CASS. COM., 17 novembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5366
CASS. COM., 17 novembre 2015 : pourvoi n° 14-16012 ; arrêt n° 988
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Le liquidateur qui demande, à titre principal, la nullité d’un acte sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1-I-2° du code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers de sorte qu’une clause compromissoire stipulée à l’acte litigieux est manifestement inapplicable au litige ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, après avertissement délivré aux parties, la décision se trouve justifiée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 14-16012. Arrêt n° 988.
DEMANDEUR à la cassation : Société CPF (société Carrefour proximité France)
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
Mme Mouillard (président), président. SCP Odent et Poulet, SCP Sevaux et Mathonnet, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 20 février 2014), que le 2 novembre 1998, M. et Mme X. ont conclu avec la société Prodim, aux droits de laquelle vient la société Carrefour proximité France (la société CPF), un contrat de franchise ; que par un acte du 4 novembre 2008 comportant une clause compromissoire, les parties sont convenues de la résiliation du contrat de franchise sans indemnité de part et d’autre ; que le 6 mars 2009, M. X. a été mis en liquidation judiciaire ; que la date de cessation des paiements ayant été fixée au 30 juin 2008, le liquidateur a assigné la société CPF devant le tribunal de la procédure collective en nullité de la convention de résiliation sur le fondement de l’article L. 632-1-I-2° du code de commerce, estimant qu’il s’agissait d’un contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédaient notablement celles de la société CPF ; que celle-ci, se prévalant de la clause compromissoire, a soulevé l’incompétence du tribunal de la procédure collective au profit du tribunal arbitral ; que cette exception ayant été rejetée, elle a formé un contredit ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société CPF fait grief à l’arrêt de rejeter le contredit alors, selon le moyen :
1°/ qu’il appartient à l’arbitre et à lui seul de se prononcer par priorité, sous le contrôle seulement a posteriori du juge de l’annulation ou de l’exequatur, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage ; que l’application de la convention d’arbitrage peut être revendiquée contre des tiers au contrat dans lequel elle est insérée, ou bien confrontée à des règles de compétence internes d’ordre public, en particulier contre le liquidateur se substituant au débiteur dessaisi pour agir en son nom, dans le cadre d’une action en nullité et en allocation de dommages-intérêts ; qu’en l’espèce, pour rejeter les exceptions d’incompétence soulevées par la société CPF au profit du tribunal arbitral et retenir la compétence du juge de la faillite, la cour s’est bornée à retenir que la convention contestée de résiliation était intervenue pendant la période suspecte ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’inapplicabilité ou la nullité manifeste de la clause compromissoire, seule susceptible de faire échec au principe de « compétence-compétence », la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble du principe de « compétence-compétence » ;
2°/ que l’action du liquidateur en indemnisation des conséquences de l’annulation d’un contrat, prétendument déséquilibré et signé pendant la période suspecte, relève de la compétence des tribunaux de droit commun ; qu’à défaut de tout constat d’inapplicabilité ou de nullité manifeste de la clause compromissoire, il appartenait au seul tribunal arbitral de se prononcer sur l’étendue de sa propre compétence ; qu’en se soustrayant à cette compétence, la cour a excédé ses pouvoirs et violé les articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble le principe de « compétence-compétence » ;
3°/ que le liquidateur avait fait découler sa demande de nullité de la période suspecte de celle sollicitée, par ailleurs, au titre d’un déséquilibre significatif prétendu, sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce ; qu’en ne recherchant dès lors pas, comme elle y était explicitement invitée par la société CPF, si elle ne devait pas se déclarer incompétente du chef de la demande de nullité pour déséquilibre significatif au profit du tribunal arbitral, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que le liquidateur qui demande, à titre principal, la nullité d’un acte sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1-I-2° du code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers de sorte qu’une clause compromissoire stipulée à l’acte litigieux est manifestement inapplicable au litige ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, après avertissement délivré aux parties, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Carrefour proximité France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3.000 euros à la SELARL Y. Z., en qualité de liquidateur judiciaire de M. X., et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille quinze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour proximité France
