TTC pour sa partie en nature et a condamné la SAS Odalys Résidences au paiement de la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile celle-ci étant déboutée de toutes ses demandes.

La société Odalys Résidence a interjeté appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 3 juin 2015, elle conclut à l'infirmation du jugement et statuant à nouveau, demande à la cour d'une part de dire et juger que l'augmentation de l'indice du coût de la construction entre la prise d'effet du bail et la première révision triennale constitue un bouleversement de l'économie du contrat au vu de la situation respective des parties contractantes et que le refus des bailleurs de renégocier les modalités d'indexation du loyer en considération de l'augmentation disproportionnée de l'indice conventionnel constitue une exécution fautive du contrat et d'autre part de débouter les intimés de leurs demandes et les condamner au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, la SAS Odalys Résidences demande de dire et juger que la part de loyer en nature par l'octroi d'un budget vacances doit être indexée de manière identique à la part payable en numéraire, ne peut donner lieu à une condamnation pécuniaire, ni en denier et quittance mais seulement à une condamnation à l'octroi d'un budget vacances supplémentaires et que les sommes résultant de l'indexation conventionnelle du loyer pour la période du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2013 ne sauraient excéder la somme de 3.080,47 euros au titre du loyer payable en numéraire et dire et juger que le loyer révisé ne pourra excéder le montant annuel de 6.819,44 euros pour sa partie en numéraire et de 3.410,36 euros pour sa partie en nature.

Elle fait valoir que le coût de la construction a « littéralement explosé » entre la prise d'effet du bail et la date d'échéance de la première révision triennale, en ce qu'il entraîne une augmentation de loyer de 13,25 % et que cet indice n'est pas adapté comme indice de référence pour la révision des loyers des baux commerciaux.

Par conclusions notifiées le 2 juillet 2014, les époux X. concluent à la radiation de l'affaire en application de l'article 526 du Code de procédure civile et à la confirmation du jugement sauf à préciser que les condamnations seront prononcées en deniers ou quittances et concernant leur demande de dommages intérêts d'un montant de 2.500 euros. Ils concluent également au débouté de la SAS Odalys Résidences de ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés rappellent notamment les dispositions de l'article 1134 du Code civil et font valoir que les difficultés économiques alléguées par la locataire ne sont justifiées par aucune pièce.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Seul le conseiller de la mise en état, à l'exclusion de la juridiction d'appel elle-même, peut procéder à la radiation sollicitée par les époux X. par application des dispositions de l'article 526 du Code de procédure civile.

En conséquence de quoi cette demande est rejetée.

2. Invoquant le caractère inadapté de l'indice du coût de la construction (ICC), la SAS Odalys Résidences fait valoir qu'un projet de loi du 21 août 2013 relatif à l'artisanat et au commerce prévoit la substitution d'autres indices à cet indice.

La loi Pinel prise le 18 juin 2014 a effectivement prévu le remplacement de l'ICC par l'indice des loyers commerciaux, mais pour les contrats conclus ou renouvelés à partir du 1er septembre 2014.

Il n'existe pas encore en droit commun des contrats, de texte qui, à l'instar de l'article L. 442-6, 2 du Code de commerce sur le fondement duquel est rendue la jurisprudence citée par la SAS Odalys Résidences, invite les parties à renégocier leur contrat dans l'hypothèse d'un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations, texte attendu prochainement en application de la loi 2015-177 du 16 février 2015, autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et dont un projet d'ordonnance prévoit l'introduction dans le code civil, d'un article 1169 consacrant la possibilité pour les parties d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances et la suppression par le juge de la clause qui créé un déséquilibre significatif entre leurs droits et obligations.

Les bailleurs ont agi dans le respect du contrat de bail que leur a proposé la SAS Odalys Résidences et auquel ils ont adhéré, aucune faute d'exécution de ce contrat ne pouvant leur être reprochée du fait de l'application du mécanisme de revalorisation du loyer en application de l'indice du coût de la construction choisi comme indice de référence par la société preneur.

La SAS Odalys Résidences explique que sur la période considérée, la hausse tarifaire annuelle des locations saisonnières qu'elle a proposées aux vacanciers n'a pas atteint 1 %, en raison de la concurrence très forte du secteur des résidences de tourisme. Elle ajoute que, sauf à prendre le risque de voir le nombre de locations s'effondrer, elle se trouve dans l'impossibilité d'augmenter le prix de ces locations, ce qui s'est traduit pour l'exercice 2007/2008 à une perte de 68.033,04 euros.

Comme l'avait déjà souligné le premier juge, et comme à nouveau devant la cour, aucun élément probant ne vient corroborer cette affirmation de perte financière, caractérisant à tout le moins une contradiction avec le fait d'alléguer un déséquilibre économique qui doit être apprécié in concreto.

La SAS Odalys Résidences sera par conséquent déboutée de ses demandes tendant à faire constater l'existence d'un déséquilibre économique de la convention des parties.

3. Le bail prévoit que le loyer est scindé en deux se décomposant en une partie en numéraire, et l'autre en nature, pour un montant de 2.808,41 euros TTC, payable par compensation de l'usage d'un appartement de la résidence « Les Chalets de l'A. » ou dans un appartement de la brochure d'ODALYS hiver/été.

La SAS Odalys Résidences fait reproche aux bailleurs de solliciter une condamnation pécuniaire notamment pour la partie du loyer en nature alors que la révision de ce loyer ne peut être exprimée que par une augmentation du budget vacances ainsi que jugé en première instance, de sorte qu'il n'y a pas lieu de réformer le jugement sur ce point.

Concernant le calcul du loyer en numéraires, c'est par une juste analyse des éléments de la cause que le premier juge, répondant aux moyens exprimés en fait et en droit et notamment relativement à la date de prise en compte de l'indice du 4e trimestre 2004, a chiffré le montant dudit loyer, de sorte que le jugement sera confirmé, sauf à prévoir que la condamnation est prononcée en deniers ou quittance.

4. Monsieur et Madame X. sollicitent la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts, expliquant qu'un bras de fer s'est engagé avec la SAS Odalys Résidences qui a tenté d'imposer sa loi aux copropriétaires de la résidence.

La circonstance selon laquelle celle-ci aurait tenté de modifier les règles de perception des paiements attachés aux charges de copropriété est sans lien avec le présent litige.

Par contre, l'imposition unilatérale de règles de révision du loyer minorée par la SAS Odalys Résidences justifie la demande de dommages et intérêts formée par les intimés à hauteur de la somme de 1.000 euros au paiement de laquelle elle est condamnée.

La SAS Odalys Résidences est également condamnée à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,

Rejette la demande de radiation du rôle de l'affaire formée par les époux X. ;

Confirme le jugement du 9 janvier 2014 prononcé par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence sauf à préciser que la condamnation du loyer en numéraires est prononcée en deniers ou quittance et sauf la demande de dommages et intérêts ;

Y ajoutant :

Condamne la SAS Odalys Résidences à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Confirme ce jugement en toutes ses autres dispositions non contraires ;

Condamne la SAS Odalys Résidences à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SAS Odalys Résidences aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE,                 LA PRÉSIDENTE,