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR dit mal fondé le contredit de compétence formé par la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et confirmé ce jugement en ce qu’il avait rejeté les exceptions d’incompétence soulevées par ladite société,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QU’il résulte des dispositions de l’article R. 662-3 du code de commerce, selon lesquelles « sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge commissaire, le tribunal saisi d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8 » que le tribunal de la procédure collective est investi d’une compétence exclusive d’ordre public pour connaître des contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles celle-ci exerce une influence juridique ; qu’une action née de la procédure collective étant celle qui n’aurait pu être exercée sans jugement d’ouverture, ainsi de l’action en nullité prévue par l’article L. 632-1 du code de commerce concernant les actes ou contrats intervenus au cours de la période s’étendant de la date de la cessation des paiements à celle du jugement d’ouverture de la procédure collective dont l’article L. 632-4 du même code réserve l’exercice à certains organes de celle-ci et précise qu’elle a pour effet de reconstituer l’actif du débiteur ce dont il résulte qu’elle tend, outre à la nullité de l’acte en cause, à l’indemnisation du préjudice résultant de sa conclusion, les premiers juges ont exactement rejeté les exceptions d’incompétence soulevées par la société CPF dès lors que le jugement rendu le 6 mars 2009 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de M. X. a fixé la date de la cessation des paiements au 30 juin 2008 et que la convention contestée de résiliation du contredit de franchise dont bénéficiait le débiteur a été conclue le 4 novembre 2008 ; qu’aucun des éléments de la cause ne conduit à considérer, alors que Maître Y., es qualités, qui sollicite indemnisation à hauteur de 200.000 € de préjudice résultant de la résiliation précitée, s’abstient de produire aux débats un quelconque document relatif à l’évaluation de celui-ci, qu’il est en l’espèce de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive ; qu’il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 89 du code de procédure civile relatives à la possibilité d’évocation du fond ; qu’attendu que la société CPF, partie succombante en son exception d’incompétence, sera condamnée aux dépens du contredit ainsi qu’à payer à Maître Y., es qualités, la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de cette procédure ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1° ALORS QU’il appartient à l’arbitre et à lui seul de se prononcer par priorité, sous le contrôle seulement a posteriori du juge de l’annulation ou de l’exequatur, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage ; que l’application de la convention d’arbitrage peut être revendiquée contre des tiers au contrat dans lequel elle est insérée, ou bien confrontée à des règles de compétence internes d’ordre public, en particulier contre le liquidateur se substituant au débiteur dessaisi pour agir en son nom, dans le cadre d’une action en nullité et en allocation de dommages-intérêts ; qu’en l’espèce, pour rejeter les exceptions d’incompétence soulevées par la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE au profit du tribunal arbitral et retenir la compétence du juge de la faillite, la cour s’est bornée à retenir que la convention contestée de résiliation était intervenue pendant la période suspecte ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser F inapplicabilité ou la nullité manifeste de la clause compromissoire, seule susceptible de faire échec au principe de « compétence-compétence », la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble du principe de « compétence-compétence » ;
2° ALORS QUE l’action du liquidateur en indemnisation des conséquences de l’annulation d’un contrat, prétendument déséquilibré et signé pendant la période suspecte, relève de la compétence des tribunaux de droit commun ; qu’à défaut de tout constat d’inapplicabilité ou de nullité manifeste de la clause compromissoire, il appartenait au seul tribunal arbitral de se prononcer sur l’étendue de sa propre compétence ; qu’en se soustrayant à cette compétence, la cour a excédé ses pouvoirs et violé les articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble le principe de « compétence-compétence » ;
3° ALORS. EN TOUTE HYPOTHESE. QUE Maître Y., es qualités, avait fait découler sa demande de nullité de la période suspecte de celle sollicitée, par ailleurs, au titre d’un déséquilibre significatif prétendu, sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce ; qu’en ne recherchant dès lors pas, comme elle y était explicitement invitée par la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, si elle ne devait pas se déclarer incompétente du chef de la demande de nullité pour déséquilibre significatif au profit du tribunal arbitral, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1466 et 1458 du code de procédure civile, ensemble de l’article L. 442-6 du code de commerce.